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04/07/2023 | FRANCE | N°21/06826

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 04 juillet 2023, 21/06826


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51Z



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 4 JUILLET 2023



N° RG 21/06826 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U235



AFFAIRE :



M. [X] [L]





C/



M. [C], [I] [D]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Boulogne-Billancourt



N° RG : 11-20-404

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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 4/07/23

à :



Me Axel MENINGAND



Me Dominique NAVEAU-DUCHESNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51Z

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 4 JUILLET 2023

N° RG 21/06826 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U235

AFFAIRE :

M. [X] [L]

C/

M. [C], [I] [D]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Mars 2021 par le Juge des contentieux de la protection de Boulogne-Billancourt

N° RG : 11-20-404

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 4/07/23

à :

Me Axel MENINGAND

Me Dominique NAVEAU-DUCHESNE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [L]

né le [Date naissance 3] 1997 à [Localité 9]

de nationalité Portugaise

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentant : Maître Axel MENINGAND, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 464

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/005742 du 03/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

Monsieur [C], [I] [D]

né le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Maître Dominique NAVEAU-DUCHESNE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 294

E.U.R.L. [D] [C], représentée par son gérant [C] [D]

N° SIRET : 453 128 860 RCS Toulon

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Dominique NAVEAU-DUCHESNE, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 294

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller et Monsieur Philippe JAVELAS, Président, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat de location du 3 octobre 2016, l'entreprise individuelle [D] SARLF a donné à bail à M. [X] [L] une chambre avec lavabo sise [Adresse 1], sise à [Localité 10] (92), moyennant un loyer, charges comprises, d'un montant de 405 euros.

Par acte d'huissier de justice délivré le 10 janvier 2020, M. [L] a assigné la société [D] SARLF et son gérant, M. [C] [D], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt aux fins de :

- voir dire que la société [D] SARLF et M. [D] ne lui ont pas délivré un logement décent,

- en conséquence voir condamner la société [D] SARLF et M. [D] à lui payer la somme de 2 765 euros de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance pour la période allant de la prise d'effet du bail (3 octobre 2016) jusqu'à l'arrêté du Préfet des Hauts-de-Seine mettant en demeure le propriétaire de cesser l'habitation de la lingerie,

- voir dire que la société [D] SARLF et M. [D] ont commis un dol précédant le contrat de location,

- en conséquence, voir condamner la société [D] SARLF et M. [D] à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamner la société [D] SARLF et M. [D] à payer à Me [Z] [M], la somme de 1 500 euros hors taxes (1 800 euros TTC) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [D] SARLF et M. [D] aux entiers dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire du 5 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt a :

- débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 novembre 2021, M. [L] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 1er novembre 2022, M. [L], appelant, demande à la cour de :

- lui adjuger le bénéfice de ses conclusions, le dire recevable en son appel et juger son action bien fondée,

- infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Boulogne-Billancourt du 5 mars 2021 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la société [D] SARLF et M. [D] ne lui ont pas délivré un logement décent,

- en conséquence, condamner la société [D] SARLF et M. [D] à lui verser la somme de 2 765 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance pour la période allant de la date de prise d'effet du bail (3 octobre 2016) jusqu'à l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine mettant en demeure le propriétaire de faire cesser l'habitation de la lingerie (28 février 2019),

- dire et juger que la société [D] SARLF et M. [D] ont commis un dol précédant la conclusion du contrat de location et ont manqué à l'obligation de loyauté,

- en conséquence, condamner la société [D] SARLF et M. [D] à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamner la société [D] SARLF et M. [D] à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [D] SARLF et M. [D] aux dépens de première instance et d'appel.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 19 octobre 2022, la société [D] SARLF et M. [D], intimées, demandent à la cour de :

- confirmer en tout point la décision attaquée,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,

- condamner M. [L] à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel,

- condamner M. [L] aux entiers dépens,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 février 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'existence d'un dol et les demandes indemnitaires du locataire (5 000 euros)

L'appelant fait grief au premier juge de l'avoir débouté de sa demande en réparation de son préjudice moral, au motif qu'en signant un contrat de location à usage d'habitation, M. [L] avait agi en toute connaissance de cause et qu'il ne pouvait, de ce fait, invoquer quelque vice du consentement que ce soit.

