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28/06/2023 | FRANCE | N°22/00630

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 28 juin 2023, 22/00630


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 22/00630



N° Portalis DBV3-V-B7G-VA6U



AFFAIRE :



[X] [W]





C/

S.N.C. ASSISTANCE ET CONSEIL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 19/0073

4



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Marie-hélène DUJARDIN



la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cou...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 22/00630

N° Portalis DBV3-V-B7G-VA6U

AFFAIRE :

[X] [W]

C/

S.N.C. ASSISTANCE ET CONSEIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 19/00734

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Marie-hélène DUJARDIN

la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [X] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Assistée de Me Hugues DE PONCINS de la SELEURL PMR Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1686

Représentant : Me Marie-hélène DUJARDIN, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2153 - N° du dossier 22081

APPELANTE

****************

S.N.C. ASSISTANCE ET CONSEIL

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-laure ISTRIA de la SELEURL 41 FOCH AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0260

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2268269

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] [W] a été engagée par la société Assistance et Conseil suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 19 mars 2001 en qualité de responsable du service trésorerie du groupe, coefficient 135, avec le statut de cadre.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Par lettre du 14 janvier 2019, Mme [W] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 22 janvier 2019.

Par lettre du 28 janvier 2019, l'employeur a licencié la salariée pour cause réelle et sérieuse.

Contestant son licenciement, le 15 mars 2019 Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir sa réintégration et la condamnation de la société Assistance et Conseil au paiement d'un rappel de salaires, subsidiairement, de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou plus subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 27 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- jugé que le licenciement de Mme [W] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Assistance et Conseil à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

* 65 288,97 euros au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7 000 euros au titre de la prime exceptionnelle de l'année 2018,

- rappelé que la condamnation de la société Assistance et Conseil au paiement des sommes visées par les articles R. 1454-14 et 15 du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (7 250,33 euros) dans les conditions prévues par l'article R. 1454-28 du même code,

- condamné la société Assistance et Conseil à verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [W],

- débouté les parties de leurs autres demandes respectives,

- condamné la société Assistance et Conseil à payer les dépens éventuels.

Le 28 février 2022, Mme [W] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 24 mars 2023, Mme [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes et limité la condamnation de la société Assistance et Conseil au paiement de la somme de 62 288,97 euros au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Assistance et Conseil à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de la prime exceptionnelle sur l'année 2018 en y ajoutant les 700 euros de congés payés afférents, l'a condamnée au paiement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, et statuant à nouveau :

- à titre liminaire, convoquer devant votre cour, si elle l'estime nécessaire, Mme [F] [S], M. [U] [P] [A] et M. [E] [O], en qualité de salariés de la société Assistance et Conseil et les entendre en qualité de témoins sur les heures supplémentaires de travail réellement effectuées par Mme [W], inviter la société Assistance et Conseil à produire le relevé des heures travaillées par la salariée sur la période des 3 années précédant la rupture de son contrat de travail en vertu de l'article L. 3171-4 du code du travail,

- à titre principal, prononcer la nullité de son licenciement pour violation d'une liberté fondamentale constitutionnellement garantie et/ou dénonciation de harcèlement moral et en conséquence, prononcer sa réintégration au sein de la société Assistance et Conseil dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent, condamner la société Assistance et Conseil au paiement des salaires dont elle a été injustement privée et ce jusqu'à la date effective de la réintégration à son poste, évalués au jour de l'audience à 377 016 euros soit 52 mois de salaire et 37 701, 60 euros de congés payés afférents,

- à titre subsidiaire, prononcer la nullité de son licenciement et en cas d'impossibilité de réintégration, condamner la société Assistance et Conseil à lui payer 377 016 euros d'indemnité pour nullité du licenciement soit 52 mois de salaire et 37 701,60 euros de congés payés afférents,

- à titre infiniment subsidiaire, juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, condamner la société Assistance et Conseil à lui payer 101 504,62 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit 14 mois de salaire,

- en tout état de cause, condamner la société Assistance et Conseil à lui payer les sommes suivantes :

