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29/06/2023 | FRANCE | N°21/07262

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 29 juin 2023, 21/07262


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50D



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/07262 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U36Y







AFFAIRE :



S.A.R.L. ALVERGNAS AUTOMOBILES



C/



[K] [S]



S.A. CA CONSUMER FINANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° Chambre : 4

N° RG : 2020F0

0627



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Antoine DE LA FERTE



Me Ivan CORVAISIER



Me Mélina PEDROLETTI



TC VERSAILLES









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50D

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/07262 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U36Y

AFFAIRE :

S.A.R.L. ALVERGNAS AUTOMOBILES

C/

[K] [S]

S.A. CA CONSUMER FINANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de Versailles

N° Chambre : 4

N° RG : 2020F00627

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Antoine DE LA FERTE

Me Ivan CORVAISIER

Me Mélina PEDROLETTI

TC VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. ALVERGNAS AUTOMOBILES

RCS Versailles n° 417 716 610

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Antoine DE LA FERTE de la SELARL LYVEAS AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 283

APPELANTE

****************

Monsieur [K] [S]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Ivan CORVAISIER de la SELARL CORVAISIER AVOCATS ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 37 et Me Alice ROUMESTANT et Me Vincent JAMOTEAU de la SCP ACR AVOCATS, Plaidants, avocats au barreau D'ANGERS

INTIME

****************

S.A. CA CONSUMER FINANCE

RCS Evry n° 542 097 522

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Annie-Claude PRIOU GADALA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R080

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

Le 26 octobre 2018, Monsieur [K] [S] (M. [S]) a commandé auprès de la société Alvergnas Automobiles (ci-après la société Alvergnas) un véhicule d'occasion de marque BMW, de type X6, immatriculé [Immatriculation 7], pour un montant total de 31.710,76 €.

Cet achat a été financé par un crédit affecté souscrit par M. [S] auprès de la société CA Consumer Finance (la société Consumer Finance) pour un montant de 31.710,76 €.

Le véhicule, mis en première circulation le 29 avril 2009 et affichant au compteur 97.000 km, a été livré le 5 novembre 2018 à Monsieur [S].

Par courriel du 7 novembre 2018, M. [S] s'est plaint auprès de la société Alvergnas de plusieurs désordres, invitant cette dernière à y remédier.

M. [S] a réitéré sa demande, par courriels des 8 et 12 novembre 2018, et a signalé de nouvelles pannes sur son véhicule.

Le 30 novembre 2018, insatisfait des réponses apportées par la société Alvergnas, M. [S] a confié son véhicule au concessionnaire BMW Cap Ouest pour réparation.

M. [S] a, ensuite, envoyé à la société Alvergnas les devis et factures de réparation, rappelant qu'il était toujours dans l'attente du carnet d'entretien et du procès-verbal de contrôle technique du véhicule litigieux.

Par courrier électronique en date du 19 décembre 2018, M.[S] a sollicité vainement la remise du carnet d'entretien du véhicule et du contrôle technique.

M.[S] a alors mandaté un expert automobile. L'expertise amiable contradictoire s'est déroulée les 26 mars, 15 mai, 29 mai et 13 juin 2019 et a donné lieu à un rapport le 4 juillet 2019. Cette expertise n'a pas permis de résoudre le litige.

Par ordonnance du 3 mars 2020, le juge des référés du tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a ordonné une mesure d'expertise.

Le 30 ao0t 2020, l'expert (M. [R]) a déposé son rapport.

Par actes d'huissier des 28 octobre et 5 novembre 2020, M.[S] a fait assigner respectivement la société Consumer Finance et la société Alvergnas devant le tribunal de commerce de Versailles.

