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28/06/2023 | FRANCE | N°21/02356

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 juin 2023, 21/02356


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 21/02356

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UU3D



AFFAIRE :



[U] [K]





C/



Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PONTOISE

N° Section

: AD

N° RG : F17/396



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Clélie DE LESQUEN-JONAS











le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 21/02356

N° Portalis : DBV3-V-B7F-UU3D

AFFAIRE :

[U] [K]

C/

Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PONTOISE

N° Section : AD

N° RG : F17/396

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Clélie DE LESQUEN-JONAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 31 mai 2023, puis prorogée au 28 juin 2023, dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [K]

né le 01 Janvier 1955 à MAROC

de nationalité Marocaine

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Clélie DE LESQUEN-JONAS, Plaidant/constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0006

APPELANT

****************

Etablissement Public ROYAUME DU MAROC ETAT SOUVERAIN représenté par son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège

Située en son Consulat

[Adresse 1]

[Localité 4]

Non constitué

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Marine MOURET,

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [K] a été engagé par le Royaume du Maroc, en qualité d'agent local 'recruté au Consulat du Maroc à [Localité 5] [Localité 4]' (sic), à compter du 1er octobre 1987.

Le 15 novembre 2012, le 'Ministère des Affaires Etrangères du Royaume du Maroc représenté par le Consulat général du Maroc de [Localité 4]' (sic) a signé avec M. [K] un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chauffeur, à effet au 1er janvier 2012, moyennant un salaire brut mensuel de 1 923,18 euros sur treize mois. Ce contrat indique la compétence des tribunaux français en cas de litige, et la soumission du contrat aux dispositions du droit français en vigueur.

Le 21 septembre 2017, M. [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'enjoindre le Royaume du Maroc de justifier le règlement de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base et de la retraite complémentaire depuis son engagement à ce jour et l'obtention de rappels de salaire depuis 2015 et d'autres sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 21 juin 2021, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section activités diverses) a :

- déclaré irrecevables les demandes formulées par M. [K] à l'encontre du Royaume du Maroc en son consulat,

- débouté M. [K] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les entiers dépens de l'instance à la charge de M. [K].

Par déclaration adressée au greffe le 20 juillet 2021, M. [K] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre du Royaume du Maroc représenté par son Consulat à [Localité 4].

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 14 février 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise le 21 juin 2021,

- juger que ses demandes recevables,

en vertu des articles 1353 du code civil et L. 241-8, L. 243-1 et R. 243-6 du code de la sécurité sociale,

- à titre principal, condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] à 50 000 euros de dommages et intérêts,

- subsidiairement, enjoindre le Royaume Maroc en son Consulat de [Localité 4] de justifier, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, du règlement de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base depuis son embauche de 1er octobre 2007 (sic) jusqu'à ce jour,

en vertu de l'article L921-1 du code de la sécurité sociale,

- à titre principal, condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] à 50 000 euros de dommages et intérêts,

- subsidiairement, enjoindre le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] de justifier que le règlement des cotisations de retraite complémentaire a été effectué sur les salaires bruts qu'il a perçus depuis son embauche le 1er octobre 2007 (sic), sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir,

en vertu de l'article L 3141-3 du code du travail,

- juger qu'il n'a pas bénéficié de la 5ème semaine de congés obligatoire,

en conséquence,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de Pontoise à un rappel de salaires depuis l'année de 3 846,32 euros et de 384,63 euros de congés payés afférents avec intérêt au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes,

en vertu des articles L 6111-1 et L 6321-1 du code du travail,

- juger que le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] a manqué à son obligation de formation,

en conséquence,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] à des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros,

en vertu des articles 1103, 1104 et 1193 du code civil,

- juger que le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] a exécuté le contrat de travail de façon déloyale et de mauvaise foi,

en conséquence,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] à des dommages et intérêts à hauteur de 30 000 euros,

en tout état de cause,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] à une indemnité à hauteur de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] aux entiers dépens.

Le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4] a été attrait en la cause par la voie diplomatique conformément aux règles légales prévues notamment à l'article 684 alinéa 2 du code de procédure civile. Ainsi la déclaration d'appel et les conclusions d'appel lui ont été régulièrement signifiées par remise au parquet du tribunal judiciaire de Pontoise, lequel a justifié de cette remise en date du 20 septembre 2021, et en date du 5 novembre 2021 s'agissant des conclusions d'appel n°2.