* 50 000 euros en réparation du préjudice lié au caractère brutal, vexatoire et abusif de la rupture du contrat de travail,

* 7 000 euros au titre d'une prime exceptionnelle non perçue en janvier 2019, ainsi que 700 euros de congés payés afférents,

* 67 678 euros au titre du paiement des heures supplémentaires sur les trois années précédant la rupture du contrat de travail ainsi que 6 768 euros au titre des congés payés afférents,

* 17 000 euros d'indemnité au titre du repos compensateur non accordé,

* 43 501 euros pour travail dissimulé,

* 30 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales sur le temps de travail,

* 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société Assistance et Conseil au paiement des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts depuis la date de saisine du conseil de prud'hommes,

- la condamner aux dépens,

- la condamner à produire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document : une attestation Pôle emploi rectifiée, un certificat de travail rectifié, les bulletins de salaire.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 3 mai 2023, la société Assistance et Conseil demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [W] n'était pas nul à défaut d'avoir été prononcé en violation d'une liberté fondamentale et en l'absence de dénonciation de harcèlement moral, l'a déboutée de ses prétentions à ce titre,

- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'a condamnée à payer à Mme [W] les sommes de 65 288,97 euros au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 7 000 euros au titre de la prime exceptionnelle sur l'exercice 2018, de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens éventuels, l'a déboutée de ses demandes,

Statuant à nouveau :

- dire que le licenciement de Mme [W] repose sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de l'intégralité de ses demandes,

- la condamner à verser à la société Assistance et Conseil la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 16 mai 2023.

MOTIVATION

Sur la validité du licenciement

La salariée sollicite des dommages et intérêts pour licenciement nul aux motifs que :

- le licenciement est intervenu en violation d'une liberté fondamentale constitutionnellement garantie en matière de liberté d'expression,

- qu'il s'agit d'une mesure de rétorsion à sa dénonciation d'un harcèlement moral.

L'employeur conclut au rejet de la demande.

En l'espèce, sur l'atteinte à la liberté fondamentale en matière de liberté d'expression, la lettre de licenciement invoque une cause réelle et sérieuse de licenciement, un problème d'attitude et de mode relationnel. Il est reproché à la salariée d'avoir employé un ton dur et blessant notamment par un courriel du 13 juin 2018 à Mme [Y] [R], trésorière d'une filiale. Il lui est fait grief de ne pas user de formules de politesses dans ses courriels destinés à des banquiers selon les usages à son niveau de responsabilité, le reproche étant lié à la forme utilisée dans sa communication. Il lui est également tenu rigueur d'avoir envoyé un courriel le 3 janvier 2019 à une chargée d'affaires du Crédit du Nord en usant d'un ton comminatoire non acceptable et sans avoir au préalable informé sa hiérarchie de cette réponse donnée à un incident. Il lui est reproché d'avoir tenu une réunion le 8 janvier 2019 avec le directeur financier du groupe ainsi que le directeur financier et la responsable juridique de Ada en exprimant une insatisfaction dans le fonctionnement actuel de façon critique et sans donner d'exemple. Il lui est également fait grief d'une présentation ambiguë dans la description de son profil sur le réseau Linkedin empiétant sur les prérogatives du directeur financier du groupe et d'une recherche de poste ambiguë dans un groupe où la dimension humaine est valorisée, ce qui serait dévalorisant pour le groupe Rousselet. Il lui est aussi reproché une formulation maladroite dans un courriel du 4 janvier 2019 ainsi que l'utilisation maladroite du mot 'vol' pendant l'entretien d'évaluation de l'année 2017. Il s'en déduit que la lettre de licenciement se borne à citer des faits pour lesquels l'attitude et le mode de communication utilisés par la salariée posent problème, aucune atteinte à la liberté fondamentale en matière de liberté d'expression n'est caractérisée.

