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30/06/2023 | FRANCE | N°21/07685

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 3e section, 30 juin 2023, 21/07685


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 48C



1re chambre 3e section



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 30 JUIN 2023



N° RG 21/07685 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U5IS



AFFAIRE :



Société [19] ANCIENNEMENT [34]

S.A. [32]

...



C/

[E] [D]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CHARTRE

S

N° Chambre :

N° Section : SUREND

N° RG : 11-21-0037



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Toutes les parties







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE JUIN DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 48C

1re chambre 3e section

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2023

N° RG 21/07685 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U5IS

AFFAIRE :

Société [19] ANCIENNEMENT [34]

S.A. [32]

...

C/

[E] [D]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : SUREND

N° RG : 11-21-0037

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Toutes les parties

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société [19] ANCIENNEMENT [34]

[Adresse 8]

[Localité 12]

représentée par Me Laurence TURPIN, plaidant/postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 36, substituant Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

S.A. [32]

[Adresse 3]

[Localité 16]

représentée par Me Laurence TURPIN, plaidant/postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R 36, substituant Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619

APPELANTES - non comparantes

****************

Monsieur [E] [D]

[Adresse 14]

[Localité 6]

assisté de Me Alain MALET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000032

comparant

Madame [J] [P] épouse [D]

[Adresse 14]

[Localité 6]

assistée de Me Alain MALET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000032

comparante

S.A.R.L. [23]

[Adresse 1]

[Localité 5]

URSSAF - SECURITE SOCIALE DES INDEPENDANTS

[Adresse 4]

[Localité 7]

Société [20]

[Adresse 29]

[Adresse 29]

[Localité 9]

Société [18]

[Adresse 15]

[Localité 13]

Société [17]

[Adresse 28]

[Localité 10]

[26]

Prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Séverine DUCHESNE de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 48

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20210414

Société [24]

[Adresse 28]

[Localité 10]

INTIMES - non comparants, non représentés

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2023, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle CHESNOT, présidente,

Madame Lorraine DIGOT, conseillère,

Madame Michèle LAURET, conseillère,

Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 15 juillet 2020, M. et Mme [D] ont saisi la commission de surendettement des particuliers d'Eure-et-Loir, ci-après la commission, d'une demande de traitement de leur situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 25 août 2020.

Le 15 décembre 2020, la commission leur a notifié, ainsi qu'à leurs créanciers, sa décision de clôture du dossier pour cause de déchéance.

Statuant sur le recours de M. et Mme [D], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres, par jugement rendu le 29 novembre 2021, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré le recours recevable et bien fondé,

- 'infirmé la décision de la commission' en date du 15 décembre 2020,

- renvoyé le dossier devant la commission pour poursuite de la procédure.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée par leur conseil le 13 décembre 2021, les sociétés [32] et [19], anciennement [34], ont interjeté appel de ce jugement, notifié par lettres recommandées dont les avis de réception ont été signés les 1er et 2 décembre 2021.

Après un renvoi ordonné par la cour pour un échange des conclusions et pièces, toutes les parties ont été convoquées par le greffe à l'audience du 26 mai 2023, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 23 janvier 2023.

* * *

A l'audience devant la cour,

Les sociétés [32] et [19], anciennement [34], sont représentées par leur conseil qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour de :

- dire et juger que l'existence d'un contrat d'assurance-vie de 53 000 euros, constituant une partie des biens communs des débiteurs, n'a pas été portée à la connaissance de la commission et a ainsi été dissimulée par les époux [D],

- dire et juger que l'existence de parts sociales dans la SCI [30], constituant une partie des biens des débiteurs, n'a pas été portée à la connaissance de la commission et a ainsi été dissimulée par les époux [D],

- juger que toutes les conditions d'application de l'article 761-1, 2° du code de la consommation sont réunies,

- juger qu'en tout état de cause, M. et Mme [D] ont volontairement et frauduleusement souscrit et dissimulé le contrat d'assurance-vie de 53 000 euros à la commission lors du dépôt de leur dossier de surendettement,

- juger que la dissimulation de ce contrat a déterminé la recevabilité du dossier et a eu une incidence sur l'appréciation de la situation des débiteurs,

- juger qu'en tout état de cause, M. et Mme [D] ont volontairement et frauduleusement dissimulé l'existence de parts sociales dans la SCI [30] laquelle est propriétaire de biens immobiliers sis [Adresse 11] (28), de nature à déterminer la recevabilité du dossier de surendettement et avoir une incidence sur l'appréciation de la situation des débiteurs,

- juger que la mauvaise foi des époux [D] avant et lors du dépôt de leur dossier comme pendant la procédure de surendettement est démontrée,

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. et Mme [D] de toutes leurs demandes,

- confirmer le décision de la commission en date du 15 décembre 2020 de déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement de M. et Mme [D].

