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29/06/2023 | FRANCE | N°21/06806

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 29 juin 2023, 21/06806


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58H



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/06806 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U22M







AFFAIRE :



S.A.R.L. PH CAR



C/



[X] [C] épouse [I]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 1

N° RG : 2019F00576



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Benjamin LEMOINE



Me Martine DUPUIS



TC PONTOISE









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58H

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/06806 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U22M

AFFAIRE :

S.A.R.L. PH CAR

C/

[X] [C] épouse [I]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 1

N° RG : 2019F00576

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Benjamin LEMOINE

Me Martine DUPUIS

TC PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. PH CAR

RCS Pontoise n° 490 929 411

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par Me Benjamin LEMOINE de la SELARL RIQUIER - LEMOINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 179 et Me Benoît TITRAN, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0192

APPELANTE

****************

Madame [X] [C] épouse [I]

née le 22 Août 1952 à [Localité 7] (95)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 5]

Société CGPA, ès-qualité d'assureur de responsabilité de la société CCADG

N° SIREN : 784 702 367

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentées par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Margaux BERETTI substituant à l'audience Me Jean-Michel BONZOM de la SELAS Burguburu Blamoutier Charvet Gardel & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0276

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société PH Car exploite un garage automobile.

Elle a souscrit un contrat d'assurance auprès de la société MMA le 1er janvier 2013 par l'intermédiaire d'un courtier en assurance, la société Cabinet de Courtage D'Assurances Des [I], ci-après dénommée la société CCADG, laquelle est assurée auprès de la société CGPA.

La société PH Car est intervenue sur un véhicule de marque Peugeot appartenant à M.[E] qui a été vendu par la suite à M.[W] le 10 juillet 2012.

Le 29 janvier 2013, suite à des désordres affectant le moteur de ce véhicule, M.[W] a fait assigner M.[E] en référé expertise. L'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Pontoise ayant fait droit à la demande d'expertise a été étendue à la société PH Car le 19 juin 2013 et le rapport d'expertise a été déposé le 13 janvier 2014.

Le 31 janvier 2014, M.[W] a fait assigner M.[E] devant le tribunal de grande instance de Pontoise afin de voir prononcer la résolution de la vente du véhicule Peugeot et l'indemnisation de son préjudice.

Le 24 avril 2014, M.[E] a fait assigner en garantie la société PH Car.

La société PH Car a procédé à une déclaration de sinistre.

Par jugement du 11 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Pontoise a prononcé la résolution de la vente du véhicule Peugeot entre M.[W] et M.[E] au titre de la garantie des vices cachés et a condamné M.[E] à verser à M.[W] la somme de 7.783,50 € au titre de restitution du prix de vente et des frais accessoires.

La société PH Car a, quant à elle, été condamnée à garantir le vendeur de toutes condamnations prononcées à son encontre et à indemniser les préjudices complémentaires subis par l'acheteur.

Le 5 janvier 2017, la société MMA a refusé de garantir le sinistre.

Par acte d'huissier en date des 19 juillet 2019, la société PH Car a fait assigner la société CCADG devant le tribunal de commerce de Pontoise, afin de la voir condamner à indemniser son préjudice consécutif au refus de garantie de la société MMA.

Par procès-verbal d'assemblée générale du 31 août 2019, les associés de la société CCADG ont voté la dissolution de la personne morale et Mme [X] [I] a été désignée en qualité de liquidateur.

Selon publication au Bodacc des 12 et 13 octobre 2019, la société CCADG a été radiée du registre du commerce et des sociétés.

Par acte d'huissier en date du 18 février 2020, la société PH Car a fait assigner en intervention forcée Mme [I], ès qualité de liquidatrice amiable de la société CCADG devant le tribunal de commerce de Pontoise.

Par conclusions du 13 novembre 2019, la société CGPA est intervenue volontairement à la cause en qualité d'assureur de la société CCADG.

Par jugement du 3 septembre 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- Déclaré la société PH Car mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'en a déboutée ;

- Condamné la société PH Car à payer à la société CGPA la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société PH Car à payer à Mme [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déclaré la société PH Car mal fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'en a déboutée ;

- Condamné la société PH Car aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 115,46 € ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 16 novembre 2021, la société PH Car a interjeté appel du jugement.

