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05/07/2023 | FRANCE | N°21/00509

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 05 juillet 2023, 21/00509


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 5 JUILLET 2023



N° RG 21/00509

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKLX



AFFAIRE :



[N] [L]



C/



Société ISOR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/01759



Copies ex

écutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Robin NABET



Me Carine KOKORIAN





Copies numériques adressées à :

Pôle emploi









le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 5 JUILLET 2023

N° RG 21/00509

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKLX

AFFAIRE :

[N] [L]

C/

Société ISOR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/01759

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Robin NABET

Me Carine KOKORIAN

Copies numériques adressées à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE CINQ JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 14juin 2023 puis prorogée au 5 juillet 2023, dans l'affaire entre :

Madame [N] [L]

née le 3 mars 1975 à [Localité 5]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Robin NABET, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A910 et Me Nicolas LAMBERT-VERNAY de la SELARL LAMBERT-VERNAY ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de LYON, substitué à l'audience par Me Laurent CHABRY, avocat au barreau de Lyon

APPELANTE

****************

Société ISOR

N° SIRET : 433 740 966

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Carine KOKORIAN, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0039

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [L] a été engagée par la société Isor, en qualité d'attachée commerciale, position Etam, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 3 mai 2010.

A compter du 1er janvier 2013, la salariée a exercé la fonction de chef des ventes.

Cette société est spécialisée dans le nettoyage industriel. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus 50 salariés. Elle applique la convention collective des entreprises de propreté.

La salariée percevait une rémunération fixe brute mensuelle de 3 400 euros, à laquelle s'ajoutait des commissions selon un calcul fixé par avenant.

La salariée a été en arrêt de travail du 13 juin 2018 au 15 septembre 2018.

Par lettre du 15 juin 2018, la salariée a mis en demeure la société Isor de lui payer ses heures supplémentaires et a dénoncé l'exécution fautive de son contrat de travail.

Le 5 juillet 2018, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Du 27 septembre au 2 octobre 2018, la salariée a été en congé de mariage. La salariée a été ensuite en arrêt maladie du 16 octobre jusqu'au 26 novembre 2018.

Le 27 novembre 2018, lors de sa visite de reprise, la salariée a été déclarée 'inapte définitive à tous les postes' avec la mention' l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi'.

Par lettre du 4 décembre 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 18 décembre 2018.

Elle a été licenciée par lettre du 21 décembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement dans les termes suivants:

« Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé le mardi 18 décembre 2018 et auquel vous vous êtes présentée seule.

Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé les motifs qui nous ont conduits à envisager votre licenciement et que nous vous rappelons ci-après.

Vous avez été déclarée le 27 novembre 2018 inapte tant à votre poste de Chef des Ventes que vous exerciez précédemment au sein de notre société, ainsi qu'à tout autre poste, par le Docteur [T] [K], Médecin du travail.

L'avis d'inaptitude établi par ce dernier fait état de ce que :

« L'état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

« La salariée est déclarée ce jour INAPTE DEFINITIVE à la reprise à tous les postes. En effet son état de santé actuel ne lui permet pas, à ce jour, d'exercer une quelconque activité professionnelle.»

Nous sommes donc contraints de procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude physique médicalement constatée, et de l'impossibilité de vous reclasser.

Votre contrat de travail sera rompu à la date de présentation de ce courrier. Vous n'effectuerez pas de préavis. »

Par jugement du 20 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section encadrement) a :

- condamné la société Isor à verser à Mme [L] la somme de 20 940,43 euros à titre de rappel de commissions,

- condamné la société Isor à verser à Mme [L] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- déboute Mme [L] de l'intégralité de ses autres demandes,

- déboute la société de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée au greffe le 18 février 2021, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [L] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 20 janvier 2021 en ce qu'il condamné la société Isor à lui verser :

. 20 940,43 euros bruts à titre de rappel de commissions,

. 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmant pour le surplus,

et statuant à nouveau,

- juger que la convention de forfait-jours est privée d'effet,

- juger bien fondé le rappel d'heures supplémentaires de la salariée,

- juger que la société Isor a modifié de manière unilatérale son contrat de travail,

- juger à titre principal qu'elle est bien fondée à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Isor à effet au 21 décembre 2018,

- juger subsidiairement que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger à titre infiniment subsidiaire que le licenciement notifié est affecté d'une irrégularité de procédure,

en conséquence,

- condamner la société Isor à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes de Nanterre :

. 59 744,50 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 5 974,45 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 16 560,32 euros nets à titre d'indemnité pour perte de repos compensateurs,