La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil des appelantes expose et fait valoir que par acte authentique reçu le 19 janvier 2012, les sociétés [19] et [32] ont consenti à la SCI [D] un contrat de crédit bail immobilier concernant l'acquisition d'un immeuble à usage commercial et de bureaux situé à [Localité 31] (28) ainsi que l'exécution de différents travaux de rénovation, que ces locaux étaient destinés à l'exploitation par une société sous-locataire dont Messieurs [E] et [U] [D] détenaient le capital, que ce montage devait permettre au crédit-preneur de régler les échéances du crédit-bail au moyen des loyers versés par le sous-locataire et devenir ainsi, à l'expiration du contrat, propriétaire de l'immeuble sans avoir rien déboursé, que suivant acte sous seing privé du même jour, la SCI [D] a consenti à la SARL [D] -devenue SAS [33] la sous-location de l'immeuble, que par jugement du 5 décembre 2013, le tribunal de commerce de Chartres a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SAS [D], que le 9 janvier 2014, il a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI [D], que les sociétés [19] et [32] ont déclaré leur créance au passif pour un montant de 1 444 967,37 euros, que le contrat de crédit-bail s'est trouvé résilié de plein droit au 21 mai 2014, que par jugement du 29 janvier 2015, le tribunal de commerce de Chartres a prononcé la liquidation judiciaire de la SCI [D], que par jugement du 7 septembre 2022 devenu définitif, le tribunal judiciaire de Chartres a condamné M. [E] [D] au paiement de la somme de 886  246,65 euros en principal, que dans le cadre du recours contre la décision de déchéance, les sociétés [19] et [32] ont appris que les époux [D] avaient organisé leur insolvabilité depuis 2014 en cédant une grande partie de leurs actifs, que la bonne foi est une condition de recevabilité de la demande de traitement d'une situation de surendettement en application de l'article L. 711-1 du code de la consommation, que la bonne foi doit perdurer durant la procédure engagée, qu'en effet, même si la demande a été déclarée recevable, un débiteur peut être déchu à tout moment du bénéfice de la procédure en raison de comportements déloyaux, que les causes de déchéance sont limitativement énumérées par l'article L. 761-1 du code de la consommation, que le premier juge a eu une interprétation erronée des dispositions de l'article L. 761-1, qu'en effet, alors que le détournement ou la dissimulation avait été établi, il n'avait pas à en rechercher les circonstances particulières ni à l'interpréter, que le premier juge ne pouvait davantage considérer que la souscription du contrat d'assurance-vie relevant de la catégorie des actes de disposition ne pouvait être analysé comme un acte répréhensible dès lors qu'elle n'avait pas eu lieu pendant la procédure, que les cas de déchéance visés à l'article L. 761-1 sont alternatifs et non cumulatifs, qu'en tout état de cause, l'intention frauduleuse et la mauvaise foi des débiteurs sont établis, que dès l'ouverture de procédures collectives à l'encontre des SAS et SCI [D], les époux [D] ont organisé leur insolvabilité, privant leurs créanciers d'un actif non négligeable, par la souscription du contrat d'assurance-vie, la vente de leur résidence principale sur laquelle ils ont perçu 200 521 euros et la donation à leurs enfants de toutes les parts sociales dans la SCI [22] évaluées à 400 000 euros après déduction du passif, que M. [D] était propriétaire de 40% de ces parts de sorte qu'un actif de 184 000 euros a été dissimulé, il en est de même s'agissant de Mme [D], qu'informés de cette donation, les créanciers auraient pu intenter une action paulienne, que le contrat d'assurance-vie n'a pas été déclaré lors du dépôt du dossier de surendettement alors que le formulaire Cerfa prévoit un espace pour déclarer ce type de contrat et rappelle en p. 12 la sanction encourue en cas de dissimulation, que même en cas d'acceptation des bénéficiaires, les époux [D] conservaient la disposition des fonds par rachat en l'absence de renonciation expresse, que M. [D] étant dirigeant de sociétés et Mme [D] conseillère clientèle chez [25], ils ne pouvaient l'ignorer, que ce contrat souscrit en 2014 ne pouvait avoir pour objet de protéger les enfants des débiteurs comme prétendu alors que les deux filles du couple étaient âgées de 26 et 27 ans et indépendantes financièrement, que les époux [D] n'ont pas davantage déclaré que M. [D] était propriétaire à hauteur de 50% des parts sociales de la SCI [30] propriétaire de plusieurs biens immobiliers à Nogent-Le-Rotrou, que le premier juge a retenu qu'elles avaient été déclarées pour une valeur de 0 euro alors qu'aucun renseignement n'est donné sur les parts, pas même le nom de la SCI, et que la valeur a été fixée de façon arbitraire par les débiteurs, qu'au vu de l'estimation des biens immobiliers qui sont la propriété de la SCI, les parts de M. [D] peuvent être évaluées à 220000 euros, que M. et Mme [D] ne sauraient prétendre que ces parts n'ont aucune valeur car le site serait pollué en se contentant de produire un 'devis de dépollution' datant du 14 octobre 2022 qui n'a pas été signé et concerne un simple programme d'investigations à mener pour déterminer l'état du site.