M. [L], à hauteur de cour, fait valoir qu'il a été victime d'un dol et d'un manque de loyauté à son égard du bailleur et expose à la cour que :

- le bailleur, qui savait que le local donné à bail était identifié dans le règlement de copropriété comme une lingerie, l'a induit en erreur et trompé sur la nature exacte du logement proposé, en indiquant dans son annonce qu'il s'agissait ' d'une chambre de service avec lavabo',

- cette attitude caractérise un manque de loyauté du bailleur à son égard et justifie la condamnation de ce dernier à lui payer une indemnité de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les bailleurs intimés, concluant à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [L] de ses demandes indemnitaires, rétorquent que :

- le contrat de location est libellé : ' contrat de location à usage d'habitation exclusivement',

- il n'a rien dissimulé, le local qui est une lingerie, étant bien à usage d'habitation,

- M. [L] n'a prétendu être victime d'un vice du consentement que deux ans après avoir pris possession des lieux, et a décliné les 19 offres de relogement qui lui ont été transmises.

Réponse de la cour

Selon l' article 1137 du code civil : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol , la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

Il incombe à l'appelant de d'établir l'existence de manoeuvres dolosives ou d'une réticence dolosive, qui s'analyse comme le silence observé délibérément par l'une des parties sur un fait que l'autre partie ne pouvait connaître, pour amener celle-ci à contracter, ainsi que le caractère déterminant de l'erreur provoquée par le dol.

Au cas d'espèce, même si le bailleur savait que le local était mentionné dans le règlement de copropriété comme étant 'une lingerie', il n'est pas établi qu'il aurait loué en connaissance des conséquences induites par cette qualification, à savoir l'inhabitabilité des lieux, dans la mesure où l'arrêté préfectoral du 28 février 2019, considérant que ' de par ses caractéristiques, la lingerie ne respecte pas les règles générales d'habitabilité pour l'aménagement de locaux d'habitation et est impropre à l'habitation', est postérieur de plus de deux ans au contrat de location.

Partant, le locataire ne démontre pas que son bailleur lui aurait intentionnellement dissimulé cette information, en vue l'amener à contracter.

L'élément intentionnel du dol n'étant pas établi, pas plus que le manque de loyauté du bailleur, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande indemnitaire sur le fondement du dol.

II) Sur le préjudice de jouissance du locataire

M. [L] fait grief à la décision déférée de l'avoir débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice de jouissance.

A hauteur de cour, faisant valoir que le logement donné à bail est indécent, il sollicite la condamnation de l'intimé à lui payer une somme de 2 765 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Le bailleur intimé rétorque que le caractère insalubre du logement n'est pas démontré par le rapport de l'agence régionale de santé, ni par l'arrêté mettant en demeure le bailleur de faire cesser l'habitation.

Réponse de la cour

En vertu de l' article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est obligé de délivrer au locataire un logement décent dont les caractéristiques sont définies par le décret n°2002-120du 30 janvier 2002.

L'article 2-5 de ce décret prescrit que les dispositifs d'ouverture et de ventilation des logements doivent permettre une occupation normale. Le logement doit, en outre, bénéficier d'un éclairage naturel suffisant.