Le Royaume du Maroc n'a pas constitué avocat devant la cour d'appel.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Aux termes de l'article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. (Soc., 18 janvier 2023, pourvoi n° 21-23.796, publié)

Le Royaume du Maroc n'ayant pas constitué avocat en appel, il sera donc fait application à son égard des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, selon lequel la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes du salarié

Le salarié expose que le moyen de défense visant à invalider un acte de procédure notifié par huissier de justice est une nullité de forme et non une irrecevabilité, que l'indication erronée de l'organe représentant la personne morale ne lui a pas porté grief car le Royaume du Maroc, l'employeur, était bien représenté par son conseil, en première instance lors de l'audience de conciliation du 14 décembre 2018, (pièce n°8), devant lequel il n'a soulevé aucune nullité, soulevée seulement à l'audience de jugement du 16 avril 2021.

***

Aux termes de l'article 32 du code de procédure civile « Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. ».

Selon l'article 122 du même code « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.».

Enfin en vertu des articles 123 et 124 du code de procédure les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt. Elles doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que l'irrecevabilité ne résulterait d'aucune disposition expresse.

En l'espèce, il ressort des pièces de procédure que le salarié, engagé par le ministère des affaires étrangères du Maroc pour exercer des fonctions de chauffeur au Consulat du Maroc à Pontoise, a saisi le conseil de prud'hommes de demandes formées contre le 'Ministère des affaires étrangères et de la coopération du Royaume du Maroc représenté par le consulat général du Royaume du Maroc à Pontoise', les parties étant convoquées devant le bureau de conciliation du 2 février 2018.

Il ressort de la note d'audience devant le bureau de jugement que le salarié a ensuite régularisé une assignation contre le 'Royaume du Maroc état souverain en son Consulat' et une assignation contre 'le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 4]'. Le salarié produit ainsi en pièce 7 l'assignation délivrée contre le Royaume du Maroc état souverain en vue du bureau de conciliation du 22 juin 2018. Cette assignation a été remise à parquet par acte d'huissier du 17 août 2018.

Devant le bureau de conciliation du 14 décembre 2018 (pièce 8 du salarié) ce sont donc bien le ' Royaume du Maroc état souverain' et 'le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 4]' qui sont ainsi mentionnés en qualité de défendeurs à l'ordonnance enjoignant au Royaume du Maroc de communiquer différentes pièces.

Il en résulte que les demandes du salarié ont bien été formées à l'encontre d'une entité non dépourvue de personnalité juridique, en l'occurrence le Royaume du Maroc état souverain, pris en son Consulat de [Localité 4], où le salarié exécute sa prestation de travail, qui lui délivre les bulletins de paie.

Aussi les défendeurs ne pouvaient valablement soutenir devant le bureau de jugement que les demandes du salarié sont irrecevables au regard de ce qu'elles sont dirigées contre le consulat du Maroc qui n'a pas la personnalité juridique, et ce de par la seule mention 'Ministère des affaires étrangères et de la coopération du Royaume du Maroc représenté par le consulat général du Royaume du Maroc à [Localité 4]' portée sur l'acte introductif d'instance, dans la mesure où le Royaume du Maroc a, en sa qualité de défendeur Etat étranger, été régulièrement attrait en la cause par la voie diplomatique et était représenté devant les premiers juges.

Dès lors, par voie d'infirmation, il convient de déclarer recevables les demandes du salarié formées contre 'le Royaume du Maroc en son Consulat de [Localité 4]'.

Sur les demandes d'indemnisations pour défaut de cotisations aux régimes de retraite et de justifications sous astreinte

En l'espèce, il sera relevé que le salarié a été recruté par le Royaume du Maroc en qualité de chauffeur affecté au consulat du Maroc à [Localité 5], le contrat de travail indiquant de façon manuscrite '[Localité 4]'.

Le salarié expose que l'employeur n'a pas déféré à la demande du bureau de conciliation de communiquer les montants bruts de ses salaires portant assiette des cotisations de base et complémentaire, que les cotisations dues au titre de la retraite de base n'ont pas toutes été réglées par l'employeur, auquel il appartient pourtant de prouver leur règlement, et qu'aucune régularisation des cotisations de retraite complémentaire n'apparaît sur le relevé de carrière du salarié.

