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05/07/2023 | FRANCE | N°21/01842

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 juillet 2023, 21/01842


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 5 JUILLET 2023



N° RG 21/01842

N° Portalis: DBV3-V-B7F-USDE



AFFAIRE :



[L] [S] épouse [D]



C/



Société SODEXO ENTREPRISES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F17/0065

8



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nathalie FRIED



Me Nicolas SERRE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 JUILLET 2023

N° RG 21/01842

N° Portalis: DBV3-V-B7F-USDE

AFFAIRE :

[L] [S] épouse [D]

C/

Société SODEXO ENTREPRISES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : E

N° RG : F17/00658

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nathalie FRIED

Me Nicolas SERRE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [L] [S] épouse [D]

née le 28 Février 1977 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Nathalie FRIED, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2049

APPELANTE

****************

Société SODEXO ENTREPRISES

N° SIRET : 338 253 230

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Nicolas SERRE de la SELARL OX, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0966

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [D] a été engagée en qualité d'assistante d'exploitation, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 18 octobre 2005 par la société Altys Multiservices.

A compter du 1er mai 2008, la salariée a été transférée au sein de la société Sodexo Altys, par la suite dénommée Sodexo Facility Management, avec reprise de son ancienneté au 18 octobre 2005.

A compter du 1er juin 2011, elle a été salariée de la Société Française de Restauration, par la suite dénommée société Sodexo Entreprises, avec reprise de son ancienneté au 18 octobre 2005.

En dernier lieu, la salariée a occupé, sur le site « Canopée », le poste de « Facility Manager », statut cadre, niveau 9, au sein de la société Sodexo Entreprises.

Cette société est spécialisée dans la restauration et les services aux collectivités. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration des collectivités.

En dernier lieu, la salariée percevait une rémunération brute mensuelle de base de 3 821,48 euros, outre une rémunération variable.

Par lettre du 24 octobre 2016, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 4 novembre 2016.

Mme [D] a été licenciée par lettre du 9 novembre 2016 pour cause réelle et sérieuse pour des manquements divers dans la prise en compte des informations transmises par les clients, pour une inadaptation des instructions qu'elle donnait à ses subordonnés, pour avoir manqué à l'organisation de certaines réunions ou certains comités, pour un manque d'exigence vis-à-vis de son équipe, pour un manque d'analyse financière, un défaut de port de tenue et un manque d'implication sur les dossiers.

Le 31 juillet 2017, Mme [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de dire que son licenciement, à titre principal, est nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse, et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 12 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement) a :

- dit que l'affaire est recevable,

- jugé que la société Sodexo Entreprises n'a commis aucun acte de discrimination à l'encontre de Mme [D],

- jugé que la société Sodexo Entreprises n'a commis aucun acte de harcèlement moral à l'encontre de Mme [D],

- jugé que la société Sodexo Entreprises n'a pas manqué à son obligation de sécurité à l'encontre de Mme [D],

- débouté Mme [D] de sa demande de nullité du licenciement,

- jugé le licenciement de Mme [D] pour cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [D] du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

- débouté Mme [D] sur la demande d'intérêts à taux légal,

- débouté Mme [D] sur la demande d'ordonner la remise des documents sociaux sous astreinte,

- débouté Mme [D] sur la demande de condamner à rembourser au Pôle emploi les indemnités perçues,

- débouté Mme [D] sur la demande d'exécution provisoire,

- reçu Mme [D] en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'en déboute,

- reçu la société Sodexo Entreprises en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'en déboute,

- dit que chaque partie garde la charge de ses propres dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 11 juin 2021, Mme [D] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de 87 pages transmises par voie électronique le 7 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [D], demande à la cour de :

- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,

- infirmer le jugement dont il est fait appel,

et, statuant de nouveau,

- condamner la société Sodexo Entreprises à lui payer les sommes suivantes :

demandes afférentes aux manquements graves et répétés à son encontre,

à titre principal,

. 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat en matière de harcèlement moral (article L.1152-4 du code du travail),

. 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour discrimination en raison de sa grossesse et de maternité,

à titre subsidiaire,

. 15 000 euros au titre des dommages et intérêts pour non- respect de l'obligation de sécurité de résultat (article L.4121-1 du code du travail),

. avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

demandes (en brut) afférentes à l'exécution du contrat de travail,

. 14 006,10 euros à titre de rappel de salaire au titre du complément de salaire dû pendant son arrêt maladie,

. 1 400,61 euros outre les congés payés afférents,

. un rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs 2013/2014 :

* A titre principal : 2 727 euros au titre de la prime d'objectifs, outre les congés payés afférents pour un montant de 272,70 euros,

* A titre subsidiaire : 2 727 euros au titre du prétendu acompte indûment déduit, outre les congés payés afférents à hauteur de 272,70 euros,

. 5 529,14 euros à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs 2014/2015,

. 552,91 euros outre les congés payés afférents,

. 3 086,93 euros à titre de rappel de salaire au titre de la prime d'objectifs 2015/2016,

. 308,69 euros outre les congés payés afférents,

. 3 500 euros au titre de dommages et intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail,

. avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

demandes afférentes au licenciement,

à titre principal,

. 72 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

à titre subsidiaire,

. 72 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur à la date de notification de licenciement),

. avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

autres demandes,

- ordonner à la société Sodexo Entreprises de lui remettre une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros à compter du prononcé de l'arrêt, la cour se réservant la faculté de liquider cette astreinte,

- ordonner les intérêts au taux légal et l'anatocisme sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner la société Sodexo Entreprises au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sodexo Entreprises aux entiers dépens de la procédure en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée,

- condamner la société Sodexo Entreprises à rembourser au Pôle emploi une somme équivalente aux indemnités de chômage perçues pendant six mois (article L. 1235-4 du code du travail),

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Sodexo Entreprises.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Sodexo Entreprises demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles du 12 mai 2021,

en conséquence,

- débouter Mme [D] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [D] aux entiers dépens,

- condamner Mme [D] à lui payer la somme de 6 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la discrimination et le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 dans sa version applicable à l'espèce, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il ressort de l'article L. 1132-1 du code du travail qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de sa grossesse.