. 1 656,03 euros nets au titre des congés payés afférents,

. 49 119,71 euros nets à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

. 10 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail constitutif d'une rétrogradation,

. 24 559,85 euros bruts d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 455 ,98 euros bruts au titre des congés payés afférents,

. 7 322,17 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

. 65 450 euros nets de dommages et intérêts au titre de la résiliation judiciaire prononcée aux torts exclusifs de la société Isor,

subsidiairement,

. 65 454 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre infiniment subsidiaire,

. 8 186,61 euros nets à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement

- condamner la société Isor à lui remettre un bulletin de paie par mois pour les condamnations qui seront prononcées et une attestation Pôle emploi conforme aux condamnations qui seront prononcées, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours suivant la notification du jugement devant intervenir,

y ajoutant,

- condamner la société Isor à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Isor aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Isor demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'elle a été condamnée à verser à Mme [L] la somme de 20 940,43 euros au titre de rappel de commissions, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [L] de l'intégralité du surplus de ses demandes,

jugeant à nouveau,

- débouter Mme [L] de sa demande de la somme de 20 940,43 euros au titre de rappel de commissions,

- condamner Mme [L] à lui rembourser la somme de 20 940,43 euros au titre de rappel de commissions,

- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Sur la convention de forfait en jours

La salariée fait valoir qu'en l'absence de convention individuelle écrite dûment acceptée par elle avant le 1er avril 2018, elle est parfaitement bien fondée à obtenir le paiement d'heures supplémentaires pour la période antérieure à cette date. Elle ajoute que si à compter du 1er avril 2018 une convention de forfait a été mise en place, force est de constater qu'en l'absence d'entretiens annuels individuels, la convention de forfait jours est privée d'effet et qu'elle est en droit de réclamer le paiement de ses heures effectuées au delà de la durée légale de 35 heures hebdomadaires.

L'employeur réplique qu'il ressort de la lecture attentive de l'avenant au contrat de travail de la salariée du 1er janvier 2013, qu'aucune disposition relative à la durée du travail n'est prévue et que la salariée est donc restée soumise à la durée légale de travail de 151h67 tel que prévu dans son contrat du 3 mai 2010, ce qui est d'ailleurs mentionné sur ses bulletins de paye jusqu'au mois d'avril 2018, à compter duquel elle a basculé sur un forfait de 204 jours annuels travaillés, ce que la salariée a accepté expressément suivant avenant du 1er avril 2018.

**

Le forfait annuel en jours consiste à décompter le temps de travail en jours ou en demi-journées et non plus en heures. Il fixe le nombre de jours que le salarié doit s'engager à effectuer chaque année.

Sa mise en place, par application des articles L.3121-63 et L.3121-64 du code du travail, est subordonnée à la conclusion d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, d'une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions et d'une convention individuelle de forfait passée avec le salarié par écrit.

Lorsque l'employeur ne respecte pas les stipulations de l'accord collectif qui avait pour objet d'assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié et de son droit au repos, la convention de forfait en jours est privée d'effet de sorte que le salarié peut prétendre au paiement d'heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l'existence et le nombre.

Au cas présent, la salariée a été recrutée en 2010 en qualité d'attachée commerciale en position ETAM à la classification EA3 et aucune disposition ne précise les modalités d'organisation de son temps de travail, les bulletins de paye de la salariée n'ayant d'ailleurs pas été produits au dossier.

Promue chef de vente au statut CA2 par avenant du 28 janvier 2013, la salariée communique des bulletins de paye à compter du 1er janvier 2014 qui font mention d'une durée de travail mensuelle de 151,67 heures, ce qui correspond à 35 heures hebdomadaires, l'avenant ne faisant toujours pas référence à la durée du temps de travail de la salariée.

La cour relève que l'échelon CA2 de la convention collective applicable correspond à un emploi de la filière cadre.

L'article 6.1.5 de la convention collective prévoit pour les salariés de la filière cadre que ' (...) Si la durée hebdomadaire de travail du salarié cadre ou agent de maîtrise d'exploitation reste identique à celle fixée avant la réduction du temps de travail, sans paiement ni majoration pour heures supplémentaires et avec maintien du salaire par la mise en place d'une ARTT, le salarié bénéficie de 2 jours de repos rémunérés pour réduction du temps de travail par mois complet de travail effectif (hors congés payés).

Le nombre de jours de repos rémunérés est inférieur en cas de mise en place d'une réduction partielle de la durée hebdomadaire du temps de travail du salarié concerné.

