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29/06/2023 | FRANCE | N°21/00480

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 29 juin 2023, 21/00480


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/00480 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKFQ



AFFAIRE :



[V] [O]



C/



G.I.E. D'ABEILLE ASSURANCES anciennement dénommé GIE DU GROUPE AVIVA FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E



N° RG : 20/01176





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Claire RICARD



Me Blandine DAVID



le :



Copie numérique délivrée à :



Pôle emploi



le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/00480 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKFQ

AFFAIRE :

[V] [O]

C/

G.I.E. D'ABEILLE ASSURANCES anciennement dénommé GIE DU GROUPE AVIVA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 20/01176

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire RICARD

Me Blandine DAVID

le :

Copie numérique délivrée à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 25 mai 2023 et prorogé au 15 juin 2023 puis au 29 juin 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [O]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentants : Me Claire RICARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 et Me Sandrine DURIEU, Plaidant, avocat au barreau d'ANGERS, vestiaire : I4 substitué par Me Marine VERGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G535

APPELANT

****************

G.I.E. D'ABEILLE ASSURANCES anciennement dénommé GIE DU GROUPE AVIVA FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentants : Me Blandine DAVID de la SELARL KÆM'S AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R110 et Me Marie-Laure TREDAN de la SCP FRANCIS LEFEBVRE, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Le groupement d'intérêt économique (GIE) d'Abeille assurances, anciennement dénommé GIE du groupe Aviva France, dont le siège social est situé [Adresse 2] à [Localité 4], dans le département des Hauts-de-Seine, est spécialisé dans le secteur d'activité de l'assurance. Il emploie plus de 10 salariés.

M. [V] [O], né le 1er avril 1969, a été engagé par le GIE du groupe Aviva France à compter du 28 janvier 2015 selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 décembre 2014, en qualité de directeur multi-accès, cadre de direction.

La relation de travail est régie par le protocole d'accord du 3 mars 1993 concernant les cadres de direction des sociétés d'assurance. M. [O] percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 11 955,08 euros.

Par courrier manuscrit en date du 18 juillet 2019, M. [O] a démissionné de son poste dans les termes suivants :

'Cher [N],

Je te confirme par la présente ma démission d'Aviva France.

Il ne me semble pas ici nécessaire de revenir sur les causes de cette décision qui sont bien comprises de part et d'autre.

Je me tiens à ta disposition pour arrêter les modalités de mon départ et te prie de croire, cher [N], en mes sentiments les meilleurs.'

Par courrier en date du 23 juillet 2019, M. [O] a adressé un courrier à la société Aviva France dans les termes suivants :

'Dans le prolongement de ma lettre du 18 juillet dernier, je souhaite indiquer par la présente que je n'ai eu d'autre choix que de rompre mon contrat de travail avec Aviva France en raison de la manière particulièrement cynique et humiliante avec laquelle j'ai été traité depuis la fin de l'année 2018, où j'ai successivement été démis de mes fonctions de directeur du digital sans entretien ni justification préalable et perdu le management de mon équipe de plus de 15 personnes, puis relégué à un rôle de chargé de mission sans encadrement, après avoir été incité à quitter l'entreprise lors d'un entretien auquel j'ai été convoqué le 5 février 2019 à 18:00.

Par ailleurs, la mission qui m'a été confiée en mars 2019, visant à définir les « implantations géographiques des activités de relations clients », a été réalisée avec succès (Cf. avis favorable du CE du 27 juin 2019) et de manière totalement autonome (aucune ressource encadrée), au prix d'un nombre d'heures de travail qui m'amenait à travailler souvent le weekend et au-delà des durées attendues. Ma charge de travail n'a d'ailleurs jamais fait l'objet d'échanges avec ma hiérarchie.

Depuis la fin de cette mission, je me trouve, à nouveau sans aucune mission et c'est très difficile psychologiquement, je ne le supporte pas ; c'est aussi ce qui m'a amené à solliciter une dispense partielle de mon préavis qui a été acceptée. Je regrette que la société ait fait ce choix de me pousser vers la sortie alors qu'aucun reproche ne m'a jamais été fait sur la qualité de mon travail bien au contraire.

Je tenais à apporter ces précisions sur une décision que je subis.'

Par requête reçue au greffe le 16 juillet 2020, M. [V] [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir :

A titre principal

- requalifier la démission en prise d'acte,

- requalifier la prise d'acte en licenciement,

- juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul sur le fondement des articles L. 1152-3 et L. 1235-3-1. 1° du code du travail,

- condamner le GIE du groupe Aviva France au paiement de la somme de 136 062,78 euros au titre des dommages et intérêts consécutifs à son licenciement nul sur le fondement des articles L. 1152-3 et L. 1235-3-1. 1° du code du travail,

A titre subsidiaire

- requalifier la démission en prise d'acte,

- requalifier la prise d'acte en licenciement,

- juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner le GIE du groupe Aviva France au paiement de :

. dommages-intérêts consécutifs à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail : 136 062,78 euros,

En tout état de cause

- juger que le GIE du groupe Aviva France a manqué :

. à son obligation légale de prévention et de sécurité résultant des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008,

. à son obligation de paiement du salaire résultant des articles L. 3241-1 et suivants du code du travail,

. à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail résultant de l'article L. 1222-1 du code du travail,

. à son obligation de respect des durées maximales de travail édictées par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail,

En conséquence,

- Réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail : 10 000 euros,

- Réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 4212-1 du code du travail : 10 000 euros,

- indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 7 de l'accord de branche du 3 mars 1993 : 92 285,76 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 41 842,75 euros bruts,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 4 184,27 euros bruts,

- rappel de salaire pour l'année 2017 : 50 390,60 euros bruts,

- congés payés afférents : 5 039,06 euros bruts,

- rappel de salaire pour l'année 2018 : 116 804,96 euros bruts,

- congés payés afférents : 11 680,49 euros bruts,

- rappel de salaire pour l'année 2019 : 70 508,42 euros bruts,

- congés payés afférents : 7 050,84 euros bruts,

- indemnité spécifique de travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail relatif au travail [sic] : 136 062,78 euros,

- ordonner la délivrance de bulletins de paie conformes sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue par l'article D. 3171-11 pour l'année 2017 : 16 517,88 euros,

- réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue par l'article D. 3171-11 pour l'année 2018 : 65 627,71 euros,

- réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue par l'article D. 3171-11 pour l'année 2019 : 28 563,77 euros,

- réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 1152-1 du code du travail : 10 000 euros,

- réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 1152-4 du code du travail : 10 000 euros,

- ordonner la délivrance d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- article 700 du code de procédure civile : 5 000 euros,

- intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts alloués à compter du jour de l'introduction de l'instance sur le fondement de l'article 1231-7 du code civil (ancien article 1153-1),

- capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1 154),

- entiers dépens,

- exécution provisoire sur l'ensemble des condamnations.

Le GIE du groupe Aviva France avait, quant à lui, sollicité le débouté intégral de toutes les demandes de M. [O] et sa condamnation à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la condamnation aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 22 janvier 2021, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit et jugé que la démission de M. [O] est claire et non équivoque,

- débouté M. [O] de toutes ses demandes,

- condamné M. [O] à payer au GIE du groupe Aviva France la demande 'reconventionnelle' au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1 500 euros et les dépens éventuels.