Par ordonnance d'incident prononcée le 4 août 2022, le conseiller de la mise en état a :

- Déclaré irrecevable l'appel régularisé par la société PH Car à l'encontre de la société CCADG,

- Déclaré recevable l'appel formé à l'encontre de Mme [I] en son nom personnel,

- Dit n'y avoir lieu à paiement des frais irrépétibles,

- Condamné la société PH Car aux dépens de l'incident.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 8 juin 2022, la société PH Car demande à la cour de:

- Réformer le jugement entreprise en ce qu'il a :

- Déclaré la société PH Car mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'en a déboutée ;

- Condamné la société PH Car à payer à la société CGPA la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société PH Car à payer à Mme [I] la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déclaré la société PH Car mal fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'en a déboutée ;

- Condamné la société PH Car aux dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 115,46 € ;

- Rejeter toutes les demandes, fins et conclusions formulées par la société CGPA, Mme [I] et la société CCADG ;

- Condamner la société CGPA à payer à la société PH Car la somme de 33.104,54 € à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis ;

A défaut,

- Condamner in solidum la société CCADG et Mme [I] à payer à la société PH Car la somme de 33.104,54 € ;

- Condamner la société CGPA à garantir la société CCADG de cette condamnation ;

En tout état de cause,

- Condamner la société CGPA à payer à la société PH Car la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société CGPA aux dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 8 février 2023, la société CCADG, la société CGPA et Mme [I], ès qualités, demandent à la cour de :

- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- Débouter la société PH Car de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société PH Car au paiement de la somme de 4.000 € à CGPA à titre de dommages et intérêts pour appel abusif ;

- Condamner la société PH Car au paiement de la somme de 4.000 € à Mme [I] à titre de dommages et intérêts pour procédure et appel abusifs ;

- Condamner la société PH Car au paiement de la somme de 6.000 € à la société CGPA d'une

part et à Mme [I] d'autre part au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mars 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que la société PH Car consacre une partie de ses conclusions à la recevabilité de son appel dirigé contre la société CCADG et Mme [I], alors que par ordonnance du 4 août 2022, le conseiller de la mise en état a statué sur ce point et que les intimées ne formulent aucune demande au titre de la recevabilité de l'appel. Ces développements sont par conséquent sans objet.

*****

Sur le fond, la société PH Car soutient que la société CCADG s'était engagée, pour le sinistre en cause, à assurer la fonction d'intermédiaire pour son compte, cette fonction comprenant nécessairement l'obligation de veiller à la pleine exécution du contrat d'assurance souscrit. Elle estime qu'il incombait au courtier de lui fournir un conseil propre à lui permettre d'interrompre la prescription biennale de l'article L.114-1 du code des assurances ainsi que tous conseils adaptés en cas de refus de garantie opposé par l'assureur. Elle ajoute que le courtier doit s'abstenir d'induire son client en erreur en lui faisant faussement croire à la réalité du traitement de sa déclaration de sinistre.

La société PH Car reproche au courtier de ne pas avoir mobilisé la protection juridique professionnelle, qui devait permettre la prise en charge de sa défense dans le cadre de la procédure qui a été engagée à son encontre, alors que l'avocat qu'il a mandaté n'a pas assuré la défense de ses intérêts. Elle estime que le courtier s'est activement impliqué en qualité d'intermédiaire dans sa relation avec l'assureur et l'a maintenue dans l'illusion qu'elle était défendue. Elle lui fait grief de ne lui avoir fourni aucun conseil utile de nature à contribuer à la bonne exécution du contrat d'assurance, alors que la garantie était mobilisable contrairement à la position prise par l'assureur, puisque le vice caché ayant motivé la résolution de la vente du véhicule consistait en une dégradation matérielle du moteur consécutive à un défaut de mise en 'uvre des règles de l'art dans le cadre du remplacement du turbo du moteur. Elle considère que le courtier aurait dû lui conseiller de contester en temps utiles la position de l'assureur en attirant son attention sur le risque de prescription biennale, alors qu'il a manifestement entretenu l'illusion que la garantie de l'assureur était acquise et ne poserait pas de difficulté. L'appelante conteste les exclusions de garantie invoquées, souligne qu'elles auraient pour effet de priver le contrat de son objet et qu'elles engageraient la responsabilité du courtier pour défaut de conseil. En réponse à l'argumentation adverse, elle soutient que la recevabilité de l'action dirigée contre l'assureur de responsabilité civile n'est plus subordonnée à l'appel en cause de l'assuré par la victime, de sorte que la représentation de la société CCADG dans le cadre de l'instance n'est pas une condition de recevabilité de son action. La société PH Car fait valoir qu'aucune provision n'a été prévue dans la comptabilité de la société CCADG pour faire face à sa créance. Elle en déduit que la responsabilité de la liquidatrice amiable, Mme [I], est engagée sur le fondement des articles L237-12 du code de commerce et 1240 et suivants du code civil. L'appelante considère que son préjudice est certain car à défaut de manquement du courtier, elle aurait pu bénéficier de la limitation des condamnations prononcées à son encontre et de la garantie de son assureur.

