COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 28 JUIN 2023
N° RG 22/00468
N° Portalis DBV3-V-B7G-VAC4
AFFAIRE :
[F] [M]
C/
S.A.S. ETF
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ARGENTEUIL
N° Section : I
N° RG : F20/00053
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Florentin FACON
Me Philippe ROZEC
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [M]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Florentin FACON, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS
APPELANT
****************
S.A.S. ETF
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Philippe ROZEC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R045 - N° du dossier 25278 substitué par Me Sandrine AZOU, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,
EXPOSE DU LITIGE
M. [F] [M] a été engagé par la société ETF suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 novembre 2014 avec une reprise d'ancienneté à partir du 3 août 2014, en qualité de chef d'équipe, niveau 1, position 2, coefficient 110, avec le statut d'ouvrier.
La relation de travail était régie par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics.
Le 21 décembre 2017, la Maison départementale des personnes handicapées d'[Localité 10] a reconnu à M. [M] la qualité de travailleur handicapé.
Le 10 janvier 2018, dans le cadre d'une visite médicale à la demande du salarié, le médecin du travail a rendu l'avis d'aptitude suivant : 'Apte à la conduite des engins (CACES). Favoriser la manutention mécanisée et/ou en binôme, à revoir dans 3 mois.'
Le 7 octobre 2019, le salarié a fait l'objet d'un avis du médecin du travail ainsi rédigé :« Apte avec aménagement, éviter la conduite d'engins, éviter la station debout prolongée, éviter les trajets mission long, pas de port de charges supérieur à 10kg répété, trajeo'H prévenu, prochaine visite prévue courant octobre 2020 ».
Le 25 février 2020, le salarié a fait l'objet d'un nouvel avis du médecin du travail ainsi rédigé :
« éviter la conduite d'engins, éviter la station débout prolongée, éviter les trajets mission long, pas de port de charges supérieur à 10kg répété, proposition de VAE en Ile de France en priorité compte tenu du parcours professionnel, proposition de temps partiel thérapeutique en grand déplacement d'un mois ».
Le 25 février 2020, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Argenteuil afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ainsi qu'au paiement de diverses sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Le 9 mars 2020, le médecin du travail a rendu l'avis d'inaptitude suivant : « inapte chef d'équipe dans l'agence signalisation d'entreprise ETF éviter la conduite d'engins, éviter la station débout prolongée, éviter les trajets mission long, pas de port de charges supérieur à 10kg répété ».
M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 28 mai 2020.
Par lettre du 3 juin 2020, l'employeur a licencié le salarié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par jugement de départage en date du 28 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux dépens et a débouté la société ETF du surplus de ses demandes.
Le 14 février 2022, M. [M] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, M. [M] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ETF de sa demande de paiement de la somme de 420,74 euros au titre du solde débiteur de la paie, et statuant à nouveau de :
- fixer le salaire de référence à 2 041 euros bruts,
- à titre principal, juger illicite la clause de mobilité, juger que la clause de mobilité a été mise en 'uvre de manière abusive, juger qu'il occupait le poste de chef d'équipe, juger que la société ETF n'a pas appliqué correctement la convention collective, juger qu'il a subi une inégalité de travail, une discrimination liée à son état de santé, juger que la société ETF a manqué à son obligation de sécurité, juger qu'elle n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail, juger qu'il a été victime d'un harcèlement moral,
- en conséquence, juger que la demande de résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement nul ou, à titre subsidiaire, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société ETF à lui verser les sommes suivantes :
* 2 942,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 4 122 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 412 euros au titre des congés payés afférents,
* 24 000 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement, ou à titre subsidiaire, 14 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- à titre subsidiaire, si la cour devait rejeter sa demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail, juger que la société ETF a manqué à son obligation de reclassement dans le cadre du licenciement pour inaptitude,
- en conséquence, juger le licenciement nul ou, à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la société ETF à lui verser les sommes suivantes :
* 2 942,56 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
* 4 122 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 412 euros au titre des congés payés afférents,
