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05/07/2023 | FRANCE | N°21/02170

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 juillet 2023, 21/02170


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 5 JUILLET 2023



N° RG 21/02170

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTZQ



AFFAIRE :



[Z] [N]





C/



Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 3 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : Ar>
N° RG : F 20/00487



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Julia AZRIA



Me Sophie CORMARY



Me Isabelle ROY-MAHIEU





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 JUILLET 2023

N° RG 21/02170

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTZQ

AFFAIRE :

[Z] [N]

C/

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 3 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : A

N° RG : F 20/00487

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Julia AZRIA

Me Sophie CORMARY

Me Isabelle ROY-MAHIEU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 14 juin 2023 puis prorogée au 5 juillet 2023, dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [N]

né le 20 janvier 1986 à [Localité 4]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Julia AZRIA, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 22

APPELANT

****************

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué à l'audience par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de Versailles

Société [G] PECOU ès-qualités de mandataire liquidateur de la société LES JARDINS DE DEMAIN

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Isabelle ROY-MAHIEU de la SCP SCP PIERREPONT & ROY-MAHIEU, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0527

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [N] a été engagé en qualité d'ouvrier paysagiste, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2015 par la société Les jardins de demain.

Cette société était spécialisée dans l'aménagement paysager. M. [N] était le seul salarié de la société. Elle appliquait la convention collective nationale des entreprises du paysage.

Le salarié ne s'est pas présenté sur un chantier le 13 janvier 2020 au matin.

Il a été licencié par lettre du 13 janvier 2020 pour non présentation au poste dans les termes suivants :

« Je vous signifie par ce courrier en recommandé avec accusé de réception votre renvoi immédiat de ma société pour non présentation à votre poste lundi 13 janvier 2020 à 8h00 sans motif justifié et sans justificatif réceptionné ou remis en main propre dans les délais. Votre dernier jour travaillé est le vendredi 10 janvier 2020 fin de votre travail à 17h00.

Je vous rappelle de plus que vous avez reçu un avertissement en recommandé pour un tout autre motif le 17/11/2019. »

Par lettre du 17 janvier 2020, le salarié a affirmé que son absence était justifiée par un arrêt de travail et qu'il reprendrait ce dernier le 20 janvier 2020.

Cette contestation a été renouvelée par lettre du 28 janvier 2020.

Le 31 janvier 2020, M. [M], défenseur syndical, a informé la société que le licenciement prononcé le 13 janvier 2020 était irrégulier puisqu'aucun entretien préalable n'avait été tenu.

Par lettre du 7 février 2020, l'employeur, répondant au défenseur syndical, a maintenu sa position selon laquelle l'absence de M. [N] justifiait parfaitement son licenciement mais reconnaissait avoir commis une erreur en ne le convoquant pas à un entretien préalable.

Par deux lettres du même jour, l'employeur a signifié au salarié qu'il le réintégrait mais lui a adressé une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 18 février 2020.

Le 9 mars 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, au fond, aux fins d'obtenir le paiement d'un rappel de salaire de décembre 2019, des indemnités de déplacement du 1er décembre 2019 au 13 janvier 2020 et des dommages-intérêts pour absence de rémunération de février à août 2020, voir déclarer ces sommes opposables à l'AGS et ordonner l'exécution provisoire.

Le 13 mai 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre, en référé, aux fins d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser ses salaires.

Par jugement du 20 mai 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert à l'encontre de la société Les jardins de demain une procédure de liquidation judiciaire. M. [I] [G] a été nommé en qualité de mandataire liquidateur.

Par lettre du 29 juin 2020, M. [G] a convoqué M. [N] à un entretien préalable en vue de son licenciement pour motif économique à titre conservatoire.

M. [G], estimant que le contrat de travail a été rompu le 13 janvier 2020, lui a versé l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité de licenciement, le solde de congés payés et le solde de salaires impayés, et lui a remis l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail.

Le 24 août 2020, M. [N] s'est désisté de son instance devant la formation des référés.

Par jugement du 3 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section agriculture) a :

- débouté M. [Z] [N] de l'intégralité de ses demandes,

- mis les dépens à la charge de M. [N] en application des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile comprenant la signification éventuelle du présent jugement par voie d'huissier de suite ainsi qu'à ses suites.