Les intimées répondent que la mission du courtier est limitée, dans le cadre de l'article L.511-1 du code des assurances, à la recherche d'une garantie adaptée aux besoins du client, à l'égard duquel il n'assure aucune mission de représentation vis-à-vis de l'assureur. Elles considèrent que la responsabilité du courtier ne peut en aucun cas être engagée ni recherchée pour ne pas avoir mis en oeuvre les actions nécessaires à l'organisation de la défense des intérêts de l'assuré devant une juridiction, au nom et pour le compte de l'assuré, ni contraint l'assureur de prendre en charge la direction du procès ou de mobiliser sa garantie. Elles rappellent que le courtier ne gère pas le contrat d'assurance pour le compte de l'assuré et qu'en conséquence, le fait pour le courtier de transmettre une déclaration de sinistre ainsi que des documents à l'assureur en vue de l'indemnisation d'un sinistre subi par l'assuré et d'entreprendre des démarches auprès de l'assureur en vue du règlement de sinistres, est insuffisant pour caractériser un mandat de gestion dont le courtier aurait été investi. Les intimées soulignent que la société PH Car ne justifie en tout état de cause pas de son préjudice, dès lors qu'elle n'a pas contesté le refus de garantie opposé par son assureur. Elles soutiennent que la garantie défense pénale et recours, comme la protection juridique professionnelle n'étaient pas mobilisables en l'espèce. Elles ajoutent que la société PH Car était représentée par l'avocat de son choix dans le cadre du litige avec MM. [E] et [W] et qu'elle est seule responsable de la mauvaise organisation de sa défense ayant mené son avocat à dégager sa responsabilité. Elles soulignent que la société PH Car n'a pas interjeté appel du jugement et qu'il n'est pas démontré qu'en cas de mobilisation de la protection juridique professionnelle, la décision du tribunal aurait été différente. Elles contestent l'assertion suivant laquelle le courtier a laissé la société PH Car dans la croyance d'une prise en charge utile. Elles rappellent que la police exclut de la garantie les dommages résultant du défaut de performance constaté dans les travaux exécutés et que MM. [E] et [W] n'ont pas formé de demande au titre de dommages matériels. Elles soutiennent que la garantie souscrite par PH CAR auprès de MMA ne couvre pas les conséquences de la garantie des vices cachés existant entre deux personnes étrangères au contrat d'assurance et que les dommages immatériels ne sont garantis que s'ils sont consécutifs à un dommage matériel garanti. Elles contestent tout manquement au devoir de conseil concernant la prescription, alors que la société PH Car était assistée d'un avocat dans le cadre du litige l'ayant opposée à MM. [E] et [W]. Elles soulignent que l'assureur n'a pas refusé sa garantie en raison de la prescription de l'action de l'assuré. Les intimées contestent toute faute du liquidateur amiable de la société CCADG, soutenant qu'il n'est pas tenu de constituer une provision pour une créance litigieuse. Subsidiairement, les intimées considèrent que le préjudice de la société PH Car ne peut consister qu'en une perte de chance de voir l'assureur prendre en charge les conséquences des condamnations prononcées à son encontre par le tribunal.

*****

Sur les manquements reprochés au courtier

L'article L.511-1 du code des assurances, dans sa version applicable à l'espèce, dispose que : " I. - L'intermédiation en assurance ou en réassurance est l'activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d'assurance ou de réassurance ou à réaliser d'autres travaux préparatoires à leur conclusion. N'est pas considérée comme de l'intermédiation en assurance ou en réassurance l'activité consistant exclusivement en la gestion, l'estimation et la liquidation des sinistres.

Est un intermédiaire d'assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance.