Sur les cotisations au régime de retraite de base

Le manquement par l'employeur à son obligation de payer les cotisations retraites du salarié cause à ce dernier un préjudice né et actuel résultant de la perte de ses droits aux prestations correspondant aux cotisations non versées (Soc., 7 juin 2007, pourvoi n°05-45.211).

Il appartient à l'employeur de prouver qu'il a versé les cotisations de retraite aux organismes concernés, le bulletin de paie ne faisant pas présumer qu'il s'est acquitté de son obligation (Soc., 2 mars 2017, pourvoi n°15-22.759).

Le salarié fait valoir que son relevé de carrière montre que les cotisations au titre de la retraite de base ont été réglées sur le salaire net et non sur le salaire brut, que 'par exemple, au titre de l'année 2008, il est mentionné 16 302 euros comme salaire brut alors que le salarié a perçu 1 254 euros par mois net soit un salaire annuel net de 16 302 euros ( pièce n°5)' (sic). (cf page 6 de ses conclusions)

Cependant il ressort de cette pièce (page 7/8) que les revenus d'activité soumis à cotisations retraite pour l'année 2008 ont été de 14 326 euros, alors que selon le bulletin de paie de janvier 2008 (pièce 4S) son salaire net était de 1 254 euros sur 13 mois, ce qui correspond à un revenu annuel net de 16 302 euros, ou de 15 408 euros sur 12 mois, cette somme étant celle indiquée sur le relevé de carrière du salarié au titre des revenus soumis à cotisations retraite au titre de l'année 2009.

Il en résulte que le salarié établit que, pour les année 2008 et 2009, les cotisations au titre de la retraite de base n'ont pas été réglées sur le salaire brut versé au salarié cette année là, que ce soit sur 12 ou 13 mois.

En revanche, pour l'année 2010, le relevé de carrière indique la somme de 17 749 euros, de sorte que cela ne correspond pas au salaire annuel net précité mais au brut.

De même, le bulletin de paie de décembre 2019 indique un revenu annuel brut de 27 540,69 euros, et le relevé de carrière indique pour cette année-là un revenu annuel de 27 541 euros, de sorte que les cotisations retraite de l'année 2019 ont bien été réglées sur le salaire brut.

Il en est de même pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018, 2020, 2021, pour lesquelles les sommes figurant sur les relevés de carrière correspondent aux cumuls bruts des bulletins de paie de décembre de chacune de ces années, les bulletins de paie des années 2009, 2010 et 2011 n'étant pas produits. Pour ces années-là, le relevé de carrière du salarié indique que les revenus d'activité soumis à cotisation sont respectivement de 15 048 euros, 17 749 euros et 19 160 euros.

En conséquence, le salarié établit que les cotisations au titre de la retraite de base ont été réglées sur le salaire net et non sur le salaire brut uniquement pour 2008 et 2009, mais il n'est pas établi que cette différence s'est renouvelée par la suite.

Il en résulte une absence de cotisation à la retraite de base du salarié pour l'année 2008 au titre d'un différentiel dans l'assiette des versements, ce qui crée un préjudice futur mais certain quant à une diminution du montant de retraite de base attendu. Ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 2 500 euros, somme au paiement de laquelle l'employeur sera condamné.

Sur les cotisations au régime de retraite complémentaire

Le salarié expose qu'en 2018, il a été adressé un document Humanis censé justifier la régularisation opérée (pièce commune n°5), que cependant, au regard du relevé de carrière actualisé du salarié, cette prétendue régularisation n'apparaît en réalité pas (pièce N°5), que de plus sur le tableau des cotisations prétendument versées par le consulat de [Localité 4] et adressée par le conseil du Consulat au mois de mai 2018, le salaire indiqué et identifié comme un salaire brut est en réalité le salaire net annuel (pièce commune n°5), que 'par exemple au titre de l'année 2010, le règlement des cotisations prétendu est identifié sur la base de 16 302 Euros correspondant au salaire net versé à Monsieur [K]. (1254 Euros x 13 mois)'. Il précise que des juridictions saisies par d'autres salariés (conseils de prud'hommes de Dijon, de Villeneuve Saint-Georges) ont enjoint aux Consulats du Maroc de [Localité 2] et d'[Localité 3], de justifier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, le règlement des cotisations des retraites complémentaires.