Par déclaration adressée au greffe le 6 juillet 2021, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance d'incident du 1er juin 2022, le conseiller de la mise en état de la 17e chambre a :

- rejeté la demande tendant à constater l'irrecevabilité de la déclaration d'appel de M. [N],

- rejeté la demande tendant à dire irrecevables les conclusions d'appelant de M. [N],

- rejeté les demandes de l'association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST tendant juger irrecevables car nouvelles en appel les demandes :

. de dommages-intérêts au titre du « licenciement abusif car nul »,

. de dommages-intérêts au titre du « licenciement abusif car sans cause réelle et sérieuse »,

- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens du présent incident à la charge de la liquidation judiciaire de la société Les jardins de demain et ordonne leur emploi en frais de justice privilégiés.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [N] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 3 juin 2021, en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes,

et statuant à nouveau,

- le juger recevable en toutes ses demandes,

- fixer sur le relevé de créance de la liquidation de l'Eurl Les jardins de demain les sommes suivantes :

. 36 000 euros à titre d'indemnité à titre de de licenciement abusif car nul,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif car sans cause réelle et sérieuse,

. 4 000 euros à titre de dommages et intérêt pour absence de rémunération de février à août 2020,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- toutes sommes opposables aux AGS IDFO.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l'AGS demande à la cour de :

- juger irrecevables car nouvelles, et prescrites, en appel les demandes :

. de dommages-intérêts au titre du « licenciement abusif car nul »,

. de dommages-intérêts au titre du « licenciement abusif car sans cause réelle et sérieuse »,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 3 juin 2021 en toutes ses dispositions,

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

en tout état de cause

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure,

- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

- juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail,

- juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le Mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- condamner M. [N] aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la Selarl [G] Pecou, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Les jardins de demain, demande à la cour de :

- constater l'irrecevabilité des conclusions d'appelant de M. [N] contenant des demandes nouvelles qui n'ont pas été évoquées devant le Conseil de prud'hommes de Nanterre,

en conséquence,

- dire et juger que les conclusions d'appelant de M. [N] sont donc irrecevables,

en tout état de cause,

- débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes.

- condamner M. [N] aux entiers dépens de l'instance.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes en cause d'appel

Le liquidateur de la société Les jardins de demain se fonde sur l'article 564 du code de procédure civile et expose que les conclusions de M. [N] tendent à faire trancher par la cour une demande qui n'a jamais été évoquée devant le conseil de prud'hommes de Nanterre.

L'AGS se fonde également sur l'article 564 du code de procédure civile ainsi que sur les articles R. 1453-3 et R. 1453-5 du code du travail, et rappelle que devant le conseil de prud'hommes, le salarié demandait un rappel de salaire au titre du mois de décembre 2019 et les congés payés afférents, le paiement de ses indemnités de déplacement du 1er décembre 2019 au 13 janvier 2020, des dommages-intérêts pour absence de rémunération de février à août 2020. Elle ajoute qu'en cause d'appel, le salarié présente des demandes totalement différentes, au titre d'un licenciement abusif et d'une indemnité au titre d'un congé de naissance, qu'il n'avait pas présentées devant le conseil de prud'hommes.

En réplique, le salarié conclut que l'argument fondé sur l'article R. 1453-5 du code du travail est inopérant car il n'était pas assisté ou représenté par un avocat en première instance. Invoquant une jurisprudence de la Cour de cassation du 13 janvier 2009 (n°07-42.465), il objecte qu'il n'avait pas expressément renoncé à ses demandes devant le conseil de prud'hommes et que les demandes qu'il forme en cause d'appel ne sont donc pas nouvelles.

***

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article R. 1453-3 du code du travail prévoit que la procédure prud'homale est orale.

L'article R. 1453-5 prescrit que lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues, dans leurs conclusions, de formuler expressément les prétentions ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif. Le bureau de jugement ou la formation de référé ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et il n'est statué que sur les dernières conclusions communiquées.