D'un commun accord entre l'employeur et le salarié ou selon les modalités définies dans l'entreprise, les jours de repos peuvent être regroupés et pris en une ou plusieurs fois ou encore être versés au compte épargne-temps du salarié dans les limites fixées par l'accord sur le compte épargne-temps.

Lorsque la réduction du temps de travail donne lieu à l'accomplissement d'heures supplémentaires, celles-ci sont décomptées et rémunérées conformément aux dispositions des articles L. 3121-10 et suivants du code du travail.'.

Ces dispositions n'apportent pas d'éléments d'information supplémentaire sur la durée du temps de travail de la salariée depuis qu'elle relève du statut des cadres. Il se déduit donc de ce qui précède que la salariée a travaillé de 2013 à mars 2018, sur la base de 35 heures depuis qu'elle est cadre, sans modalités particulières d'organisation.

Enfin, par avenant du 1er avril 2018, il a été convenu entre les parties que la nature de l'activité et les responsabilités confiées à la salariée nécessitaient une entière autonomie dans l'exécution de ses fonctions et que l'organisation de son travail en rendant impossible la prédétermination, le décompte de la durée du temps de travail a été alors décompté sur la base d'un forfait de 204 jours conformément aux dispositions de l'accord collectif du 21 novembre 2017, la salariée bénéficiant en contrepartie de demi-journées de repos.

L'accord sur la durée et l'aménagement du temps de travail prévoit également la réalisation de deux entretiens individuels par an dans le cadre du suivi régulier assuré par l'employeur sur l'organisation et la charge de travail des salariés qui bénéficient d'une convention de forfait en jours.

Toutefois, l'employeur ne justifie aucunement avoir assuré un suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de la salariée et ne produit d'ailleurs aucun entretien mené avec la salariée depuis son recrutement en 2010 sur son organisation et sa charge de travail.

Dès lors, en l'absence de toute justification par l'employeur de l'existence d'un suivi de la charge de travail de la salariée, la convention de forfait en jours est donc privée d'effet et la salariée peut par conséquent prétendre au paiement d'heures supplémentaires à compter du 1er avril 2018, dont il convient de vérifier l'existence et le nombre.

Sur le rappel de salaires au titre des heures supplémentaires du 15 juin 2015 au 8 juin 2018

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences des dispositions légales et réglementaires applicables.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, la salariée produit :

- des listings pour les années 2015 à 2018 que la salariée dénomme ' agendas' correspondant à un calendrier journalier sur lequel sont mentionnés son heure d'arrivée et de départ outre les temps consacrés à un déjeuner ou un dîner professionnel. La salariée fait débuter ses journées à 8h50 qui se terminent régulièrement à19h sauf le vendredi, à 13h, précisant en outre les journées de séminaire, les jours fériés, les congés annuels, de sorte que la durée moyenne d'une journée de travail, hors les vendredis, s'élève à 10,5 heures.

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires par semaine par année,

- ses notes de frais pour les années 2015 à 2018 des 'restaurants clients', des kilomètres parcourus : ainsi au mois de septembre 2015, la salariée a perçu 11 remboursements de frais de restaurants et a effectué 3 665 kms pour visiter ses clients ou prospecter des sociétés, au mois de novembre 2016, la salariée a demandé le remboursement de 13 repas au restaurant et de 2 993 kms, au mois de novembre 2017 de 8 restaurants et 3 731 kms,

- une attestation de Mme [Z], attachée commerciale de juin 2013 à janvier 2017 chez l'employeur, qui atteste que ' Madame [L] m'a toujours accompagnée sur ces actions et ayant trois attachés commerciaux sous sa responsabilité, son amplitude horaire de travail était donc conséquente. En effet, ses journées étaient donc organisées de la manière suivante : charge de travail au bureau plus accompagnement aux déjeuners puis dîners et soirée théâtre ou spectacle. (..) Effectivement, [N] (cf Mme [L])devait nous accompagner à chaque fois. Elle faisait des déjeuners et soirées pratiquement tous les jours. L'amplitude horaire de travail de Madame [L] était donc fréquemment de 8 h à 23 h 30.'

- une note de service de M.[S] du 13 mars 2017 relative à 'l'intéressement Points de l'excercice 2017" adressée aux chefs de vente qui précise notamment les modalités d'attribution des points pour les actions appelées 'parrainages accompagnés' consistant à accompagner un prospect lors d'une manifestation de type théâtre, cinéma, concert et, manifestation sportive,

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

L'employeur ne produit aucune pièce et se contente de contester les pièces communiquées par la salariée.

Si l'employeur comptabilise à peine '4 restaurants' en moyenne par mois en 2017 et à peine '3 restaurants' par mois en 2018, ces chiffres sont supérieurs ceux mentionnées les fiches de frais de la salariée.

