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29/06/2023 | FRANCE | N°23/01075

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 29 juin 2023, 23/01075


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58E



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 23/01075 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VV76







AFFAIRE :



S.A. MMA IARD



C/



S.A.R.L. LOUISE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er Février 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2022J00034



Expéditions exécutoires
>Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Stéphanie TERIITEHAU



Me Martine DUPUIS



TC CHARTRES











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt s...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58E

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 23/01075 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VV76

AFFAIRE :

S.A. MMA IARD

C/

S.A.R.L. LOUISE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er Février 2023 par le Tribunal de Commerce de CHARTRES

N° RG : 2022J00034

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie TERIITEHAU

Me Martine DUPUIS

TC CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. MMA IARD

RCS Le Mans n° 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELARL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et Me Guillaume BRAJEUX du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN France, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J040

APPELANTE

****************

S.A.R.L. LOUISE

RCS Chartres n° 444 521 710

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Sébastien BAUHARDT et Me Fany BAIZEAU de la SELARL ORID, Plaidants, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président et Madame Bérangère MEURANT, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société Louise exploite un restaurant de l'enseigne McDonald's à [Localité 4].

Dans le cadre de cette activité, un contrat d'assurance multirisque a été souscrit auprès de la société MMA Iard, ci-après dénommée la société MMA, par l'intermédiaire de la société Sciaci Saint Honoré, courtier en assurance.

Ce contrat prévoit une garantie des pertes d'exploitation.

Expliquant avoir été contrainte de fermer son établissement à partir du 15 mars 2020 à la suite de l'arrêté du 14 mars 2020 et du décret n°2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales applicables dans le cadre de l'état d'urgence consécutif à l'épidémie de Covid-19, la société Louise, en août 2020, a régularisé une déclaration de sinistre auprès de la société MMA afin d'obtenir la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation.

Par courrier du 8 janvier 2021, la société Sciaci Saint Honoré a informé la société Louise du refus de garantie de l'assureur.

Par acte d'huissier du 1er février 2022, la société Louise a fait assigner la société MMA devant le tribunal de commerce de Chartres, afin d'obtenir la prise en charge de son dommage dans le cadre de la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation.

In limine litis, la société MMA a demandé au tribunal de commerce de Chartres de se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, compte tenu du lien d'indivisibilité et subsidiairement de connexité existant entre l'instance et de nombreuses autres instances engagées par d'autres exploitants de restaurants McDonald's à son encontre au titre de la garantie des pertes d'exploitation devant le tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 1er février 2023, le tribunal de commerce de Chartres a :

- Dit la société MMA Iard recevable en son exception d'incompétence, mais s'est déclaré compétent pour connaître du présent litige,

- Débouté la société MMA Iard de toutes ses demandes,

- Débouté la société Louise de ses demandes reconventionnelles,

- Condamné la société MMA Iard à payer à la société Louise la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Fixé le calendrier de procédure au fond suivant :

- Conclusions de la société Louise pour le 28 février 2023,

- Conclusions en réponse de la société MMA Iard pour le 30 mars 2023,

- Conclusions en réplique de la société Louise pour le 15 avril 2023,

- Conclusions en réplique pour la société MMA Iard pour le 30 avril 2023,

- Plaidoirie ferme sans possibilité de renvoi à l'audience du 23 mai à 14h30,

- Nommé M.[V] en tant que juge chargé d'instruire l'affaire, lequel veillera également au respect du calendrier de procédure fixé,

- Réservé les dépens.

Par déclaration du 15 février 2023, la société MMA a interjeté appel du jugement.

Dûment autorisée à cette fin, la société MMA Iard a fait assigner à jour fixe la société Louise devant Monsieur le premier président de la cour d'appel de Versailles par acte d'huissier du 18 mars 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 avril 2023, la société MMA demande à la cour de:

A titre principal

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré compétent et a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société MMA Iard,

Statuant à nouveau :

- Déclarer recevable et bien fondée l'exception d'indivisibilité soulevée,

- Renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris,

A titre subsidiaire

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré compétent et a rejeté l'exception de connexité soulevée par la société MMA Iard,

- Constater la connexité de la demande formée par la société Louise à l'encontre de la société MMA Iard avec celles pendantes au tribunal de commerce de Paris et résultant des actes introductifs d'instance suivants :

- L'assignation délivrée à la requête de la société Chems par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015439

- L'assignation délivrée à la requête de la société PAR7 par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015441

- L'assignation délivrée à la requête de la société CMFG par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015442

- L'assignation délivrée à la requête de la société Parit 1 par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015443

- L'assignation délivrée à la requête de la société Parit 2 par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015444

