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28/06/2023 | FRANCE | N°21/02364

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 juin 2023, 21/02364


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE





DU 28 JUIN 2023



N° RG 21/02364

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UU4K



AFFAIRE :



[X] [B]



C/



Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : AD
r>N° RG : F17/392



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Clélie DE LESQUEN-JONAS











le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 21/02364

N° Portalis: DBV3-V-B7F-UU4K

AFFAIRE :

[X] [B]

C/

Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Section : AD

N° RG : F17/392

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clélie DE LESQUEN-JONAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 31 mai 2023 puis prorogée au 28 juin 2023, dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [B]

né le 25 Juin 1966 à [Localité 7] MAROC

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Clélie DE LESQUEN-JONAS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0006

APPELANT

****************

Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN représenté par son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

Située en son Consulat

[Adresse 1]

[Localité 6]

Non constitué

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] a été engagé par le Royaume du Maroc au Consulat du Maroc de [Localité 6], en qualité d'agent local, pour exercer les fonctions de secrétaire, à compter du 11 octobre 1997.

Le 15 novembre 2012, le 'Ministère des Affaires Etrangères du Royaume du Maroc représenté par le Consulat général du Maroc de [Localité 6]' (sic) a signé avec M. [B] un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent administratif, à effet au 1er janvier 2012, moyennant un salaire mensuel brut de 1 821,18 euros . Ce contrat indique la compétence des tribunaux français en cas de litige, et la soumission du contrat aux dispositions du droit français en vigueur.

Le 21 septembre 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'enjoindre le Royaume du Maroc de justifier le règlement de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire depuis son engagement à ce jour et l'obtention de rappels de salaire depuis 2015 et d'autres sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section activités diverses) a :

- déclaré irrecevables les demandes formulées par M. [B] à l'encontre du Royaume du Maroc en son consulat,

- débouté M. [B] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [B].

Par déclaration adressée au greffe le 20 juillet 2021, M. [B] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [B] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 21 juin 2021,

- juger que ses demandes recevables,

en vertu des articles 1353 du code civil et L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale,

- à titre principal, condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] à 50 000 euros de dommages et intérêts,

- subsidiairement, enjoindre le Royaume Maroc en son Consulat de [Localité 6] de justifier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, du règlement de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base depuis son embauche de 11 octobre 1997 jusqu'à ce jour,

en vertu de l'article L921-1 du code de la sécurité sociale,

- à titre principal, condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] à 50 000 euros de dommages et intérêts,

- subsidiairement, enjoindre le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] de justifier que le règlement des cotisations de retraite complémentaire a été effectué sur les salaires bruts qu'il a perçus depuis son embauche le 11 octobre 1997, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

en vertu de l'article L 3221-2 du code du travail,

- juger que le Royaume Maroc en son Consulat de [Localité 6] n'a pas respecté le principe d'égalité

salariale

en conséquence,

- condamner le Royaume Maroc en son Consulat de Pontoise à un rappel de salaires à hauteur de 38 903,67 euros et 3 890,36 euros de congés payés afférents avec intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes,

- fixer son salaire à 2 307,69 euros brut par mois,

en vertu de l'article L 3141-3 du code du travail,

- juger qu'il n'a pas bénéficié de la 5ème semaine de congés obligatoire,

en conséquence,

- condamner le Royaume Maroc en son Consulat de Pontoise à un rappel de salaires depuis l'année 2015 à hauteur 4 615,36 euros et de 461,53 euros de congés payés afférents avec intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes,

en vertu des articles L 6111-1 et L 6321-1 du code du travail,

- juger que le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] a manqué à son obligation de formation,

en conséquence,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] à des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros,

en vertu des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil,

- juger que le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] a exécuté le contrat de travail de façon déloyale et de mauvaise foi,

en conséquence,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] à des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros,

en tout état de cause,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] à une indemnité à hauteur de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6] aux entiers dépens.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. (Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.796, publié)

Le Royaume du Maroc n'ayant pas constitué avocat en appel, il sera donc fait application à son égard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, selon lequel la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes du salarié

Le salarié expose que le moyen de défense visant à invalider un acte de procédure notifié par huissier de justice est une nullité de forme et non une irrecevabilité, que l'indication erronée de l'organe représentant la personne morale ne lui a pas porté grief car le Royaume du Maroc, l'employeur, était bien représenté par son conseil, en première instance lors de l'audience de conciliation du 14 décembre 2018 (pièce n°9), devant lequel il n'a soulevé aucune nullité, soulevée seulement à l'audience de jugement du 16 avril 2021.