Il ressort de la comparaison entre le listing journalier et les tableaux de frais mentionnels que :

- en janvier 2018, la salariée note '8 restaurants' et ' théâtre' sur les notes de frais et que seulement 4 restaurants sont déclarés sur le décompte des heures supplémentaires,

- en février 2018, la salariée note ' 5 restaurants' sur les notes de frais et 4 restaurants sont déclarés sur le décompte des heures supplémentaires,

- en mars 2018, la salariée compte 3 déjeuners et il y a 3 restaurants sur la note de frais

- en avril 2018, la salariée compte 3 déjeuners et il y a 2 restaurants sur la note de frais,

- en mai 2018, la salariée compte 3 déjeuners et il y a 3 restaurants sur la note de frais.

La salariée a donc correctement reporté en 2018 sur le tableau journalier les temps consacrés aux déjeuners ou dîners, hormis l'erreur faite en avril.

En revanche, la salariée indique des journées de plus de 15 heures à plusieurs reprises qu'elle intitule ' pa' dans ses tableaux sans explication.

Dès lors, il y a lieu de considérer que la réalisation d'heures supplémentaires a été rendue nécessaire par les tâches confiées à la salariée, qui avait le statut de cadre. Elle justifie par de nombreux éléments qu'elle a travaillé régulièrement au-delà d'une durée hebdomadaire de travail de 35 heures étant rappelé que la convention de forfait en jours a été précédemment privée d'effet à compter du 1er avril 2018.

Exception faite des imprécisions du décompte de la salariée, force est de constater que l'employeur, à qui il revient pourtant de contrôler les heures de travail effectuées, ne produit aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et qu'il est établi que que la salariée a accompli des heures supplémentaires entre le 15 juin 2015 et le 8 juin 2018. La cour évalue la créance s'y rapportant à la somme de 42 588,31 euros.

Il convient en conséquence, par voie d'infirmation du jugement, de fixer la créance de la salariée au titre du rappel d'heures supplémentaires à la somme de 39 588,31 euros outre 3 958,83 euros de congés payés afférents.

Sur l'absence d'information des droits à repos compensateurs

L'article 18 de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 prévoyait que "La contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent prévu aux deux derniers alinéas de l'article L. 3121-11 du code du travail dans la rédaction issue de la présente loi est fixée à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus (...).'

L'article L. 3121-30 du code du travail prévoit que :

"Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.

Les heures prises en compte pour le calcul du contingent annuel d'heures supplémentaires sont celles accomplies au delà de la durée légale".

L'article L. 3121-38 du même code, dans sa version en vigueur du 10 août 2016 au 1er janvier 2020 prévoit qu'à défaut d'accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos mentionnée à l'article L. 3121-30 est fixée à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel mentionné au même article L. 3121-30 pour les entreprises de vingt salariés au plus

Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi ; celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents. (Soc., 23 octobre 2001, pourvoi n° 99-40.879, Bull. 2001, V, n° 332 Publié)

De l'absence d'information régulière par l'employeur des droits acquis par le salarié au titre des repos compensateurs, se déduit l'existence d'un préjudice, dont les juges du fond apprécient souverainement le montant (Soc., 13 juin 2007, pourvoi n° 06-44.845).

En l'espèce, dans la partie 'Discussion' de ses conclusions la salariée sollicite une indemnité pour absence d'information par l'employeur de ses droits à repos compensateurs et sollicite dans le dispositif la somme de 16 560,32 euros nets à titre d'indemnité pour perte de repos compensateurs, outre 1 656,03 euros nets au titre des congés payés afférents,

Il ressort toutefois des moyens de la salariée et de ses pièces visées, que la salariée calcule précisémement son droit à repos compensateurs d'après le nombre d'heures supplémentaires effectuées sur la base d'un contingent annuel de 190 heures prévues par la convention collective, sollicite le paiement de la contrepartie obligatoire en repos.

La salariée qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de repos compensateur, a droit à l'indemnisation du préjudice subi, cette indemnisation qui s'établit à la fois à partir du montant de l'indemnité calculée au titre du repos outre les congés payés afférents.

Ainsi, infirmant le jugement, il sera alloué à la salariée la somme de 11 500 euros à titre de dommages- intérêts du fait de l'absence de contrepartie obligatoire en repos, dans les limites de la demande de la salariée, qui forme une demande indemnitaire et non de rappel de salaire.

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. 