* 24 000 euros de dommages et intérêts au titre de la nullité du licenciement, ou à titre subsidiaire, 14 000 euros de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- en tout état de cause, condamner la société ETF au versement des sommes suivantes :
* 12 000 euros pour mise en 'uvre d'une clause de mobilité illicite,
* 20 000 euros au titre de rappel de salaire lié à la mauvaise application de la convention collective,
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement,
* 20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 10 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- ordonner à la société ETF la remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et selon les termes de la décision à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document,
- débouter la société ETF de sa demande de paiement de la somme de 420,74 euros au titre du solde débiteur de la paie,
- condamner la société ETF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la condamner aux dépens.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 avril 2023, la société ETF demande à la cour de :
- juger que les déplacements professionnels de M. [M] étaient justifiés par la nature des tâches exercées, qu'elle a toujours respecté les préconisations du médecin du travail, que M. [M] ne peut prétendre à la qualification de chef d'équipe, qu'il n'a fait l'objet d'aucune mesure de discrimination en raison de son état de santé, qu'il n'a été victime d'aucune inégalité de traitement, qu'il n'a fait l'objet d'aucune situation de harcèlement, qu'elle a parfaitement respecté son obligation de reclassement,
- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, tant au titre de l'exécution que de la rupture de son contrat de travail,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et condamner M. [M] à lui verser la somme de 420,74 euros au titre du solde négatif du solde de tout compte et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [M] aux entiers dépens.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 18 avril 2023.
MOTIVATION
Sur la clause de mobilité
Le salarié sollicite des dommages et intérêts en raison d'une clause de mobilité illicite à son contrat de travail, la zone géographique étant imprécise. Il indique que la clause de mobilité a été mise en oeuvre de façon abusive, qu'il a été affecté sur différents chantiers loin de son lieu de résidence, en contradiction avec les préconisations du médecin du travail. Il expose que les affectations ont porté atteinte à sa vie privée et familiale. Il conclut à un préjudice résultant de l'abus dans la mise en oeuvre de la clause de mobilité.
L'employeur fait valoir que le salarié a été affecté sur des chantiers localisés sur le territoire métropolitain, sans sectorisation géographique, avant d'occuper avec son accord un poste sédentaire en Ile de France courant 2019. Il précise que le médecin du travail n'a jamais contre-indiqué une affectation sur un site éloigné du domicile, avant octobre 2019. Il ajoute que la clause du contrat de travail visait à formaliser le fait que la mobilité était inhérente aux fonctions d'ouvrier de chantier, qu'ainsi, les collègues du salarié sont soumis aux mêmes contraintes en terme de mobilité et sont toujours en grand déplacement pour les besoins de leurs fonctions, ces déplacements étant indemnisés conformément aux dispositions de la convention collective.
Une clause de mobilité est valable si elle définit de façon précise sa zone géographique d'application et si elle ne confère pas à l'employeur le droit d'en modifier unilatéralement la portée.
Le contrat de travail du salarié prévoit la clause de mobilité suivante : 'Il est entendu que, compte-tenu de la nature de votre activité et des nécessités de l'entreprise, vous pourrez être amené, pour exercer vos fonctions, à vous déplacer sur l'ensemble du territoire français, voire à l'étranger. Vous pourrez également être amené à travailler de nuit'.
En l'espèce, la clause de mobilité ne définit pas de zone géographique, le salarié pouvant être affecté dans le monde entier, cette absence de zone géographique portant atteinte à la vie privée et familiale du salarié et ne pouvant être justifiée par le cadre habituel de l'activité du salarié travaillant sur des chantiers. Elle doit donc être déclarée illicite.
Par conséquent, le salarié qui a été affecté à de nombreuses reprises sur des chantiers très éloignés de son domicile nécessitant des temps de trajet particulièrement longs a subi un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à la somme de 5 000 euros, somme que la société ETF sera condamnée à payer à M. [M] en réparation.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de reclassification conventionnelle
Le salarié sollicite un rappel de salaire et congés payés. Il indique qu'il exerçait les fonctions de chef d'équipe, encadrant une dizaine d'ouvriers sur les chantiers, et que la qualification conventionnelle qui lui a été appliquée ne correspondait pas aux fonctions occupées. Il revendique l'application du niveau 4, coefficient 180.