Lorsque toutes les parties comparantes formulent leurs prétentions par écrit et sont assistées ou représentées par un avocat, elles sont tenues de les récapituler sous forme de dispositif et elles doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. (Soc., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-24.383, publié)

Par ailleurs, une demande ne peut être considérée comme nouvelle en appel lorsque, formée initialement devant la juridiction de première instance, il n'a pas été mentionné dans le jugement que le demandeur y a expressément renoncé.

En l'espèce, selon requête du 9 mars 2020, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes à l'effet de voir l'employeur condamné à lui payer :

. 6000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

. 276 euros à titre d'indemnité pour congé de naissance,

. 4 000 euros à titre de rappel de salaire du 1er février au 31 mars 2020,

. 666 euros à titre de congés payés sur salaire pour la période comprise entre le 1er novembre 2019 et le 29 février 2020,

. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. le complément maladie du 13 au 17 janvier 2020, du 21 au 24 janvier 2020 et du 19 février au 20 mai 2020 « à déterminer »,

. la remise de divers documents sous astreinte journalière de 10 euros.

Selon le jugement du conseil de prud'hommes du 3 juin 2021, M. [N], qui était assisté lors de l'audience du 4 mars 2021 par M. [M], défenseur syndical, et non par un avocat, « développe à la barre les derniers chefs de la demande : M. [N] demande au conseil de fixer sur le relevé de créances de la liquidation de l'EURL Les jardins de demain les sommes suivantes :

. au titre de rappel de salaire de décembre 2019 : 92,31 euros,

. au titre des congés payés afférents : 9,23 euros,

. au titre de paiement des indemnités de déplacement pour la période du 1er décembre 2019 au 13 janvier 2020 : 383,72 euros,

. au titre de dommages-intérêts pour absence de rémunération de février à août 2020 : 11 000 euros,

. toutes sommes opposables à l'AGS,

. Ordonner l'exécution provisoire du jugement. »

En cause d'appel, le salarié demande d'infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 3 juin 2021, en ce qu'il a rejeté toutes ses demandes, et statuant à nouveau, de :

- le juger recevable en toutes ses demandes,

- fixer sur le relevé de créance de la liquidation de l'Eurl Les jardins de demain les sommes suivantes :

. 36 000 euros à titre d'indemnité à titre de de licenciement abusif car nul,

. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif car sans cause réelle et sérieuse,

. 4 000 euros à titre de dommages et intérêt pour absence de rémunération de février à août 2020,

. 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- toutes sommes opposables aux AGS IDFO.

Le jugement ne comporte aucune mention permettant de déduire que le salarié a expressément renoncé aux demandes qu'il avait initialement formées dans sa requête.

En particulier, il n'a pas expressément renoncé à sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et à sa demande relative à sa rémunération.

Les demandes que le salarié soumet à la cour ne sont donc pas nouvelles.

La fin de non-recevoir qui lui est de ce chef opposée sera donc rejetée.

Sur la prescription

L'AGS se fonde sur l'article L. 1471-1 du code du travail et fait valoir que dès lors que les demandes du salarié relatives à la rupture de son contrat de travail et à son congé de naissance ont été présentées pour la première fois en cause d'appel dans sa déclaration d'appel du 6 juillet 2021, elles sont prescrites.

Cependant, de première part, la cour observe que la demande relative au congé de naissance n'a pas été maintenue par le salarié dans ses dernières conclusions.

De deuxième part, la cour a considéré que les demandes relatives à la rupture du contrat de travail n'étaient pas nouvelles. Une demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif avait en effet été présentée par le salarié dans sa requête du 9 mars 2020. Le licenciement datant du 13 janvier 2020, sa demande n'est pas prescrite de sorte que la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la nullité du licenciement au motif d'une discrimination en raison de l'état de santé

Le salarié expose que son licenciement est nul car motivé par son absence pour maladie et donc discriminatoire en raison de son état de santé.

L'AGS ne formule aucune observation.

Le liquidateur de la société Les jardins de demain conteste toute discrimination, expliquant que le licenciement a été prononcé par l'employeur avant d'avoir été informé de l'arrêt pour maladie du salarié.

***

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé.

