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28/06/2023 | FRANCE | N°22/00649

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 28 juin 2023, 22/00649


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C



19e chambre

Renvoi après cassation



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 22/00649



N° Portalis DBV3-V-B7G-VBBG



AFFAIRE :



[O] [Z] [U]





C/

S.A.S. LEAR CORPORATION SEATING FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

RG : 15/00331











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI BOURDON & ASSOCIES



la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

Renvoi après cassation

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 22/00649

N° Portalis DBV3-V-B7G-VBBG

AFFAIRE :

[O] [Z] [U]

C/

S.A.S. LEAR CORPORATION SEATING FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Janvier 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° RG : 15/00331

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI BOURDON & ASSOCIES

la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 01/03/2022 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 17/11/21 cassant et annulant l'arrêt rendu le 15/05/2019 par la cour d'appel de VERSAILLES

Monsieur [O] [Z] [U]

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

représenté par Me Bertrand REPOLT de l'AARPI BOURDON & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R143 substituée par Me Marie-laure DUFRESNE-CASTETS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R143

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. LEAR CORPORATION SEATING FRANCE

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Lorelei GANNAT de la SELAS FOUCAUD TCHEKHOFF POCHET ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A485

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023, devant la cour composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l'affaire,

Greffier, lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY

EXPOSE DU LITIGE

En janvier 2009, la société Lear Corporation Seating France [Localité 5], ayant une activité d'équipementier automobile, a annoncé au comité d'entreprise un projet de réorganisation prévoyant la fermeture de l'usine qu'elle exploitait à Lagny-Le-Sec (60) et le transfert des salariés y travaillant au sein de la société Lear Corporation Seating France, exploitant une usine à [Localité 4] (95).

À la suite d'une grève des salariés de la société Lear Corporation Seating France [Localité 5], deux accords collectifs ont été conclus le 13 février 2009 entre cette société et les organisations syndicales représentatives.

Le premier accord collectif a eu trait aux conditions applicables aux salariés refusant leur transfert au sein de la société Lear Corporation Seating France sise à [Localité 4] et à leur licenciement pour motif économique.

Le second accord a eu trait aux 'conditions permettant le transfert des salariés de [Localité 5] vers [Localité 4]' et notamment au paiement d'un 'différentiel de salaire'.

Le 29 mai 2009, à la suite d'une autre grève, un protocole de fin de conflit a été conclu entre la société Lear Corporation Seating France [Localité 5] et des organisations syndicales.

M. [O] [Z] [U], salarié de la société Lear Corporation Seating France [Localité 5], a accepté le transfert de son contrat de travail au sein de la société Lear Corporation Seating France et a perçu chaque mois une prime différentielle.

À la suite d'un accord collectif du 23 février 2015, la société Lear Corporation Seating France a supprimé le paiement de la prime différentielle pour l'ensemble des salariés qui en bénéficiaient.

Le 27 avril 2015, M. [U] (tout comme vingt-six autres salariés de la société Lear Corporation Seating France) a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 4] pour demander la condamnation de cette société à lui payer un rappel de prime différentielle.

Par jugement du 10 janvier 2017, le conseil de prud'hommes (section industrie) a :

- débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société Lear Corporation Seating France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit le syndicat Solidaire Unitaire Démocratique (SUD) Industrie Francilien irrecevable en son intervention ;

- mis les dépens à la charge de M. [U].

Sur appel de M. [U] et du syndicat Solidaire Unitaire Démocratique (SUD) Industrie Francilien, la 17ème chambre de la cour d'appel de céans a, par arrêt du 15 mai 2019 :

- confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [U] aux dépens.

Sur pourvoi de M. [U] et du syndicat, la Cour de cassation (chambre sociale) a, après avoir joint les pourvois de vingt-six autres salariés, par un arrêt du 17 novembre 2021 :

- cassé et annulé en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 15 mai 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

- remis les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

Le 1er mars 2022, M. [U] a saisi la cour de céans du renvoi après cassation.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 21 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, M. [U] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de [Localité 4] du 10 janvier 2017 et, statuant à nouveau, de :

- condamner la société Lear Corporation Seating France à lui payer les sommes suivantes :

* 10 705,28 euros à titre de rappel de prime différentielle ;

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation ;

- condamner la société Lear Corporation Seating France aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 27 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Lear Corporation Seating France demande à la cour de :

- confirmer le jugement attaqué et débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, limiter la condamnation au titre de rappel de prime différentielle sur la période au cours de laquelle le salarié était présent aux effectifs de l'entreprise et en activité effective ;

- en tout état de cause, condamner M. [U] à lui payer une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 18 avril 2023.