L'employeur fait valoir que le contrat de travail mentionne par erreur de plume le poste de chef d'équipe, qu'en réalité, le salarié n'a toujours réalisé que des tâches d'exécution, sans prérogative d'organisation de l'activité de ses collègues. Il ajoute que le chef d'équipe relève du niveau 3 conventionnel.
En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert.
La convention collective applicable prévoit la classification suivante à laquelle sont appliqués des salaires minima :
'niveau I. - Ouvriers d'exécution
Position 2
Le titulaire exécute, sous contrôle fréquent, des travaux sans difficulté particulière, à partir de directives simples. Il est responsable de la bonne exécution de son travail et peut être amené, dans le cadre des tâches qui lui sont confiées, à prendre certaines initiatives élémentaires.
Les emplois de cette position comportent des travaux simples ; ils peuvent requérir un niveau de formation professionnelle ou une pratique professionnelle acquise en position 1.
Niveau II. - Ouvriers professionnels
Position 1
Le titulaire organise et exécute, avec initiative, à partir de directives générales, les travaux courants de sa spécialité.
Les emplois de cette position comportent l'exécution de travaux impliquant de bonnes connaissances techniques et le respect des contraintes de l'environnement. Ils nécessitent un diplôme professionnel, une formation ou une technicité acquise par expérience au niveau I.
Position 2
Le titulaire organise et exécute, avec initiative, à partir de directives, les travaux de sa spécialité; il est responsable de leur bonne réalisation. Il peut être amené à accomplir certaines tâches avec l'assistance d'aides.
Les emplois de cette position comportent la réalisation de travaux impliquant le respect des règles de l'art, la prise en compte des contraintes liées aux environnements et, si nécessaire, la lecture et la tenue de documents courants.
Ils nécessitent un diplôme professionnel, une formation spécifique ou une expérience acquise à la position précédente.
Niveau III. - Ouvriers compagnons ou chefs d'équipe
Position 1
Le titulaire réalise, à partir de directives générales, l'ensemble des travaux, notamment délicats, de sa spécialité. Dans ce cadre, il dispose d'une certaine autonomie et prend des initiatives se rapportant à la réalisation des travaux qui lui sont confiés ou pour faire face à des situations imprévues.
Il peut être amené à accomplir certaines tâches avec l'assistance d'aides dont il guide le travail et contrôle les résultats.
Il est capable de lire des plans d'exécution et de tenir des documents courants.
Les emplois de cette position comportent la réalisation de travaux délicats impliquant le respect des règles de l'art, la prise en compte des contraintes liées aux environnements.
Ils nécessitent un diplôme professionnel et/ou une formation spécifique et/ou impliquent une bonne connaissance professionnelle obtenue par l'expérience acquise à la position précédente.
Position 2
Le titulaire réalise, à partir de directives d'organisation générale, les travaux de sa spécialité ; il possède la maîtrise de son métier.
Il est capable :
- de lire et d'interpréter des plans d'exécution ou des instructions écrites ;
- d'évaluer ses besoins prévisionnels en outillage, petits matériels et matériaux ;
et/ou pour les chefs d'équipe :
- d'organiser le travail du personnel constituant l'équipe appelée à l'assister.
Les emplois de cette position comportent la réalisation de travaux complexes ou diversifiés qui impliquent une connaissance professionnelle confirmée dans une technique et une certaine connaissance professionnelle dans d'autres techniques acquise par expérience et/ou par formation complémentaire. Ils nécessitent un diplôme professionnel, une formation spécifique ou une expérience acquise à la position précédente.
Niveau IV. - Maîtres-ouvriers ou maîtres-chefs d'équipe
Le titulaire possède une parfaite maîtrise du métier permettant soit :
- de réaliser avec autonomie les travaux les plus délicats nécessitant une haute technicité dans une technique, et, de plus, des connaissances des techniques connexes permettant d'assurer des travaux relevant de ceux-ci ;
- de conduire et d'animer régulièrement, suivant les directives données par les agents de maîtrise, une équipe dans une spécialité et de rendre compte de l'activité de cette dernière.