M. [V] [O] a interjeté appel de la décision par déclaration du 16 février 2021.

Par conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 28 février 2023, M. [V] [O] demande à la cour de :

- déclarer M. [O] recevable et bien fondé en son appel,

- déclarer la demande de réparation du préjudice subi par M. [O] au titre du dépassement des durées maximales de travail recevable,

- constater que la déclaration d'appel a opéré dévolution,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Infirmant le jugement :

A titre principal

- juger que la démission est constitutive d'une prise d'acte,

- juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul sur le fondement des articles L. 1152-3 et L. 1235-3-1, 1° du code du travail,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 136 062,78 euros au titre des dommages intérêts consécutifs à son licenciement nul sur le fondement des articles L. 1152-3 et L. 1235-3-1, 1° du code du travail,

A titre subsidiaire

- juger que la démission est constitutive d'une prise d'acte,

- juger que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 136 062,78 euros au titre des dommages intérêts consécutifs à son licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail,

En tout état de cause

- juger que le GIE d'Abeille Assurances a manqué :

. à son obligation légale de prévention et de sécurité résultant des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008,

. à son obligation de paiement du salaire résultant des articles L. 3241-1 et suivants du code du travail,

. à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail résultant de l'article L. 1222-1 du code du travail,

. à son obligation de respect des durées maximales de travail édictées par les articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail,

En conséquence

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 92 285,76 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sur le fondement de l'article 7 de l'accord de branche du 3 mars 1993,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 41 842,75 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 4 184,27 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 50 390,60 euros bruts au titre du rappel de salaire pour l'année 2017, outre les congés payés afférents à hauteur de 5 039,06 euros bruts,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 116 804,96 euros bruts au titre du rappel de salaire pour l'année 2018, outre les congés payés afférents à hauteur de 11 680,49 euros bruts,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 70 508,42 euros bruts au titre du rappel de salaire pour l'année 2019, outre les congés payés afférents à hauteur de 7 050,84 euros bruts,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 136 062,78 euros au titre de l'indemnité spécifique de travail dissimulé sur le fondement de (l'article) L. 8223-1 du code du travail relatif au travail [sic],

- condamner la délivrance de bulletins de paie conformes sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, le conseil [sic] se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 16 517,88 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue à l'article D. 3171-11 pour l'année 2017,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 65 627,71 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue à l'article D. 3171-11 pour l'année 2018,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 28 563,77 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue à l'article D. 3171-11 pour l'année 2019,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement des durées maximales de travail (quotidienne, hebdomadaire et sur une période de 12 semaines consécutives) ayant eu pour effet de priver M. [O] d'un repos suffisant,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 1152-1 du code du travail,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 1152-4 du code du travail,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de la violation de l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail,

- ordonner la délivrance d'un certificat de travail et de l'attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement, le conseil [sic] se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- débouter le GIE d'Abeille Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement des intérêts légaux sur le montant des dommages et intérêts allouées à compter du jour de l'introduction de l'instance sur le fondement de l'article 1231-7 du code civil (ancien article 1153-1),

- ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154),

- condamner le GIE d'Abeille Assurances aux entiers dépens.

Par conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 23 février 2023, le GIE d'Abeille assurances anciennement dénommé GIE du groupe Aviva France demande à la cour de :

A titre principal

- constater l'absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel formée le 16 février 2021 par M. [O],

- dire que, par conséquent, la cour n'est saisie d'aucune demande de la part de l'appelant,

- déclarer irrecevable la demande nouvelle formée par M. [O] dans ses écritures d'appelant du 14 février 2023 tendant à voir condamner le GIE d'Abeille Assurances « au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement des durées maximales de travail »,

A titre subsidiaire :

- constater que la déclaration d'appel formée le 16 février 2021 par M. [O] ne vise que le chef du jugement ayant condamné ce dernier au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'ayant débouté de ses demandes,

- constater que la déclaration d'appel ne vise pas le chef de jugement ayant dit la démission de M. [O] claire et non équivoque,

- dire que, par conséquent, la cour n'est saisie d'aucune demande de la part de l'appelant concernant la démission de M. [O],

- vu l'autorité de chose jugée attachée au chef de jugement ayant dit et jugé que la démission de M. [O] est claire et non équivoque, déclarer irrecevables toutes les demandes de M. [O] tendant à voir remettre en cause ce chef de jugement et ses conséquences,

A titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait par impossible que l'appel a produit un effet dévolutif :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

A titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour considère que la convention de forfait est privée d'effet, le GIE d'Abeille Assurances demande à la cour qu'elle :

- condamne M. [O] au remboursement des jours de réduction du temps de travail accordés à hauteur de 1 895,67 euros,

- ramène à de bien plus justes proportions les sommes sollicitées au titre des heures supplémentaires prétendument effectuées,

- prononce une condamnation qui ne pourra pas excéder la somme de 13 881,42 euros en réparation du préjudice subi du fait du défaut d'information sur la contrepartie obligatoire en repos prévue à l'article D. 3171-11 pour l'année 2019,

A titre encore plus subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que le licenciement de M. [O] était dépourvu de cause réelle, elle ne pourrait pas condamner le GIE d'Abeille Assurances à des sommes supérieures à :

. 46 983,77 euros bruts à titre de dommages et intérêts sur ce fondement,

. 59 241,84 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

En tout état de cause

- condamner M. [O] à payer au GIE d'Abeille Assurances la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Par ordonnance rendue le 8 mars 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 mars 2023.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur l'effet dévolutif de l'appel

1 - sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

Le GIE d'Abeille Assurances fait valoir à titre principal que la déclaration d'appel de M. [O] ne comporte pas l'énoncé des chefs du jugement critiqués et demande en conséquence à la cour de dire n'y avoir lieu à statuer en l'absence d'effet dévolutif de cet appel.

M. [O] réplique que l'appel produit son plein effet dévolutif dès lors que les chefs du jugement critiqué sont visés dans un document annexé à la déclaration d'appel, conformément à l'avis rendu par la Cour de cassation le 8 juillet 2022.

L'article 562 du code de procédure civile dispose que 'L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.'

L'effet dévolutif n'opère pas lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs du jugement qui sont critiqués.

L'article 901 du code de procédure civile dispose que 'La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :

1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;

2° L'indication de la décision attaquée ;

3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;

4° Les chefs du jugement expressément critiqués, auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.'

L'article 930-1 du code de procédure civile énonce que :

'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.

Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.

Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.

Les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l'expéditeur.

Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.'

L'arrêté du garde des Sceaux du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel prévoit que le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par la voie électronique est constitué d'un ficher au format XML et que lorsqu'un document doit être joint à un acte, il est communiqué sous forme de fichier au format PDF séparé du fichier au format XML contenant l'acte sous forme de message de données.

Le message de données relatif à une déclaration d'appel provoque un avis de réception par le greffe, auquel est joint un fichier récapitulatif reprenant les données du message, accompagné le cas échéant de la pièce jointe établie sous forme de copie numérique annexée à ce message et qui fait corps avec lui, tient lieu de déclaration d'appel.

En cas d'empêchement d'ordre technique, l'appelant peut compléter la déclaration d'appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer (Cass. 2ème civ., 13 janvier 2022, n°20-17.516).

Par décret n°2022-245 du 25 février 2022, la première phrase de l'article 901 du code de procédure civile a été complétée par les termes 'comportant le cas échéant une annexe' après les mots 'faite par acte'. Un arrêté du 25 février 2022 a modifié l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique s'agissant de l'acte de déclaration d'appel et du document joint.

Le 8 juillet 2022, la Cour de cassation a rendu l'avis n° 22-70.005 suivant :

'1 - Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

2 - Une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l'absence d'empêchement technique.'