***

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. ».

Selon l'article 122 du même code « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.».

Enfin en vertu des articles 123 et 124 du code de procédure les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

En l'espèce, il ressort des pièces de procédure que le salarié, engagé par le ministère des affaires étrangères du Maroc pour exercer des fonctions d'agent administratif au Consulat général du Maroc à Pontoise, a saisi le conseil de prud'hommes de demandes formées contre le 'Ministère des affaires étrangères et de la coopération du Royaume du Maroc représenté par le consulat général du Royaume du Maroc à Pontoise', les parties étant convoquées devant le bureau de conciliation du 2 février 2018.

Il ressort de la note d'audience devant le bureau de jugement que le salarié a ensuite régularisé une assignation contre le 'Royaume du Maroc état souverain en son Consulat' et une assignation contre 'le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 6]'. Le salarié produit ainsi en pièce 8 l'assignation délivrée contre le Royaume du Maroc état souverain en vue du bureau de conciliation du 22 juin 2018. Cette assignation a été remise à parquet par acte d'huissier du 30 mars 2018.

Devant le bureau de conciliation du 14 décembre 2018 ce sont donc bien le ' Royaume du Maroc état souverain' et 'le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 6]' qui sont ainsi mentionnés en qualité de défendeurs à l'ordonnance enjoignant au Royaume du Maroc de communiquer différentes pièces.

Il en résulte que les demandes du salarié ont bien été formées à l'encontre d'une entité non dépourvue de personnalité juridique, en l'occurrence le Royaume du Maroc état souverain, pris en son Consulat de [Localité 6], où le salarié exécute sa prestation de travail, qui lui délivre les bulletins de paie.

Aussi les défendeurs ne pouvaient valablement soutenir devant le bureau de jugement que les demandes du salarié sont irrecevables au regard de ce qu'elles sont dirigées contre le consulat du Maroc qui n'a pas la personnalité juridique, et ce de par la seule mention 'Ministère des affaires étrangères et de la coopération du Royaume du Maroc représenté par le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 6]' portée sur l'acte introductif d'instance, dans la mesure où le Royaume du Maroc a, en sa qualité de défendeur Etat étranger, été régulièrement attrait en la cause par la voie diplomatique et était représenté devant les premiers juges.

Dès lors, par voie d'infirmation, il convient de déclarer recevables les demandes du salarié formées contre 'le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 6]'.

Sur les demandes d'indemnisations pour défaut de cotisations aux régimes de retraite et de justifications sous astreinte

En l'espèce, il sera relevé que le salarié a été engagé par le Royaume du Maroc en qualité d'agent local affecté au consulat du Maroc à [Localité 6], puis d'agent administratif.

Le salarié expose que l'employeur n'a pas déféré à la demande du bureau de conciliation de communiquer les montants bruts de ses salaires portant assiette des cotisations de base et complémentaire, que les cotisations dues au titre de la retraite de base n'ont pas toutes été réglées par l'employeur, auquel il appartient pourtant de prouver leur règlement, et qu'aucune régularisation des cotisations de retraite complémentaire n'apparaît sur le relevé de carrière du salarié.

Sur les cotisations au régime de retraite de base

Le manquement par l'employeur à son obligation de payer les cotisations retraites du salarié cause à ce dernier un préjudice né et actuel résultant de la perte de ses droits aux prestations correspondant aux cotisations non versées (Soc., 7 juin 2007, pourvoi n°05-45.211).

Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a versé les cotisations de retraite aux organismes concernés, le bulletin de paie ne faisant pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation (Soc., 2 mars 2017, pourvoi n°15-22.759).

Le salarié fait valoir qu'alors que son ancienneté remonte à octobre 1987, l'employeur n'a cotisé que 56 trimestres soit seulement à compter de l'année 2008 comme le montre le relevé actualisé en 2022 (pièce n°6), qui montre que les cotisations au titre de la retraite de base ont été réglées sur le salaire net et non sur le salaire brut, que 'par exemple en 2008 M. [B] a perçu 16 302 euros nets (1254 euros x 13 mois) (pièce n°5). Or le relevé de carrière montre que les cotisations versées par l'employeur ont été effectuées sur un salaire déclaré de 13 111 euros'. (cf page 6 de ses conclusions).

Il ressort en effet de cette pièce (page 4/5) qu'aucune cotisation n'apparaît pour les années antérieures à l'année 2008 que ce soit au titre de la retraite de base que de la retraite complémentaire.