SUR CE :

Sur le rappel de prime différentielle :

Considérant que M. [U] soutient que les accords collectifs de 2009 ont pris en compte l'écart de rémunération existant entre les salariés du site de la société Lear Corporation Seating France [Localité 5] et ceux du site de la société Lear Corporation Seating France et ont prévu que tous les salariés acceptant leur transfert à [Localité 4] devaient voir leur salaire mensuel garanti et ne pas subir de perte de salaire ; qu'à cette fin, une prime différentielle a été instituée par l'employeur, aboutissant à une modification de la structure de la rémunération contractuelle, laquelle a été soumise à l'accord des salariés, notamment par le biais de documents intitulés fiches de poste et lettres de transfert ; que cette prime différentielle ayant ainsi été incorporée au contrat de travail, la société Lear Corporation Seating France ne pouvait la supprimer par le biais de l'accord collectif du 23 février 2015 ; qu'il ajoute qu'aucun élément ne démontre que cette prime différentielle incluse dans le contrat de travail n'avait qu'une durée déterminée ; qu'il réclame en conséquence un rappel de prime différentielle depuis la fin du paiement de cette prime ;

Que la société Lear Corporation Seating France soutient que la prime différentielle en litige a été instituée par les accords collectifs de 2009 et qu'elle pouvait donc être supprimée par l'accord collectif de 2015 ; qu'elle soutient également que l'objet de la prime différentielle était d'assurer une garantie de salaire net aux salariés acceptant leur transfert sur le site de [Localité 4], ce qui signifie que sa nature était nécessairement temporaire ou à durée déterminée, même si sa durée n'était pas déterminable puisqu'elle avait vocation à disparaître à mesure du temps et du lissage des rémunérations de l'ensemble des salariés ; qu'elle ajoute que même à considérer que la prime différentielle a été contractualisée, la teneur de l'engagement contractuel consistait à maintenir le salaire net et non à maintenir la prime différentielle ; que l'accord collectif du 23 février 2015 n'a fait qu'entériner le fait que l'engagement relatif à la garantie de salaire net n'avait plus d'objet et avait pris fin au plus tard en janvier 2015 ; qu'elle conclut donc à titre principal au débouté de la demande de rappel de prime différentielle ; qu'à titre subsidiaire elle fait valoir que M. [U] peut seulement réclamer une somme inférieure à celle demandée, eu égard à la rupture du contrat de travail intervenue entre-temps ;

Considérant que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant, ni dans sa structure sans son accord ; qu'un accord collectif ne peut modifier, sans l'accord des salariés, les droits qu'ils tiennent de leur contrat de travail ;

Qu'en l'espèce, l'accord collectif du 13 février 2009 relatif au transfert des salariés 'de Lear Corporation Seating France [Localité 5] vers [Localité 4]', stipule notamment que : 'chaque salarié se verra remettre en main propre contre décharge une lettre de transfert qui lui indiquera :

. La date de transfert sur le site de [Localité 4],

. Le libellé emploi,

. Le rappel du coefficient convention collective du poste,

. Le salaire de base mensuel et l'horaire de travail,

. Le montant de la prime d'ancienneté s'il y a lieu,

. Les différentes primes et leurs conditions d'attribution avec leurs montants,

. La convention collective,

. Si nécessaire le différentiel de salaire qui sera attribué. En effet la règle retenue en matière de rémunération globale est que le salarié doit conserver son salaire net, calculé selon la formule la plus avantageuse au salarié, dans le cadre de transfert même s'il est désormais soumis aux règles de [Localité 4] en matière de salaire et primes,

. Couverture sociale, le salarié transféré sera soumis aux régimes de retraite et de prévoyance souscrits par [Localité 4] ( y compris la mutuelle),

. Période d'essai : s'agissant d'un transfert il n'y a pas de période d'essai, de la même manière la décision du salarié d'être transféré est irrévocable,