En l'espèce, la déclaration d'appel formée le 16 février 2021 par M. [O] mentionne comme objet de l'appel : 'le document annexé à la présente déclaration d'appel indique les chefs de jugement critiqués.

Ces différents chefs détaillés en annexe, ainsi que ceux non nécessairement compris dans le dispositif, mais faisant grief à l'appelant, seront critiqués et développés dans ses conclusions.'

Le document annexé indique que 'l'appel tend à réformer ou annuler le jugement en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes suivantes', reprenant les demandes formées en première instance par M. [O] et ajoutant 'en ce qu'il a condamné M. [O] à payer au GIE du groupe Aviva France la demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile de1 500 euros'.

Une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués étant jointe à la déclaration d'appel, pour constituer un acte d'appel conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel, qui n'a pas été annulée, opère effet dévolutif. La demande du GIE d'Abeille Assurances tendant à voir constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel sera donc rejetée.

2 - sur le caractère limité de l'effet dévolutif

Le GIE d'Abeille Assurances fait valoir à titre subsidiaire que le seul chef de jugement critiqué dans la déclaration d'appel est celui qui a condamné M. [O] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelant se bornant pour le surplus à énoncer les demandes qu'il a soumises au premier juge.

Elle soutient qu'à tout le moins, le chef de jugement qui a 'dit et jugé que la démission de M. [V] [O] est claire et non équivoque', n'étant pas dévolu à la cour, il est irrévocable, de sorte que les demandes de M. [O] tendant à remettre en cause les effets de la démission se heurtent à l'autorité de la chose jugée.

Elle estime que le chef de jugement ayant débouté M. [O] de toutes ses demandes est la conséquence du chef de jugement ayant dit que sa démission était claire et non équivoque, et non l'inverse.

M. [O] réplique qu'il n'a pas mentionné ses prétentions dans sa déclaration d'appel mais a précisé les chefs de débouté sur lesquels portent l'appel.

Il soutient qu'en mentionnant que l'appel porte sur le débouté de sa demande en requalification de la démission en prise d'acte, et en licenciement, il a fait appel du chef du jugement ayant dit que la démission est claire et non équivoque, lequel est un chef dépendant au sens de l'article 562 du code de procédure civile.

Lorsque la déclaration d'appel se borne à solliciter la réformation et/ou l'annulation de la décision sur les chefs qu'elle énumère et que l'énumération ne comporte que l'énoncé des demandes formulées devant le premier juge, la cour n'est saisie d'aucun chef du dispositif du jugement (Cass. 2éme civ., 2 juillet 2020, n°19-16.954).

En l'espèce, le dispositif du jugement rendu le 22 janvier 2021 mentionne :

'Dit et juge que la démission de M. [V] [O] est claire et non équivoque,

Déboute M. [V] [O] de toutes ses demandes,

Condamne M. [V] [O] à payer au GIE du Groupe Aviva France la demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile de 1 500 euros et les dépens éventuels.'

La déclaration d'appel ne se contente pas de solliciter la réformation de la décision de première instance en énumérant simplement les demandes formulées devant le conseil de prud'hommes mais elle mentionne expressément que 'l'appel tend à réformer ou annuler le jugement en ce qu'il a débouté l'appelant de ses demandes suivantes', reprenant alors lesdites demandes, dont l'appelant a été débouté en leur intégralité. La cour est ainsi bien saisie du chef de dispositif du jugement qui déboute M. [V] [O] de toutes ses demandes.

Selon l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, l'appel ne défère à la cour d'appel que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, lesquels s'entendent de tous ceux qui sont la conséquence des chefs de jugement expressément critiqués (Cass. 2ème civ., 30 juin 2022, n°21-13.490 et 9 juin 2022, n°20-16.239).

En l'espèce, M. [O] fait expressément appel du débouté de ses demandes tendant à voir requalifier la démission en prise d'acte et requalifier la prise d'acte en licenciement. L'effet dévolutif s'étend au dispositif du jugement avec lequel il existe un lien de dépendance, qui retient en sens contraire :'Dit et juge que la démission de M. [V] [O] est claire et non équivoque'.

Il convient en conséquence de rejeter la demande du GIE d'Abeille Assurances tendant à voir dire que la cour n'est saisie d'aucune demande de la part de l'appelant concernant sa démission.

Sur l'irrecevabilité de la demande nouvelle de réparation du préjudice lié au dépassement des durées maximales de travail

Le GIE d'Abeille Assurances demande que soit déclarée irrecevable la demande formée par M. [O] dans ses écritures d'appelant du 14 février 2023 tendant à voir condamner le GIE au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement des durées maximales de travail, dès lors qu'il s'agit d'une demande nouvelle qui n'était formée ni dans le dispositif des conclusions devant le conseil de prud'hommes ni dans les conclusions initiales de l'appelant.

M. [O] répond que sa demande n'est pas nouvelle dès lors qu'elle constitue le complément nécessaire de la demande de rappel au titre des heures supplémentaires travaillées.

L'article 564 du code de procédure civile énonce que 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 du même code dispose que 'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.'

L'article 566 du code de procédure civile dispose que 'les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose enfin que 'A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, la décision du conseil de prud'hommes rendue le 22 janvier 2021 mentionne que M. [O] a demandé en première instance notamment l'allocation des sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison de la violation des articles L. 4121-1, L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail. Est également mentionnée une demande en paiement de la somme de 10 000 euros fondée sur l'article L. 4212-1 du code du travail, lequel n'existe pas, qui correspond manifestement au doublon de la demande formée au titre de l'article L. 4121-1 du même code, avec une erreur de numérotation. Le conseil des prud'hommes ne s'est d'ailleurs pas prononcé sur cette demande, qui n'est pas non plus reprise par l'appelant dans la déclaration d'appel.

N'était donc formée en première instance aucune demande indemnitaire de 10 000 euros ou d'une autre somme en réparation du préjudice subi du fait du dépassement des durées maximales de travail ayant eu pour effet de priver le salarié d'un repos suffisant.

Une telle demande ne figure ni dans les premières conclusions de l'appelant notifiées par voie électronique le 10 mai 2021 ni dans ses conclusions n°2 signifiées par voie électronique le 15 décembre 2022. Elle n'a été formée que dans les écritures d'appelant n°3 signifiées par voie électronique le 14 février 2023, avec un trait matérialisant son caractère nouveau, tant dans le dispositif des écritures (en page 89) que dans la motivation (page 50). Elle est donc nouvelle en cause d'appel.

Ne figurant pas dans les premières conclusions de l'appelant prises en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'intimé n'ayant pas formé d'appel incident de sorte qu'aucune conclusion n'a été signifiée par l'appelant en application de l'article 910 du code de procédure civile, la demande doit être déclarée irrecevable en application de l'article 910-4 susvisé.

Sur la requalification de la démission en prise d'acte

Il convient à titre liminaire d'indiquer qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir 'constater' ou 'dire et juger' qui ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile , mais sont la reprise des moyens des parties.

En vertu des dispositions de l'article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié.

Le salarié peut mettre fin au contrat de travail unilatéralement en raison de faits imputables à l'employeur. Cette prise d'acte de la rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués sont établis et s'ils sont suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat, soit d'une démission dans le cas contraire.

Lorsque le salarié motive sa démission par des manquements de l'employeur, la rupture s'analyse en une prise d'acte dans les mêmes conditions.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige. Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit.