Ensuite, les revenus d'activité soumis à cotisations retraite pour l'année 2008 ont été de 13111euros, alors que selon le bulletin de paie de décembre 2008 (pièce 5) son salaire net était de 1 254 euros sur 13 mois, ce qui correspond à un revenu annuel net de 16 302 euros, ou de 15 408 euros sur 12 mois, seule cette somme étant celle indiquée sur le relevé de carrière du salarié au titre des revenus soumis à cotisations retraite au titre de l'année 2009.

Il en résulte que le salarié établit que, pour les année 2008 et 2009, les cotisations au titre de la retraite de base ont été réglées sur le salaire brut versé au salarié, que ce soit sur 12 ou 13 mois.

En revanche, pour les année 2010 et 2011, le relevé de carrière indique les sommes de 17 749 euros et 19 160 euros, de sorte que cela ne correspond pas au salaire annuel net précité mais bien au brut.

A compter de 2012, le salaire a été porté à la somme de 1 821,18 euros brute, avec un treizième mois 'à l'échéance de la deuxième année de service effectif et continue', de sorte que ce treizième mois, exigible dès l'année 1999, portait la rémunération annuelle brute du salarié à la somme de 23 675,34 euros. Or, le relevé de carrière indique pour l'année 2012 la somme de 21 854 euros.

En revanche, pour les années 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 c'est bien la somme de 23 675 euros qui figure sur les relevés de carrière, correspondant aux cumuls bruts des bulletins de paie de décembre de chacune de ces années.

Pour l'année 2019, la somme de 18 032 euros mentionnée correspond bien au cumul annuel brut figurant sur le bulletin de paie de décembre.

Il en est de même pour les années 2020 et 2021 pour lesquelles la somme indiquée sur le relevé de carrière correspond à celle mentionnée au titre du cumul annuel brut de chacune de ces années.

En conséquence, le salarié établit que les cotisations au titre de la retraite de base n'ont soit pas été réglées soit l'ont été sur le salaire net et non sur le salaire brut en 2008, 2009 et 2012..

Il en résulte une absence de cotisation à la retraite de base du salarié pendant près de dix ans, un différentiel dans l'assiette des versements pour 2008, 2009 et 2012, ce qui crée un préjudice futur mais certain quant à une diminution du montant de retraite de base attendu. Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.

Sur les cotisations au régime de retraite complémentaire

Le salarié expose qu'en 2018, il a été adressé un document Humanis censé justifier la régularisation opérée (pièce commune n°5), que cependant, au regard du relevé de carrière actualisé du salarié, cette prétendue régularisation n'apparaît en réalité pas, que de plus sur le tableau des cotisations prétendument versées par le consulat de [Localité 6] et adressée par le conseil du Consulat au mois de mai 2018, le salaire indiqué et identifié comme un salaire brut est en réalité le salaire net annuel (pièce commune n°5), que ' par exemple au titre de l'année 2010, le règlement des cotisations prétendu est identifié sur la base de 16 302 Euros correspondant au salaire net versé à Monsieur [B] (1254 Euros x 13 mois)'. Il précise que des juridictions saisies par d'autres salariés (conseils de prud'hommes de Dijon, de Villeneuve Saint-Georges) ont enjoint aux Consulats du Maroc de [Localité 4] et d'[Localité 5], de justifier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le règlement des cotisations des retraites complémentaires.

***

L'article L. 921-1 du Code de la sécurité sociale, dont les dispositions sont d'ordre public, prévoit que : « Les catégories de salariés soumis à titre obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale ou des assurances sociales agricoles et les anciens salariés de même catégorie, qui ne relèvent pas d'un régime complémentaire de retraite géré par une institution de retraite complémentaire autorisée en vertu du présent titre ou du I de l'article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime sont affiliés obligatoirement à une de ces institutions. Ces dispositions sont applicables aux personnes mentionnées à l'article L. 382-15 qui bénéficient d'un revenu d'activité perçu individuellement. »

Il ressort de la pièce 5 commune éditée le 6 novembre 2017 par Humanis qu'ont été régularisées les cotisations au régime de retraite complémentaire pour les années 1988 à 2011, et que depuis cette date, les bulletins de paie présentent les lignes de cotisations sociales au titre de la retraite complémentaire, de façon très claire à compter de janvier 2018 (pièce 5, bulletin de paie de l'année 2018).