II. - Les dispositions du second alinéa du I ne s'appliquent ni aux entreprises d'assurance et de réassurance, ni aux personnes physiques salariées d'une entreprise d'assurance ou de réassurance, ni aux personnes qui, pratiquant une activité d'intermédiation en assurance ou en réassurance, répondent à des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, ni aux personnes physiques salariées de ces personnes. Les conditions fixées par ce décret tiennent notamment à l'activité de l'intermédiaire, à la nature du contrat d'assurance et au montant de la prime ou de la cotisation.

III. - Pour cette activité d'intermédiation, l'employeur ou mandant est civilement responsable, dans les termes de l'article 1384 du code civil, du dommage causé par la faute, l'imprudence ou la négligence de ses employés ou mandataires agissant en cette qualité, lesquels sont considérés, pour l'application du présent article, comme des préposés, nonobstant toute convention contraire.

IV. - Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent article et détermine les catégories de personnes habilitées à exercer une activité d'intermédiation ".

S'il pèse sur le courtier un devoir de conseil et d'information avant la conclusion du contrat d'assurance, Il doit être rappelé que ce devoir se poursuit tout au long de l'exécution du contrat et notamment à l'occasion d'un sinistre subi par l'assuré.

La société PH Car formule plusieurs griefs à l'encontre de la société CCADG qu'il convient d'examiner.

Sur la mise en 'uvre de la garantie défense recours liée à l'assurance de responsabilité professionnelle

Il ressort des conditions particulières de la police que la société PH Car a souscrit la garantie de la responsabilité civile d'exploitation et professionnelle. Les parties conviennent de ce que cette garantie comprend une protection juridique professionnelle permettant la prise en charge des frais et honoraires d'avocat en cas de contentieux judiciaire dans le cadre duquel la responsabilité de l'assuré est recherchée.

La société PH Car reproche au courtier, qui lui avait laissé croire qu'il se chargeait de la bonne instruction de la déclaration de sinistre, de ne pas avoir veillé à la mise en 'uvre de la garantie défense recours. Elle précise que le courtier ayant pris l'initiative de se comporter comme un intermédiaire dans ses relations avec l'assureur pour la mobilisation du contrat d'assurance, elle était en droit de s'attendre ce que sa défense soit utilement organisée.

La cour constate que la société PH Car communique une déclaration de sinistre adressée à la société CCADG qui est datée du 23 février 2015 et qui évoque une assignation devant le tribunal de grande instance de Pontoise du 6 février 2015, ainsi qu'une audience à venir le 16 mars 2015.

Cependant, il ressort du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 11 juillet 2016 que la société PH Car a été assignée en garantie à l'initiative de M. [E] par acte d'huissier du 24 avril 2014 et que cette instance fait suite à une procédure de référé expertise dans le cadre de laquelle la décision ordonnant la mesure d'investigation a été rendue commune à la société PH Car le 19 juin 2013. Le sinistre est donc antérieur de plus de 18 mois à la seule déclaration de sinistre qui est versée aux débats.

Néanmoins, il résulte d'un échange de courriels intervenu les 4 et 5 mars 2014 entre la société MMA et la société CCADG que cette dernière a été informée le 4 mars 2014 de l'existence d'une déclaration de sinistre datant de " novembre 2013 " et d'une mesure d'expertise judiciaire. S'il n'appartenait pas au courtier, tiers au contrat d'assurance, de solliciter de l'assureur la mobilisation de la protection juridique professionnelle au bénéfice de la société PH Car, elle ne justifie néanmoins pas avoir rappelé à la société PH Car qu'elle pouvait bénéficier de cette garantie en exécution de la police d'assurance qu'elle lui avait fait souscrire.

Toutefois, les intimées soutiennent que les conditions générales du contrat conditionnent la mobilisation de cette garantie à une déclaration de sinistre régularisée dans les 30 jours. La société PH Car ne conteste pas ce délai contractuel, mais répond que l'assureur y avait implicitement renoncé puisque son refus de prise en charge est uniquement fondé sur le champ d'application de la garantie. Cependant, il ne résulte d'aucune pièce produite que la société CCADG ait été avisée du sinistre avant le mail précité de la société MMA du 4 mars 2014 et à cette date, plus de 30 jours s'étaient déjà écoulés depuis l'ordonnance du 19 juin 2013 ayant rendu les opérations d'expertise relatives au véhicule de M. [W] communes à la société PH Car, de sorte que la protection juridique professionnelle n'était plus mobilisable. Dans ces conditions, aucun manquement de la société CCADG à ses obligations n'apparaît caractérisé.