En l'occurrence, la salariée, chef des ventes depuis 2013, disposait, ainsi qu'il a été rappelé précédemment, d'une grande autonomie dans l'exercice de ses fonctions. Aucune pièce ne permet d'établir que l'employeur avait connaissance de l'importance des heures de travail effectuées par la salariée et qu'il ait eu l'intention de se soustraire à ses obligations déclaratives en ne faisant pas figurer sur les bulletins de paie des heures de travail qu'il savait avoir été été accomplies.

La circonstance que l'employeur n'a effectué aucune référence de la durée du travail de la salariée avant le 1er avril 2018 dans un contrat et n'a pas proposé de convention individuelle de forfait, ce qu'il n'était pas tenu de faire, n'est pas davantage constitutive pour l'employeur d'un délit de travail dissimulé.

En conséquence, l'élément intentionnel n'étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement, de débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des commissions pour 2018

La salariée expose qu'elle est intervenue en 2018 dans la conclusion de six contrats commerciaux, lui ouvrant ainsi droit au versement d'une commission subséquente et qu'en cause d'appel, l'employeur n'apporte aucun élément pour justifier les conditions dans lesquelles le paiement des commissions était effectué alors qu'il a en sa possession tous les éléments permettant de vérifier le calcul des commissions. Elle ajoute que c'est donc sciemment que la société se dispense de verser tout élément, empêchant ainsi tout contrôle ou vérification.

L'employeur affirme que l'examen des échanges de courriels entre la salariée et sa hiérarchie ne permet pas de démontrer de quelles commissions il s'agit et si elles sont dues.

***

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire. Or, seul l'employeur détient les éléments propres à déterminer si oui ou non le chiffre d'affaires a été réalisé afin que la salariée perçoive les commissions réclamées.( cf Soc., 21 février 2008, pourvoi n° 06-41.547)

Quand elle a été nommée chef de ventes, la salariée a perçu selon avenant du 1er janvier 2013:

- une rémunération fixe annuelle brute avec un trezizième mois en décembre,

- une partie variable versée sous forme de commission unique représentée par un pourcentage du chiffre d'affaires HT mensuel pour les affaires sur lesquelles elle a fait une étude et négocié seule.

En 2017, la salariée a perçu chaque mois un salaire brut de base s'élevant à 4 100 euros et des commissions, sauf en septembre au titre du mois d'août, d'un montant mensuel compris entre 166,05 euros et 5 096,64 euros, ainsi qu'une prime de résultat de 5 000 euros versée en janvier 2018.

Par avenant du 1er février 2018, un nouveau système de rémunération variable a été mis en place qui prévoit :

- pour le commissionnement : un objectif individuel de ventes et un objectif global de ventes de l'agence, la salariée bénéficiant de commissions sur le chiffre d'affaires réalisé par ses soins et ceux de ses collaborateurs et signé sur l'exercice 2018,

- une prime annuelle sur objectif global de l'agence, si l'objectif global de vente de l'agence de 344K€ est atteint à 90% , soit un objectif individuel de 309,6k€, une prime brute annuelle de 5 000 euros est versée à la salariée (l'avenant précisant également les modalités pour 100ù et 80% de l'objectif atteint).

Les parties se sont opposées en juillet 2018 sur le montant des commissions et par courriel du 4 octobre 2018, M. [R], directeur commercial, a indiqué à la salariée qu'il a transmis l'ensemble des fiches de commissions de la salariée et qu'elles figureront sur son relevé du mois d'octobre 2018.

Par courriel du 15 octobre 2018, M. [U], directeur commercial IDF, a confirmé à la salariée que ' les commissions ont fait l'objet de dossiers signés avec [F] [R] et ton équipe. Celles-ci ont été signées par toi-même et sont actuellement dans le système'.

Il ressort de ces messages que l'employeur a estimé que les commissions réclamées par la salariée étaient dues et qu'elles étaient en cours de paiement.

Toutefois, la salariée n'a pas perçu les commissions dues qu'elle évalue à la somme de 15 940,43 euros et qu'elle détaille dans un tableau reprenant tous les contrats pour lesquels elle a chiffré un commissionnement entre août 2018 et février 2019. Elle ajoute la prime pour atteinte aux objectifs individuels d'un montant de 5 000 euros, l'ensemble de la demande s'élevant donc à la somme de 20 940,43 euros.

La salariée produit (pièces n° 45 et 46) des échanges de courriels entre décembre 2017 et juin 2018 confirmant qu'elle a participé à l'obtention des différents marchés dont elle se prévaut dans sa demande de rappel de commissions.

L'employeur a été informé des demandes de la salariée dès le mois de juillet 2018 , le conseil de cette dernière l'ayant saisi à ce sujet et lui ayant transmis le tableau détaillé de ses demandes, son envoi étant réitéré le 11 septembre 2018.