Il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, le salarié soumet à la cour les faits suivants : le fait qu'il a été licencié sans procédure par lettre du 13 janvier 2020 pour non présentation à son poste de travail le 13 janvier 2020 sans motif justifié, alors qu'il a été placé en arrêt maladie le 13 janvier 2020 et qu'il en a informé l'employeur dès le lendemain (cf. pièces 9 et 10 du salarié : arrêt de travail du 13 janvier et courriel de transmission de l'arrêt maladie le 14 janvier).

S'il est exact que le salarié a été licencié le 13 janvier 2020 sans que la procédure de licenciement ait été respectée, il demeure que le licenciement a été prononcé alors que l'employeur ignorait que le salarié avait été placé en arrêt pour maladie, transmis par le salarié par un courriel du 14 janvier 2020 à 8h13.

Compte tenu de cet élément, les faits présentés par le salarié ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination en raison de son état de santé.

Il convient en conséquence de débouter le salarié de sa demande de nullité subséquente.

Sur le licenciement pour faute grave

Le salarié rappelle le contexte qui a précédé son arrêt maladie et son licenciement et soutient qu'il a justifié de son arrêt maladie de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'AGS ne formule pas d'observation au fond.

Le liquidateur expose que le licenciement est fondé car le salarié n'a justifié de son arrêt de travail que le 14 janvier.

***

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits personnellement imputables au salarié, qui doivent être d'une importance telle qu'ils rendent impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe exclusivement à l'employeur et il appartient au juge du contrat de travail d'apprécier, au vu des éléments de preuve figurant au dossier, si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail, et d'une gravité suffisante pour justifier l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise, le doute devant bénéficier au salarié.

En l'espèce, le salarié a été licencié pour faute grave le 13 janvier 2020 pour son absence du jour même.

Il ressort de la lettre adressée par l'employeur au défenseur syndical du salarié le 7 février 2020 que le dimanche 12 janvier 2020, le salarié l'avait informé de la naissance de son enfant la veille et qu'il lui avait demandé un congé le lendemain 13 janvier. Il ressort de cette lettre que l'employeur a refusé le congé demandé en raison d'un chantier prévu depuis plusieurs semaines. Cela ressort également des échanges de SMS entre le salarié et l'employeur qui lui faisait savoir qu'il pourrait prendre un congé parental après le vendredi 17 janvier en raison d'un chantier prévu pour la semaine comprise entre le 13 et le 17.

Le salarié établit néanmoins avoir été placé en arrêt de travail pour maladie le 13 janvier 2020. Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, son arrêt de travail a été transmis le 14 janvier 2020 à 8h13 par courriel. Le salarié a donc justifié de son absence du 13 janvier.

S'il n'avait pas été en arrêt maladie le 13 janvier 2020, le salarié aurait dû bénéficier d'un congé en raison de la naissance de son enfant le 12 janvier 2020 par application des articles L. 3142-1 du code du travail et 31 de la convention collective. L'empressement dont l'employeur a fait preuve en procédant au licenciement immédiat du salarié ôte au licenciement son caractère réel et sérieux.

Il convient en conséquence, ajoutant au jugement, de dire sans cause réelle et sérieuse le licenciement et de fixer en conséquence la créance à laquelle le salarié peut prétendre en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.

Ainsi que le montrent les bulletins de paie du salarié, il bénéficiait d'une rémunération de 2 000 euros bruts mensuels.

Justifiant d'une ancienneté de quatre années complètes, le salarié peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et cinq mois de salaire.

Compte tenu de l'âge du salarié lors du licenciement (34 ans), de son ancienneté, de son niveau de rémunération, de ce qu'il a retrouvé un emploi à temps plein le 25 août 2020 (pièce 49 du salarié) pour un salaire non précisé, le préjudice qui est résulté de la perte injustifiée de son emploi sera réparé par une indemnité de 8 000 euros.