Par ailleurs, la cour constate qu'il ne ressort d'aucune pièce que la société CCADG a laissé croire à la société PH Car qu'elle bénéficiait de la protection juridique professionnelle, aucun email n'y faisant référence. Au demeurant, la société PH Car ne peut sérieusement soutenir avoir été maintenue par le courtier dans l'illusion qu'elle était défendue et que ce dernier traitait son affaire, alors qu'à la suite de l'assignation en garantie qui lui a été délivrée le 24 avril 2014 dans le cadre de l'instance engagée devant le tribunal de grande instance de Pontoise, elle a mandaté elle-même un avocat afin de la représenter sans en informer son courtier ni son assureur. Elle ne peut davantage se prévaloir du fait que cet avocat qu'elle a choisi ne l'a pas utilement défendue, alors qu'il résulte du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 11 juillet 2016 que le conseil de la société PH Car a dû renoncer à son intervention au soutien des intérêts de cette dernière et dégager sa responsabilité.

Sur l'absence de conseil suite au refus de garantie de l'assureur

La société PH Car reproche au courtier de ne pas lui avoir conseillé de contester en temps utiles la position de l'assureur en attirant son attention sur le risque de prescription biennale, alors que la garantie était mobilisable et qu'il a manifestement entretenu l'illusion que la garantie de l'assureur était acquise et ne poserait pas de difficulté.

Par courriel du 12 janvier 2017, la société CCAGD a transmis à la société PH Car un mail de la société MMA du 5 janvier 2017, l'informant du refus de garantie de l'assureur, au motif que le jugement ne prononce aucune condamnation au titre d'un dommage matériel, mais uniquement des condamnations financières que l'assureur a analysé comme des dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel garanti.

Il ressort des stipulations de la police que la garantie "responsabilité civile après livraison des véhicules" concerne :

'Les dommages suivants causés à autrui après livraison d'un véhicule dans le cadre de votre activité professionnelle et engageant votre responsabilité civile :

- les dommages corporels,

- les dommages matériels,

- les dommages immatériels consécutifs à des dommages corporels ou matériels garantis par la présente assurance.

C'est-à-dire les dommages :

- causés par le véhicule qui vous avait été confié ou que vous aviez vendu,

- subis par le véhicule :

- qui vous avait été confié,

- que vous aviez vendu seulement s'ils résultent d'un choc avec une personne, un animal, une chose ou d'un incendie ou d'une explosion'.

Aux termes du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 11 juillet 2016, l'expertise judiciaire a établi qu'à l'occasion de la réalisation de la prestation qui lui a été confiée, à savoir le remplacement du turbo, la société PH Car n'a pas réalisé l'intégalité des travaux et les règles de l'art n'ont pas été respectées, entrainant une usure prématurée du moteur.

Les intimés soutiennent que ces éléments ne caractérisent pas un dommage matériel affectant le véhicule qui a été confié au garagiste, en ce que le dommage matériel est défini par les conditions générales comme une "détérioration ou destruction d'une chose ou d'une substance, ou atteinte physique à un animal".

Pourtant, l'expertise judiciaire a bien révélé une "usure prématurée du moteur", qui constitue une détérioration du moteur et qui a été causée par les prestations accomplies par la société PH Car.

Si cette dernière n'a été condamnée qu'à l'indemnisation des dommages consécutifs à l'annulation de la vente en raison du vice caché affectant le véhicule, il résulte de la lecture du jugement que la responsabilité civile de l'appelante n'a pas été retenue au titre du vice caché, mais au titre la mauvaise exécution des travaux de remplacement du turbo ayant entraîné son usure prématurée et que si le tribunal n'a prononcé aucune condamnation au titre du dommage matériel, c'est que l'expertise judiciaire a conclu au caractère économiquement irréparable du véhicule valorisé à la somme de 7.500 € en 2012.