L'employeur, qui conteste le tableau de la salariée ne produit aucun élément chiffré notamment sur les six contrats retenus par la salariée et il ne peut valablement pas soutenir que les commissions concernent des affaires débutées alors que la salariée était en congé maladie, étant rappelé que l'avenant précise que la salariée perçoit également un bénéfice sur les résultats de ses collaborateurs signés sur l'exercice 2018.

L'employeur ne développe pas davantage d'argument sur la somme de 5 000 euros correspondant à la prime individuelle réclamée par la salariée au titre de l'année 2018 et qu'elle a perçu l'année précédente.

L'employeur ne procède donc que par affirmations générales sans offre de preuve et il convient de confirmer la décision des premiers juges qui ont condamné l'employeur au paiement de la somme de 20 940,43 euros.

Sur la modification unilatérale du contrat de travail constitutive d'une rétrogradation injustifiée

La salariée indique que la modification de son contrat de travail en juin 2018, annoncée sans information préalable, a constitué une rétrogradation, en ce qu'elle a perdu sa mission de management, que l'employeur aurait dû l'informer de sa faculté d'accepter ou de refuser une telle modification, et qu'elle s'analyse en une sanction disciplinaire.

Elle précise que si en apparence, elle a tout de même conservé ensuite son poste de chef des ventes dans les mêmes conditions qu'auparavant, son contrat de travail a bien été modifié de manière unilatérale, car elle s'est vue confier un simple poste de commerciale, cette situation impactant la part de sa rémunération commerciale et ayant une incidence sur son état de santé.

L'employeur réfute toute rétrogradation de la salariée et réplique que 'rien n'a changé' depuis le mois de juin 2018 et qu'en tout état de cause, la salariée n'a été présente sur la période que neuf jours jusqu'à la rupture du contrat. L'employeur affirme que le supérieur hiérarchique de la salariée lui a clairement expliqué à son retour d'arrêt maladie, puis de son mariage, que la composition de son équipe restait identique et que ses objectifs étaient maintenus sans changement.

Il explique que, sans visibilité de la date de retour de la salariée, il était indispensable d'encadrer les commerciaux sur le terrain et d'effectuer des ajustements et qu'il lui a été demandé de recruter deux nouveaux commerciaux en remplacements des départs ou de ceux affectés à d'autres équipes en son absence.

***

L'article L. 1222-1 du code du travail prévoit que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Le consentement du salarié doit être recherché lorsque l'employeur décide de modifier un élément contractuel alors qu'il pourra imposer un simple changement de ses conditions de travail en vertu de son pouvoir de direction.

Au cas présent, l'employeur a annoncé à la salariée une réorganisation de l'entreprise le 8 juin 2018 confirmée par un courriel du même jour élargissant notamment son secteur géographique d'intervention, la salariée développant son portefeuille mais avec un portefeuille portant uniquement sur les affaires dépassant 12K€ par mois, alors qu'auparavant elle intervenait sur tous les contrats sans limitation du montant du marché.

Par lettre du 15 juin 2018, la salariée a adressé une mise en demeure à l'employeur aux fins de paiement des heures supplémentaires et dénonçant l'exécution fautive de l'employeur du fait de sa réintégration.

Par note du 15 juin 2018 à l'attention de l'ensemble des équipes commerciales IDF, M. [P], directeur général, a présenté la réorganisation commerciale en ce que la région IDF est séparée en deux sous la supervisation de deux directeurs commerciaux. Cette note précise que ' les chefs de ventes ayant refusé ce projet préalablement individuellement présenté, nous maintenons l'actuel mode de fonctionnement. M. [U] supervisera Mme [L]. Seront placés sous sa responsabilité Mme [X] et M. [G]. Mme [L] aura également la responsabilité de recruter le ou la remplaçante de Mme [M] dont elle a souhaité se séparer.'.

M. [G], atteste avoir été témoin de la ' rétrogradation' de la salariée lors de la réunion commerciale du 11 juin 2018 au cours de laquelle 'il a été annoncé la suppression du poste de chef des ventes de l'équipe commerciale IDF. (...) M. [P] a répondu que les chefs des ventes devenaient responsables d'affaires sur les marchés supérieurs à 12.000€/mois et qu'ils n'auraient plus de management.'.

Dès lors, la salariée n'a pas eu de modification de ses fonctions, l'employeur ayant pris en compte son refus et la salariée qui explique qu'elle travaillait habituellement avec trois collaborateurs de 2015 à 2017, s'est bien vue affecter trois attachés commerciaux.