S'agissant du motif tiré de la dénonciation de faits de harcèlement moral, le passage litigieux de la lettre de licenciement est libellé comme suit : 'vos écarts de comportement ne datent pas d'aujourd'hui. Leur fréquence s'est néanmoins fortement accrue ces derniers mois, ce qui avait conduit le directeur financier du groupe, votre responsable hiérarchique, à vous adresser des rappels à l'ordre, des recadrages et même, en dernier lieu, un avertissement le 30 novembre dernier'. Il n'en résulte aucun élément démontrant que le licenciement serait une mesure de rétorsion à la dénonciation de faits de harcèlement moral, l'employeur se contentant de rappeler le contexte disciplinaire dans lequel s'inscrit le licenciement.

Au vu de ces éléments, il convient de débouter la salariée de sa demande de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour nullité de licenciement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'Même si vous avez de tout temps entretenu des relations compliquées avec vos différents interlocuteurs, ces relations se sont tendues de manière habituelle et systématique au cours des derniers mois, votre attitude et votre mode relationnel dépassant les limites de l'acceptable.

La dégradation de votre comportement non seulement en interne vis-à-vis des collaborateurs du groupe en relation avec vous s'est considérablement aggravée et accélérée, portant atteinte à la qualité de votre travail, mais aussi en externe dans vos relations avec nos partenaires banquiers, nuisant ainsi gravement à l'image du groupe et compromettant les relations du groupe avec ceux ci.

1) Il vous est ainsi reproché un comportement et une attitude au sein du groupe qui nuisent à la qualité de votre travail avec vos interlocuteurs. [...] ce grief peut être illustré par deux exemples.

Le premier concerne le projet de dématérialisation des factures fournisseurs mené pour deux filiales du groupe. [...]

Le second est illustré notamment par un mail envoyé le 13 juin 2018 à [Y], trésorière d'une filiale. [...]

2) Nous avons, à nouveau, été alertés de relations devenues très tendues et conflictuelles avec l'équipe comptable de la holding. Vous avez dit récemment à un comptable, occupant de surcroît un poste moins élevé que le vôtre, 'tu me fais chier' et cela a été entendu par d'autres personnes. [...]

Très récemment, le 8 janvier 2019, vous avez tenu une réunion sur le traitement des chèques de banque avec le directeur financier groupe ainsi que le directeur financier et la responsable juridique de Ada. Vous avez commencé cette réunion en affirmant que le fonctionnement actuel ne vous donnait pas satisfaction et présentait de nombreux désordres. [...]

3) Vos écarts de comportement ne datent pas d'aujourd'hui. Leur fréquence s'est néanmoins fortement accrue ces derniers mois, ce qui avait conduit le directeur financier du groupe, votre responsable hiérarchique, à vous adresser des rappels à l'ordre, des recadrages et même, en dernier lieu, un avertissement le 20 novembre dernier concernant un petit-déjeuner organisé le même jour avec nos chargés d'affaires et un interlocuteur de la salle des marchés de la BNP Parisbas, avertissement dont vous n'avez pas tenu compte. [...]

4) Il vous est également reproché d'entretenir avec les banquiers un relationnel qui nuit à l'image du groupe. [...] Ces fautes peuvent être illustrées par deux exemples récents :

- le 3 janvier 2019, vous avez adressé le mail suivant à Mme [I], chargée d'affaires du Crédit du Nord, en mettant le directeur financier en copie, mais sans l'en avoir préalablement informé :

[...]

Le ton comminatoire de ce mail n'est pas acceptable.

[...]

- le 4 janvier 2019, vous avez adressé le mail suivant à M. [G], chargé d'affaires de la Banque Postale, en mettant le directeur financier en copie, mais sans, à nouveau, vous être préalablement concertée avec lui :

[...]

'Que se passe-t-il avec ce compte, jouez vous ''

[...]

Apparemment, vous ne supportez plus personne dans le cadre de vos fonctions, que ce soit au sein du groupe, ou auprès de nos partenaires bancaires, et vos recherches diffusées sur les réseaux sociaux sont connues de beaucoup. Leur présentation pose d'ailleurs problème [...].