M. et Mme [D] sont assistés par leur conseil qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, Me Malet expose et fait valoir que la SARL [D] est une entreprise familiale, qu'en 2011, avec le soutien des pouvoirs publics, la construction d'une usine de fabrication a été lancée à Dreux en fermant le site de production en Chine, les conditions de réimplantation en France étant jugées favorables par certains économistes, qu'une première aide publique avec un prêt de 6,48 millions d'euros a été attribuée par le ministre de l'économie, qu'il s'agissait d'un dispositif gouvernemental destiné à soutenir l'entreprise sous forme d'avances remboursables pouvant aller jusqu'à 60% du montant de l'investissement prévu, que des commandes de 41 millions d'euros ont été passées sur 3 ans, que cependant, l'activité n'a pas suivi alors que le ministère du redressement productif avait annoncé 200 millions d'euros qui n'ont jamais été versés, qu'en décembre 2013, une procédure de redressement judiciaire était ouverte, qu'en juin 2014, l'entreprise a été reprise à la barre du tribunal par trois investisseurs algériens qui ont eux aussi déposé le bilan, qu'un échange de courriels avec le directeur de la [27] illustre les soutiens bancaires de la première heure puis les conseils pour déposer un dossier de surendettement, que la commission a déclaré le dossier des époux [D] recevable sans qu'aucun créancier n'exerce de recours contre cette décision de recevabilité, que les causes de déchéance sont limitativement énumérées par la loi et se distinguent des éléments constitutifs de l'absence de bonne foi au sens de l'article L. 711-1 du code de la consommation, que la déchéance ne peut être retenue que si les actes répréhensibles sont en rapport direct avec la situation de surendettement, que le contrat d'assurance-vie a été souscrit par les époux [D] à effet au 4 juin 2014, que la clause bénéficiaire a été rédigée au profit de deux filles du couple ainsi que cela leur avait été conseillé par le courtier, qu'ainsi, dans l'esprit de M. et Mme [D], ce contrat n'était plus leur propriété et, de bonne foi, ils ne l'ont pas déclaré lors du dépôt de leur dossier de surendettement, que le premier juge a par de justes motifs écarté la déchéance, que le capital placé demeure toujours disponible pour le règlement du passif, qu'au demeurant, la commission l'a intégré dans les mesures imposées après la décision dont appel, qu'une simple négligence ou une omission sans intention frauduleuse ne sauraient justifier la sanction de la déchéance, qu'au surplus, cette somme de 53 000 euros apparaît dérisoire au regard du passif à apurer de 1 700 000 euros, que la somme revenant aux époux [D] sur la vente de leur résidence principale en 2013, après paiement des soldes des prêts immobiliers, soit 189 756,17 euros, a été utilisée pour régler les dettes fiscales, qu'à cette époque, M. [D] n'avait plus de revenus, que le reliquat de 53 000 euros a été placé sur le contrat d'assurance-vie, que les parts dans le SCI [30] ont bien été déclarées à la commission mais valorisées à 0 euro, qu'en effet, le site propriété de la SCI est pollué et d'importants frais de dépollution doivent donc être engagés pour sa vente ou sa mise en location, que la dépollution nécessite en outre une étude préalable dont le coût est évalué à 4 290 euros qui n'a pas été faite, que la donation des parts sociales dans la SCI [22] a été effectuée en 2014 et n'a jamais été contestée en justice, qu'en outre, sur les 400 000 euros représentant le capital, il convient de déduire 386 753 euros de dettes.