Il n'appartient pas au salarié qui s'estime victime d'une discrimination d'en prouver l'existence. Suivant l'article L. 1134-1, il doit seulement présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, la salariée soumet à la cour pêle mêle plusieurs faits qui participent, selon elle, à la fois de la discrimination à raison de ses grossesses et de son harcèlement moral. Ces faits sont les suivants :

. un changement d'affectation imposé après l'annonce en octobre 2013, par la salariée, de sa grossesse, sur un poste ne correspondant pas à sa qualification et augmentant considérablement son temps de trajet (1),

. une absence systématique de préparation par la société de ses retours de congé maternité (2),

. des affectations à ses retours de congés maternité à des missions ne correspondant ni à sa qualification, ni au niveau de ses compétences et des responsabilités qu'elle avait pu avoir avant l'annonce de sa grossesse en octobre 2013 (3),

. une affectation chez un client ayant très mauvaise réputation et ayant déjà causé le départ de plusieurs Facility managers, et où la salariée et son équipe ont été victimes d'agissements de harcèlement moral, sans que la société Sodexo Entreprises immédiatement alertée ne prenne de mesures concrètes (4),

. une affectation, fin avril 2016 sur le site Canopée, généralement réservée aux Facility Manager débutants, où la salariée a été empêchée d'exercer ses missions par Mme [K], directrice régionale et a subi des agissements de harcèlement moral et manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultats en la matière (5),

. des manquements multiples de l'employeur dans le traitement de son dossier pendant ses arrêts maladie et congés maternité (6),

. le non paiement des primes dues, la non fixation de ses objectifs annuels et l'absence d'organisation des entretiens annuels d'évaluation (7).

(1) La salariée occupait, en 2013, un poste de « Facility Manager », statut cadre, niveau 9. Elle travaillait alors sur le site ESA à [Localité 10] et faisait partie de la direction [Localité 10] I (pièce 28).

Il est pas contesté que la salariée a été mutée en novembre 2013 sur un autre site sous l'autorité de Mme [Y].

La salariée affirme que cette mutation présente un lien avec l'annonce de sa grossesse en octobre 2013. Ce point est contesté par l'employeur.

Le congé ayant démarré en mars 2014 et s'étant achevé en juin 2014, son début de grossesse est théoriquement du mois de juillet 2013, de telle sorte que l'obligation de la salariée de déclarer sa grossesse dans le courant du mois d'octobre 2013 est cohérente.

Mais, pour être cohérente au regard de l'obligation faite à la salariée de déclarer sa grossesse en octobre 2013, il demeure que la réalité de l'annonce de sa grossesse à l'employeur faite à cette époque n'est pas établie. Cet élément de fait ne ressort en effet que de la lettre qu'elle a adressée à son employeur le 7 août 2015 et n'est corroboré par aucune autre pièce.

Il n'est en revanche pas discuté que, courant novembre 2013, la salariée a été mutée sur un autre site, à [Localité 7], ce qui a eu pour conséquence un éloignement de son lieu de travail. A cet égard, la salariée vise ses pièces 97 et 98 pour conclure que son nouveau « poste étant situé à [Localité 7], le temps de trajet-travail [de la salariée] (habitant alors dans le [Localité 2]) enceinte était en outre considérablement augmenté passant de 20 minutes auparavant pour aller sur le site ESA à 1h15 ». Toutefois, les pièces 97 et 98 font état :

. la première, d'un trajet entre une adresse située dans le [Localité 3] à une autre adresse située dans le [Localité 4] pour un trajet d'une durée de 32 minutes,

. la seconde, d'un trajet entre une adresse située dans [Localité 9] à une autre adresse située à [Localité 7] pour un trajet d'une durée de 56 minutes.

Est donc établie la réalité d'un allongement de son temps de trajet aller de 24 minutes ce qui n'est pas négligeable pour une femme enceinte.

En revanche, la salariée n'établit pas que sa nouvelle affectation à [Localité 7] ne correspondait ni à son poste, ni à sa qualification.

En définitive sur ce point, la salariée n'établit que les éléments de fait suivants : sa mutation en septembre 2013 et l'augmentation de son temps de trajet. Elle échoue en revanche à démontrer que cette mutation a été décidée par l'employeur après l'annonce de sa grossesse et que son poste ne correspondait pas à sa qualification.

(2) Il n'est pas discuté que la salariée a été en congé de maternité de mars à juin 2014 puis du 8 janvier 2016 au 28 avril 2016.

Selon l'article L. 1225-25 du code du travail, à l'issue du congé de maternité, la salariée retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente.

Conformément à cette disposition, l'employeur devait, en juin 2014 puis en avril 2016, prendre ses dispositions pour permettre à la salariée de retrouver l'emploi qu'elle occupait avant ses congés de maternité ou un emploi similaire.

Avant son départ en congé de maternité en mars 2014, la salariée était affectée sur le site de [Localité 7] sous la subordination de Mme [Y]. Il ressort de la pièce 28 de la salariée (sur ce point non contestée par l'employeur) que celle-ci a demandé à Mme [Y], courant mai 2014, de lui faire connaître sa prochaine affectation en vue de son retour prévu à la mi juin 2014 et que Mme [Y] lui a demandé de solder ses congés payés en attendant les décisions de telle sorte que la salariée a soldé ses congés jusqu'à la fin du mois d'août 2014. Après un remplacement temporaire de cinq semaines sur le site de VVH, la salariée a finalement été affectée courant septembre 2014 au site d'ATOS.