Par jugement du 11 juin 2021, le tribunal de commerce de Versailles a :

- Déclaré irrecevable Ia demande de la société Alvergnas Automobiles à l'encontre de M.[S] pour défaut d'intérêt à agir ;

- Prononcé la résolution du contrat de vente conclu Ie 26 octobre 2018 entre M.[S] et Ia société Alvergnas Automobiles portant sur le véhicule de marque BMW et de type X6 immatriculé [Immatriculation 7] ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] Ia somme de 31.710,76 €;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à procéder à la reprise dudit véhicule à ses frais, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification du jugement à intervenir (sic) ;

- Dit que, passé ce délai, M.[S] pourra disposer librement du véhicule ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 14.830,73 € à titre de dommages et intérêts ;

- Prononcé la résolution du contrat de prêt souscrit par M.[S] auprès de la société CA Consumer Finance ;

- Condamné M.[S] à restituer à la société CA Consumer Finance Ia somme de 31.710,76€ sous déduction des mensualités versées, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2020 ;

- Condamné M.[S] à régler les mensualités d'assurance jusqu'à restitution complète des fonds prêtés ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à garantir M.[S] de toutes les condamnations prononcées contre lui du fait de la résolution du contrat de prêt ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à payer à Ia société CA Consumer Finance Ia somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire de 2.365,78 € et dont les frais de greffe s'élèvent à la somme de 94.34 €.

Par déclaration du 7 décembre 2021, la société Alvergnas a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance d'incident du 17 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

- Rejeté la demande de M.[S] (tendant à déclarer irrecevable l'appel de la société Alvergnas au motif que cette dernière aurait acquiescé au jugement) ;

- Déclaré recevable l'appel interjeté le 7 décembre 2021 par la société Alvergnas Automobiles à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de commerce de Versailles le 11 juin 2021 ;

- Condamné M.[S] aux dépens de l'incident ;

- Condamné M.[S] à verser à la société Alvergnas Automobiles la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d'incident du 20 avril 2023, le conseiller de la mise en état s'est déclaré compétent pour statuer sur la demande de la société Alvergnas Automobiles, l'a rejetée et a:

- Déclaré recevables les conclusions d'intimée notifiées par M.[S] ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles aux dépens de l'incident, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

- Condamné la société Alvergnas Automobiles à verser à M.[S] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 17 mai 2023, la société Alvergnas demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 11 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- Rejeter la qualification de vice caché ;

- Rejeter la qualification de défaut de conformité du véhicule BMW modèle X6 immatriculé [Immatriculation 7],

- Débouter M.[S] de l'intégralité de ses demandes et notamment de la résolution de la vente du véhicule BMW modèle X6 immatriculé [Immatriculation 7], avec toutes conséquences de droit, et notamment la remise en état des parties avant exécution de la décision de première instance;

- Débouter M.[S] de son appel incident,

A titre subsidiaire,

Avant dire droit,

Après avoir préalablement recueilli les observations de M.[R], expert judiciaire, dans les formes et selon les dispositions de l'article 245 du code de procédure civile,

- Ordonner une expertise complémentaire confiée à un expert judiciaire inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Versailles, avec pour mission :

Connaissance prise du rapport d'expertise de M.[R],

Connaissance prise du rapport d'analyse de carburant dressé par le laboratoire Ternaire Motors, pour le véhicule BMW modèle X6 immatriculé [Immatriculation 7],

- Se faire communiquer les pièces et la procédure ;

- Dire si l'utilisation d'un carburant non conforme de type E85 est susceptible d'avoir occasionné les codes défauts répertoriés dans le rapport d'expertise de M.[R], et les défaillances de la motorisation ou désordres occasionnés à celle-ci ;

- Dire si une intervention non-conforme aux prescriptions du constructeur et/ou aux règles de l'art ou une mauvaise utilisation du véhicule est totalement ou partiellement à l'origine des désordres ;

A titre infiniment subsidiaire,

Avant dire droit,

- Solliciter de M.[R] expert, de compléter, préciser ou expliquer par écrit, les termes de son rapport du 30 août 2020, connaissance prise du rapport d'analyse de carburant dressé par le laboratoire Ternaire Motors, pour le véhicule BMW modèle X6 immatriculé [Immatriculation 7] dans les formes et selon les dispositions de l'article 245 du code de procédure civile ;

En tout état de cause,

- Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la société CA Consumer Finance,

- Débouter la société CA Consumer Finance de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de la société Alvergnas Automobiles.

