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28/06/2023 | FRANCE | N°21/02139

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 juin 2023, 21/02139


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 21/02139

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTTZ



AFFAIRE :



[C] [O]



C/



Société ANOTECH ENERGY









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F18/01164





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Chantal DE CARFORT



Me Antoine PASQUET







Copies numériques adressées à :

Pôle emploi







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT-HUIT JUI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 21/02139

N° Portalis DBV3-V-B7F-UTTZ

AFFAIRE :

[C] [O]

C/

Société ANOTECH ENERGY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

Section : E

N° RG : F18/01164

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Chantal DE CARFORT

Me Antoine PASQUET

Copies numériques adressées à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT-HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont la mise à disposition a été fixée au 14 juin 2023 puis prorogée au 28 juin 2023, dans l'affaire entre :

Madame [C] [O]

née le 16 novembre 1983 à [Localité 8] (BRÉSIL)

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Myriam BAUR de la SELARL LEX LABOR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1285 et Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 462

APPELANTE

****************

Société ANOTECH ENERGY

N° SIRET : 493 046 676

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K117 et Me Laurent GUYOMARCH de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 46

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [O] a été engagée en qualité d'ingénieur d'affaires, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 28 novembre 2012 par la société Anotech Energy.

Cette société est spécialisée en ingénierie dans les secteurs de l'énergie. L'effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective nationale dite Syntec.

Au dernier état de la relation de travail, la salariée occupait les fonctions de directrice d'agence, selon avenant du 7 juillet 2017.

Par lettre du 3 avril 2018, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, fixé le 17 avril 2018.

Elle a été licenciée par lettre du 26 avril 2018 pour faute grave dans les termes suivants :

« Absence de votre part de toute remise en cause quant à vos carences managériales et en conséquence, refus persistant de toute modification de votre comportement mettant en péril la bonne marche de votre agence et la réussite professionnelle de vos collaborateurs.

Depuis le 1er Juillet 2017, vous occupez la fonction de Directrice d'Agence et avez, à ce titre, d'importantes responsabilités tant au niveau de l'activité commerciale de votre agence qu'au niveau du management de votre équipe, particulièrement concernant l'intégration des nouveaux business managers dont vous devez assurer l'intégration, la montée en compétences, le suivi de proximité afin de les mettre en situation de réussite.

Or, nous avons très vite constaté des carences importantes dans votre management qui auraient pu être corrigées si vous aviez accepté, d'une part, une prise de conscience, d'autre part les moyens qui vous étaient donnés pour y remédier.

Ainsi en septembre 2017, [V] [E], Ingénieur d'Affaires, embauché le 3 Juillet 2017, vous a alerté sur son souhait de recevoir un accompagnement managérial plus régulier. Malgré sa demande, vous n'avez rien mis en place pour l'accompagner.

Puis [Z] [LF], Responsable d'Agence Confirmé dans votre équipe, a donné sa démission le 26 Octobre 2017.

Suite à cette démission, [II] [Y], Directeur, vous a reçu, le 15 Novembre 2017. Il voulait échanger sur votre perception de la situation suite à cette démission et surtout mettre en place, avec vous, des actions pour pouvoir identifier les signaux de départ afin d'éviter que cette situation ne se reproduise et vous aider dans le management des trois ingénieurs d'affaires.

Lorsqu'il vous a demandé ce que vous pensiez du départ d'[Z] [LF], vous avez simplement indiqué que c'était « dommage ». Pourtant, [Z] [LF] vous était directement rattaché et assurait, d'une part le développement d'une partie de votre équipe avec le management direct d'un business manager ainsi que le recrutement en cours d'un autre, et d'autre part, supervisait une part importante du chiffre d'affaires de votre agence.

[II] [Y] a été très étonné de votre réaction sachant qu'[Z] [LF] tenait une place centrale pour la bonne performance de votre agence.

Vous n'avez semble-t-il, pas été sensible à son choix de quitter l'entreprise alors que son départ allait générer une perte importante pour le développement de votre agence.