La salariée établit donc ici la réalité du fait qu'elle allègue, à savoir une impréparation de son retour de congé de maternité en juin 2014.

S'agissant de son retour de congé de maternité en avril 2016, la salariée n'établit pas la réalité d'une impréparation dès lors qu'il ressort de sa pièce 27 que l'employeur l'a, par lettre du 30 mars 2016, affectée en qualité de Facility manager sur le site de Sodexo Canopée à compter du 13 avril 2016.

Dès lors, n'est établie que l'impréparation du retour de congé de maternité de la salariée au mois de juin 2014.

(3) La salariée a été promue cadre au niveau 9 de la convention collective par avenant à effet au 1er juin 2013.

Selon l'avenant n°47 du 9 novembre 2011 relatif à la classification des emplois et aux salaires, les tâches d'un salarié cadre au niveau 9 sont décrites de la façon suivante':

«'Niveau IX

Statut : cadre

Critère

classant

Degré

Description

Technicité/

Polycompétence

6

Maîtrise complète de la direction, de la gestion et de l'organisation du service

Autonomie/ Responsabilité

6

Définit la politique du domaine d'activité à laquelle la fonction participe et la déclinaison de ses orientations stratégiques

Formation

6

Bac + 2 (BTS/DUT...) et plus (maîtrise ou master), ou équivalent en expérience professionnelle ou VAE

Animation d'équipe/

Management

6

Encadre les salariés sur des sites différents, ce qui implique un management plus délégatif. Nécessite la maîtrise de plusieurs domaines d'activité

Relation convives-client/

Communication

6

Être en capacité de communiquer, de négocier et de convaincre sur des enjeux importants économiques, financiers ou sociaux

Exemples de missions : supervise les sites de son secteur. Exerce une fonction de contrôle, valide les organisations, contrôle l'application des normes d'hygiène et de sécurité. Organise la relation commerciale avec les clients de son secteur et est le garant de la bonne exécution du contrat commercial. Garantit la définition et la réalisation des budgets de son secteur. Peut animer les IRP. Encadre et anime l'ensemble des responsables de sites ou chefs gérant de son secteur. Assure le suivi des recouvrements clients.

Appellations : chef de secteur, directeur(trice) d'exploitation, directeur(trice) de cuisine centrale, directeur(trice) de restaurant, directeur(trice) de la restauration, directeur(trice) de service clients, directeur(trice) hospitalité globale, responsable de région, responsable de secteur, responsable régional.'»

Certes, l'affectation temporaire de la salariée en août 2014 en qualité de responsable de site sur le site VVH (Village Victor Hugo) ne supposait que l'encadrement d'une personne pour une prestation de gardiennage et un très faible chiffre d'affaires. Mais d'une part, cette affectation n'a été que temporaire (5 semaines) et d'autre part, elle n'est pas contraire aux responsabilités confiées à un salarié cadre de niveau 9. Elle correspondait donc à son niveau de compétence.

En revanche, elle ne correspondait pas au niveau de responsabilités qui lui avaient été confiées lorsqu'elle avait été affectée sur le site de l'ESA entre juin 2013 et novembre 2013 dès lors que sur ce dernier site, elle encadrait un « cleaning manager », un « service manager », un « technical manager » et un « catering manager » et avait la responsabilité d'une soixantaine de personne. Le chiffre d'affaires de ce site était de près de 4 millions d'euros. En outre, il ressort de l'attestation de M. [Z], salarié de la société, et de sa lettre d'affectation du 3 juin 2015 que l'affectation sur le site VVH était perçue comme une « mise au placard ».

De même, un poste « SAP » a été proposé à la salariée en septembre 2014. Ce poste supposait l'encadrement de 10 personnes pour un chiffre d'affaires de 700 000 euros, sans comparaison avec le poste qui lui avait été confié entre juin et novembre 2013 à l'ESA.

La salariée établit donc la réalité d'affectations ou de propositions d'affectations ne correspondant pas aux responsabilités qui lui avaient été confiées en juin 2013 sur le site de l'ESA.

(4) Il n'est pas discuté que la salariée a été affectée chez le client ATOS. Cette affectation a été faite par l'employeur en raison du refus par la salarié du poste « SAP » comme n'étant pas à la hauteur de ses responsabilités.

Le poste qui lui a été confié chez ATOS a été accepté par la salariée. En effet, même si celle-ci indique dans sa lettre du 7 août 2015 qu'elle n'avait pas eu d'autre choix elle affirme également qu'elle l'accepte (« n'ayant pas d'autre choix, j'accepte ») car le poste répondait « presque » à ses critères.

La salariée expose qu'un incident s'est produit avec le client ATOS (en la personne de M. [W]) en octobre 2014. Mais il ressort des pièces 43 et 43 bis de la salariée (échanges de courriels entre elle et M. [W]) que cette dernière n'a pas avisé sa hiérarchie de cet incident. L'employeur n'a été avisé de difficultés relationnelles entre la salariée et le client ATOS que le 22 décembre 2014.

L'employeur a, contrairement aux affirmations de la salariée, pris des mesures concrètes puisque cette dernière a changé d'affectation en mai 2015 (pièce 46 Bis S) pour être mutée en qualité de Facility Manager sur le site d'Horizons à [Localité 7], étant précisé qu'entre le 22 décembre 2014 et sa reprise, la salariée avait été placée en arrêt maladie du 5 au 9 janvier 2015, puis du 24 février au 4 avril 2015, puis encore du 15 avril au 31 mai 2015 sans que ces arrêts pour maladie ' qui ne sont pas produits mais qu'il est possible d'identifier au travers de l'attestation de paiement des indemnités journalières ' puissent être reliés à ses conditions de travail.