La [21] ([27]) est représentée par son conseil qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris, de confirmer que les époux [D] sont déchus du bénéfice de la procédure de surendettement et de les condamner aux dépens.

La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, Me [L] expose et fait valoir que la [27] est créancière de M. et Mme [D] en leur qualité de cautions solidaires de la société [D], que suivant jugement rendu le 17 mai 2016 par le tribunal de commerce de Chartres, M. [D] a été condamné au paiement des sommes de 20 575,86 euros, 250 000 euros et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts, que suivant jugement rendu le 22 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Chartres, Mme [D] a été condamnée au paiement des sommes de 23 661,63 euros, 250 000 euros et 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre intérêts, qu'en garantie, la [27] ne dispose que d'une hypothèque judiciaire sur un appartement appartenant aux époux [D] d'une valeur de 50 000 euros environ et occupé par un locataire, que dans ces conditions, elle n'a pas entendu engager de saisie immobilière, que le 27 décembre 2020, M. [D] a sollicité un geste eu égard à sa situation de surendettement, que le 5 janvier 2021, la [27] a été informée par son huissier qu'un dossier de surendettement avait été clos pour cause de déchéance, qu'ainsi, M. [D] connaissait cette décision notifiée le 19 décembre et n'en a pas fait état dans sa correspondance du 27 décembre, qu'il est constant que le contrat d'assurance-vie n'a pas été déclaré par les époux [D] lors du dépôt de leur dossier de surendettement, que les explications sur les circonstances de souscription de ce contrat ne résistent pas à l'examen, qu'en tout de cause, eu égard à leur niveau intellectuel, ils ne peuvent soutenir avoir cru, de bonne foi, que le capital était bloqué au profit de leurs enfants, que les époux [D] ne s'expliquent pas sur l'utilisation du capital leur revenant sur la vente de la résidence principale de [Localité 5] pour un prix de 770 000 euros après remboursement des emprunts à hauteur de 530 591,83 euros, qu'il n'est nullement justifié du règlement prétendu de dettes fiscales, que la donation à leurs enfants des parts sociales dans la SCI [22] a été effectuée le 4 janvier 2014 soit un mois après l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société [D], que les 400 000 euros ne représentent pas la valeur du capital de la SCI mais celle des parts cédées, que lors d'une cession de parts, leur valeur est déterminée par rapport à l'actif et au passif, que, dès lors, si la donation a été estimée à 400 000 euros, c'est en tenant compte du passif qu'avait à régler la société, que cette donation est donc bien intervenue pour un montant de 400 000 euros, que la détention de parts dans la SCI [30] n'a pas été davantage déclarée, que le fait qu'elles appartiennent à M. [D] uniquement est sans incidence dès lors que la déclaration de surendettement est commune aux deux époux.

Aucun des autres intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Aux termes de l'article L. 761-1 du code de la consommation, 'est déchue du bénéfice des dispositions du livre septième relatif au traitement des situations de surendettement :

1° Toute personne qui a sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts;

2° Toute personne qui a détourné ou dissimulé ou tenté de détourner ou de dissimuler tout ou partie de ses biens ;

3° Toute personne qui, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, a aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou a procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel ou pendant l'exécution du plan ou des mesures prévues à l'article L. 733-1 ou à l'article L. 733-4.'

L'article L. 712-3 prévoit que cette déchéance est prononcée par la commission, par une décision susceptible de recours, ou par le juge des contentieux de la protection à l'occasion des recours exercés devant lui.

Elle sanctionne donc un débiteur déjà déclaré recevable à la procédure de surendettement mais pour lequel viendrait à être révélés, après la déclaration de recevabilité, l'un ou plusieurs des manquements visés par l'article 761-1 du code de la consommation.

Il est de principe que l'énumération des cas de déchéance de l'article L. 761-1 est limitative.