- L'assignation délivrée à la requête de la société Keya par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015445

- L'assignation délivrée à la requête de la société Stalirest par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015447

- L'assignation délivrée à la requête de la société Clément Paris Zenith par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015450

- L'assignation délivrée à la requête de la société Conzadeb par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021015452 20

- L'assignation délivrée à la requête de la société Birdy par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019697

L'assignation délivrée à la requête de la société Montmartre Express par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019698

- L'assignation délivrée à la requête de la société Savop par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021019699

- L'assignation délivrée à la requête de la société BN Express par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021019700

- L'assignation délivrée à la requête de la société Savpro par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019903

- L'assignation délivrée à la requête de la société Savgram par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019904

- L'assignation délivrée à la requête de la société Juad par exploit d'huissier du 1er mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021019905

- L'assignation délivrée à la requête de la société Philiart par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022745

- L'assignation délivrée à la requête de la société Olica par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022750

- L'assignation délivrée à la requête de la société Caroli par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022751

- L'assignation délivrée à la requête de la société Soficar par exploit d'huissier du 16 mars 2021 enrôlée sous le RG n°2021022755

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Forum par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022757

- L'assignation délivrée à la requête de la société Forum Ciné par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n° 2021022759

- L'assignation délivrée à la requête de la société R R R par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022760

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Voltaire par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022761

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Berger par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022762 21

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Renard par exploit d'huissier du 16 mars 2021, enrôlée sous le RG n°2021022763

- L'assignation délivrée à la requête de la société Paros par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038761

- L'assignation délivrée à la requête de la société Paritol par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038769

- L'assignation délivrée à la requête de la société CMFP par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038763

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Bastille par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021037098

- L'assignation délivrée à la requête de la société Nandre par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038765

- L'assignation délivrée à la requête de la société CJAE par exploit d'huissier du 5 mai 2021 enrôlée sous le RG n°2021038759

- L'assignation délivrée à la requête de la société Bavachy par exploit d'huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037237

- L'assignation délivrée à la requête de la société Savcad par exploit d'huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040691

- L'assignation délivrée à la requête de la société Gorest par exploit d'huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037112

- L'assignation délivrée à la requête de la société Santi par exploit d'huissier du 7 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040733

- L'assignation délivrée à la requête de la société Elika par exploit d'huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040681

- L'assignation délivrée à la requête de la société SL Reaumur par exploit d'huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040688

- L'assignation délivrée à la requête de la société Mado par exploit d'huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040685

- L'assignation délivrée à la requête de la société Reaustat par exploit d'huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021040686

- L'assignation délivrée à la requête de la société Hamsco par exploit d'huissier du 8 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021037110

- L'assignation délivrée à la requête de la société Schams par exploit d'huissier du 17 juin 2021 enrôlée sous le RG n°2021038767

- L'assignation délivrée à la requête de la société Malia par exploit d'huissier du 9 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022016059

- L'assignation délivrée à la requête de la société Cozumel par exploit d'huissier du 9 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017121

- L'assignation délivrée à la requête de la société Byva par exploit d'huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017123

- L'assignation délivrée à la requête de la société Keshvar par exploit d'huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017120

- L'assignation délivrée à la requête de la société Tabrizale par exploit d'huissier du 11 mars 2022 enrôlée sous le RG n°2022017122

- L'assignation délivrée à la requête de la société Savcham par exploit d'huissier du 14 mars 2022 enrôlée sous le RG n° 2022017125

- Renvoyer au tribunal de commerce de Paris la présente instance, motif pris de la connexité,

En tout état de cause

- Réformer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société MMA Iard à payer 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Louise,

- Débouter la société Louise de ses demandes de dommages-intérêts et d'amende civile fondées sur une prétendue résistance abusive de la société MMA Iard,

- Débouter la société Louise de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Réserver les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 4 mai 2023, la société Louise demande à la cour de:

- Confirmer le jugement rendu par le tribunal en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaitre du présent litige et a débouté la société MMA Iard de ses demandes de renvoi du dossier devant le tribunal de commerce de Paris,

En tout état de cause

- Condamner la société MMA Iard à verser la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société MMA demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de relever son incompétence et de renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Paris en raison de l'indivisibilité et subsidiairement de la connexité de l'affaire avec les multiples affaires identiques, concernant les deux mêmes contrats d'assurance, le même assureur, la même nature de demandes et posant les mêmes questions juridiques, dont cette juridiction a été saisie en premier lieu. L'assureur considère qu'il existe un risque important de contrariété de décisions susceptible d'être à l'origine d'une impossibilité juridique d'exécution, notamment s'agissant du plafond de garantie, au regard du nombre très important de juridictions saisies de litiges similaires (135 juridictions saisies de 1470 assignations). Il estime qu'au regard du principe du contradictoire, il est nécessaire que tous les intéressés au litige puissent faire valoir leurs arguments.