Le fait présenté par la salariée n'est donc pas établi.

(5) Il n'est pas discuté que la salariée a été affectée, fin avril 2016 sur le site Canopée. Il convient de préciser que ce poste sur le site Canopée avait été confié à Mme [K] avant d'être occupé par la salariée.

Ce poste prévoyait l'encadrement, par la salariée, de 33 personnes, ainsi qu'il ressort de la pièce 62 de la salariée. Certes, l'employeur, se référant à sa pièce 18, soutient que le poste supposait l'encadrement de 63 salariés mais cette pièce n'en fait nullement mention. Le site de Canopée générait par ailleurs un chiffre d'affaires de 2,6 millions d'euros. Ce poste, qui, contrairement aux allégations de la salariée correspondait à son statut cadre niveau 9, impliquait cependant, comme elle le soutient à raison, des responsabilités moindres que celles qui lui avaient été confiées auparavant sur le site de l'ESA.

En revanche, la salariée n'établit pas que le poste Canopée est « utilisé pour les débutants Facility Manager ».

Elle n'établit pas non plus que Mme [K] prenait à son endroit des mesures « anormales répétées » : l'attestation de M. [Z] ne fait état que de sa propre relation avec Mme [K] et les pièces 63 et 64 de la salariée (courriels rédigés par la salariée à l'attention de Mme [K] datés des 29 et 30 juin 2016) n'établissent pas la réalité des prétendues exigences contradictoires.

La salariée n'établit pas l'immixtion de Mme [K] dans ses fonctions par la pièce 66 qu'elle produit, laquelle est à cet égard insuffisante. En effet, cette pièce (échanges de courriels entre la salariée et M. [C], service Manager) montre qu'un devis devait être présenté pour repeindre des poteaux ' fonction incombant à la salariée ' et que « c'est [V] [[E]] qui a présenté l'offre ». Certes, la salariée explique dans ses écritures que le devis en question avait été présenté par « Mme [V] [E], assistante facility manager, qui ne l'en avait pas informée et qui avait agi sans nul doute sur instruction de Mme [K] ». Mais ce moyen n'est corroboré par aucun autre élément présenté par la salariée.

En revanche, par sa pièce 68 (courriels internes de septembre 2016), la salariée montre que Mme [K] a, le 20 septembre 2016 rencontré une salariée faisant partie de son équipe (Mme [I]), pour envisager un aménagement de poste de cette salariée. Or, à cette date, la passation de poste entre Mme [K] et la salariée était effective puisqu'elles avaient toutes deux signé une « checklist de passation entre responsables de site » le 1er septembre 2016.

Il n'est pas non plus contesté que Mme [K] et la salariée ont partagé le même bureau ce qui ne facilitait pas la passation.

Mais en tout état de cause, c'est sans offre de preuve que la salariée expose qu'elle a, entre septembre et octobre 2016, « continué » à être empêchée par Mme [K] d'exercer ses fonctions, en « allant chaque matin voir [son équipe] et leur donner des instructions sans [la tenir] informée ni avant ni après, en ne lui transmettant pas les informations nécessaires à la bonne réalisation de ses missions ».

La salariée expose en outre que Mme [K] multipliait « de façon inopinée et excessive à compter de septembre 2016 les réunions de suivi » de son travail. Elle invoque :

. un entretien du 1er septembre 2016 : cet entretien a effectivement eu lieu puisqu'il s'agit du jour où les deux salariées ont signé leur « checklist de passation entre responsables de site », mais il n'est pas établi qu'il a eu lieu de façon inopinée,

. un entretien du 23 septembre 2016 : la tenue de cet entretien est établie par la pièce 69 de la salariée (courriel du 24 septembre 2016) puisqu'un « entretien RMA » du vendredi 23 septembre 2016 y est évoqué, mais il n'est pas établi que cet entretien ait été organisé de façon inopinée,

. un entretien du 26 septembre avec M. [T] qui, d'une part n'est pas inopiné puisqu'il était prévu depuis le 16 septembre 2016 et d'autre part ne concerne en rien Mme [K],

. une convocation du 26 septembre 2016 pour « une revue mensuelle d'activité le 7 octobre 2016 qui a été reportée au 7 novembre du fait » d'un arrêt maladie. La salariée se fonde, pour établir ce fait sur sa pièce 33, laquelle est sans rapport avec les faits en question puisque la pièce 33 est une convocation de la salariée à un entretien préalable à un licenciement datant du 24 octobre 2016.

Il s'ensuit que la salariée ne prouve pas la réalité de ce qu'elle présente comme une « multiplication inopinée et excessive à compter de septembre 2016 les réunions de suivi » avec Mme [K].

La salariée reproche ensuite à l'employeur de ne pas lui avoir adressé, malgré ses demandes, de compte-rendu des mesures prises sur son poste pendant son arrêt de travail entre le 7 et le 14 octobre 2016. Effectivement, le 17 octobre 2016, la salariée a demandé à Mme [K] de la « débriefer » sur ce qu'elle avait « fait sur [son] poste pendant [son] absence » et l'a, un peu plus tôt le même jour, questionnée à propos d'une demande d'étude chiffrée de travaux. Il ne ressort pas des pièces transmises par l'employeur qu'il a été répondu à ces demandes alors que les réponses auraient été, sinon indispensables, du moins utiles à la salariée pour assurer les fonctions qui lui étaient confiées.