Les conséquences de son départ allaient pourtant être immédiates sur votre activité. Vous n'avez, à aucun moment, essayé d'analyser les raisons ayant poussées [Z] [LF], alors en pleine réussite à donner brutalement sa démission.

Nous souhaitons toutefois vous indiquer qu'[Z] [LF] nous a indiqué, que les raisons de son départ étaient principalement liées à votre management. Il nous a notamment fait part de votre manque de vision générale de l'activité à développer, de votre approche des comptes clients très limitée, et du fait que vous étiez en désaccord sur la façon de procéder dans l'intégration des business managers qu'il manageait.

[II] [Y], vous a alors rappelé votre rôle de Directrice d'Agence au sein d'ANOTECH ENERGY et ce que nous attendions de vous au niveau de l'aspect managérial; Il vous a également rappelé que cet entretien avait pour but de déboucher sur une démarche de réflexion commune et de recherche d'amélioration.

Cet entretien avait pour but d'être constructif et de déboucher sur une prise de conscience commune des efforts à fournir. Malheureusement, il s'est heurté de votre part à un refus de constat, une attitude très défensive et une interprétation biaisée des faits, le départ de ce collaborateur étant liées, selon vous, à mille et une raisons, aucune ne relevant de votre management.

Suite à ce rendez-vous, nous espérions que vous alliez modifier votre comportement ainsi que votre façon de manager, puisque suite au départ d'[Z] [LF] vous reprendriez en direct le management de deux des business managers de votre agence.

Cependant au vu de votre manque de réactivité face à ces situations, en décembre 2017, un plan d'actions fixant plusieurs objectifs a été mis en place entre Mme [B] [D], Directrice de Département, [V] [E] et vous- même afin d'identifier et de mettre en place des actions permettant à [V] [E] de progresser plus rapidement sur ses activités.

Ce plan avait pour objectif d'améliorer votre coaching envers [V] [E] ce qui à terme, avait également pour but d'améliorer l'intégration donc l'activité commerciale de ce dernier.

Plusieurs axes étaient développés dans ce plan, notamment le développement commercial du périmètre de [V] [E] par le biais de prospections communes entre votre business manager et vous-même.

Malgré les actions arrêtées, nous constatons que depuis la mise en place de ce plan, en janvier 2018, vous n'avez réalisé qu'une seule prospection avec [V] [E].

Votre investissement dans cette action est bien évidemment insuffisant pour aider votre Business Manager à monter en compétences sur le plan commercial.

Ce plan d'action avait également pour but de guider dans la cartographie de l'organisation sur les comptes ou prospects afin qu'il arrive à optimiser ses rendez-vous en clientèle et la performance de ses actions.

En tant que directrice d'agence votre rôle est de l'épauler et de lui montrer comment vous procédez afin qu'il puisse monter en compétence.

Cependant, vous n'avez pas accompagné votre business manager dans cette action et il n'a pu recevoir ni soutien, ni conseil de votre part sur le plan de la prospection commerciale.

Vous deviez également faire le point sur les méthodes de sélection et qualification de candidats avec pierre [E] en procédant ensemble à des entretiens.

Vous n'avez pas pris la peine de mener cette action alors que là encore un nombre important d'opportunités s'offrait à vous.

La bonne réalisation de ce plan était essentielle pour la mise en réussite de votre business manager mais vous ne l'avez pas accompagné dans sa progression.

C'est ainsi que votre attitude persistante à ne modifier aucunement votre management a conduit [V] [E] le 27 Mars 2018 à nous faire part de sa volonté de changer de manager au sein de la société.

En effet, il ne souhaitait plus être sous votre responsabilité et nous a expliqué les raisons de sa demande : depuis son arrivée au sein de l'entreprise, le 3 Juillet 2017, il manque de suivi et d'accompagnement de votre part dans ses activités, ce qui ne lui permet pas de réaliser ses missions et ses objectifs de manière satisfaisante.

Cette doléance de M [V] [E] n'est pas isolée. En effet, [H] [K], arrivée dans la société le 6 Novembre 2017 et ingénieur d'affaires dans votre agence, s'est plainte également de votre manque d'accompagnement, de suivi et de disponibilité.