Par ailleurs, la clause d'exclusion de garantie figurant en page 23 des conditions générales de ventes, telle qu'invoquée par les intimées, n'est manifestement pas applicable. En effet, le dommage matériel ayant affecté le moteur ne résulte pas d'un "défaut de performance constaté dans les travaux exécutés" mais de leur inexécution partielle et du non-respect des règles de l'art. En outre, nonobstant le fait que l'indemnité au paiement de laquelle la société PH Car a été condamnée ne porte pas sur le coût des travaux de reprise des malfaçons, la prestation accomplie par la société PH Car est, en tout état de cause, à l'origine d'un dommage matériel comme indiqué précédemment.

Dans ces conditions, les indemnités mises à la charge de la société PH Car au titre de la restitution du prix de vente, des frais de location d'un véhicule de remplacement et des frais d'assurance constituent bien des dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel garanti. Contrairement à ce que prétendent les intimés, la police ne stipule nullement que les dommages immatériels doivent être directement consécutifs à un dommage matériel garanti. Au demeurant, les indemnités mises à la charge de la société PH Car sont directement liées à la panne du moteur provoquée par son usure anormale consécutive aux travaux réalisés par cette dernière.

Le refus de garantie aurait donc dû être contesté, étant rappelé que la société CCADG a conseillé la société PH Car dans le choix de sa police d'assurance, dont elle devait donc maitriser les conditions de mise en 'uvre.

De surcroît, au regard de la teneur du mail de la société PH Car du 16 janvier 2017, répondant au courriel précité du courtier du 12 janvier précédant l'informant de la position de l'assureur, par lequel l'assuré a manifesté son incompréhension vis-à-vis de cette décision et son mécontentement, la société CCADG aurait dû lui conseiller de contester le refus de garantie et lui rappeler le délai de prescription applicable.

La cour souligne qu'à la date de la notification du refus de garantie de l'assureur, la société PH Car n'était manifestement plus assistée d'un avocat, puisque ce dernier avait dégagé sa responsabilité dans le cadre de l'instance ayant mené au jugement du 11 juillet 2016 précité. La société CCADG n'a en tout état de cause pas interrogé l'assurée sur ce point.

Le fait que la société PH Car n'a pas exprimé son souhait de contester la position de l'assureur ne dispensait pas le courtier de son devoir de conseil au regard du caractère discutable du refus de garantie, de l'incompréhension et du mécontentement manifestés par l'assurée. La société PH Car souligne pertinemment que le 4 mai 2017, à l'occasion de la communication des conditions générales du contrat, la société CCADG a précisé : " ' Selon votre mail de ce jour, ci-joint les conditions générales et vous rappelle que le dossier [E] n'est pas terminé de mon côté et que je continue à faire évoluer la compagnie ", laissant ainsi penser à l'assuré que le courtier était en mesure d'infléchir la position de l'assureur.

Enfin, dès lors qu'il appartenait à la société CCADG d'informer la société PH Car de son droit de contester le refus de garantie opposé par l'assureur, il lui incombait également de rappeler le délai de la prescription de cette action afin de préserver les droits de l'assuré, la seule mention du délai biennal de prescription dans les conditions générales étant insuffisante à cet égard.

Ce manquement du courtier à son devoir de conseil engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la société PH Car.

La société CPGA, en qualité d'assureur de la société CCADG, ne conteste pas sa garantie qui est due.

Sur l'indemnisation du dommage

Comme le soutiennent à juste titre les intimées, le préjudice de la société PH Car ne peut consister qu'en une perte de chance d'obtenir de la part de son assureur, la société MMA, la prise en charge du dommage.

Au regard des éléments susvisés relatifs à la mobilisation des garanties, cette perte de chance doit être évaluée à 60%.

La société PH Car justifie par les décomptes produits en pièces n° 8 et 9 être tenue au paiement d'une somme totale de 33.104,54 € en exécution du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pontoise le 11 juillet 2016.

En conséquence, la société CPGA sera condamnée à payer à la société PH Car la somme de 19.862,72 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive

Compte tenu de la solution du litige, les demandes indemnitaires formulées par la société CGPA et Mme [I], ès qualités, au titre de la procédure abusive ne peuvent prospérer.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement déféré sera infirmé des chefs des dépens et des frais irrépétibles.

La société CGPA, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel et sera condamnée à payer à la société PH Car la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'apparaît pas inéquitable de débouter Mme [I] ès qualités de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société CPGA à payer à la société PH Car la somme de 19.862,72 € à titre de dommages et intérêts ;

Condamne la société CPGA aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société CPGA à payer à la société PH Car la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06806
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.06806 ?
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