La salariée fait par ailleurs état de ce que l'employeur a demandé une contre-visite médicale durant un arrêt de travail. Ce fait est établi par la pièce 70 de la salariée qui montre que le médecin s'est présenté chez elle le 13 octobre 2016 à 10h15 mais n'a pu la rencontrer car elle était absente du domicile de sorte que l'employeur l'a avisée de ce qu'il suspendait la subrogation jusqu'au terme de son arrêt de travail. La salariée n'a alors pas contesté son absence mais a expliqué à l'employeur qu'elle avait eu un arrêt de travail « pour cervicalgie sévère dont l'une des causes serait un problème ophtalmologique » (cf. courriel du 19 octobre 2016) et qu'au moment où le médecin s'est présenté pour la contre-visite, elle était à un rendez-vous médical dont elle justifie (pièce 71 bis de l'employeur : copie du rendez-vous pris par la salariée sur Doctolib avec le Dr [A] le 13 octobre 2016 à 11h00).

La salariée établit par ailleurs que son affectation sur le site Canopée (situé [Adresse 5], à [Localité 8]) a eu pour effet un allongement de son temps de trajet ce qui, selon elle, était préjudiciable à sa vie personnelle et familiale, en particulier avec deux enfants en bas âge, ce dont elle a alerté l'employeur. A cette époque, la salariée résidait au Kremlin-Bicêtre et son trajet pour se rendre à son travail était d'1 heure et 12 minutes en transports en commun ou compris entre 30 minutes et 1 heure 10 minutes en voiture. Compte tenu de ce temps de transport, fréquent en région parisienne, la mutation de la salariée ne portait pas une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale.

(6) La salariée invoque quatre manquements de l'employeur dans le traitement de son dossier pendant ses arrêts maladie et congés maternité :

(6.1) la transmission tardive en 2016 des bulletins de paie pour l'année 2015

A juste titre, l'employeur relève qu'il ressort des échanges de courriels entre les parties courant 2015, que la salariée demandait des explications sur des éléments contenus sur ses bulletins de paie relativement à un retrait de jours de congés payés. Cependant, ces demandes d'explications ne datent que du 7 juin 2015 et du 26 novembre 2015 ce qui ne permet pas de déduire que tous les bulletins de paie de la salariée lui ont bien été communiqués chaque mois.

Or, l'employeur a l'obligation de remettre au salarié un bulletin de paie conformément à l'article L. 3243-2 du code du travail. Débiteur de l'obligation de remise, il revient à l'employeur de démontrer qu'il a satisfait à cette obligation, ce qu'il ne fait pas.

Le fait invoqué par la salariée est donc établi.

(6.2) le non-maintien de salaire par l'employeur pendant les arrêts maladie

Il n'est pas discuté que le régime de prévoyance applicable aux cadres et agents de maîtrise prévoit, tant en cas de maladie qu'en cas de congé de maternité :

. un maintien de salaire à 100 % du 1er au 90ème jour,

. un « maintien de salaire à 80 % du salaire brut dans la limite du plafond cadre + majorations familiales » à compter du 91ème jour (annexe 4 de l'accord).

Ce régime prévoit aussi qu'en « cas de maladie (') et sur présentation par le salarié du décompte des indemnités journalières de sécurité sociale, le personnel bénéficiera, de la part de la Caisse d'Assurance auprès de laquelle la société a souscrit ce risque, du versement d'indemnités journalières dont la direction fait l'avance dans les conditions fixées à l'annexe 4 du présent accord » (article 70 ' pièce 102 de la salariée).

La salariée a été en arrêt maladie :

. du 5 au 9 janvier 2015 (5 jours),

. du 24 février 2015 au 4 avril 2015 (40 jours),

. du 18 avril 2015 au 31 mai 2015 (44 jours dont le 90ème situé au 20 mai 2015),

. du 16 juin 2015 au 20 décembre 2015.

Elle a été en arrêt pour congé de maternité du 21 décembre 2015 au 20 mars 2016.

Il n'est pas contesté par l'employeur que dans le courant de l'année 2015 (en mai, puis de juillet à décembre 2015) il n'a pas procédé au paiement par subrogation du salaire de la salariée.

(6.3) l'envoi tardif des attestations de salaire au contenu au surplus erroné

L'attestation de paiement des indemnités journalières de sécurité sociale produite par la salariée montre que les indemnités journalières ont été payées à l'employeur, par subrogation, jusqu'au 24 mai 2015 et qu'elles ont par la suite été directement payées à la salariée entre le 25 mai 2015 et le 20 novembre 2015. Comme il a été relevé ci-dessus (point 6.2), le mécanisme de la subrogation a cessé.

La salariée l'explique par le fait que l'employeur n'a envoyé que tardivement les attestations de salaire à la CPAM et l'employeur conteste tout envoi tardif.

Indépendamment du fait que la salariée montre, par ses pièces 49 et 49 bis, qu'elle a régulièrement sollicité l'employeur entre juin 2015 et octobre 2015 pour qu'il régularise la situation auprès de la CPAM en adressant à cette dernière les pièces justificatives attendues, il appartient à l'employeur d'établir qu'il a satisfait à son obligation déclarative, ce qu'il ne fait pas.

L'envoi tardif des attestations de salaire est donc établi.

(6.4) la saisie illégale en décembre 2015 pour un montant de 5 505 euros

Sur le bulletin de paie du mois de décembre 2015 de la salariée, figure une « saisie non-alim. Priorit. » d'un montant de 5 505,63 euros inscrite en débit. La saisie est donc établie.

Il convient de déterminer si cette saisie est ou non « illégale » ainsi que le soutient la salariée.

Le 23 juillet 2015, l'employeur a reçu de la direction générale des finances publiques un avis à tiers détenteur pour une dette fiscale de la salariée d'un montant de 11 504 euros.

La salariée conclut à juste titre à l'illicéité de la saisie de 5 505,63 euros pratiquée sur son salaire du mois de décembre 2015 par le fait qu'elle excédait la dette restant due aux impôts à cette date et par le fait que ce montant excédait la quotité saisissable telle que définie par les articles L. 3252-2, R. 3252-2 et R. 3252-3 du code du travail, la cour relevant également que ce montant dépassait aussi le salaire brut mensuel de la salariée.