Cette somme sera fixée au passif de la société Les jardins de demain.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'absence de rémunération entre février et août 2020

Le salarié se fonde sur les articles L. 1222-1 du code du travail et 1104 du code civil. Il soutient qu'il subit un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse caractérisé par le fait qu'il a été licencié le 13 janvier 2020 sans qu'aucun document de fin de contrat ne lui soit remis, que l'employeur a ensuite rétracté le licenciement sans lui verser de salaire, qu'il a ensuite fait l'objet d'une deuxième procédure de licenciement qui n'a pas été achevée car la société avait été placée en liquidation judiciaire, et qu'ainsi, entre les mois de février 2020 et août 2020, il n'a pas été en mesure de percevoir immédiatement d'allocation de retour à l'emploi.

L'AGS conclut à la confirmation du débouté, expliquant que le salarié a été licencié le 13 janvier 2020 et que, par précaution, le mandataire lui a aussi notifié une rupture de son contrat de travail le 2 juin 2020 et donc, que le salarié ne peut prétendre en aucun cas au versement d'un salaire entre février et août 2020 ; qu'en outre, son préavis de deux mois a été garanti par l'AGS. Elle ajoute que le salarié ne justifie pas d'une faute de la société et d'un préjudice distinct.

Le liquidateur expose pour sa part que le licenciement du 13 janvier 2020 produit un effet définitif dès lors que le consentement exprès du salarié à la rétractation de l'employeur n'a pas été donné. Il en déduit que le salarié ne peut donc prétendre à aucun paiement de salaire entre février et août 2020 et ajoute qu'il ne démontre pas la réalité d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal.

***

Le salarié peut prétendre à une indemnisation autre que celle réparée par l'indemnité allouée au titre de la perte injustifiée de son emploi s'il établit la réalité d'un préjudice distinct.

En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les intimés, le préjudice invoqué par le salarié ne consiste pas en une demande de rappel de salaire entre le mois de février 2020 et le mois d'août 2020. En effet, le salarié ne conteste pas que son licenciement du 13 janvier 2020 produit ses effets, la rétractation ultérieure de l'employeur n'ayant pas été expressément acceptée, de sorte qu'il ne peut prétendre au paiement de salaires durant la période qui suit le licenciement.

Mais à juste titre, le salarié soutient que dès lors que l'employeur avait licencié le salarié le 13 janvier 2020, il était tenu de lui adresser ses documents de fin de contrat de telle sorte qu'il puisse s'inscrire à Pôle emploi et obtenir l'allocation d'aide au retour à l'emploi.

Ses documents de fin de contrat ne lui ont été adressés qu'en août 2020 (cf. pièce 10 du liquidateur et pièce 44 du salarié) de telle sorte qu'à raison, le salarié expose qu'il n'a pu percevoir aucune rémunération du Pôle emploi correspondant à sa période de chômage avant le mois de septembre 2020 (cf. pièces 15, 25, 27, 28-1n 33, 47 et 48 du salarié).

En cela, le salarié caractérise un préjudice distinct de celui réparé par l'indemnité qui lui a été accordée au titre de la perte injustifiée de son emploi, ce préjudice consistant dans le fait qu'il n'a, pendant six mois, perçu ni salaire, ni allocation en raison du manquement de l'employeur qui ne lui a pas remis ses documents de rupture.

Ce préjudice sera intégralement réparé par une indemnité de 2 000 euros, somme qui, par voie de réformation du jugement, sera fixée au passif de la société Les jardins de demain.

Sur la garantie de l'AGS

Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'AGS dans la limite de sa garantie et il sera dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la liquidation judiciaire de la société Les jardins de demain et leur emploi en frais de justice privilégiés sera ordonné.

Il n'y a pas lieu de mettre à la charge du liquidateur une indemnité sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT que les demandes de M. [N] ne sont ni nouvelles ni prescrites, et rejette les fins de non recevoir afférentes,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande tendant à dire le licenciement nul et de sa demande indemnitaire afférente,

DIT sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [N],

FIXE la créance de M. [N] au passif de la société Les jardins de demain aux sommes suivantes :

. 8 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à lui remettre ses documents de fin de contrat,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'association UNEDIC délégation AGS CGEA IDF Ouest dans la limite de sa garantie et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 code de procédure civile,

MET les dépens à la charge de la liquidation judiciaire de la société Les jardins de demain et ordonne leur emploi en frais de justice privilégiés,

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02170
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.02170 ?
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