Il doit être capable de transmettre son expérience.
Il peut être apte à assurer un tutorat vis-à-vis des jeunes.
Il peut être amené à assurer des rapports avec des tiers dans le cadre d'instructions précises et ponctuelles et dans un domaine d'activité bien délimité'.
En l'espèce, le salarié a été classé niveau 1, position 2 de la convention collective et revendique le statut de chef d'équipe niveau 4, position 180.
Il produit aux débats les seules attestations imprécises de deux salariés M. [U] [H] du 9 mars 2020 et de M. [G] [P] du 13 mars 2022 indiquant qu'il était leur chef d'équipe réciproquement à [Localité 13] et à [Localité 7], ces attestations parcellaires ne décrivant pas les tâches d'organisation assumées par le salarié à leur égard.
Ainsi, le salarié ne démontre pas avoir effectivement assumé les tâches et missions incombant à un chef d'équipe en terme de responsabilité dans l'organisation du travail, d'autonomie et d'initiative, de technicité, de formation et d'expérience.
Il s'en déduit qu'il doit être débouté de sa demande de reclassification conventionnelle et de rappel de salaire et congés payés subséquente.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'inégalité de traitement et la discrimination
Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour inégalité de traitement et discrimination en raison de son état de santé.
Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l'espèce, le salarié invoque une inégalité de traitement et produit le bulletin de paie d'un collègue, ouvrier, chef d'équipe positionné au niveau 2, position 1 de la convention collective depuis le 1er août 2013, ayant connu une progression du coefficient 110 au coefficient 125 au vu du bulletin de paie de janvier 2020.
Cependant, le salarié ayant été embauché avec reprise d'ancienneté au 3 août 2014 et ayant quitté la société par licenciement du 3 juin 2020, il ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une atteinte au principe à travail égal, salaire égal puisqu'il est resté dans l'entreprise pendant une période inférieure à celle présentée pour la progression conventionnelle de son collègue et qu'il ne justifie pas qu'il exerçait une activité comparable à celle exercée par ce dernier.
Le salarié invoque également une discrimination en raison de son état de santé et de sa reconnaissance de travailleur handicapé. Il indique ne jamais avoir eu d'entretien professionnel, avoir perdu sa prime exceptionnelle versée en décembre les années 2014, 2015 et 2016 et être obligé de vérifier systématiquement son bulletin de paie mensuel présentant des non-conformités.
Sur les entretiens professionnels et les bulletins de paie non-conformes, le salarié ne présente pas d'éléments de fait.
Sur la prime exceptionnelle, au vu des bulletins de paie versés aux débats le salarié a perçu une gratification annuelle en janvier 2018 de 865,28 euros, en janvier 2019 de 860,23 euros, en janvier 2020 de 1 331,47 euros relative aux années précédentes en application de l'accord d'harmonisation en vigueur dans l'entreprise pour les collaborateurs ayant deux ans d'ancienneté, ce qui contredit l'absence de versement d'une prime exceptionnelle tel qu'allégué par le salarié.
Il s'en déduit que le salarié ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
Le salarié sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ces fondements.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le salarié invoque :
des erreurs de paie répétées,
une affectation à cinq établissements différents en quatre ans, rallongeant ses temps de trajet,
l'absence d'évolution de son salaire,
l'absence de respect des préconisations du médecin du travail,
une mise à l'écart, isolé sur un chantier, à un poste de magasinier, sans avenant à son contrat de travail,
la dégradation de son état de santé.
A l'appui du fait 1), le salarié ne vise aucune pièce de sorte que ce fait ne peut être retenu comme établi.
Concernant le fait 2), le salarié indique qu'il a été affecté à [Localité 8], [Localité 9], [Localité 6], [Localité 12], [Localité 5], sites éloignés de son domicile comme étant situés respectivement à 718 kilomètres, 800 kilomètres, 1 200 kilomètres, 400 kilomètres et 950 kilomètres de son lieu de résidence. Il produit également un détail des différents lieux d'affectation pendant la période salariale avec les indications relatives au trajet en temps et en kilomètres. Ce fait est donc matériellement avéré.