Compte-tenu de ces différents éléments, vous comprendrez que la confiance indispensable à la fonction de trésorière du groupe Rousselet que vous exercez a disparu de façon irrémédiable, outre l'insuffisance professionnelle montrée par ces rapports devenus quasi systématiquement conflictuels avec l'ensemble de vos interlocuteurs, et l'insubordination dont vous faites preuve, ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien préalable.[...]'.

La salariée conteste les griefs de la lettre de licenciement, l'employeur n'évoquant selon elle aucun grief objectif et matériellement vérifiable, plusieurs motifs étant faux.

L'employeur expose que le licenciement est fondé sur un comportement inconciliable avec les fonctions de la salariée et préjudiciable à l'entreprise, la lettre étant motivée par des illustrations précises.

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement reproche, en substance, à la salariée un problème de comportement dans ses relations en interne et en externe au groupe.

Sur les relations au sein du groupe, l'employeur se borne à produire un échange de courriels avec la trésorière d'une filiale suite à un retard dans le reporting. Il ne produit aucun élément objectif sur le projet de dématérialisation des factures fournisseurs étayant le mode de communication très abrupt de la salariée qui aurait souvent conduit à des blocages et ne précise pas de quels blocages il s'agit. Le courriel adressé à la trésorière dans le contexte de tensions inhérentes au respect des délais dans les transmissions et les travaux de reporting réalisés au sein d'un groupe est insuffisant à établir un problème relationnel au sein du groupe comme invoqué par l'employeur.

Sur les relations avec l'équipe comptable de la holding, l'employeur verse aux débats deux attestations de salariés générales et imprécises quant à une agressivité de la salariée dans les échanges avec eux, la responsable du service ayant remonté des problèmes d'humeur de cette dernière. La salariée dénie formellement avoir tenu les propos injurieux allégués et les attestations produites, émanant de salariés sous le pouvoir de direction de l'employeur, sont insuffisantes à établir de telles difficultés. De même, le fait que la salariée évoque des difficultés de fonctionnement lors d'une réunion avec la responsable juridique de la société Ada ne suffit pas à établir ce grief, alors que la salariée a proposé un changement dans la procédure de traitement des chèques de banque et que la responsable de la société Ada se borne à défendre son service et ses prérogatives.

Sur les relations avec le directeur financier, la lettre évoque le fait que la salariée s'est présentée sans attendre son responsable hiérarchique à un petit-déjeuner le 30 novembre 2018 avec plusieurs banquiers, ce fait n'étant pas empreint de caractère sérieux, alors que le directeur financier reconnaît lui-même dans son courriel du 30 novembre 2018 qu'il est arrivé à 8h31 pour un rendez-vous à 8h30. Les autres reproches sont formulés de façon vague et imprécise de sorte qu'ils sont dénués de caractére réel et sérieux.

Sur les relations avec les banquiers, l'employeur verse aux débats deux courriels sans formule de politesse, mais qui s'inscrivent dans un échange de plusieurs messages ce qui explique cette absence de formule de politesse. Il produit également aux débats deux courriels des 3 et 4 janvier 2019 à deux partenaires financiers du groupe, le premier dans lequel la salariée a alerté la banque Crédit du Nord de la panne de ses serveurs et des conséquences pour le groupe Rousselet, le deuxième dans lequel elle demande des explications à la banque Postale qui n'a pas fermé un compte bancaire en dépit de demandes répétées. Ces éléments ne permettent pas d'établir le grief allégué.

En outre, les reproches formulés à l'encontre du profil Linkedin de la salariée et de ses recherches de poste ne caractérisent aucune atteinte à l'image de la société ou de son directeur financier.

Il s'en déduit que les griefs de licenciement à l'encontre de la salariée qui présente une ancienneté de plus de dix-sept ans au sein du groupe sont dénués de caractère réel et sérieux.

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans ses dispositions applicables au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.

En l'espèce, la salariée ne demande pas sa réintégration. Elle est âgée de 49 ans au moment du licenciement et elle justifie de plus de 17 ans d'ancienneté. Elle a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 14 mois de salaire brut.