Le montant prélevé au titre de la saisie litigieuse est donc illégal.

(7) Selon l'avenant au contrat de travail de la salariée du 20 juin 2013, sa rémunération comprenait une part fixe et une part variable ainsi déterminée : « Conformément à notre politique de rémunération des cadres, vous bénéficierez d'une prime d'objectifs variable allant de 0 % à 15 % du salaire brut annuel de l'exercice considéré qui sera versée en fonction des objectifs qui vous seront fixés. A titre indicatif, le montant de cette prime d'objectifs pourrait donc atteindre 7 359 euros pour un exercice complet. »

Il n'est pas contesté qu'un exercice s'entend du 1er septembre au 31 août de l'année suivante.

Pour l'exercice 2013/2014, à tort la salariée expose que ses objectifs n'ont pas été définis. Ils l'ont au contraire été comme le montre la pièce 22 de l'employeur pour ce qui concerne son affectation à l'ESA. En revanche, lorsque la salariée a changé de poste, en cours d'année 2013, elle ne s'est pas vue assigner de nouveaux objectifs, ce que confirme au demeurant le courriel du 15 septembre 2015 de M. [N], ancien supérieur hiérarchique de la salariée (« sur la période du 1er septembre au 31 décembre 2013, [L] n'a pas eu de fiche d'objectif »).

S'il ressort de la pièce 25 de la salariée qu'une prime de 3 929,26 euros lui serait versée en novembre 2014, il ressort toutefois de son bulletin de salaire du mois en question qu'elle a en réalité perçu une prime de 6 155,92 euros. La salariée n'explique pas en quoi l'acompte de 2 727 euros déduit de son bulletin de paie du mois de décembre 2017 devrait venir s'imputer sur sa prime d'objectif. Néanmoins, il ressort du courriel susvisé que « sur 2013/2014, (') nous avons considéré que [la salariée] avait atteint 100 % des objectifs et attribué la totalité de la prime sur objectif (6000 euros). (') » Dès lors que la salariée avait atteint en 2013/2014 un objectif de 100 %, elle aurait dû, en application de son contrat de travail, percevoir une prime de 7 359 euros.

Pour 2013/2014, il est donc établi que ses objectifs n'ont pas été intégralement assignés à la salariée et qu'elle a perçu une prime inférieure à celle prévue par le contrat de travail  (6 155,92 euros au lieu de 7 359 euros), soit une différence de 1 203,08 euros.

Incidemment, la salariée évoquant à ce stade la question de l'acompte, c'est à raison qu'elle expose qu'il revenait à l'employeur de justifier des raisons pour lesquelles il a déduit, sur le bulletin de paie du mois de décembre 2014, un acompte de 2 727 euros, ce qu'il ne fait pas.

Pour l'exercice 2014/2015, les objectifs de la salariée lui ont été fixés le 27 novembre 2014 soit en début d'exercice. Et il n'est pas discuté que la salariée n'a pas perçu l'intégralité de sa prime de résultat, puisqu'elle a perçu une prime de 1 112 euros alors qu'elle évalue sa prime à la somme de 6 641,14 euros correspondant à 15 % de son salaire brut annuel pour l'exercice considéré.

L'employeur ne conteste pas qu'effectivement, il lui a versé une prime inférieure au maximum prévu par le contrat, mais expose que la salariée a été absente plus de 5,5 mois sur la période concernée (septembre 2014 ' août 2015) au titre de ses arrêts maladie.

Il se fonde en cela sur les principes généraux de la politique de prime de la société Sodexo Entreprises postulant que « l'assiette servant de base au calcul de la prime d'objectifs est la somme des salaires de base (') perçus au cours de la période (du 01.09 au 31.08. Les périodes d'absence (hors CP, RTT et maternité) sont déduites du calcul de l'assiette au-delà d'une durée d'absence cumulée d'un mois (') ». Même si le contrat de travail ne prévoit pas de minoration en cas d'arrêt maladie, il demeure que ce contrat fait référence à « la politique de rémunération des cadres ». Or précisément, la pièce 21 de l'employeur fixe cette politique de rémunération et se trouve donc être, contrairement à ce qu'elle soutient, opposable à la salariée.

Dès lors, la salariée n'établit ni que les objectifs ne lui ont pas été fixés, ni que sa prime a été indûment réduite.

Pour l'exercice 2015/2016, il n'est pas contesté que la salariée ne s'est pas vue remettre ses objectifs. Il n'est pas non plus discuté que la salariée a perçu une prime inférieure à celle correspondant au maximum contractuellement prévu. En effet, la salariée a bénéficié d'une prime de 3 175,41 euros.

En ce qui concerne les entretiens annuels d'évaluation, la salariée expose que l'employeur a cessé d'organiser des entretiens d'évaluation, ce que ne conteste pas l'employeur , étant précisé que le dernier entretien d'évaluation de la salariée est celui du 1er octobre 2013.