- Condamner M.[S] à payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M.[S] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 9 mai 2023, M.[S] demande à la cour de :

- Juger la société Alvergnas Automobiles non fondée en son appel, et non recevable en tout cas non fondée en leurs (sic) demandes, fins et conclusions ;

- L'en débouter ;

- Recevoir l'intimée en son appel incident et en son appel provoqué ;

Y faisant droit ;

- Confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

// Condamné la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 14.830,73 € à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau de ce seul chef :

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 23.678,66 € à titre de dommages et intérêts ;

A titre subsidiaire :

- Dire et juger que le véhicule acquis par M.[S] auprès de la société Alvergnas Automobiles est affecté de défauts de conformité ;

- En conséquence, prononcer la résolution de ladite vente intervenue entre M.[S] et la société Alvergnas Automobiles ;

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 31.710,76 € TTC représentant le prix de la vente du véhicule litigieux ;

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 23.678,66 € à titre de dommages et intérêts ;

- Prononcer la résolution du contrat de prêt d'un montant de 31.710,76€ souscrit par M.[S] auprès de la société CA Consumer Finance ;

A titre très subsidiaire :

- Dire et juger que la société Alvergnas Automobiles a manqué à son obligation de délivrance à l'égard de M.[S] lors de la vente intervenue le 26 octobre 2018 ;

- En conséquence, prononcer la résolution de la vente intervenue entre M.[S] et la société Alvergnas Automobiles ;

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 31.710,76 € TTC représentant le prix de la vente du véhicule litigieux ;

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 23.678,66 € au titre des frais engagés par ce dernier ;

- Prononcer la résolution du contrat de prêt d'un montant de 31.710,76€ souscrit par M.[S] auprès de la société CA Consumer Finance ;

En toute hypothèse :

- Débouter la société Alvergnas Automobiles de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouter la société CA Consumer Finance de sa demande de déclaration de mal fondé de l'appel provoqué de M.[S] ;

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à payer à M.[S] la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 31 mars 2023, la société Consumer Finance demande à la cour de :

- Déclarer M.[S] mal fondé en son appel provoqué, l'en débouter,

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

- Condamner la société Alvergnas Automobiles ou tout succombant à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Alvergnas Automobiles ou tout succombant aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Subsidiairement,

Dans l'hypothèse où la cour prononcerait la nullité des contrats de vente et de crédit,

- Condamner la société Alvergnas Automobiles à garantir M.[S] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

À titre liminaire, la cour, tenue par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à 'donner acte', 'constater', 'dire et juger', dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

*

Sur l'intérêt à agir de M. [S]

La société Alvergnas a interjeté appel de toutes les dispositions du jugement entrepris qui a, notamment, reconnu l'intérêt à agir de M. [S] contesté par la société Alvergnas.

Devant la cour, la société Alvergnas ne reprend pas sa demande d'irrecevabilité pour défaut d'intérêt à agir de M. [S] de sorte que le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le vice caché

La société Alvergnas critique le jugement entrepris qui a constaté l'existence d'un vice caché rendant le véhicule impropre à son utilisation. Elle fait valoir que M. [S] a utilisé un carburant inapproprié (bioéthanol) ce qui a été constaté par huissier le 11 octobre 2021, cette utilisation étant de nature à provoquer de graves dysfonctionnements, que M. [S] a utilisé intensivement le véhicule litigieux entre la date de livraison (5 novembre 2018) et son immobilisation (18 mai 2020) malgré l'existence alléguée d'un vice caché, que l'expert a formulé des hypothèses mais n'a pas établi l'existence du vice allégué ni sa préexistence à la vente.

M. [S] fait valoir que l'existence d'un vice caché, antérieure à la vente, est établie tant par l'expertise amiable du 4 juillet 2019 que par l'expertise judiciaire du 30 août 2020. Il soutient que la société Alvergnas ne rapporte pas la preuve qu'il a utilisé un carburant inapproprié, que le prélèvement de carburant a été effectué et analysé à son insu. Il rappelle que le véhicule a fait l'objet d'une expertise à cinq reprises en présence de l'expert de la société Alvergnas qui n'a jamais émis l'hypothèse de l'usage d'un carburant 'inapproprié'.

La société Consumer Finance sollicite la confirmation du jugement entrepris exposant qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur les mérites de la demande de résolution du contrat de vente.