Elle justifie d'une inscription à Pôle emploi, d'une reconversion en naturothérapie et avoir retrouvé un emploi de comptable à temps partiel, qu'elle cumule avec une activité libérale de naturopathie.

Compte-tenu de ces éléments, il lui sera alloué une indemnité sans cause réelle et sérieuse de 65 288,97 euros.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur la remise de documents

La salariée demande, pour la première fois en cause d'appel, la remise des documents de fin de contrat et les bulletins de salaire rectifiés.

La société Assistance et Conseil sera condamnée à remettre à Mme [W] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et des bulletins de paie conformes à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire.

Sur la rupture brutale et vexatoire

La salariée sollicite des dommages et intérêts au vu du caractère humiliant des griefs retenus, visant à ternir son image et sa carrière, le licenciement étant manifestement excessif et vexatoire.

L'employeur conclut au débouté de la demande.

En l'espèce, la salariée ne caractérise pas de circonstances excessives et vexatoires dans le licenciement intervenu. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur la prime exceptionnelle 2018

La salariée sollicite le versement d'une prime exceptionnelle au titre de l'année 2018 pour un montant de 7 000 euros, ainsi que les congés payés afférents à hauteur de 700 euros. Elle indique qu'elle a reçu cette prime chaque année depuis 2001 au cours du mois de janvier de l'exercice suivant mais que cette prime ne lui a pas été versée pour l'exercice 2018. Elle précise que cette prime, versée pendant plusieurs années à tous les salariés, s'apparente à un usage au sein de la société.

L'employeur s'oppose au versement de la prime. Il fait valoir que cette prime a un caractère exceptionnel et que son versement ne revêt aucun caractère d'automaticité, qu'elle n'est pas versée en cas d'insatisfaction vis-à-vis du travail du salarié.

C'est au salarié qui invoque un usage d'apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.

En l'espèce, la salariée indique que la prime est versée à tous les salariés, sans le démontrer.

L'employeur conteste ce point. Il précise que la prime n'est versée que lorsque l'employeur est satisfait du travail du salarié.

Il s'en déduit que la preuve d'un usage dans le versement d'une prime exceptionnelle n'est pas rapportée, à défaut de caractère général du versement de la prime. La salariée doit être déboutée de sa demande de rappel au titre de la prime exeptionnelle pour l'année 2018.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires

La salariée forme pour la première fois en cause d'appel une demande de rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'audition de témoins sur les heures supplémentaires effectuées par la salariée, celle-ci n'étant pas nécessaire à la solution du litige.

Il convient de rejeter la demande formée par la salariée d'invitation de l'employeur à produire le relevé des heures travaillées par la salariée, la cour appréciant la valeur probante des éléments de preuve produits par les parties.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, le contrat de travail de la salariée stipule une durée de travail de 35 heures hebdomadaires. Elle produit un décompte des heures supplémentaires qu'elle considère avoir accomplies depuis 2016 montrant son heure de prise de poste entre 8h et 9h, son heure de fin de poste entre 18h et 19h, les heures travaillées avec déduction d'une heure de pause méridienne, le total hebdomadaire, mensuel et annuel des heures supplémentaires, ainsi qu'un calcul avec majoration des heures à +25% et +50%.

Elle considère avoir effectué un total de 1 101 heures supplémentaires pour un montant de 67 678 euros, outre 6 768 euros sur la période considérée.

Elle produit un courriel du 9 mai 2022 de Mme [S] et une attestation du 13 mai 2022 de Mme [B] confirmant ses heures de prise de poste et de fin de poste. Elle explique avoir été privée de la possibilité de récupérer des courriels prouvant le dépassement de ses horaires de travail en raison de sa mise à pied.

Il s'en déduit que la salariée produit des éléments suffisamment précis quant aux heures supplémentaires qu'elle considère avoir accomplies de sorte que l'employeur est en mesure d'y répondre.

L'employeur ne produit pas ses propres éléments de contrôle de la durée du temps de travail de la salariée. Il conteste les éléments produits par la salariée, certains échanges ayant été versés aux débats sans l'accord des salariés impliqués, les éléments étant imprécis et sans valeur probante. Il indique qu'aucune heure supplémentaire n'a été demandée à la salariée.