C'est au salarié de rapporter la preuve de ces manquements et de leur gravité. S'il subsiste un doute sur la réalité des faits invoqués à l'appui de la prise d'acte, celle-ci doit produire les effets d'une démission.

Le principe de charge de la preuve applicable en matière de prise d'acte ne fait pas obstacle au principe de la répartition de la charge de la preuve entre le salarié et l'employeur qui s'applique à certains types de litiges, notamment s'agissant de l'exécution d'heures supplémentaires et de l'obligation de sécurité à laquelle est tenue l'employeur.

Sur la démission

M. [O] fait valoir que sa démission est équivoque dès lors qu'il a été contraint de rompre son contrat de travail le 18 juillet 2019 et que le 23 juillet suivant, il a expliqué son acte par des faits et manquements imputables à son employeur.

L'employeur répond que la démission de M. [O] est parfaitement claire et non équivoque dès lors que la lettre du 18 juillet 2019 ne fait pas référence à un quelconque manquement de la société, que la volonté de démissionner et de quitter au plus vite la société ressort d'un courriel envoyé par le salarié le 22 juillet 2019 et que ce dernier avait trouvé une belle opportunité professionnelle.

M. [O] a démissionné par courrier du 18 juillet 2019 sans énoncer de griefs à l'encontre de son employeur mais en écrivant : 'il ne me semble pas ici nécessaire de revenir sur les causes de cette décision qui sont bien comprises de part et d'autre'.

Le 22 juillet 2019, M. [O] a adressé à M. [N] [F], DRH de la société, le courriel suivant :

'Bonjour [N],

Pour faire suite à notre discussion de jeudi dernier, je te confirme que je souhaiterais pouvoir être libéré de mes obligations vis-à-vis d'Aviva à partir du 30 septembre 2019.

S'il est par ailleurs possible de prolonger mon contrat de travail quelques semaines au-delà de cette échéance, je t'en serai très reconnaissant.

Puis-je te laisser me confirmer que cela te convient '' (pièce 2 de la société).

Ce courriel n'est relatif qu'à la date de départ de M. [O], qui demande tout à la fois à être libéré de ses obligations à partir du 30 septembre et la prolongation de son contrat de travail quelques semaines au-delà de cette date.

Par courrier du 23 juillet 2019, soit 6 jours après sa démission, M. [O] a exposé que cette dernière a été motivée par la manière dont il a été traité par la société depuis la fin de l'année 2018.

Quand bien même M. [O] a annoncé à ses collègues le 26 septembre 2019 qu'il partait pour 'une belle opportunité professionnelle', ayant en effet été engagé en qualité de 'general manager insurance south europe' par la société DXC Technology à compter du mois d'octobre 2019 (courriel pièce 6 et profil Linkedin pièce 25 de la société), il avait auparavant exprimé des griefs, de sorte que sa démission était motivée par des manquements de l'employeur et ne peut être considérée comme claire et non équivoque. Elle s'analyse donc en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

La décision de première instance sera en conséquence infirmée en ce qu'elle a dit et jugé que la démission de M. [O] est claire et non équivoque.

Sur les effets de la prise d'acte

M. [O] estime que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement qui, à titre principal est nul en raison d'une part de la violation de son droit fondamental à la santé et à la sécurité et d'autre part du harcèlement moral dont il fait l'objet.

Il soutient à titre subsidiaire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait que son employeur a multiplié les violations graves de ses obligations en modifiant unilatéralement son contrat de travail (1), en violant son obligation de sécurité (2), au titre d'un harcèlement moral (3) et en raison du défaut de paiement du salaire (4).

M. [O] invoquant au titre du harcèlement moral la modification unilatérale de son contrat de travail et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, par souci de clarification, seront examinés en premier lieu les manquements de l'employeur qui sont invoqués.

1 - sur les manquements de l'employeur

L'employeur fait valoir que les manquements invoqués par le salarié sont différents de ceux qu'il évoquait dans sa lettre du 23 juillet 2019, qu'il ne peut sérieusement soutenir qu'il a été poussé vers la sortie alors que le 15 juillet 2019, le DRH lui confirmait au contraire qu'il aurait l'entière responsabilité d'une nouvelle direction et qu'il a attendu près d'un an pour saisir le conseil de prud'hommes. Il soutient n'avoir commis aucun manquement, de surcroit grave, à l'encontre du salarié.

1.1 - sur la modification unilatérale du contrat de travail

Le changement des conditions de travail relève du pouvoir unilatéral de direction de l'employeur et il est opposable au salarié non protégé. En revanche, la modification d'un élément essentiel du contrat de travail échappe au pouvoir unilatéral de l'employeur et ne peut intervenir qu'avec l'accord du salarié.

Les fonctions exercées par le salarié, c'est-à-dire l'emploi ou la catégorie d'emploi pour lequel il a été embauché, constituent un élément essentiel du contrat de travail et leur transformation constitue une modification du contrat de travail qui requiert l'accord du salarié.

Il convient de rechercher si le changement de fonctions entraîne une diminution des responsabilités du salarié, de son niveau hiérarchique et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification. Si la tâche confiée au salarié, quoique différente de celle qu'il effectuait antérieurement, correspond à sa qualification, il n'y a pas modification du contrat de travail, mais simple changement des conditions de travail.

Un changement d'affectation dans l'emploi qui maintient au salarié sa qualification et sa rémunération ne constitue pas une modification du contrat dès lors qu'il n'entraîne ni rétrogradation ni diminution de salaire et que les fonctions restent les mêmes.

M. [O] relate son parcours professionnel et expose que trois mois après la nomination en janvier 2018 d'une nouvelle directrice du service 'direct' avec lequel il était en lien, les relations de travail se sont dégradées, ce qui lui a provoqué de l'anxiété importante et des insomnies ; que ses missions contractuelles ont progressivement disparu, vidant son poste de sa substance ; que de mars à septembre 2018 il a été marginalisé et mis à l'écart des instances de direction ; que de septembre 2018 à février 2019, il a fait face à une pression importante par accroissement de sa charge de travail par des missions ne relevant pas de ses fonctions contractuelles, sans ressources supplémentaires, dans le seul but d'obtenir sa démission ; que son rôle a été supprimé lors d'une réorganisation mi janvier 2019, la direction des ressources humaines lui proposant le 5 février 2019 la rupture conventionnelle de son contrat de travail, qu'il a refusée ; qu'il s'est ensuite retrouvé 'mis au placard' et s'est vu adjoindre des missions ne relevant pas du périmètre de ses fonctions contractuelles, ce qui l'a contraint à rompre son contrat de travail. Il soutient qu'il se trouvait sans aucune affectation au moment où il a pris acte, qu'aucun avenant ne lui avait été soumis ni aucune offre de poste concrétisée.

Le GIE d'Abeille Assurances répond que des missions en adéquation avec son poste ont toujours été confiées à M. [O], dont le poste avait vocation à être élargi car il était prévu qu'il ait la pleine responsabilité d'une nouvelle direction dirigée par M. [F] ; que cette nouvelle direction a été créée après le départ de M. [O], qui a été motivé par une 'belle opportunité professionnelle'.

M. [O] a été engagé à compter du 28 janvier 2015 par le GIE du groupe Aviva France en qualité de 'directeur multi-accès' rattaché à la fonction de Directeur Distribution et Développement Commercial, reportant au Directeur Distribution et Marketing, relevant de la catégorie des cadres de direction.