*

Il résulte des articles 1641 et 1642 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Il appartient à l'acheteur, en l'espèce M. [S], de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents critères d'application afin de mobiliser la garantie du vendeur contre les vices cachés.

*

Les expertises, amiable et judiciaire, chacune contradictoire, réalisées sur le véhicule litigieux ont révélé plusieurs dysfonctionnements et anomalies, existants en germe avant l'achat et indécelables lors de celui-ci, affectant son usage de sorte que M. [S] rapporte la preuve de l'existence d'un vice caché.

En effet, l'expertise amiable du 4 juillet 2019 (pièce 21 - Alvergnas) s'est déroulée, en présence des parties, sur plusieurs journées faisant chacune l'objet d'un compte rendu (26 mars, 15 mai, 29 mai et 13 juin 2019). Un prélèvement d'huile et de carburant a été effectué lors de la dernière journée (13 juin 2019). Selon l'avis de l'expert 'le défaut majeur de ce véhicule est sa consommation d'huile moteur qui est excessive et au delà des tolérances constructeur', 'Ce défaut était en germe au moment de la vente.' et 'n'était pas décelable par un acheteur néophyte et il rend le véhicule impropre à l'usage auquel il est destiné...Il n'est pas lié à l'utilisation du véhicule par M. [S].'.L'expert évalue la remise en état à un prix supérieur au prix d'achat (31.710,76 € TTC). Le coût de remplacement du moteur seul étant évalué par l'expert à 27.500 € TTC auquel il faut ajouter le coût de remplacement de diverses pièces.

L'expertise judiciaire contradictoire du 26 mai 2020, confirme (pages 32 et 33 du rapport du 30 août 2020 - pièce 23 Alvergnas) que 'le véhicule est impropre à l'usage auquel il était destiné', que le 'principal défaut (consommation d'huile) n'était pas décelable par un acheteur néophyte' et que les défauts ne sont pas la conséquence d'une mauvaise utilisation. L'expert conclut que le véhicule est économiquement irréparable. Il évalue les coûts à 31.051,70 € alors que la valeur actualisée du véhicule est estimée à 25.000 €.

La présence de carburant prétendument non-conforme constatée par un laboratoire, appointé par la société Alvergnas, à la suite d'un prélèvement effectué par un huissier le 11 octobre 2021 plus d'une année et demie après l'expertise judiciaire à l'occasion de la remise du véhicule sans qu'à aucun moment ce point ne soit évoqué, notamment par la société Alvergnas ou son propre expert, lors des opérations d'expertise, alors qu'un prélèvement de carburant avait été effectué par l'expert amiable le 13 juin 2019, est sans incidence sur l'existence de ce vice.

L'existence d'un vice caché affectant un véhicule n'exige pas que l'usage de celui-ci soit rendu impossible, il suffit qu'il en soit affecté au point de le rendre impropre à une utilisation normale ce qui est le cas en l'espèce. Il est établi que dès le 7 novembre 2018, soit deux jours après la livraison jusqu'à l'immobilisation du véhicule (18 mai 2020), M.[S] a été contraint de solliciter à plusieurs reprises son vendeur, un concessionnaire et des experts afin de rechercher l'origine des dysfonctionnements et de les corriger, en vain. Le nombre de kilomètres parcourus entre la livraison du véhicule et son immobilisation définitive importe peu alors que l'expert judiciaire, confirmant l'expert amiable, a précisé que le vice n'est pas lié à l'utilisation du véhicule par M. [S].

La société Alvergnas ne peut reprocher à l'expert judiciaire qui a constaté l'existence d'un vice à savoir une surconsommation d'huile, équivalente au double de la norme du constructeur, rendant impropre le véhicule à sa destination, d'avoir formulé trois hypothèses de cause de cette anomalie dont la vérification coûteuse n'était pas nécessaire au constat de ce vice, étant au surplus relevé que la société Alvergnas ne justifie d'aucun élément permettant de remettre sérieusement en question les conclusions de M. [R] sur ce point.