Il produit aux débats deux attestations de collègues, Mme [J] et Mme [N], de la salariée indiquant une heure de prise de poste vers 9h30 ou 9h45, une attestation d'un autre collègue voisin contigu de bureau, M. [D], indiquant une heure de fin de poste rarement après 18h30.

Il verse aux débats un extrait de l'abonnement professionnel auprès de la société G7 montrant 14 courses réalisées par la salariée sur la période considérée, dont 9 courses seulement après 19h30, dont 6 courses seulement après 20h, ce relevé contredisant le décompte de la salariée sur plusieurs dates.

Après pesée des éléments produits par chacune des parties, la cour a la conviction que la salariée a effectué des heures supplémentaires correspondant aux missions qui lui étaient confiées qu'elle évalue à 16 900 euros, outre 1 690 euros au titre des congés payés afférents. La société Assistance et Conseil sera condamnée à payer ces sommes à Mme [W].

Sur le repos compensateur

La salariée sollicite pour la première fois en cause d'appel un paiement au titre du repos compensateur.

Il ne résulte pas du dossier que la salariée a travaillé au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires fixé à 220 heures. Elle doit donc être déboutée de sa demande au titre du repos compensateur.

Sur le travail dissimulé

La salariée sollicite pour la première fois en cause d'appel une indemnité pour travail dissimulé.

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, la preuve n'est pas rapportée du caractère intentionnel de la mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli. La salariée doit être déboutée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le respect des dispositions légales sur le temps de travail

La salariée sollicite des dommages et intérêts en raison du fait qu'elle était sollicitée à tout moment pour les questions relatives au traitement de la trésorerie, qu'elle était dans l'impossibilité de prendre l'ensemble de ses congés annuels et que l'employeur a violé les règles relatives au temps de travail.

L'employeur conclut au rejet de la demande qui est injustifiée.

La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur.

En l'espèce, la salariée présente l'exemple du mois de juillet 2018, pendant lequel elle a dû préparer, organiser et animer une conférence téléphonique sur le 'projet dématérialisation'.

Il résulte des développements qui précèdent que la salariée a effectué des heures supplémentaires.

En outre, le bulletin de paie de janvier 2019 montre un solde de congés payés de 43 jours.

L'employeur ne démontre pas que les règles relatives au temps de travail ont été respectées.

Par conséquent, il convient de condamner la société Assistance et Conseil à payer à Mme [W] une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions sur le temps de travail. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Assistance et Conseil aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées à la salariée du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

La capitalisation des intérêts échus pour une année entière sera ordonnée.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Assistance et Conseil succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens d'appel. Elle devra également régler à Mme [W] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société Assistance et Conseil à payer à Mme [X] [W] la somme de 7 000 euros au titre de la prime exceptionnelle sur l'exercice 2018,

- débouté Mme [X] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives à la durée du travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Mme [X] [W] de sa demande au titre de la prime exceptionnelle 2018,

Déboute Mme [X] [W] de sa demande d'audition de témoins,

Déboute Mme [X] [W] de sa demande d'invitation à produire le relevé des heures travaillées,

Condamne la société Assistance et Conseil à payer à Mme [X] [W] les sommes suivantes:

16 900 euros au titre des heures supplémentaires,

1 690 euros au titre des congés payés afférents,

500 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales relatives à la durée du travail.

Déboute Mme [X] [W] de sa demande au titre du repos compensateur,

Déboute Mme [X] [W] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière,

Ordonne la remise par la société Assistance et Conseil à Mme [X] [W] de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et des bulletins de salaire conformes à la présente décision,

Déboute Mme [X] [W] de sa demande d'astreinte,

Ordonne le remboursement par la société Assistance et Conseil à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à Mme [X] [W] dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Assistance et Conseil aux dépens,

Condamne la société Assistance et Conseil à payer à Mme [X] [W] une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00630
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;22.00630 ?
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