Fin octobre 2015, M. [O] a rejoint la nouvelle direction 'Direct, Digital et Marketing' sous l'autorité de Mme [K] [W]. Il disposait d'un budget de 6 millions d'euros environ et il n'est pas contesté qu'il avait 10 personnes sous sa responsabilité.

Le groupe Aviva France a initié en 2017 une nouvelle stratégie mettant en oeuvre une démarche poussée de digitalisation (rapport annuel 2017 d'Aviva France - pièce 9 du salarié).

L'organisation d'Aviva France a évolué en février 2018, les missions 'Direct, Digital et Marketing' étant redéployées, l'activité 'digital' dirigée par M. [O] étant rattachée au service informatique 'Accélération, Digital, SI & NET' dirigé par M. [C] [B] (pièce 10 du salarié).

À compter du 22 février 2018 M. [O] était directeur du service 'digital & expérience client', son équipe passant à 16 personnes et son budget étant supérieur à 5 millions d'euros (pièces 11 et 12 du salarié).

En janvier 2018, Mme [H] [Z] est devenue directrice du service 'direct' qui travaillait en relation avec le service de M. [O]. Par courriel du 19 mars 2018, indiquant qu'elle souhaitait faire perdurer et renforcer les liens informels existant entre les équipes, Mme [Z] a mis en place une nouvelle organisation, qui impliquait une présence aux réunions du comité de direction (Codir) ad hoc selon l'ordre du jour et les sujets et des points mensuels de revue des sujets, organisation à laquelle M. [O] a donné un avis favorable (sa pièce 13). Par courriel du 19 septembre 2018, M. [O] a interrogé Mme [Z] sur les attentes et orientations concernant son équipe, n'étant pas satisfait de la situation actuelle (sa pièce 14). Mme [Z] a été désignée pour représenter Aviva France à la commission numérique de la fédération française de l'assurance en lieu et place de M. [O] (pièce 16 du salarié).

Fin novembre 2018, M. [O] a demandé à rencontrer la DRH (sa pièce 15). Par SMS du 13 décembre 2018, il a écrit à M. [B] : 'je dois reconnaître que cette incertitude totale sur mon avenir au sein d'Aviva commence à m'affecter (insomnies, perte de poids). Je vais voir mon médecin aujourd'hui pour voir comment il peut me soutenir d'un point de vue médical jusqu'à fin janvier. Je fais de mon mieux pour rester positif, engagé et professionnel dans cette situation extrêmement difficile et j'espère que cela paiera.'. M. [B] lui a répondu 'je suis extrêmement navré au sujet de l'incertitude actuelle entourant ton rôle. [A] [T] demain après-midi pour en parler à nouveau' (pièce 17 du salarié).

Lors du Comex du 14 janvier 2019, à l'étude du 'groupe des leaders 2019', M. [O] n'a pas été retenu au motif d'une 'suppression du rôle lors de la prochaine réorganisation et création d'un nouveau rôle plus large autour du digital' (pièce 19 du salarié).

Une information-consultation sur l'évolution de l'organisation de la Direction de la transformation digitale et IT a été faite lors de la réunion du comité d'établissement du 18 février 2019 (pièces 20 et 21 du salarié). A effet au 1er mars 2019, le département 'Digital & customer expérience' que dirigeait M. [O], relevant de la direction 'transformation digitale et IT' et la 'Digital factory' étaient regroupés pour constituer un nouveau département 'Digital Design & Delivery'.

Ainsi, si le rôle de M. [O] tel qu'il existait dans l'ancienne organisation a été supprimé, la situation était temporaire et il était acquis que le salarié devait se voir attribuer un nouveau rôle dans le domaine du digital.

Dans cette attente, M. [O] a été affecté de mars 2019 à juin 2019 à une mission sur la localisation géographique des services clients (pièce 10 de la société - définition des objectifs 2019 du salarié).

Il ressort des courriers et courriels versés au débat qu'une discussion a eu lieu début juillet 2019 entre M. [F], DRH, et M. [O] et qu'a été défini le principe de la création d'une direction transformation/organisation, directement rattachée au DRH, dont M. [O] aurait la pleine responsabilité (pièce 5 de la société).

M. [O] a adressé à M. [F] par courriel du 3 juillet 2019 une proposition de communiqué concernant la création d'une direction 'organisation et culture' au sein d'Aviva France à compter du 1er septembre 2019, une version modifiée le 9 juillet 2019 et une nouvelle proposition par courriel du 15 juillet 2019 (pièces 15 et 16 de la société, pièce 24 du salarié). M. [F] a répondu le 15 juillet 2019 : 'Salut [V], Je t'appel [sic] en fin de journée depuis ma voiture mais [T] est globalement ok.', se référant à [T] [P], directeur général d'Aviva France (pièce 25 du salarié).

Trois jours plus tard, M. [O] a démissionné, expliquant par la suite qu'il considérait avoir été traité de manière particulièrement cynique et humiliante.

M. [F] lui a écrit le 19 août 2019 qu'il considère que la démission est consécutive à son refus de formaliser un accord prévoyant des garanties contractuelles en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, y compris en cas de faute grave ou lourde (pièce 5 de la société).

Par courriel du 20 août 2019, M. [F] a indiqué à M. [O] que 'en dépit de l'annonce de ton départ, je souhaite que tu avances sur la création de cette direction de la transformation - organisation - efficience dont nous avons fixé ensemble les très grandes lignes', lui demandant d'approfondir certains points (pièce 17 de la société). Le GIE d'Abeille Assurances justifie que la direction 'organisation, sécurité et environnement de travail' a été mise en place de manière effective et qu'elle regroupe 21 salariés (pièce 19, information-consultation du CSE sur le projet d'évolution de l'organisation d'Aviva France du 29 septembre 2020).

M. [O] ne produit aucune pièce probante démontrant que le poste qu'il occupait a été petit à petit vidé de son contenu ni qu'il a été soumis à une charge de travail importante destinée à le faire démissionner, comme il le soutient.

Si son rôle a été supprimé en février 2019 dans le cadre d'une nouvelle réorganisation, ce qui relevait du pouvoir de direction de la société, une nouvelle direction dont M. [O] devait prendre la tête à compter du 1er septembre 2019 était en cours de création au moment de la démission et elle a été mise en place de manière effective après le départ de M. [O] de la société, de sorte que le poste proposé n'était nullement fictif.

Ce nouveau rôle maintenait les fonctions de directeur de M. [O] et comprenait le management de salariés, de sorte qu'il n'est pas prouvé que si les tâches allaient être différentes, M. [O] allait subir un changement de fonctions entraînant une diminution de ses responsabilités, de son niveau hiérarchique et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification.

Ce nouveau rôle n'a pu être attribué à M. [O] uniquement du fait que ce dernier a démissionné sans attendre qu'il ne soit finalisé.

Dans ces conditions, il ne sera pas retenu que l'employeur a modifié de manière unilatérale le contrat de travail.

1.2 - sur la violation de l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1,

2° des actions d'information et de formation,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

L'employeur met en oeuvre les mesures prévues par ces dispositions dans le respect des principes généraux de prévention énoncés à l'article L. 4121-2 du code du travail.

Respecte l'obligation de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Par ailleurs l'accord national interprofessionnel (ANI) du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail a pour objet d'augmenter la prise de conscience et la compréhension du stress au travail, d'attirer l'attention sur les signes susceptibles d'indiquer des problèmes de stress au travail et de fournir un cadre permettant de détecter, prévenir, d'éviter et de faire face aux problèmes de stress au travail.