A l'appui du fait 3), le salarié verse aux débats le bulletin de paie de novembre 2014 mentionnant un salaire mensualisé de 1 698,7 euros, le bulletin de paie de janvier 2020 mentionnant un salaire mensualisé de 1 795,77 euros, de sorte que ce fait n'est pas établi, le salaire ayant connu une évolution.
S'agissant du fait 4), le salarié verse aux débats l'avis du médecin du travail du 10 janvier 2018 qui a préconisé notamment de : 'favoriser la manutention mécanisée et ou en binôme' et indique avoir dû continuer le port de charge lourde dans le cadre de ses fonctions. Il produit également l'avis du médecin du travail du 7 octobre 2019 ayant recommandé notamment d':« éviter les trajets mission long». Il indique avoir été affecté à [Localité 11] situé à presque 5 heures de trajet de son domicile ce qui est contraire aux préconisations du médecin du travail. Ce fait est donc matériellement établi.
Concernant le fait 5), le salarié indique avoir été affecté sur un chantier seul à [Localité 11] à compter d'octobre 2019 et produit plusieurs photographies de ce lieu d'affectation. Ce fait de mise à l'écart est donc matériellement établi.
S'agissant de son état de santé 6), le salarié produit l'avis d'inaptitude du médecin du travail qui a été rendu après cinq mois d'affectation sur le chantier de [Localité 11].
Au vu de l'ensemble de ces éléments, le salarié présente des faits 2) 4) 5) 6) qui pris dans leur ensemble, y compris la dégradation de son état de santé, permettent de présumer un harcèlement moral.
L'employeur expose que le salarié était affecté, conformément à son contrat de travail, sur des chantiers parfois éloignés selon les besoins inhérents à ses fonctions et que le médecin du travail n'avait émis aucune restriction à conduire des engins de chantiers, à porter des charges et à effectuer des trajets même longs avant le 7 octobre 2019.
Il indique avoir toujours respecté les préconisations du médecin du travail ce qui est contredit par l'affectation sur le site de [Localité 11] après l'avis du médecin du travail du 7 octobre 2019 situé à presque 5 heures de trajet du domicile du salarié. Il ne produit aucune explication sur le fait que le salarié était affecté seul sur un site et ainsi mis à l'écart, se bornant à indiquer que ce poste étant sédentaire et moins exigeant sur le plan physique.
Ainsi, l'employeur ne justifie pas que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il s'en déduit que le salarié a subi des faits de harcèlement moral.
Il lui sera alloué des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant des agissements de harcèlement moral qu'il convient de fixer à la somme de 8 000 euros, somme que la société ETF sera condamnée à payer à M. [M] en réparation.
Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Sur l'obligation de sécurité
Le salarié sollicite des dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce dernier n'ayant pas respecté les préconisations du médecin du travail. Il conclut que ces manquements ont conduit à l'aggravation de son état de santé et a fortiori à son inaptitude.
L'employeur fait valoir qu'il a toujours respecté les préconisations du médecin du travail. Il précise que la reconnaissance de travailleur handicapé n'ouvrait pas droit à un aménagement de poste, qu'il a été particulièrement attentif à l'évolution de l'état de santé du salarié et que le salarié n'hésitait pas à refuser de réaliser toute tâche qu'il estimait contraire à son état de santé.
L'employeur est tenu d'une obligation de sécurité envers ses salariés en application de l'article L. 4121-1 du code du travail qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer de manière effective la sécurité et protéger la santé des travailleurs. Ne méconnaît cependant pas son obligation légale l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent que l'employeur n'a pas respecté les préconisations du médecin du travail à compter du 7 octobre 2019 en décidant d'une affectation située à presque 5 heures de trajet du domicile du salarié, lui imposant des trajets longs. Ce faisant, il a manqué à son obligation de sécurité.