***

En synthèse de ce qui précède, la salariée établit, outre ses grossesses, les faits suivants :

. sa mutation en septembre 2013 sur un poste augmentant sensiblement son temps de trajet (1),

. une impréparation de son retour de congé de maternité en juin 2014 (2),

. ses affectations ou propositions d'affectations ne correspondant pas aux responsabilités qui lui avaient été confiées en juin 2013 sur le site de l'ESA (3),

. le fait que le poste sur le site de Canopée impliquait des responsabilités moindres que celles confiées à la salariée sur le site de l'ESA, le fait que Mme [K] a, le 20 septembre 2016, rencontré une salariée faisant partie de l'équipe de la salariée pour envisager un aménagement de son poste, le fait que la salariée et Mme [K] ont partagé le même bureau, le fait que Mme [K] n'a pas répondu à deux demandes que la salariée avait formulées le 17 octobre 2016, le fait que l'employeur a demandé à une contre-visite médicale durant un arrêt de travail et a informé la salariée de la suspension de la subrogation jusqu'au terme de son arrêt (5),

. la transmission tardive en 2016 des bulletins de paie pour l'année 2015 (6.1),

. le non-maintien de salaire par l'employeur pendant les arrêts maladie (6.2),

. l'envoi tardif des attestations de salaire (6.3),

. la saisie illégale sur le salaire de décembre 2015 de la salariée pour un montant de 5 505 euros (6.4),

. l'absence d'objectifs pour l'intégralité de l'exercice 2013/2014 et l'attribution d'une prime inférieure au montant prévu par le contrat de travail (7),

. l'absence de justification, par l'employeur, de la déduction d'une somme de 2 727 euros sur le bulletin de paie du mois de décembre 2014 (7),

. l'absence d'objectifs pour l'exercice 2015/2016 et l'attribution d'une prime inférieure au montant prévu par le contrat de travail (7),

. l'absence d'organisation des entretiens annuels d'évaluation (7).

Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer tant l'existence d'un harcèlement moral ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de la salariée susceptible d'altérer sa santé physique ou de compromettre son avenir professionnel, que l'existence d'une discrimination en raison de sa grossesse.

Il incombe en conséquence à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de sa grossesse et tout harcèlement moral.

(1) et (3) Lors de son entretien annuel afférent à l'exercice 2012/2013 (pièces 17 E et 19 S) qui s'est tenu le 1er octobre 2013, la salariée a fait l'objet d'une appréciation révélant les difficultés qu'elle a rencontrées pour occuper son poste à l'ESA. Indépendamment de ce qu'il n'y est fait aucune mention à propos de sa grossesse, il en ressort notamment que « les collaborateurs du client (note de la cour : l'ESA) font état régulièrement de leurs insatisfactions » ou encore que « la relation reste tendue avec le client et [l'équipe de la salariée]. Il faudra trouver une solution » ou que « l'ouverture a été très compliquée à déployer. 4 mois après le démarrage, nous restons en phase d'ouverture » ou que « sur ESA, il y a peut-être à confirmer la compatibilité de [la salariée] avec ESA ». En outre, lors de ce même entretien annuel, la salariée elle-même se posait « la question de son profil sur ce type de contrat. Elle ne se plaît pas dans ce mode de fonctionnement client (') »

Compte tenu de ces éléments, et même si l'employeur a considéré qu'elle avait rempli ses objectifs à 100 % c'est sans faire preuve de mauvaise foi que l'employeur a mis en 'uvre la clause de mobilité et celui-ci démontre la réalité d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral ou toute discrimination expliquant sa décision de muter la salariée de son poste à l'ESA, étant précisé qu'elle n'a occupé ce poste qu'à partir du mois de juin 2013.

Par ailleurs, il s'explique aussi par des raisons objectives étrangères à toute discrimination ou tout harcèlement moral, que, la salariée n'ayant pas donné entièrement satisfaction sur son poste à l'ESA ainsi qu'il a été relevé précédemment, des responsabilités moindres lui aient été confiées, identiques à celles dans lesquelles elle avait donné précédemment satisfaction

(2) L'employeur n'explique pas par des raisons objectives étrangères à toute discrimination et tout harcèlement moral l'impréparation du retour de congé de maternité de la salariée en juin 2014.

(5) L'immixtion de Mme [K] dans les attributions de la salariée sur le site Canopée, courant septembre 2016, caractérisée par un fait unique, s'explique par le fait que Mme [K] était chargée du site Canopée immédiatement avant que Mme [D] reprenne ses fonctions. les deux salariées ayant précisément signé, le 1er septembre 2016, un document de passation de fonction (« checklist de passation entre responsables de site »).

Le fait que la salariée et Mme [K] aient, un temps, partagé le même bureau est anecdotique et habituel lors d'un passage de relais.

Il n'est en revanche pas expliqué par des raisons objectives pourquoi l'employeur n'a pas répondu à deux demandes formées par la salariée le 17 octobre 2016, après sa reprise de travail.

Par ailleurs il s'explique par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral ou toute discrimination que l'employeur a sollicité l'intervention d'un médecin conseil pendant un arrêt de travail sans abus de sa part.

(6.1) L'employeur n'explique pas par des raisons objectives les raisons pour lesquelles il n'a pas adressé à la salariée, mensuellement, ses bulletins de paie durant l'année 2015.

(6.2) et (3) La mise en 'uvre de la subrogation est subordonnée à la « présentation par le salarié du décompte des indemnités journalières de sécurité sociale ». L'employeur montre, par son courriel du 28 août 2015, qu'il a demandé à la salariée de lui faire parvenir, en urgence, une attestation pour les années 2014 et 2015 des paiements effectués par la CPAM, ce dont il déduit que la salariée ne les lui avait pas envoyés. Mais à juste titre la salariée expose que l'employeur disposait de ces informations puisque ses bulletins de paie ' au moins jusqu'au mois de mai 2015 ' mentionnaient les paiements des indemnités journalières de sécurité sociales de la salariée. En outre, il n'établit pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral ou toute discrimination, pourquoi il a tardé à transmettre à la CPAM les attestations de salaire de la salariée.

(6.4) L'employeur n'explique pas par des raisons objectives les raisons pour lesquelles il a imputé sur le bulletin de salaire de la salariée du mois de décembre 2015 une somme très largement supérieure à la quotité saisissable.