***

L'article L. 921-1 du Code de la sécurité sociale, dont les dispositions sont d'ordre public, prévoit que : « Les catégories de salariés soumis à titre obligatoire à l'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale ou des assurances sociales agricoles et les anciens salariés de même catégorie, qui ne relèvent pas d'un régime complémentaire de retraite géré par une institution de retraite complémentaire autorisée en vertu du présent titre ou du I de l'article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime sont affiliés obligatoirement à une de ces institutions. Ces dispositions sont applicables aux personnes mentionnées à l'article L. 382-15 qui bénéficient d'un revenu d'activité perçu individuellement. »

Il ressort de la pièce 5 commune éditée le 6 novembre 2017 par Humanis qu'ont été régularisées les cotisations au régime de retraite complémentaire pour les années 1988 à 2011, et que depuis cette date, les bulletin de paie présentent les lignes de cotisations sociales au titre de la retraite complémentaire, de façon très claire à compter de janvier 2018 (pièce 4, bulletin de paie de l'année 2018).

Le relevé Humanis fait apparaître que pour l'année 2008, le salaire brut annuel retenu s'élève à la somme de 16 302 euros de façon indistincte pour tous les salariés, excepté le moins ancien, ce qui correspond, comme le soutient l'appelant, et ainsi que l'établit son bulletin de paie d'août 2008, à son salaire net de la période (1254 Euros x 13 mois). La somme de 16 302 euros ne correspond donc en aucun cas au salaire annuel brut versé au salarié, dont le bulletin de paie de l'année 2012 (aucun bulletin n'est produit pour les années 2009 à 2011) mentionne un salaire annuel brut de 23 078 euros.

Toutefois, il ressort du relevé de carrière du salarié que c'est bien la somme de 23 078 euros qui figure au titre des revenus soumis à cotisations de retraite de base (Assurance retraite) et complémentaire (Agirc-Arcco) pour l'année 2010, la somme de 19 160 euros étant mentionnée au titre de l'année 2011 sur ce relevé, et non la somme de 16 302 euros figurant sur la pièce commune n°5.

Il en résulte que l'absence de cotisations de retraite complémentaire au titre d'un différentiel dans l'assiette des versements n'est pas établie sur la période alléguée, de sorte que le salarié sera débouté de sa demande à ce titre.

Les documents demandés sous astreinte, soit les justificatifs de l'intégralité des cotisations au titre de la retraite de base comme complémentaire depuis le 1er octobre 2007 sont sans rapport avec l'assiette de cotisation, de sorte que cette demande sera rejetée.

Sur la 5ème semaine de congés obligatoire

Le salarié expose qu'il est légitime à solliciter un rappel de salaires relatifs à la 5ème semaine de congés payés qui ne lui pas été octroyée par l'employeur, qu'il n'y a aucun compteur de jour de congés sur ses bulletins de paie, que l'employeur n'apporte pas la preuve que le salarié aurait bien bénéficié de la 5 ème semaine de congés, que le salaire de base qui doit être pris en compte est celui dont il est demandé la fixation aux termes de la présente instance soit 1 923,18 euros, qu'une semaine de congés représente donc 480,79 euros, de sorte qu'il doit être fait droit à sa demande est bien fondée dans les limites de la prescription triennale, soit depuis le 26 février 2015 jusqu'aux dernières écritures, soit (480,79 euros x 8 années) = 3 846,32 euros et de 384,63 euros de congés payés afférents.

***

Le congé annuel du salarié est constitué, d'une part, d'un congé principal de vingt-quatre jours qui, en principe, doit être pris de façon continue entre le 1er mai et le 31 octobre de chaque année, et, d'autre part, de la cinquième semaine de congés payés.

Les congés payés acquis non pris par le salarié à l'issue de la période de référence ouvrent droit au paiement, non pas d'un rappel de salaire tel que sollicité, mais d'une indemnité compensatrice de congés payés, la cour, à laquelle il appartient de donner aux faits leur exacte qualification juridique sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposé, analysant ainsi la demande formulée à ce titre par le salarié.