Enfin, tant l'expertise amiable que judiciaire relèvent que le vice préexistait à la vente ce que confirme l'envoi d'un courriel de M. [S] le mercredi 7 novembre 2018 à la société Alvergnas, déplorant deux jours seulement après la livraison du véhicule des dysfonctionnements majeurs ('le voyant manque d'huile moteur s'allume') de même nature que ceux identifiés par l'expert judiciaire relevant une consommation d'huile anormale, constitutive du vice.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a dit que la preuve d'un vice caché était rapportée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la garantie légale de conformité

La société Alvergnas sollicite à son dispositif le rejet de la 'qualification du défaut de conformité du véhicule BMW modèle X6 immatriculé [Immatriculation 7]', présentée comme subsidiaire par M. [S] de sorte qu'il n'y a pas lieu d'examiner ce point, M. [S] ayant obtenu satisfaction au principal.

Sur la résolution de la vente

La cour confirmera le jugement qui ayant reconnu l'existence d'un vice caché, a prononcé la résolution de la vente du véhicule litigieux et condamné la société Alvergnas à restituer le prix de vente (31.710,76 €) et à reprendre le véhicule.

Sur le préjudice

La société Alvergnas sollicite le débouté de toutes les demandes indemnitaires de M.[S] sans toutefois motiver précisément sa demande de rejet. Elle s'oppose à la demande d'infirmation du jugement entrepris formée par M. [S] tendant à la voir condamner au paiement de la somme de 23.678,66 €, au lieu de la somme de 14.830,73 € retenue par le jugement entrepris. Elle fait sienne la motivation du tribunal qui a écarté les postes de préjudice relatifs aux frais d'expertise lesquels sont compris dans les dépens, les frais d'avocat qui font double emploi avec l'article 700 du code de procédure civile, les factures correspondant au point numéro 8 et numéro 9 non justifiées, et le préjudice moral non démontré.

M. [S] sollicite la confirmation du jugement sur le prononcé de la résolution de la vente, la restitution du véhicule sous astreinte et ses modalités, avec restitution du prix de vente. Il sollicite cependant l'infirmation du jugement en ce qu'il ne lui a accordé que la somme de 14.830,73 € au titre de son préjudice alors que celui-ci s'élève à 23.678,66 €.

*

L'expertise judiciaire (30 août 2020) avait évalué le préjudice à la somme de 49.577,70 € en ce compris le prix de vente du véhicule et les frais d'expertise. Le tribunal a écarté de cette somme, hors prix de vente, les éléments relevant des dépens et de l'indemnité de procédure ainsi que les postes selon lui non justifiés, ne retenant pas, en outre, le préjudice moral (jugement page 9 - tableau récapitulatif). Il a donc fixé le préjudice à la somme de 14.830,73 €.

Au delà des frais admis par le tribunal, M. [S] ne justifie pas, en appel, des frais le conduisant à réclamer la somme de 23.678,66 €.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la résolution du contrat de prêt

Au visa de l'article L.312-55 du code de la consommation, M. [S] sollicite la confirmation du jugement qui a prononcé la résolution du contrat de prêt souscrit auprès de la société CA Consumer Finance pour un montant de 31.710,76 €.

La société Alvergnas sollicite l'infirmation au motif que la décision de première instance a été exécutée permettant notamment à M. [S] de rembourser la société Consumer Finance du solde de l'emprunt.

La société Consumer Finance sollicite la confirmation du jugement, notamment, en ce qu'il a condamné la société Alvergnas à garantir M. [S] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre lui du fait de la résolution du contrat de prêt.

*

L'article L.312-55 du code la consommation stipule qu' 'En cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.'.

*

Le jugement sera confirmé en ce que, prononçant la résolution du contrat de vente, il a également prononcé celle du contrat de prêt affecté et condamné M. [S] au remboursement du prêt.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

La société Alvergnas qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Il est équitable d'allouer à M. [S] et à la société Consumer Finance une indemnité de procédure, respectivement, de 3.000  € et 2.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme, en toutes ses dispositions, le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 11 juin 2021,

Rejette toutes autres demandes,

Et y ajoutant,

Condamne la Sarl Alvergnas Automobile à payer à M. [S] la somme de 3.000 € et à la société CA Consumer Finance la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Sarl Alvergnas Automobile aux dépens de la procédure d'appel avec application au profit de Me Pedroletti, des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/07262
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.07262 ?
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