Le relevé Humanis fait apparaître que pour l'année 2010, le salaire brut annuel retenu s'élève à la somme de 16 302 euros de façon indistincte pour tous les salariés, excepté le moins ancien, ce qui correspond, ainsi que l'établit son bulletin de paie de décembre 2008, à son salaire net (1254 euros x 13 mois). La somme de 16 302 euros ne correspond donc en aucun cas au salaire annuel brut versé au salarié mais bien au salaire annuel net.

Toutefois, il ressort du relevé de carrière du salarié que c'est bien la somme de 17 749 euros qui figure au titre des revenus soumis à cotisations de retraite de base (Assurance retraite) et complémentaire (Agirc-Arcco) pour l'année 2010, la somme de 19 160 euros étant mentionnée au titre de l'année 2011 sur ce relevé, et non la somme de 16 302 euros figurant sur la pièce commune n°5.

Il en résulte que l'absence de cotisations de retraite complémentaire au titre d'un différentiel dans l'assiette des versements n'est pas établie sur la période alléguée, de sorte que le salarié sera débouté de sa demande à ce titre.

Les documents demandés sous astreinte, soit les justificatifs de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base comme complémentaire depuis son embauche sont sans rapport avec l'assiette de cotisation, de sorte que cette demande sera rejetée.

Sur le principe d'égalité salariale

Le salarié expose qu'un rapport publié par la Cour des comptes a dénoncé la gestion approximative des ambassades et des consulats, que de nombreux salariés de différents consulats, collègues fonctionnaires exerçant exactement les mêmes fonctions et se trouvant dans une situation comparable, perçoivent des salaires supérieurs à ceux des agents locaux tels que lui, que c'est dans ces conditions, qu'en date du 4 novembre 2018, il a été fait sommation de communiquer, dans un délai de 8 jours, les attestations de salaires et/ou bulletins de paie de l'année 2018 et les fiches, sommation à laquelle l'employeur n'a pas déféré, produisant seulement, à la suite de l'ordonnance du conseil de prud'hommes lui en faisant injonction, des « feuilles volantes » sans signatures, sans cachet officiel, sans papier à en-tête.

***

Le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur de rémunérer de façon identique des salariés effectuant un même travail ou, à défaut, de devoir justifier toute différence de rémunération par des critères objectifs et pertinents.

La demande de rappel de salaire fondée sur une atteinte au principe d'égalité de traitement est soumise à la prescription triennale» (Soc., 30 juin 2021, pourvois n° 20-12.960 et n° 20-12.962, publié).

En l'espèce, le salarié se compare avec un salarié, M. [V] [O] [S], agent local du Consulat du Maroc d'[Localité 5] depuis le 1er février 2010, dont la rémunération mensuelle brute est de 2 307,69 euros au 30 avril 2017. A cette date, M. [B] percevait un salaire mensuel brut de 1 821,18 euros, puis 2 088,01 euros depuis décembre 2019, soit une différence de rémunération de 486,51 euros (soit 6 324,63 euros par an), puis de 219,68 euros (soit 2 855,84 euros par an).

Le salarié établit donc des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une inégalité de traitement en matière salariale.

L'employeur intimé n'ayant pas constitué en appel, il n'est produit aucun élément objectif justifiant cette différence de rémunération.

Il convient en conséquence de faire droit, dans les limites de la prescription triennale applicable, à la demande du salarié en paiement d'un rappel de salaire pour la période du 26 février 2015 au jour des dernières conclusions en appel, sur la base d'un salaire mensuel brut qu'il convient de fixer à la somme de de 2 307,69 euros, soit la somme de 38 903,67 euros outre 3 890,36 euros de congés payés afférents au paiement de laquelle l'employeur sera donc condamné.

La cour relève qu'il n'est pas sollicité de dommages-intérêts au titre de l'absence de cotisations retraite de base ou complémentaire afférents à ce rappel de salaires.

Sur la 5ème semaine de congés obligatoire

Le salarié expose qu'il est légitime à solliciter un rappel de salaires relatifs à la 5ème semaine de congés payés qui ne lui pas été octroyée par l'employeur, qu'il n'y a aucun compteur de jour de congés sur ses bulletins de paie, que l'employeur n'apporte pas la preuve que le salarié aurait bien bénéficié de la 5 ème semaine de congés, que le salaire de base qui doit être pris en compte est celui dont il est demandé la fixation aux termes de la présente instance soit 2 307,69 euros, qu'une semaine de congés représente donc 576,92 euros, de sorte qu'il doit être fait droit à sa demande est bien fondée dans les limites de la prescription triennale, soit depuis le 26 février 2015 jusqu'aux dernières écritures, soit (576,92 euros x 8 années) = 4615,36 euros et de 461,43 de congés payés afférents.