La cour constate que les bulletins de paie ne portent mention d'aucun décompte des jours de congés payés acquis et pris, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si le salarié a pris ou non ses congés acquis au titre de la période invoquée, soit entre le 26 février 2015 et le 10 février 2023, ni en conséquence de rechercher, eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, si l'employeur justifie avoir pris les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé en accomplissant à cette fin les diligences qui lui incombent.

En l'état de ces constatations dont il résulte que le salarié a été privé de la cinquième semaine de congés payés, il convient de faire droit à sa demande, dans les limites de celle-ci, et de condamner l'employeur à lui verser à ce titre une indemnité compensatrice de congés payés de 3 846,32 euros, qu'il n'y a de ce fait pas lieu d'assortir de congés payés afférents.

Sur l'obligation de formation

L'article L. 6321-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 prévoit que 'l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.'

En l'espèce le salarié soutient, sans être contredit, qu'il n'a bénéficié d'aucune formation depuis son embauche soit depuis 35 ans. La cour relève en effet qu'engagé en 1987 en qualité d'agent local puis de chauffeur, il exerce toujours les mêmes fonctions selon les bulletins de paie produits, qui ne comportent aucune indication du coefficient et d'une évolution de ce dernier au cours de la relation du travail.

Ce manquement, qui est ainsi établi et entraîne un préjudice pour le salarié dont la carrière n'a pas évolué à raison, notamment, de cette absence de formation, sera réparé par l'octroi d'une somme de 5 000 euros.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié expose que depuis son embauche, et tout le long de l'exécution de son contrat de travail, il n'a jamais bénéficié des examens médicaux obligatoires, que cette grave carence participe de la déloyauté de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, que de plus, depuis son embauche, il n'a bénéficié que de 4 semaines de congés payés et non des 5 semaines de congés obligatoires, que l'employeur s'était formellement engagé lors de la signature du contrat de travail du 15 novembre 2012 à opérer l'ensemble des régularisations pour être en conformité avec le droit du travail, ce qu'il n'a pas fait.

***

Selon les articles R. 4624-10 et R. 4624-16 du code du travail, le salarié doit bénéficier d'une visite médicale à l'embauche ainsi que d'examens médicaux périodiques, au moins tous les 24 mois, par le médecin du travail, en vue de s'assurer du maintien de son aptitude médicale au poste de travail occupé.

Il ne résulte d'aucune des pièces du dossier qu'une telle visite ait été organisée, alors qu'il s'agit d'une obligation légale d'autant plus importante que le salarié exerce les fonctions de chauffeur et doit donc être apte à la conduite, pour lui-même comme pour ceux qu'il transporte mais aussi les piétons et autres conducteurs se trouvant sur sa route. Il en résulte un préjudice pour le salarié qui conduit depuis 35 ans des tiers dans le cadre de ses fonctions au sein du Consulat, sans être assuré de son aptitude médicale à le faire.

Ce seul manquement de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, dont les autres manquements invoqués ont déjà fait l'objet d'une indemnisation ou ne sont pas établis, ainsi qu'il a été dit précédemment, justifie de faire droit à la demande de dommages-intérêts à ce titre, qu'il convient de fixer à la somme de 1 000 euros.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour les créances salariales.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner le Royaume du Maroc aux dépens de première instance et d'appel, et à payer au salarié la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

DECLARE recevables les demandes formées par M. [K] contre le Royaume du Maroc pris en son Consulat de [Localité 4],

CONDAMNE le Royaume du Maroc à payer à M. [K] les sommes de :

- 2 500 euros de dommages-intérêts au titre de l'absence de justification de cotisations au régime de retraite de base pour l'année 2008 et l'année 2009,

- 5 000 de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de formation,

- 3 846,32 euros d'indemnité compensatrice de congés payés au titre de la cinquième semaine de congés payés,

- 1 000 euros de dommages-intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail,

DIT que les intérêts au taux légal sur les créances indemnitaires courront à compter du prononcé de la présente décision, et à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation pour les créances salariales.

DEBOUTE M. [K] du surplus de ses demandes,

CONDAMNE le Royaume du Maroc à payer à M. [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Royaume du Maroc aux dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Présidente et par Madame Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02356
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.02356 ?
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