L'article L. 761-1, 1°, renvoie au devoir de transparence du débiteur quant à sa situation patrimoniale de sorte qu'il appartient à celui-ci de produire à la commission et au juge tous les éléments nécessaires à l'établissement actualisé de son passif et de son patrimoine, afin de permettre de prendre les mesures les plus adaptées à sa situation.

Contrairement aux dispositions de l'article L. 761-1, 3°, du code de la consommation, qui déchoit de la procédure la personne qui aura aggravé son endettement ou procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de surendettement, celles de l'article L. 761-1, 2°, qui déchoit de la procédure la personne qui aura détourné ou dissimulé ou tenté de détourner ou dissimuler tout ou partie de ses biens, ne se limitent pas aux actes accomplis durant le temps de la procédure.

Au cas d'espèce, c'est à bon droit et par des motifs que la cour s'approprie, que le premier juge a retenu que la preuve n'était pas rapportée que la vente par les débiteurs de leur résidence principale et la donation à leurs enfants de parts de la SCI [22], accomplis plus de six ans avant l'ouverture de la procédure de surendettement, constitueraient un détournement ou une dissimulation d'actifs au sens des dispositions précitées.

Il en est de même de la souscription, à la même période, soit bien antérieurement à la saisine de la commission, d'un contrat d'assurance-vie ce d'autant que celle-ci n'a pas fait sortir les fonds du patrimoine des débiteurs.

En revanche, il est acquis que, dans leur déclaration de surendettement reçue le 10 juillet 2020 qu'ils ont signée en apposant leur signature sous la mention «'Je certifie sur l'honneur l'exactitude des renseignements fournis ci-après. Je suis informé que toute fausse déclaration, toute remise de documents inexacts, toute dissimulation de biens peut me priver du bénéfice de la procédure de traitement du surendettement...'», M. et Mme [D] se sont abstenus de mentionner qu'ils avaient une assurance-vie d'un montant de 53 000 euros puisqu'à la rubrique «'Épargne'», ils n'ont rien indiqué dans la case spécifique intitulée «'assurance-vie'».

M. et Mme [D] ne pouvaient ignorer qu'ils devaient déclarer les sommes figurant sur ce contrat d'assurance-vie alors que les mentions de l'imprimé de déclaration de surendettement sont claires et explicites et ne distinguent pas selon que le déclarant peut ou non débloquer les sommes figurant sur ledit contrat et qu'ils sont informés par cet imprimé qu'ils doivent déclarer tous leurs revenus et biens.

Ils ne sauraient sérieusement prétendre qu'ils ont, de bonne foi, considéré que les fonds étaient sortis de leur patrimoine par la seule rédaction d'une clause bénéficiaire au profit de leurs deux enfants. En effet, une telle clause n'a d'effet qu'au décès du premier des co-assurés. Le courrier daté du 5 mai 2021 de leur conseil en gestion de patrimoine, M. [N], ne permet pas d'établir qu'une information différente leur aurait été donnée lors de la souscription du contrat et il n'est nullement établi ni même prétendu que les bénéficiaires auraient accepté leur désignation dans les conditions prévues par la loi.

Dès lors, ils ont sciemment dissimulé une partie de leur patrimoine à la commission. Cette omission volontaire constitue une dissimulation d'actif sanctionnée par l'article L. 761-1 précité et la déchéance du bénéfice des dispositions relatives au surendettement est donc encourue.

C'est à tort que le premier juge a retenu que cette omission était sans incidence sur l'appréciation de la situation des débiteurs alors qu'au regard de l'importance considérable du passif, la seule capacité de remboursement des débiteurs et leur patrimoine ne permettront pas son apurement total et que la somme de 53 000 euros peut, à tout le moins, régler la dette de logement, la dette à l'égard de l'Urssaf et, partiellement, les autres dettes bancaires.

En conséquence, sans qu'il soit besoin de répondre aux autres moyens, il y a lieu de déchoir M. et Mme [D] du bénéfice de la procédure de surendettement et d'infirmer le jugement entrepris en ce sens.

Les époux [D] seront condamnés aux dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement rendu le 29 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Chartres sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déchoit M. [E] [D] et Mme [J] [P] épouse [D] du bénéfice de la procédure de surendettement,

Condamne M. [E] [D] et Mme [J] [P] épouse [D] in solidum aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers d'Eure-et-Loir.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, faisant fonction, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 3e section
Numéro d'arrêt : 21/07685
Date de la décision : 30/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-30;21.07685 ?
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