L'appelante conteste la similitude entre le présent contentieux et celui opposant la société Axa à de nombreux restaurateurs concernant la mobilisation de la garantie des pertes d'exploitation, dès lors qu'il n'existe en l'espèce que deux contrats, conclus par la société Mac Donald's France Services, qui est son seul cocontractant dans le cadre d'une assurance pour compte. La société MMA relève que le renvoi des affaires devant un seul tribunal n'empêcherait pas les assurés d'individualiser leurs demandes et que le secret des affaires ne peut s'opposer à sa demande, dès lors que les procédures et les jugements sont publics. L'appelante répond ensuite sur les arguments de fond invoqués par l'intimée, soulignant que les incidents soulevés ne nécessitent pas que soient examinées les questions de fond. Elle conteste toute man'uvre dilatoire, rappelant ne souhaiter qu'un traitement unique, raisonnable, cohérent et efficace de toutes les réclamations. Elle rappelle que certaines juridictions ont accueilli son exception d'incompétence.

La société Louise conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté l'exception d'incompétence. Elle fait valoir qu'elle est une société indépendante exploitant de manière autonome un unique restaurant à enseigne Mac Donald's'; que dans ce cadre, elle a choisi une assurance et reçu des conditions de garantie actant de sa qualité d'assurée et du lien contractuel direct et personnel avec la société MMA, lui permettant d'agir directement contre l'assureur pour obtenir l'indemnisation de son dommage devant le tribunal du lieu de son siège social, seul tribunal compétent. L'intimée estime que chacune des affaires portées devant les juridictions doit être considérée de manière indépendante, que la stratégie d'obstruction de la société MMA, visant à empêcher le tribunal saisi de statuer sur une affaire relevant de sa seule compétence, démontre la mauvaise foi et la résistance abusive de l'assureur, alors que la garantie est manifestement mobilisable.

La société Louise soutient que les arguments tenant à l'indivisibilité sont inopérants comme ceux relatifs à un soi-disant risque de contradiction, dès lors que l'objet de l'instance se limite strictement à son action au titre de son contrat d'assurance et de son préjudice, sans que d'autres affaires menées par d'autres sociétés, qui plus est concurrentes, ne puissent interférer. Elle précise que le jugement sera parfaitement exécutable quelle que soit l'analyse retenue par d'autres juridictions s'agissant de l'application de la garantie et de son plafond, dans la mesure où elle agit contre l'assureur sur la base d'un droit propre et sollicite l'indemnisation d'un sinistre personnel. Elle souligne que le contentieux ayant opposé la société Axa et ses assurés démontre que l'existence d'analyses divergentes entre les juridictions quant à l'application d'une garantie relative aux pertes d'exploitation ne rend pas l'exécution des décisions impossible. Elle ajoute que le contrat prévoyant un plafond d'indemnisation de 300.000 euros « par sinistre », elle bénéficie d'un plafond d'indemnisation applicable à son seul restaurant.

La société Louise conteste par ailleurs l'existence d'une connexité entre son affaire et celles des autres assurés pendantes devant d'autres juridictions en l'absence d'identité de parties et de demandes dans le cadre des différentes instances. Elle rappelle solliciter l'indemnisation d'un dommage qui lui est propre, sur la base d'une police et d'un droit personnels à l'égard de l'assureur, alors que les autres restaurateurs sont susceptibles de suivre des stratégies distinctes, de sorte qu'une bonne administration de la justice n'impose pas de renvoyer son dossier au tribunal de commerce de Paris.

*****

A titre liminaire, la cour constate que l'appelant ne sollicite plus la jonction des affaires dont le tribunal de commerce de Chartres est saisi, ni le sursis à statuer et que l'intimée n'a pas formé appel incident du chef du jugement ayant rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive.

Sur l'indivisibilité du litige

L'article R.114-1 du code des assurances dispose que': «'Dans toutes les instances relatives à la fixation et au règlement des indemnités dues, le défendeur est assigné devant le tribunal du domicile de l'assuré, de quelque espèce d'assurance qu'il s'agisse, sauf en matière d'immeubles ou de meubles par nature, auquel cas le défendeur est assigné devant le tribunal de la situation des objets assurés.

Toutefois, s'il s'agit d'assurances contre les accidents de toute nature, l'assuré peut assigner l'assureur devant le tribunal du lieu où s'est produit le fait dommageable'».

