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28/06/2023 | FRANCE | N°22/00629

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 28 juin 2023, 22/00629


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 22/00629



N° Portalis DBV3-V-B7G-VA6S



AFFAIRE :



[Z] [I]





C/

S.A.R.L. PINTO'S NETTOYAGE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03634r>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nicolas COLLET-THIRY



Me Pierre-ann LAUGERY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 22/00629

N° Portalis DBV3-V-B7G-VA6S

AFFAIRE :

[Z] [I]

C/

S.A.R.L. PINTO'S NETTOYAGE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Février 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 17/03634

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas COLLET-THIRY

Me Pierre-ann LAUGERY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Z] [I]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Nicolas COLLET-THIRY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0215

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/002833 du 24/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANTE

****************

S.A.R.L. PINTO'S NETTOYAGE

[Adresse 1]

[Localité 3]/France

Représentant : Me Pierre-ann LAUGERY, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 129 - N° du dossier 104175, substitué par Maître Mathilde MARTINEZ, avocat au barreau des Hauts-de-Seine

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Z] [I] a été embauchée à compter du 2 mars 2011 selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'agent de service par la société AMS.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

À compter du 1er août 2016, le contrat de travail a été transféré à la société Pinto's Nettoyage par l'effet des stipulations de la convention collective.

La société Pinto's Nettoyage a notifié à Mme [I] trois avertissements, les 4 janvier, 14 février et 7 juin 2017.

Par lettre du 5 juillet 2017, la société Pinto's Nettoyage a convoqué Mme [I] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 21 juillet 2017, la société Pinto's Nettoyage a notifié à Mme [I] son licenciement pour faute.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société Pinto's Nettoyage employait habituellement au moins onze salariés.

Le 5 décembre 2017, Mme [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour demander l'annulation des avertissements prononcés à son encontre, contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société Pinto's Nettoyage à lui payer des dommages-intérêts.

Par un jugement du 4 février 2022, le conseil de prud'hommes (section commerce) a :

- dit que le licenciement de Mme [I] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- pris acte du paiement de l'indemnité de licenciement par la société Pinto's Nettoyage en date du 23 novembre 2020 pour la somme de 2 541,11 euros ;

- débouté Mme [I] de ses demandes ;

- débouté la société Pinto's Nettoyage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [I] aux dépens.

Le 28 février 2022, Mme [I] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 4 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [I] demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué et, statuant à nouveau, de :

- annuler les avertissements des 4 janvier, 14 février et 7 juin 2017 prononcés à son encontre ;

- dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Pinto's Nettoyage à lui payer les sommes suivantes :

* 5 000 euros au titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat ;

* 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société Pinto's Nettoyage à payer à Me Nicolas Collet-Thiry une somme de 1 800 euros hors-taxes (2 160 euros TTC) au titre du 2° de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Pinto's Nettoyage au paiement des intérêts légaux à compter du jour de l'introduction de l'instance et ordonner la capitalisation ;

- condamner la société Pinto's Nettoyage aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions du 17 juin 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Pinto's Nettoyage demande à la cour de :

- prendre acte de ce que la société Pinto's Nettoyage a payé la somme de 2 541,11 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions ;

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [I] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 699 de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 mai 2023.

SUR CE :

Sur l'annulation des avertissements et les dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :

Considérant qu'en application de l'article L. 1333-1 du code du travail, le salarié peut demander au juge l'annulation d'une sanction disciplinaire prise à son encontre par son employeur ; que le juge forme sa conviction au vu des éléments apportés par les deux parties ; que toutefois, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre cette sanction qui sera annulée si elle est irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée ;

Que s'agissant de l'avertissement du 4 janvier 2017, prononcé pour un défaut de port d'équipement de protection, un assoupissement pendant le temps de travail et un défaut d'exécution d'une tâche de nettoyage, alors que Mme [I] nie la réalité des faits reprochés, la société Pinto's Nettoyage ne verse aux débats aucun élément, se bornant à invoquer l'absence de contestation par la salariée de la sanction au moment de sa notification ; que cette sanction n'est donc pas justifiée ;

Que s'agissant de l'avertissement du 14 février 2017, prononcé pour l'inexécution de tâches de nettoyage, alors que Mme [I] nie la réalité des faits reprochés, la société Pinto's Nettoyage se borne à verser aux débats un document non signé présenté comme un rapport réalisé par le supérieur hiérarchique de la salariée sur les faits en cause ; qu'aucun élément ne vient corroborer la matérialité des faits qui y sont dénoncés ; que cette sanction n'est donc pas justifiée ;

Que s'agissant de l'avertissement du 7 juin 2017, prononcé pour une 'manipulation' du téléphone portable personnel pendant les heures de travail, alors que Mme [I] nie la réalité des faits reprochés, la société Pinto's Nettoyage se borne à verser un courriel adressé par le salarié de la société cliente dénonçant ces faits de 'manipulation', lequel est imprécis et n'est corroboré par aucun autre élément ; que cette sanction n'est donc pas justifiée ;