M. [O] soutient que son employeur a manqué à son obligation de sécurité en raison de l'absence d'évaluation des risques professionnels induits par la mesure de réorganisation, l'exposition du requérant au stress, son inaction à la suite des messages écrits d'alerte qu'il a adressés et son exposition à des durées de travail excessives. Il fait valoir que son poste a été supprimé et que le fait de se trouver sans fonctions effectives au sein de l'entreprise constitue une violence morale ; que la société l'a laissé découvrir la suppression de ses fonctions, amorçant pour lui une période déstabilisante sur le plan psychologique, étant laissé sans réponse concrète et au mieux invité à occuper des missions temporaires ; que l'incertitude sur son avenir professionnel vécue à 50 ans a généré du stress.

Le GIE d'Abeille Assurances répond que les instances représentatives du personnel ont été consultées sur le projet de réorganisation, que les objectifs de M. [O] pour 2019 ont été parallèlement fixés de sorte qu'il avait une parfaite vision des missions qui lui étaient confiées, qu'il a toujours participé aux réunions stratégiques, même en 2019, qu'il a été impliqué dans la création d'une nouvelle direction dont il devait prendre l'entière responsabilité et qu'il était chargé de nombreuses autres missions qui occupaient ses journées. Il fait valoir que le médecin traitant ne peut imputer la détérioration de l'état de santé du salarié à la situation professionnelle de ce dernier ; que le seul échange de sms qui est produit date de 7 mois avant la démission.

1.2.1 - sur l'absence d'évaluation des risques professionnels induits par la réorganisation

L'ANI du 2 juillet 2008 relatif au stress au travail énonce que l'incertitude quant à ce qui est attendu au travail, les perspectives d'emploi, le changement à venir, une mauvaise communication concernant les orientations et les objectifs de l'entreprise, constituent des facteurs de stress au travail.

En l'espèce, M. [O] était cadre de direction dans le domaine du digital et assistait à certaines réunions du Codir. Le 'besoin de simplifier l'organisation autour du Digital en rapprochant les équipes' a été un des constats ayant conduit à la réorganisation de la direction de la transformation digitale et IT, étant souligné que M. [O] avait exprimé en septembre 2018 son insatisfaction sur la situation de son équipe.

La réorganisation a fait l'objet d'une information-consultation du CSE le 18 février 2019, qui n'a pas émis de remarques, ce qui établit la prise en compte par l'employeur des risques liés à la réorganisation (pièce 18 de la société).

1.2.2 - sur l'exposition du salarié au stress et l'inaction de l'employeur suite à ses messages d'alerte

M. [O] a demandé fin novembre 2018 à rencontrer la DRH, sans préciser à quel sujet. Par SMS du 13 décembre 2018, il a écrit à son supérieur hiérarchique M. [B] qu'il était affecté par une incertitude totale sur son avenir au sein d'Aviva France, ce qui démontre qu'il était informé de transformations à venir le concernant bien avant la présentation de la nouvelle organisation au CSE le 18 février 2019. M. [B] a pris en compte son état et lui a indiqué qu'il allait en parler rapidement au directeur, ce qui répond à l'alerte du salarié.

1.2.3 - sur le temps de travail et le défaut de paiement des salaires

M. [O] fait valoir qu'il ne faisait l'objet d'aucun suivi de sa charge de travail de sorte qu'aucun forfait jour ne lui est opposable ; qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées et a très régulièrement travaillé au-delà des durées maximales de travail, de sorte que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité et à son obligation de paiement des salaires.

L'employeur répond que la charge de travail était évaluée lors des entretiens annuels, que M. [O] n'a jamais fait état d'une quelconque difficulté en la matière, le prétendu manquement ne l'ayant pas empêché de poursuivre l'exécution du contrat de travail. Il conteste que le salarié a été amené à travailler au-delà de la durée maximale de travail et souligne que disposant d'une liberté pour organiser sa journée de travail, l'amplitude de cette dernière ne peut être déterminée par les premier et dernier email envoyés.

- sur la convention de forfait jours

Il sera rappelé que la conclusion d'une convention de forfait jours requiert, aux termes des dispositions du code du travail applicables au moment de la signature du contrat de travail de M. [O], que :

- le salarié dispose d'une réelle autonomie dans l'organisation de son emploi du temps ;

- un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche autorise et réglemente la conclusion de conventions de forfait jours en application de l'article L. 3121-39 du code du travail ;

- un accord soit mis en place sur le forfait jours prévoyant des règles de suivi de la charge du travail du salarié. L'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre de la réduction du temps de travail ; ce document peut être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur ; le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail ;

- une convention individuelle de forfait soit rédigée et acceptée par le salarié en application de l'article L. 3121-40 du code du travail ;

- un entretien annuel soit organisé en application de l'article L. 3121-46 du code du travail, qui dispose : « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié » ; l'entretien d'évaluation annuelle ne peut suffire à respecter ces prescriptions légales.

Le contrat de travail de M. [O] prévoit en son paragraphe 5 - temps de travail : 'M. [O] dispose pour l'exercice des responsabilités qui lui sont confiées d'une totale autonomie dans l'organisation de son emploi du temps dans le cadre des règles légales et conventionnelles.'. Il ne précise pas la durée du temps de travail.

Aucune convention individuelle de forfait en jours n'est produite et il n'est pas justifié que le salarié faisait l'objet d'un entretien annuel portant sur sa charge de travail, les revues de performance annuelles ne s'y substituant pas et n'abordant pas en tout état de cause ces questions.

En l'absence de convention de forfait en jours, M. [O] peut revendiquer le paiement de toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail.

- sur les heures supplémentaires

Sur le fondement des dispositions du code du travail, l'accord du 3 mars 1993 et l'accord d'entreprise du 17 mars 2016 ne comportant aucune disposition relative au seuil de déclenchement des heures supplémentaires, à leur pourcentage de rémunération et au contingent annuel d'heures supplémentaires, M. [O] demande paiement de la somme de 237 703,98 euros à titre de rappel pour les heures supplémentaires réalisées de 2017 à 2019 outre les congés payés afférents. Il soutient que la demande de rémunération au smic en l'absence de convention de forfait ne repose sur aucun fondement textuel ou factuel et s'oppose au remboursement des jours de RTT.

Le GIE d'Abeille Assurances fait valoir que le décompte de M. [O] n'est pas probant en ce qu'il contient des incohérences et que le salarié omet de justifier de sa charge de travail effective et de déduire ses temps de pause, de déplacement et de déjeuner. Il ajoute que M. [O] était libre de vaquer à ses occupations personnelles durant sa journée de travail.

En cas de remise en cause des modalités de décompte de la durée de travail, il demande que la rémunération à retenir pour le calcul des heures supplémentaires soit la rémunération minimale prévue par le protocole d'accord du 3 mars 1993 soit le smic augmenté de 11 heures supplémentaires par semaine soit 2 151,43 euros par mois. Il constate que M. [O] percevait une rémunération mensuelle de 11 759,17 euros soit une somme supérieure à celle qu'il pourrait prétendre en cas d'heures supplémentaires.

Il demande en outre de déduire les indemnités de jours de repos perçues par le salarié à raison de la convention de forfait jour privée d'effet soit 9 jours de RTT au cours des trois dernières années.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales ainsi rappelées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

M. [O] produit des tableaux recensant son temps de travail qu'il a établis en se référant à l'heure à laquelle il a envoyé les premiers et derniers courriels de chaque journée de travail, lesquels sont également versés au débat (pièces 43 à 57).