En l'espèce, il n'est pas contesté que le siège social de l'intimée, personne morale juridiquement indépendante de la société Mc Donald's France et des autres exploitants de restaurants de l'enseigne Mc Donald's, revendiquant la qualité d'assurée à titre personnel, se situe dans le ressort du tribunal de commerce de Chartres. En application des dispositions de l'article R.114-1 précité, cette juridiction est exclusivement compétente.

Une demande qui relève de la compétence exclusive d'une juridiction ne peut être transmise à une autre juridiction qu'en cas d'indivisibilité, laquelle ne peut résulter que d'une impossibilité d'exécution simultanée de décisions qui seraient rendues séparément.

Le seul risque de contrariété de jugements, rendus à l'égard de parties indépendantes, ayant engagé une action personnelle au titre d'un droit revendiqué comme propre, ne suffit pas à caractériser un cas d'indivisibilité.

L'indivisibilité est appréciée par rapport à l'objet du litige, défini à l'article 4 du code de procédure civile comme suit : «'L'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant'».

En l'espèce, il ressort des écritures des parties que le litige porte, tout d'abord, sur l'analyse de la nature du contrat d'assurance souscrit auprès de la société MMA. L'assureur soutient qu'il s'agit d'un contrat conclu par la société Mc Donald's France Services, seule cocontractante, pour le compte des restaurateurs, tandis que l'intimée se prévaut d'un contrat personnel conclu dans le champ d'application d'un contrat cadre. Si les décisions des différentes juridictions saisies de cette question sont effectivement susceptibles d'être contradictoires selon l'analyse que chacune d'elle sera amenée à en faire, aucune impossibilité d'exécution simultanée n'apparaît caractérisée par la société MMA, dès lors que chaque juridiction en tirerait les conséquences quant aux obligations auxquelles l'assureur est tenu à l'égard de l'intimée.

Le différend porte par ailleurs sur la mobilisation de la garantie des ''pertes d'exploitation sans dommages" (article 3.2.11 de la police) en cas d'ordre de fermeture. A nouveau, le risque de contrariété de décisions existe selon que chaque juridiction considèrera que la garantie est mobilisable ou pas. Néanmoins, les décisions n'en seraient pas pour autant inexécutables de manière sinultanée, puisque dans certains cas, l'assureur serait tenu d'exécuter le contrat, tandis que dans d'autres, il en serait dispensé.

Enfin, les parties s'opposent quant à l'application du plafond contractuel de la garantie, puisque la société MMA se prévaut d'un plafond unique de garantie pour l'ensemble des restaurateurs, tandis que l'intimée prétend que le sinistre lui est personnel et que la totalité du plafond lui est dès lors applicable. Selon l'analyse de chaque juridiction, il apparaît effectivement que l'assureur pourrait être amené à régler à un restaurateur une indemnité dans la limite d'un plafond personnel de 300.000 € dans certains litiges, alors qu'il serait susceptible dans d'autres de devoir organiser la répartition d'un plafond unique de 300.000 € entre plusieurs autres restaurateurs. Cette situation, certes complexe, ne caractérise toutefois pas une impossibilité d'exécution simultanée.

L'inégalité de traitement des différents exploitants de restaurants de l'enseigne Mc Donald's ayant engagé un contentieux auprès de différentes juridictions qui en résulterait, ne peut faire échec à la compétence exclusive issue de l'article R.114-1 précité.

Si certains restaurants sont gérés par la même personne physique, il n'en demeure pas moins que chaque action a été engagée par une personne morale distincte revendiquant un contrat et donc un droit qui lui est personnel. Dans le cadre de chaque procédure et dans le respect du contradictoire, toutes les parties auront la possibilité de faire valoir leurs moyens et arguments et d'attraire toute autre partie qu'elle estime devoir appeler en la cause.

Au regard de ces éléments, et sans qu'il soit nécessaire d'aborder les questions de fond développées par les parties qui sont sans effet sur la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence fondée sur l'indivisibilité.

Sur la connexité

L'article 101 du code de procédure civile dispose que': «'S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction'».

Toutefois, la compétence exclusive issue de l'article R.114-1 du code des assurances, rappelé supra, fait obstacle au jeu de la connexité au profit d'une autre juridiction, de sorte que l'exception d'incompétence soulevée par la société MMA sur ce fondement ne peut prospérer.

Aussi, le jugement entrepris sera également confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a écarté l'exception de connexité.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement déféré sera confirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société MMA qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à l'intimée la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';

Condamne la société MMA Iard aux dépens d'appel';

Condamne la société MMA Iard à payer à la société Louise la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 23/01075
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;23.01075 ?
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