Or, en tant que directrice d'agence, la réalisation de vos objectifs dépend de l'atteinte des objectifs par votre propre équipe de managers.Votre désintérêt en ce qui concerne, la montée en compétence et le management des business managers sont fortement préjudiciables aux performances de votre agence et à la motivation de vos collaborateurs indispensable au bon fonctionnement de votre agence.

Cet échec de votre part, quant à l'intégration de M [V] [E] et [H] [K] est d'autant plus inacceptable qu'avait été mis en place, en parallèle, un processus d'intégration de ces deux collaborateurs dans le cadre du dispositif Groupe AMPLIFY.

Le service DDI intervient au niveau du groupe ALTEN et met en place un parcours de formation et d'intégration pour accompagner les business managers dans leur apprentissage du métier.

Ce service est donc entièrement autonome et dispose d'une grande expérience dans le « coaching » des jeunes business managers.

Ainsi, les business managers nouvellement embauchés, bénéficient d'un parcours de formation de plusieurs mois, d'un suivi d'intégration réalisé par des chargés de relais intégration AMPLIFY. Ce suivi d'intégration doit permettre de cibler les besoins précis de chaque collaborateur et de leur apporter aide et soutien réguliers sur les points de vigilance identifiés.

Il va de soi que ce suivi ne peut se faire qu'en étroite collaboration avec le N+1, lequel a un rôle primordial, d'une part dans l'identification des besoins et points de vigilance à travailler, d'autre part, dans la mise en oeuvre et le suivi quotidien des actions de progression et de développement arrêtées.

Or il se trouve que là encore vous n'avez pas jugé utile de vous investir efficacement dans ce processus. Si vous avez effectivement participé aux différents entretiens avec votre interlocutrice AMPLIFY, [N] [F], vous n'avez en revanche pas veillé à la bonne mise en 'uvre opérationnelle des actions décidées en assurant un suivi de proximité de vos deux collaborateurs en pleine phase d'intégration.

Ceci a conduit [N] [F] à formaliser un bilan auprès de votre hiérarchie, le 2 Février 2018 mettant en avant les points d'alerte et les actions d'urgence à mener tant auprès de [V] [E] que de [H] [K].

Par mail du 5 Février 2018, [N] [F] vous indiquait les actions concrètes à mettre en place concernant le suivi de [H] [K].

En tant que directrice d'agence vous auriez dû guider ces deux business managers dans leur évolution et prendre le temps nécessaire pour faire des points de suivi réguliers, conformément aux préconisations qui vous avaient été faites. Tel n'a pas été le cas en l'espèce.

Le 26 Mars 2018, [N] [F] indiquait par mail à sa responsable que l'accompagnement qu'elle menait de [H] [K] ne pourrait aboutir, les sujets à traiter pour pouvoir assurer sa progression restant de votre responsabilité et initiative. Elle soulignait également rencontrer les mêmes difficultés avec [V] [E].

Sa responsable, [G] [I], en informait [II] [Y].

Ainsi, malgré les alertes émanant de votre hiérarchie et les préconisations faites par la chargée de mission AMPLIFY, vous n'avez nullement modifié votre attitude, et cela quand bien même vous mettiez en danger la bonne intégration de vos collaborateurs. A aucun moment, vous n'avez tenu compte des remarques qui vous ont été faites ou des conseils que l'on a souhaités vous donner. Vous n'admettez aucune remise en cause de votre conduite managériale, estimant que les raisons des difficultés rencontrées ne se trouvent pas chez vous.

Nous soulignons enfin qu'outre votre détermination à ne rien modifier, votre comportement en termes de management et d'exemplarité a fait l'objet d'un mail de rappel à l'ordre de votre hiérarchie en date du 20 Février 2018.

L'ensemble des faits ci-dessus, sans volonté manifeste de votre part d'un quelconque changement et au regard du constat de la situation dégradée de votre équipe, rend impossible la poursuite de notre collaboration. Nous estimons que les éléments exposés ci-dessus constituent une faute grave.(...) »

Le 20 septembre 2018, Mme [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, et en paiement de diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.