Il présente ainsi des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il a accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Le GIE d'Abeille Assurances se contente de critiquer le décompte produit par le salarié sans justifier, alors que la charge de la preuve lui incombe, des heures de travail accomplies par M. [O].

Le principe de l'existence d'heures supplémentaires sera retenu.

Le décompte du salarié n'est pas entièrement probant dès lors en premier lieu que pour certaines journées aucune activité de travail n'est détectée entre le premier et le dernier courriel pris en compte. Ainsi aucun message n'a été échangé le mardi 17 mai 2016 entre 9h06 et 19h14 de sorte que la prise en compte d'une journée de travail de 9 h 34 n'apparaît pas fondée ; le samedi 28 mai 2016 deux messages ont été envoyés à 6 h 15 et 6 h 18 puis trois messages à 17 h 09, 17 h 12 et 17 h 19, ce qui ne traduit pas une journée de travail de 10 h 07 ; le dimanche 29 mai 2016 un message a été envoyé à 9 h 54 puis trois messages entre 18 h 14 et 18 h 48, ce qui ne justifie pas de prendre en compte une journée de travail de 7 h 54.

En outre, M. [O] ne prend en compte ni ses temps de pause, de déjeuner et de transport.

Il sera retenu que M. [O] a accompli des heures supplémentaires au nombre de 80 en 2017, 120 en 2018 et 100 en 2019.

Il ne peut être considéré que le salaire de M. [O] suffisait à rémunérer la totalité des heures supplémentaires réalisées.

Les heures supplémentaires réalisées seront indemnisées à hauteur de la somme de 40 560 euros.

En l'absence de convention de forfait en jour, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés au salarié est devenu indu, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande du GIE d'Abeille Assurances de voir déduire des heures supplémentaires la somme de 1 895,67 euros correspondant à 9 jours de RTT.

Une indemnisation de 38 664,33 euros sera en conséquence allouée à M. [O] au titre des heures supplémentaires accomplies outre 3 866,43 euros au titre des congés payés.

- sur le dépassement des durées maximales de travail

Il ressort des articles L. 3121-18 et L. 3121-20 du code du travail que les durées maximales de travail sont en principe de 10 heures par jour et 48 heures par semaine et de l'article L. 3121-22 du même code que la durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de 12 semaines consécutives ne peut dépasser en principe 44 heures.

La preuve du respect de ces seuils et plafonds incombe à l'employeur.

En l'espèce, l'employeur qui estimait qu'une convention de forfait jours était applicable, relève que M. [O] était libre d'organiser ses journées de travail mais ne démontre pas que les durées maximales de travail ont été respectées.

Au regard des heures supplémentaires retenues, il est établi que M. [O] a parfois dépassé la durée maximale de travail de 10 heures par jour ou de 48 heures par semaine, ce qui constitue un manquement de l'employeur à son obligation à cet égard.

- sur le défaut de paiement du salaire

M. [O] estime que le défaut de paiement des heures supplémentaires travaillées justifie la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le GIE d'Abeille Assurances répond que M. [O] était cadre autonome dans l'organisation de son emploi du temps et qu'il était régulièrement soumis à un forfait jour ; que sa charge de travail était contrôlée lors de ses entretiens annuels et qu'il n'a jamais émis la moindre remarque à ce sujet ; que l'absence de suivi de la charge de travail ne remet pas en cause la validité du forfait annuel en jours, que M. [O] ne peut invoquer la nullité de sa convention de forfait jour mais seulement solliciter des dommages et intérêts, à condition de prouver son préjudice.

Il est constant que pour les raisons invoquées plus avant, M. [O] n'était pas régulièrement soumis à un forfait jour.

Il a réalisé des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées. Cependant, il ne ressort d'aucune pièce versée au débat que M. [O] a réclamé à son employeur, durant la relation contractuelle, le paiement d'heures supplémentaires et qu'il s'est vu opposer un refus de paiement. L'employeur ne peut être considéré comme ayant manqué à son obligation de paiement des heures supplémentaires tant que la juridiction n'a pas arbitré cette demande. En conséquence, le manquement n'est pas établi.

1.3 - sur le harcèlement moral

En application des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Aux termes de l'article L. 1154-1 du même code, « Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 [...], le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. »

Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il y a lieu d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il y a lieu d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Pour faire valoir qu'il a subi des fait de harcèlement moral, M. [O] invoque les faits suivants :

- des agissements répétés consistant en son éviction de ses fonctions et son isolement dans une mission d'études théorique et indéterminée ne correspondant plus à ses missions contractuelles. Or il a été retenu que si le rôle de M. [O] a été supprimé dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise, la situation était temporaire puisqu'un nouveau rôle devait lui être attribué ; qu'une mission ponctuelle lui a été confiée dans cette attente et que le salarié a démissionné avant la mise en place du nouveau rôle, empêchant de ce fait qu'il lui soit attribué,

- le fait qu'après avoir été submergé de travail il en a été privé et a été séparé de son équipe, son budget lui étant retiré. Or il n'est pas établi qu'il a été submergé de travail et la séparation de son équipe résulte de la réorganisation des services,

- le fait qu'une annonce publique de sa placardisation a été faite le 18 février 2019 et qu'il a été maintenu dans l'ignorance de toute affectation concrète. Or il ressort des échanges de courriels et de SMS versés au débat qu'il était informé de la réorganisation en cours avant qu'elle ne soit annoncée publiquement et qu'un nouveau rôle devait lui être attribué, sur lequel il a travaillé.

M. [O] souligne qu'il a été très affecté par ces agissements tant psychologiquement que physiquement, que son employeur n'a rien fait pour la prévention du harcèlement moral et que les agissements harcelants ont volontairement été organisés par son employeur dans le but d'obtenir sa démission.

M. [O] justifie par un certificat qu'il a consulté un médecin le 22 janvier 2019 alors qu'il présentait une anxiété importante et des troubles du sommeil que le salarié mettait en lien avec la problématique rencontrée au travail (pièce 18).

Ce certificat est insuffisant à établir à lui seul la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral alors que les autres faits invoqués par M. [O] ne constituent pas des faits de harcèlement moral et qu'aucune pièce ne démontre que l'employeur a commis des agissements volontaires dans le but d'obtenir la démission du salarié.

M. [O] devra donc être débouté de sa demande tendant à voir dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul pour harcèlement moral et de ses demandes de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral, par confirmation de la décision entreprise.

2 - sur la prise d'acte ayant les effets d'un licenciement nul

M. [O] demande à titre principal que la rupture du contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul, invoquant en premier lieu la violation de son droit fondamental à la santé et à la sécurité et en second lieu un harcèlement moral dont il a néanmoins été établi plus avant qu'il n'est pas constitué, de sorte qu'il ne peut valablement fonder la demande.

L'article L. 1235-3-1 du code du travail dispose que 'L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ; (...).'

Le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles. Le droit de jouir de conditions de travail qui assurent la sécurité et l'hygiène au travail est reconnu par l'article 7 b) du Pacte international relatif aux droits économiques et sociaux adopté par l'assemblée générale des Nations Unies le 16 décembre 1966 et ratifié par la France le 4 novembre 1980, directement applicable en droit interne. L'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, qui a la même valeur juridique qu'un traité, prévoit que tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité et à une limitation de la durée maximale de travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés. Enfin, le point 3 de la partie I de la Charte sociale européenne dispose que 'Tous les travailleurs ont droit à la sécurité et à l'hygiène dans le travail.'