Ce manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur a causé un préjudice au salarié résultant de l'aggravation de son état de santé qu'il convient de réparer par l'octroi de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros, somme que la société ETF sera condamnée à payer à M. [M] en réparation.
Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur la demande de résiliation judiciaire
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations.
Il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail afin de prononcer cette résiliation, lesquels s'apprécient à la date à laquelle il se prononce.
En l'espèce, le salarié invoque les manquements suivants :
une discrimination en raison de son état de santé,
une situation de harcèlement moral.
Il résulte des développements qui précèdent que le salarié a subi des agissements de harcèlement moral, notamment du fait d'une affectation sur un site éloigné de son domicile lui imposant des trajets longs contraires aux préconisations du médecin du travail et également en raison d'une affectation sur un site isolé, le mettant à l'écart. Ce manquement est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.
Par conséquent, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur est justifiée.
La résiliation judiciaire étant prononcée en raison d'agissements de harcèlement moral subis par le salarié, elle produit les effets d'un licenciement nul. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
En application des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché de la nullité pour des faits de harcèlement moral. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En l'espèce, le salarié justifie de plus de cinq ans d'ancienneté, il est âgé de 54 ans au moment du licenciement. Il lui sera alloué une somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.
Au vu de l'attestation Pôle emploi, le salarié a perçu une indemnité légale de licenciement de 3 373,13 euros. Il sera donc débouté de sa demande à ce titre puisqu'il a été rempli de ses droits. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Il lui sera également alloué une indemnité de préavis de deux mois en application des dispositions de l'article L. 5213-9, celle-ci étant doublée. Elle sera fixée à la somme de 4 122 euros, outre 412 euros pour les congés payés afférents, quanta non contestés par la société intimée. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Il convient d'ordonner la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail conformes à la présente décision, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire. Le jugement entrepris sera infirmé sauf en ce qui concerne le débouté de la demande d'astreinte.
Sur le solde débiteur
La société ETF sollicite le paiement d'un solde débiteur de 420,74 euros correspondant au solde de l'avance de frais de déplacement et des avis à tiers détenteur dont le salarié faisait l'objet au moment de son départ.
Le salarié conclut au débouté de la demande.
Il résulte du dossier que l'employeur produit une lettre du tribunal de proximité de Brignoles ainsi qu'une lettre du 3 juin 2020 faisant état d'un versement au titre d'un acte de saisie.
Au vu de ces seuls éléments, le bien-fondé de la créance réclamée n'est pas justifié. La société ETF sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.
Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société ETF aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, à moins que ces créances n'aient été réclamées à compter d'une date postérieure, auquel cas les intérêts sont dus à compter de cette dernière date, et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur les autres demandes
Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société ETF succombant à la présente instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle devra également régler une somme de 4 000 euros à M. [M] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté M. [F] [M] de sa demande de rappel de salaire et congés payés afférents au titre de la reclassification conventionnelle,
- débouté M. [F] [M] de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et discrimination,
- débouté M. [F] [M] de sa demande au titre de l'indemnité légale de licenciement et au titre de l'astreinte,
- débouté la société ETF de sa demande en paiement au titre d'un solde débiteur,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que la clause de mobilité de M. [F] [M] est illicite,
Dit que la demande de résiliation judiciaire de M. [F] [M] est justifiée et produit les effets d'un licenciement nul,
Condamne la société ETF à payer à M. [F] [M] les sommes suivantes :
8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour application d'une clause de mobilité illicite,
18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
4 122 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
412 euros au titre des congés payés afférents.
Dit que les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes, à moins que ces créances n'aient été réclamées à compter d'une date postérieure, auquel cas les intérêts sont dus à compter de cette dernière date, et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Ordonne la remise par la société ETF à M. [F] [M] de l'attestation Pôle emploi et du certificat de travail conformes à la présente décision,
Ordonne le remboursement par la société ETF à l'organisme Pôle Emploi concerné des indemnités de chômage versées à M. [F] [M] dans la limite de six mois d'indemnités,
Condamne la société ETF aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne la société ETF à payer à M. [F] [M] une indemnité de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,