Qu'il résulte de ce qui précède que Mme [I] est fondée à réclamer l'annulation des trois avertissements prononcés à son encontre ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;

Qu'en revanche, s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, tirée de la notification d'avertissements injustifiés, Mme [I] n'établit ni même n'allègue l'existence d'un préjudice à ce titre ; qu'il y a donc lieu de confirmer le débouté de la demande indemnitaire formée à ce titre ;

Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :

Considérant que la lettre de licenciement pour faute, qui fixe les limites du litige, reproche à Mme [I] les faits suivants : ' (...) Malgré ces trois avertissements à votre dossier, qui venaient déjà s'ajouter à ceux déjà présents dans votre dossier du personnel que nous avons repris dans le cadre d'un marché faisant l'objet d'une annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté, vous avez persisté dans votre attitude contestatrice permanente, écoutant aucune des consignes qui vous sont données.

Nous faisons encore l'objet d'une réclamation de la part de notre client dont vous êtes en charge de l'entretien, concernant des tâches qui vous incombent directement.

En date du 10 juillet 2017, alors que votre responsable direct se déplaçait sur Levallois, il vous croise dans la rue en tenue de ville, pendant vos heures de travail. Vous avez alors prétexté être en pause.

Outre le fait qu'il ne vous revient en aucun cas de modifier de votre propre chef vos horaires de travail, Monsieur [H] apprend directement par le client que vous avait été demandé une tâche de nettoyage précise, et que plutôt que de la faire, vous auriez 'disparu'.

Votre attitude irrespectueuse, à la fois envers vos collègues, qui se voient dans l'obligation de faire ce que vous ne faites pas, entraînant ainsi un surplus de travail, envers votre supérieur mais plus grave pour nous, envers le client, renvoie une très mauvaise image de notre entreprise.

Vous n'êtes pas sans savoir que nous sommes en outre une petite entreprise familiale, dont ce chantier représente environ 50 % de notre chiffre d'affaires.

De surcroît, le client nous transmet des photos des places de parking et se plaint nouvellement de la qualité de votre travail.

Votre attitude met donc gravement en péril la pérennité même de notre entreprise, ce que nous ne pouvons accepter davantage (...)' ;

Considérant que Mme [I] soutient que les faits reprochés ne sont pas établis et que son licenciement est ainsi dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'elle réclame en conséquence l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Que la société Pinto's Nettoyage soutient que les faits reprochés sont établis et que le licenciement repose ainsi sur une faute ; qu'elle conclut donc au débouté de la demande ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; que, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

Qu'en l'espèce, la société Pinto's Nettoyage se borne à verser aux débats une note manuscrite, non signée, prétendument rédigée par le supérieur hiérarchique de Mme [I], qui mentionne seulement que son auteur a croisé Mme [I] dans la rue, sans indication d'horaire et que par ailleurs le 'pc sécurité' de la société cliente a demandé à l'appelante de ramasser des morceaux de verre sur le parking, 'chose qu'elle n'avait pas encore fait' (sic) ; que cette pièce unique, imprécise et non corroborée par d'autres éléments est insuffisante à établir la réalité des faits reprochés ;

Qu'il s'ensuit que le licenciement de Mme [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse contrairement ce qu'ont estimé les premiers juges ;

Qu'en conséquence, Mme [I] est fondée à réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, soit à la somme de 9 382,62 euros au vu des pièces versées ; qu'eu égard à son âge (née en 1968), à son ancienneté (six années), à sa situation postérieure au licenciement (chômage d'octobre 2017 à décembre 2018), il y a lieu d'allouer une somme de 10 000 euros à ce titre ;

Que le jugement attaqué sera infirmé sur ces points ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu'il y lieu de rappeler que la sommes allouée ci-dessus, qui a une nature indemnitaire, porte intérêts légaux à compter du présent arrêt ;

Que la capitalisation des intérêts légaux sera en outre ordonnée dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Que le jugement sera infirmé sur ces points ;

Sur le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur :

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Pinto's Nettoyage aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [I] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points ;

Que la société Pinto's Nettoyage sera condamnée à payer à Me Nicolas Collet-Thiry, avocat de Mme [I] qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, une somme de 1 800 euros hors taxe (2 160 euros TTC) en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il déboute Mme [Z] [I] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Annule les avertissements des 4 janvier, 14 février et 7 juin 2017 prononcés à l'encontre de Mme [Z] [I],

Dit que le licenciement de Mme [Z] [I] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Pinto's Nettoyage à payer à Mme [Z] [I] une somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts légaux dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne le remboursement par la société Pinto's Nettoyage aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à Mme [Z] [I] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Pinto's Nettoyage à payer à Me Nicolas Collet-Thiry, avocat de Mme [Z] [I], une somme de 1 800 euros hors taxe (2 160 euros TTC) en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Pinto's Nettoyage aux dépens de première instance et d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00629
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;22.00629 ?
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