En l'espèce, il n'est pas établi que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité en ne faisant aucune évaluation des risques professionnels induits par la réorganisation entreprise, en exposant M. [O] à un stress et en n'agissant pas face aux alertes du salarié, en l'exposant à des durées de travail excessives et qu'il a donc porté atteinte au droit fondamental du salarié à la santé et à la sécurité.

M. [O] sera en conséquence débouté de sa demande de requalification de sa démission en prise d'acte de la rupture du contrat de travail ayant les effets d'un licenciement nul et de sa demande d'indemnité pour licenciement nul, par confirmation de la décision entreprise.

3 - Sur la prise d'acte ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [O] demande à titre subsidiaire que la prise d'acte produise les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Il ressort des développements ci-dessus l'existence de manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en raison de l'absence de convention de forfait jour et de contrôle de la charge de travail ainsi que la réalisation d'heures supplémentaires par le salarié et certains dépassements de la durée maximale de travail. Cependant, M. [O] était un cadre libre d'organiser son temps de travail et bénéficiait d'une rémunération prenant en compte les contraintes notamment horaires liées à son niveau de responsabilité. Aucune pièce ne démontre que M. [O] s'est plaint auprès de son employeur d'une surcharge de travail qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail, la démission n'invoquant d'ailleurs pas ce grief.

Les manquements n'apparaissent pas en l'espèce suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail et permettre la requalification de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [O] en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a débouté M. [O] de ses demandes en requalification de la démission en prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et des demandes indemnitaires en découlant, relatives à l'indemnité conventionnelle de licenciement et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes indemnitaires

Sur la contrepartie obligatoire en repos

M. [O] fait valoir qu'il n'a pas été informé de son droit à repos en application de l'article D. 3171-11 du code du travail et réclame l'indemnisation d'un préjudice spécifique équivalent aux heures supplémentaires qu'il soutient avoir travaillées au-delà du contingent de 220 heures par an, soit 110 709,36 euros à titre de dommages et intérêts.

L'article L. 3121-30 du code du travail dispose que 'des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel. Les heures effectuées au-delà de ce contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos.'

L'article D. 3171-11 du code du travail dispose que 'A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés sont informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement et de contrepartie obligatoire en repos portés à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie. Dès que ce nombre atteint sept heures, ce document comporte une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre dans un délai maximum de deux mois après son ouverture.'

Dès lors qu'il n'est pas retenu que M. [O] a dépassé le contingent annuel d'heures supplémentaires de 220 heures au titre des années 2017, 2018 et 2019, il devra être débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

M. [O] fait valoir que son employeur s'est rendu coupable de l'infraction de travail dissimulé en ne faisant pas figurer sur son bulletin de paie toutes les heures travaillées et en ne lui payant pas ses heures supplémentaires.

Le GIE d'Abeille Assurances réplique que le salarié ne démontre pas l'intention délictuelle de l'employeur.

L'article L. 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L. 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L. 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'article L. 8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Il résulte des développements précédents que l'employeur estimait que M. [O] était soumis à un forfait en jours, de sorte que son intention de dissimuler le travail du salarié pendant la relation contractuelle n'est pas caractérisée.

M. [O] sera débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur la violation des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail

M. [O] sollicite une indemnisation de 10 000 euros au titre des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité en ce qu'il l'a exposé au stress du fait de la réorganisation sans plan de prévention, du dépassement régulier des durées maximales de travail et de l'absence de suivi de la charge de travail.

L'employeur répond qu'il n'a pas commis de manquement et que la preuve d'un préjudice distinct n'est pas rapportée.

Il a été retenu plus avant que l'employeur n'a pas manqué à son obligation de sécurité en exposant le salarié à un stress professionnel. M. [O] ne démontre pas qu'il a subi, du fait de la réalisation d'heures supplémentaires, un préjudice distinct de celui qui a été indemnisé par le paiement desdites heures. Le certificat médical qu'il produit n'évoque pas un épuisement professionnel du fait de la réalisation d'heures de travail excessives.

M. [O] sera en conséquence débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés

M. [O] fait valoir que son préavis était de 6 mois soit jusqu'au mois de janvier 2020, qu'il a demandé à percevoir son salaire jusqu'au 30 septembre 2019 mais non à être dispensé de préavis, de sorte qu'il doit recevoir le salaire correspondant au préavis pour la période d'octobre 2019 à janvier 2020 outre les congés payés afférents.

Le GIE d'Abeille Assurances conclut au débouté de la demande puisque, par courriel du 22 juillet 2019, le salarié a demandé expressément d'être dispensé d'une partie de son préavis, ce qui a été accepté.

L'employeur ne doit pas d'indemnité compensatrice de préavis lorsque l'inexécution du préavis résulte du commun accord des parties.

En l'espèce, M. [O] a démissionné par courrier du 18 juillet 2019 et son préavis de 6 mois courait jusqu'au mois de janvier 2020.

Par courriel du 22 juillet 2019, il a expressément demandé à son employeur à être libéré de ses obligations vis-à-vis d'Aviva à partir du 30 septembre 2019, ce qui constitue une demande de dispense d'une partie de son préavis, qui a été acceptée par l'employeur par courrier du 5 septembre 2019.

Le préavis a ainsi été exécuté partiellement et payé jusqu'au 30 septembre 2019.

M. [O] doit en conséquence être débouté de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice pour la durée du préavis qui n'a pas été exécutée, du mois d'octobre 2019 au mois de janvier 2020, et des congés payés afférents, par confirmation de la décision entreprise.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles et à compter du jugement, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires (à l'exception de la créance au titre de l'absence de formation, dont les intérêts de retard courront à compter du prononcé de l'arrêt qui en a fixé le principe et le montant).

En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de préciser que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Le GIE d'Abeille Assurances sera condamné à délivrer à M. [O] un bulletin de paie rectificatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt, les circonstances de l'espèce ne nécessitant pas d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a condamné M. [O] aux dépens de l'instance et à payer la somme de 1 500 euros au GIE du Groupe Aviva France au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le GIE d'Abeille Assurances sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [O] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande du GIE d'Abeille Assurances tendant à voir constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel,

Rejette la demande du GIE d'Abeille Assurances tendant à voir dire que la cour n'est saisie d'aucune demande de la part de l'appelant concernant sa démission,

Déclare irrecevable la demande formée par M. [V] [O] tendant à voir condamner le GIE d'Abeille Assurances au paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du dépassement des durées maximales de travail,

Confirme le jugement rendu le 22 janvier 2021 par le conseil de prud'hommes de Nanterre sauf en ce qu'il a :

- dit et jugé que la démission de M. [V] [O] est claire et non équivoque,

- débouté M. [V] [O] de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents,

- condamné M. [V] [O] aux dépens de l'instance,

- condamné M. [V] [O] à payer la somme de 1 500 euros au GIE du Groupe Aviva France au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne le GIE d'Abeille Assurances à payer à M. [V] [O] les sommes de :

- 38 664,33 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- 3 866,43 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute M. [V] [O] du surplus de ses demandes à ces titres,

Condamne le GIE d'Abeille Assurances à payer à M. [V] [O] les intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation sur les créances contractuelles et à compter du jugement sur les créances indemnitaires dont les intérêts courront à partir de l'arrêt,

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

Condamne le GIE d'Abeille Assurances à remettre à M. [V] [O] un bulletin de paye récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,

Dit n'y avoir lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte,

Condamne le GIE d'Abeille Assurances aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne le GIE d'Abeille Assurances à payer à M. [V] [O] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute le GIE d'Abeille Assurances de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00480
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.00480 ?
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