***

Le congé annuel du salarié est constitué, d'une part, d'un congé principal de vingt-quatre jours qui, en principe, doit être pris de façon continue entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année, et, d'autre part, de la cinquième semaine de congés payés.

Les congés payés acquis non pris par le salarié à l'issue de la période de référence ouvrent droit au paiement, non pas d'un rappel de salaire tel que sollicité, mais d'une indemnité compensatrice de congés payés, la cour, à laquelle il appartient de donner aux faits leur exacte qualification juridique sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé, analysant ainsi la demande formulée à ce titre par le salarié.

La cour constate que les bulletins de paie ne portent mention d'aucun décompte des jours de congés payés acquis et pris, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si le salarié a pris ou non ses congés acquis au titre de la période invoquée, soit entre le 26 février 2015 et le 10 février 2023, ni en conséquence de rechercher, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, si l'employeur justifie avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombent.

En l'état de ces constatations dont il résulte que le salarié a été privé de la cinquième semaine de congés payés, il convient de faire droit à sa demande, dans les limites de celle-ci, et de condamner l'employeur à lui verser à ce titre une indemnité compensatrice de congés payés de 4 615,36 euros, qu'il n'y a de ce fait pas lieu d'assortir de congés payés afférents.

Sur l'obligation de formation

L'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 prévoit que 'l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.'

En l'espèce le salarié soutient, sans être contredit, qu'il n'a bénéficié d'aucune formation depuis son embauche soit depuis 25 ans. La cour relève en effet qu'engagé en 1986 en qualité d'agent local puis d'agent administratif, il exerce toujours les mêmes fonctions selon les bulletins de paie produits, qui ne comportent aucune indication du coefficient et d'une évolution de ce dernier au cours de la relation du travail.

Ce manquement, qui est ainsi établi et entraîne un préjudice pour le salarié dont la carrière n'a pas évolué à raison, notamment, de cette absence de formation, sera réparé par l'octroi d'une somme de 4 000 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié expose que depuis son embauche, et tout le long de l'exécution de son contrat de travail, il n'a jamais bénéficié des examens médicaux obligatoires, que cette grave carence participe de la déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, que de plus, depuis son embauche, il n'a bénéficié que de 4 semaines de congés payés et non des 5 semaines de congés obligatoires, que l'employeur s'était formellement engagé lors de la signature du contrat de travail du 15 novembre 2012 à opérer l'ensemble des régularisations pour être en conformité avec le droit du travail, ce qu'il n'a pas fait.

***

Selon les articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail, le salarié doit bénéficier d'une visite médicale à l'embauche ainsi que d'examens médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé.

Il ne résulte d'aucune des pièces du dossier qu'une telle visite ait été organisée, alors qu'il s'agit d'une obligation légale de l'employeur, quelle que soient les fonctions exercées par le salarié.

Ce seul manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, dont les autres manquements invoqués ont déjà fait l'objet d'une indemnisation ou ne sont pas établis, ainsi qu'il a été dit précédemment, justifie de faire droit à la demande de dommages-intérêts à ce titre, qu'il convient de fixer à la somme de 800 euros.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour les créances salariales.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner le Royaume du Maroc aux dépens de première instance et d'appel, et à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

DECLARE recevables les demandes formées par M.[B] contre le Royaume du Maroc pris en son Consulat de [Localité 6],

FIXE le salaire mensuel brut de M. [B] à la somme de 2 307,69 euros,

CONDAMNE le Royaume du Maroc à payer à M.[B] les sommes de :

- 10 000 euros euros de dommages-intérêts au titre de l'absence de justification de cotisations au régime de retraite de base pour les années 1997 à 2007, et des années 2008, 2009 et 2012,

- 38 903,67 euros euros bruts de rappel de salaires au titre de l'égalité salariale, outre 3 890,36 euros bruts de congés payés afférents,

- 4 000 de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de formation,

- 4 615,36 euros d'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la cinquième semaine de congés payés,

- 800 euros de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour les créances salariales.

DEBOUTE M. [B] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE le Royaume du Maroc à payer à M. [B] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Royaume du Maroc aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02364
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.02364 ?
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