. Le salarié ayant reçu son courrier bénéficie d'un délai de quinze jours pour accepter ou refuser le transfert. Il devra communiquer par écrit sa réponse qu'elle soit positive ou négative. L'absence de réponse du salarié dans ce délai de quinze jours de la réception de ce courrier équivaudra à un refus' ;

Que le protocole de fin de conflit du 29 mai 2009 stipule quant à lui que : ' Le salaire de base sera maintenu tel qu'il existe aujourd'hui à [Localité 5]. Toutefois, s'il est inférieur au salaire de base appliqué à [Localité 4], c'est ce dernier qui sera appliqué. Dans tous les cas, le salaire mensuel net est garanti sans limitation de temps.

La direction propose de faire un courrier à chaque salarié transféré, dans lequel elle confirmera son engagement à garantir le salaire net (hors absence).

En outre, le comparatif entre les salaires de [Localité 5] et ceux de [Localité 4] comprend la prime d'intéressement. Concernant les indirects, l'intéressement a été réintégré au salaire de base net garanti.

Comme la prime de transport entre le domicile et [Localité 5] est déjà intégrée dans le calcul du salaire net garanti, celle-ci est conservée par les salariés. Il faut donc seulement rediscuter éventuellement de la prime de transport entre [Localité 5] et [Localité 4] ' ;

Que ces accords collectifs viennent donc modifier la rémunération contractuelle des salariés de la société Lear Corporation Seating France [Localité 5] acceptant leur transfert au sein de la société Lear Corporation Seating France, en leur appliquant le montant et la structure de la rémunération pratiquée eu sein de cette dernière société et en y ajoutant le paiement d'une prime différentielle au cas où le salaire net global en résultant serait inférieur à celui perçu initialement ;

Que cette modification de la structure de la rémunération contractuelle nécessitait donc l'accord des salariés ;

Que c'est d'ailleurs ce que prévoient ces accords collectifs en soumettant cette modification de la rémunération contractuelle à l'accord écrit de chaque salarié, par le biais d'une lettre de transfert, l'absence de réponse du salarié dans le délai de quinze jours de la réception de cette lettre étant même assimilée à un refus ;

Qu'en outre, la société Lear Corporation Seating France [Localité 5] a envoyé à M. [U], le 19 mars 2009, une lettre relative à son transfert au sein de la société Lear Corporation Seating France, en lui demandant de signer un document annexé intitulé 'fiche de poste', lequel détaillait notamment le montant et la structure de sa nouvelle rémunération, y compris le montant de la prime différentielle ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la prime différentielle a été intégrée à la rémunération contractuelle de M. [U] ;

Que dès lors, la suppression de cette prime différentielle ne pouvait être réalisée par l'accord collectif du 23 février 2015 et nécessitait l'accord préalable du salarié, étant précisé qu'aucun élément ne démontre, contrairement à ce que soutient la société, que cette prime était contractuellement à durée déterminée ;

Qu'il s'ensuit que M. [U] est fondé à réclamer un rappel de prime différentielle ;

Que, sur son montant, il est constant que le contrat de travail de M. [U] a été rompu le 27 février 2020 ; qu'en conséquence, il y a lieu de limiter ce rappel à la somme de 7 593,28 euros;

Que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur les intérêts légaux :

Considérant qu'il y a lieu de rappeler que les intérêts légaux sur les créances salariales mentionnées ci-dessus courent à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les salaires exigibles antérieurement à cette date puis à compter de chaque échéance devenue exigible pour les salaires postérieurs à cette date ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ; que la société Lear Corporation Seating France sera condamnée à payer à M. [U] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

Vu l'arrêt de la Cour de cassation (chambre sociale) du 17 novembre 2021,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il déboute M. [O] [Z] [U] de ses demandes, statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Condamne la société Lear Corporation Seating France à payer à M. [O] [Z] [U] une somme de 7 593,28 euros à titre de rappel de prime différentielle, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes pour les salaires exigibles antérieurement à cette date puis à compter de chaque échéance devenue exigible pour les salaires postérieurs à cette date,

Condamne la société Lear Corporation Seating France à payer à M. [O] [Z] [U] une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Lear Corporation Seating France aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00649
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;22.00649 ?
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