Il s'ensuit que la modification du contrat de travail de la salariée sans son accord n'est pas effective puisque la réorganisation prévue par employeur n'a pas été menée à terme.

Du 13 juin 2018 au 15 septembre 2018, la salariée a été ensuite en arrêt de travail.

S'agissant de la période à compter du 17 septembre 2018, date de la reprise annoncée par la salariée, le médecin du travail a déclaré la salariée apte le 25 septembre 2018.

Par courriel du 26 septembre 2018, la salariée a demandé l'accès aux offres commerciales et il lui a été répondu qu'elle avait désormais accès à ' I:/IDF sud année 2018" et ' concernant les TBB( cf portefeuille de l'agence), ils sont maintenant gérés par les Direccte CO, Donc les accès sont restreints'.

Du 27 septembre au 2 octobre 2018, la salariée a été en congés de mariage.

Par courriel du 9 octobre 2018, la salariée a fait part de sa désapprobation quant à la suppression de l'historique de ses courriels depuis huit années, ce qu'elle a contesté à son retour en septembre 20108 et que le service informatique n'a pas pu récupérer. La salariée a également indiqué que son ordinateur n'était plus paramétré comme avant son arrêt maladie pour avoir accès à toutes les offres commerciales des années précédentes, que son nom a été retiré de la porte de son bureau et n'a pas été remis.

En réponse, l'employeur indique que l'accès aux offres commerciales lui était ouvert, qu'elle pouvait se rapprocher de sa hiérarchie pour se rendre aux archives pour davantage d'informations et qu'une de ses collaboratrices qui a accusé Mme [L] de harcèlement moral lui avait retiré le nom de sa porte, ' par vengeance'.

La salariée a été ensuite en arrêt maladie du 16 octobre jusqu'au 26 novembre 2018 puis déclarée inapte par le médecin du travail le 27 novembre 2018.

Il ne ressort des différents messages échangés par les parties aucune intention de l'employeur d'empêcher la salariée de travailler et des réponses lui ont été apportées en septembre et octobre 2018 quand elle a rencontré des difficultés techniques. L'employeur lui a également adressé le 25 septembre 2018 mais surtout le 15 octobre 2018 deux longs courriels relatifs notamment à sa reprise de poste après son arrêt de travail,à la constitution de son équipe, au réaménagement des bureaux.

En conséquence, la salariée n'établit pas que l'employeur a modifié de manière unilatérale le contrat de travail et lui a imposé une rétrogradation injustifiée.

Sur la résiliation judiciaire

Lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que l'employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée. Si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, la salariée invoque l'absence de convention individuelle de forfait, l'absence d'entretiens annuels justifiant la condamnation aux heures supplémentaires, le défaut de paiement de ses commissions et la modification unilatérale de son contrat de travail.

Ont été précédemment établies :

- l'existence d' heures supplémentaires alors que la salariée travaillait sur la base d'un contrat prévoyant une durée hebdomadaire à 35 heures sans contrôle de l'employeur jusqu'en avril 2018,

- l'absence d'entretien individuels depuis la mise en place de l'accord sur la durée du temps de travail et après la signature d'une convention de forfait en jours,

- le défaut de paiement de ses commissions réclamées par la salariée dès le mois de juin 2018,

- la dégradation de l'état de santé de la salariée à l'annonce d'une modification de son contrat de travail, qui n'a pas été effective à la suite de son opposition à ce titre.

Sur tous ces points, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes en juillet 2018 et l'employeur n'y a apporté aucune réponse ni réglé les commissions dues.

Ces manquements de l'employeur à ses obligations légales et contractuelles sont d'une gravité suffisantes pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail qui, par suite, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce au jour dudit licenciement ; le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur les conséquences financières de la rupture

Pour calculer le montant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et les indemnités de rupture, la salariée se prévaut d'un salaire moyen mensuel brut de 8 186 euros sur la base du salaire de l'année de l'année 2017 euros compte tenu du rappel de salaire sollicité au titre des heures supplémentaires. Elle ne produit aucun calcul de sorte que la cour n'est pas en mesure de reconstituer le calcul de la salariée pour aboutir à ce montant mensuel.

L'employeur qui conteste les conséquences financières de la rupture n'a pas conclu sur le calcul des indemnités réclamées par la salariée.

Il ressort du dossier que la salariée a été en arrêt maladie à compter du 13 juin 2018 et qu'elle a calculé son salaire de référence sur la base de sa rémunération de l'année 2017, en y ajoutant les heures supplémentaires sollicitées.