Au cas d'espèce, il résulte du rapport de l'agence régionale de santé du 30 janvier 2019 que :

- le local litigieux est situé au 1er sous-sol du bâtiment 3 de ' la résidence du [Adresse 8]' à [Localité 10],

- la 'lingerie' d'une superficie d'environ 14 m², ne comporte aucune ventilation réglementaire,

- son taux d'enfouissement mesuré est de 57 %, avec un enterrement de 1,4 mètre,

- l'ouvrage simple vitrage ne permet par un éclairement naturel suffisant par temps clair de la pièce pour l'exercice d'une activité normale, une haie d'arbustes, située à un mètre de l'ouvrant limitant la luminosité de la pièce, et la surface d'éclairement naturel étant de 1/9eme de la surface au sol, alors que l'exigence réglementaire est de 1/6ème,

- les murs recouverts de toile de verre présentent un développement de moisissures noires localisées aux angles du plafond, sur le bâti de la porte d'entrée et plus particulièrement au niveau de la kitchenette. Les murs adjacents à la façade présentent d'anciennes traces de ruissellement d'eau et ces désordres sont révélateurs d'une humidité excessive en surface des murs, nonobstant l'usage fréquent d'un déshumidificateur d'air électrique.

Le rapport de l'agence régionale de santé relève que l'insuffisance de l'éclairement naturel, l'humidité excessive constituent des infractions au règlement sanitaire départemental des Hauts -de-Seine et que le propriétaire devra reloger les habitants.

Le préfet des Hauts-de-Seine, par arrêté du 28 février 2019, a mis en demeure le bailleur de faire cesser l'habitation de la lingerie.

L'arrêté a été pris au visa de l'article L. 1331-22 du code de santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux. Le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis les locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe. Il peut prescrire, le cas échéant, toutes mesures nécessaires pour empêcher l'accès ou l'usage des locaux aux fins d' habitation , au fur et à mesure de leur évacuation. Les mêmes mesures peuvent être décidées à tout moment par le maire au nom de l'Etat. Ces mesures peuvent faire l'objet d'une exécution d'office'.

Le bailleur indique avoir contesté cet arrêté devant les juridictions de l'ordre administratif, sans donner d'indication sur le sort réservé à son recours, étant observé que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise - 8ème Chambre a par jugement du 7 novembre 2022 - n° 2000957- débouté une propriétaire ayant contesté un arrêté préfectoral ayant interdit de louer une lingerie située dans un autre bâtiment de la même résidence.

L'absence de ventilation réglementaire, l'insuffisance de l'éclairement naturel et l'enfouissement important du local donnant à ce 'logement' des allures de cul de basse-fosse, l'humidité excessive, la présence de moisissures noires, l'inhabitabilité des locaux caractérisent, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, des manquements flagrants du bailleur à son obligation de délivrer un logement décent.

Il convient de rappeler que cette obligation est une obligation de résultat, et que seul un événement de force majeure est de nature à exonérer le bailleur de son obligation de délivrance d'un logement décent pendant la durée du contrat de bail.

Ces manquements ont causé un trouble de jouissance au locataire en le contraignant à vivre dans un logement impropre à l'habitation durant plusieurs années.

Compte tenu de la durée et de l'intensité du trouble subi, le préjudice de M. [L] sera intégralement réparé par la condamnation des intimés à lui payer une indemnité de 2 765 euros, correspondant au quart du montant du loyer sur la période allant de la prise d'effet du bail jusqu'à l'arrêté préfectoral mettant en demeure le propriétaire de faire cesser l'habitation de la lingerie.

Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande en réparation de son trouble de jouissance.

III) Sur les demandes accessoires

Les intimés, qui succombent pour l'essentiel, seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire, comme le réclament les intimés, le présent arrêt n'étant pas susceptible de recours suspensif.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant débouté M. [X] [L] de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau

Condamne M. [C] [D] et la société [D] SARLF à payer à M. [X] [L] une somme de 2 765 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;

Déboute M. [C] [D] et la société [D] SARLF de leurs demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] [D] et la société [D] SARLF à payer à M. [X] [L] une indemnité de 500 euros ;

Condamne M. [C] [D] et la société [D] SARLF aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 21/06826
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.06826 ?
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