(7) L'employeur ne justifie pas par des raisons objectives pourquoi il n'a pas assigné d'objectifs à la salariée sur toute la période 2013/2014 alors qu'elle avait été mutée en cours d'exercice, ni pourquoi elle a perçu une prime inférieure à celle prévue par le contrat de travail. Il n'explique pas non plus pourquoi un acompte de 2 727 euros a été déduit sur la feuille de paie de la salariée en décembre 2014.

L'employeur explique en revanche par des raisons objectives pourquoi il n'a pas remis d'objectifs à la salariée en début d'exercice 2015/2016, la salariée ayant été absente à cette époque. Il explique aussi par des raisons objectives le montant de la prime qui a été attribuée à la salariée pour cet exercice (3 175,41 euros), cette raison tenant à l'application de la politique de prime d'objectifs.

***

En définitive, l'employeur n'explique pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral et à toute discrimination, toutes les décisions qu'il a prises à l'égard de la salariée.

Le harcèlement moral et la discrimination en raison des grossesses sont en conséquence établis.

Il en est résulté un préjudice moral et matériel qu'il conviendra de réparer à hauteur :

. de 6 000 euros au titre du harcèlement moral,

. de 6 000 euros au titre de la discrimination en raison de la grossesse.

Le licenciement de la salariée est la conséquence du harcèlement moral et de la discrimination subis et doit donc être déclaré nul.

Le salarié victime d'un licenciement nul qui ne demande pas sa réintégration a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Compte tenu de l'âge de la salariée lors du licenciement (39 ans), de son ancienneté (11 ans), de son niveau de rémunération (3 900 euros bruts mensuels ' outre une prime annuelle de près de 7 360 euros), le préjudice qui résulte, pour elle, de la perte de son emploi sera intégralement réparé par une indemnité de 50 000 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.

Compte tenu des développements qui précèdent, la salariée peut également prétendre à un rappel de salaire au titre du maintien de salaire dû pendant ses arrêts de travail correspondant à ses arrêts de travail de 2015, année au cours de laquelle la salariée a été privée de la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre en mai 2015, puis de juillet à décembre 2015.

Selon le calcul établi par la salariée et que la cour adopte, il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée la somme de 14 006,10 euros à titre de rappel de maintien de salaire, outre 1 400,61 euros au titre des congés payés afférents.

En ce qui concerne les primes sur objectifs, compte tenu des développements précédents, il convient d'allouer à la salariée un rappel de 1 203,08 euros au titre de la prime correspondant à l'exercice 2013/2014 outre la somme de 120,31 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes tendant à la condamnation de l'employeur au paiement d'un rappel de prime pour les autres exercices.

L'employeur sera également condamné à payer à la salariée la somme de 2 727 euros à titre de remboursement de l'acompte indûment déduit du salaire de décembre 2014.

La salariée demande en outre, au visa de l'article L. 1235-4 du code du travail, la condamnation de l'employeur à rembourser au Pôle emploi une somme équivalente aux indemnités de chômage perçues par elle pendant six mois.

Cette demande ne peut être accueillie. D'abord parce qu'elle n'a pas qualité pour former cette demande et donc qu'elle est irrecevable. Ensuite et surabondamment parce que cette demande n'est pas fondée dès lors que le licenciement a été prononcé par la société le 9 novembre 2016 et donc avant l'ordonnance du 22 septembre 2017.

Ainsi, c'est par référence à l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'il convient de statuer. Or, le remboursement des indemnités de chômage ne peut, sous l'empire de ce texte dans sa rédaction alors applicable, être prononcé en cas de nullité du licenciement.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution de bonne foi du contrat de travail

La salariée ne présente pas à la cour d'éléments caractérisant un préjudice qui n'aurait pas déjà été réparé par l'octroi de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, de la discrimination, et de la perte injustifiée de son emploi.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur les intérêts

Les condamnations au paiement de sommes ayant une vocation indemnitaire seront assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Les condamnations au paiement des indemnités de rupture et des rappels de salaire produiront quant à elles intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes.

L'article 1343-2 du code civil (dans sa nouvelle rédaction) dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. La demande ayant été formée par la salariée et la loi n'imposant aucune condition pour l'accueillir, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, d'ordonner la capitalisation des intérêts.

Celle-ci portera sur des intérêts dus au moins pour une année entière.

Sur la remise des documents

Il conviendra de donner injonction à l'employeur de remettre à la salariée un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, par voie d'infirmation, l'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il conviendra de condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [D] de ses demandes de rappel de prime afférentes aux exercices 2014/2015 et 2015/2016, et de sa demande de dommages-intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail, et en ce qu'il a reçu la société Sodexo Entreprises en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'en déboute, et dit que chaque partie garde la charge de ses propres dépens.

INFIRME le jugement pour le surplus,

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT nul le licenciement de Mme [D],

CONDAMNE la société Sodexo Entreprises à payer à Mme [D] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt :

. 6 000 euros au titre du harcèlement moral,

. 6 000 euros au titre de la discrimination en raison des grossesses de la salariée,

. 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

CONDAMNE la société Sodexo Entreprises à payer à Mme [D] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société, de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes :

. 14 006,10 euros à titre de rappel de maintien de salaire durant l'année 2015, outre 1 400,61 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 203,08 euros au titre de la prime correspondant à l'exercice 2013/2014, outre la somme de 120,31 euros au titre des congés payés afférents,

. 2 727 euros à titre de remboursement de l'acompte indûment déduit du salaire de décembre 2014,

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

REJETTE comme étant irrecevable la demande de Mme [D] fondée sur l'article L. 1235-4 du code du travail,

DONNE injonction à la société Sodexo Entreprises de remettre à Mme [D] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la présente décision,

REJETTE la demande d'astreinte.

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE la société Sodexo Entreprises à payer à Mme [D] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Sodexo Entreprises aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01842
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.01842 ?
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