Le salaire de référence varie en fonction de l'indemnité devant être servie à la salariée. En effet, les indemnités diverses dues à la salariée sont calculées sur la base d'assiettes diverses.

Ainsi, l'indemnité due en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieure à la rémunération brute dont bénéficiait le salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail (Soc., 22 juin 1993, pourvoi n° 91-43.560, publié).

Au cas présent, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, Mme [L] ayant acquis une ancienneté de huit années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 5 mois et 8 mois de salaire.

La cour détermine donc, en raison de l'ancienneté de la salariée et du nombre de mois de salaire brut dans la fourchette de laquelle elle doit trancher, le salaire d'après la rémunération brute versée à la salariée pendant les six mois précédant son arrêt maladie, avant la rupture du contrat de travail, et elle ajoute les heures supplémentaires dues sur ces six mois.

Le salaire de référence pour le calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse s'élève donc à la somme de 7 143,01 euros, qui intègre le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires précédemment alloué.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (7 143,01 euros bruts), de son âge (43 ans), de son ancienneté (huit ans), de ce qu'elle a retrouvé un emploi par contrat à durée indéterminée quinze jours après la rupture en qualité de chef des ventes pour une rémunération brute mensuelle de base de 4 615 euros, il y a lieu de condamner la société Isor à lui verser la somme de 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, la salariée sollicite une indemnité également calculée sur la base d'un salaire de 8 186 euros.

Or, l'indemnité compensatrice de préavis doit être calculée sur la base du dernier salaire d'activité du salarié et non de son dernier salaire moyen. (Soc., 1er février 2017, n°15-23.368 ; Soc., 7 février 2018, n°16-16.211).

Il n'est pas discuté que l'indemnité compensatrice de préavis représente trois mois de salaire de sorte que la salariée peut prétendre au paiement de cette indemnité qui ne lui a pas été versée par l'employeur au moment de la rupture et qui n'est pas contestée en son principe, étant la conséquence du licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail pour manquement de l'employeur .

Le salaire brut versé à la salariée s'élève à la somme de 4 224,98 euros et elle a déclaré 13,5 heures supplémentaires en mai 2018, avant son arrêt de travail, de sorte que son salaire de référence pour le calcul de l'indemnité compensatrice de préavis s'élève à la somme de 4 718,27 euros, soit un total dû de 14 154,81 euros, le jugement étant infirmé de ce chef.

S'agissant de l'indemnité légale de licenciement, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.

Au cas présent, la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant la rupture, toujours en prenant en compte l'arrêt de travail de la salariée, est la plus favorable de sorte que le salaire de référence, en incluant le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, s'élève à la somme mensuelle brute de 6 873,62 euros.

D'après les modalités de calcul de la salariée, non utilement contestés et sur la base précitée de 6 873,62 euros, l'indemnité légale de licenciement s'élève à la somme de 14 176,81 euros dont il convient de déduire la somme déjà perçue par la salariée de 10 927,12 euros dans le cadre du solde de tout compte, de sorte que le solde dû à la salariée à ce titre s'élève à 3 249,69 euros, le jugement étant également infirmé de ce chef.

La résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, qui l''imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

L'employeur sera condamné à remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision, sans toutefois que la nécessité d'une astreinte ne soit démontrée.

Il y a lieu de rappeler que les intérêts courent au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, l'employeur sera condamné aux dépens d'appel et ne saurait bénéficier d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera également condamné à payer à la salariée la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement, mais seulement en ce qu'il condamne la société Isor à verser à Mme [L] la somme de 20 940,43 euros bruts à titre de rappel de commissions et la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il déboute la société Isor de sa demande à ce titre et la condamne aux dépens, et en ce qu'il déboute Mme [L] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et de dommages-intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail constitutif d'une rétrogradation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT fondée la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail formée par Mme [L],

DIT que la résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour du licenciement, le 21 décembre 2018,

CONDAMNE en conséquence la société Isor à payer à Mme [L] les sommes suivantes :

- 39 588,31 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires, outre 3 958,83 euros de congés payés afférents,

- 20 940,43 euros au titre du rappel de commissions pour l'année 2018,

- 14 154,81 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 415,48 euros au titre des congés payés afférents

- 3 249,69 euros au titre du solde sur l'indemnité légale de licenciement,

- 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Isor à rembourser aux organismes intéressés les indemnités de chômage versées à Mme [L] dans la limite de six mois,

CONDAMNE la société Isor à remettre à Mme [L] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes à la présente décision,

DIT que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Isor aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [L] une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine MOURET, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00509
Date de la décision : 05/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-05;21.00509 ?
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