Par jugement du 27 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :

- jugé que le licenciement de Mme [O] est exempt d'une faute grave mais fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- fixé le salaire de référence de Mme [O] à 7 674,30 euros,

- condamné la société Anotech Energy à verser à Mme [O] la somme brute de 23 022,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 302,29 bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamné la société Anotech Energy à verser à Mme [O] la somme nette de 14248,61 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- condamné la société Anotech Energy à verser à Mme [O] la somme brute de 200 euros à titre de rappel de salaire, outre 20 euros bruts d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- condamné la société Anotech Energy à établir au profit Mme [O] une attestation Pôle emploi rectifiée ainsi qu'un bulletin de paie complémentaire recensant l'ensemble des condamnations figurant au présent jugement,

- condamné la société Anotech Energy aux entiers dépens éventuels de l'instance, y compris ceux qui seraient rendus nécessaires à l'exécution forcée du présent jugement qui aurait acquis l'autorité de la chose jugée,

- condamné la société Anotech Energy à verser à Mme [O] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- jugé que les présentes condamnations à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé de ce jugement, que leur assiette de calcul représentera les sommes nettes revenant à Mme [O] et qu'ils seront capitalisables par année pleine,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration adressée au greffe le 2 juillet 2021 Mme [O] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 4 avril 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [O] demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a jugé le licenciement exempt de toute faute grave,

- réformer la décision des conseillers prud'hommes en ce qu'ils ont jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouté la salariée tant de sa demande afférente à la nullité de sa clause de non-concurrence que concernant ses demandes au titre de ses heures supplémentaires et en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,

- fixer le salaire mensuel brut à la somme de 8 396,52 euros,

- en conséquence, la cour devra condamner la société Anotech Energy à lui verser les sommes suivantes :

. 100 758,24 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement la somme de 50 379,12 euros devra lui être versée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 107 759,71 euros bruts à titre de rappel de salaire (heures supplémentaires pour la période allant du 6 avril 2015 au 6 avril 2018),

. 10 775,97 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire (heures supplémentaires pour la période allant du 6 avril 2015 au 6 avril 2018),

. 200 euros bruts à titre de rappels de salaires,

. 20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

. 25 189,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 518,95 euros bruts au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

. 15 772,54 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 50 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

. 25 189,57 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité de résultat,

. 50 379,13 euros nets à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

. 50 379,13 euros nets à titre d'indemnité pour nullité de la clause de non-concurrence,

. 5 000 euros nets en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ,

. avec intérêts légaux à compter de la date de réception, par la partie intimée, de la convocation devant le bureau de conciliation,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1151 du code civil,

- ordonner la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un bulletin de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l'arrêt, la cour se réservant le droit de procéder à la liquidation de ladite astreinte,

- condamner la société aux dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédures d'exécutions éventuels.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Anotech Energy demande à la cour de:

à titre principal,

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

en conséquence,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le licenciement pour faute grave de Mme [O] devait être requalifié en licenciement avec cause réelle et sérieuse et condamné à ce titre la société :

. au paiement de :

* 14 248, 61 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 23 022, 90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 302, 29 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payes afférents,

* des entiers dépens éventuels de l'instance,

* 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. à l'établissement au profit de Mme [O] d'une attestation Pôle emploi rectifiée ainsi qu'un bulletin de paie complémentaire recensant l'ensemble des condamnations figurant au présent jugement,

ce faisant, la cour devra :

- juger que le licenciement de Mme [O] repose sur une faute grave,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses prétentions,

- confirmer le jugement de première instance du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a fixé le salaire mensuel brut de référence de Mme [O] à hauteur de 7 674, 30 euros et débouté cette dernière de ses prétentions afférentes :

. à l'indemnité pour nullité de son licenciement (100 758, 24 euros nets),

. aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (50 379, 12 euros),

. aux rappels de salaires (heures supplémentaires) pour la période comprise entre le 6 avril 2015 et le 6 avril 2018 a hauteur de 107 759, 71 euros bruts et congés payés afférents (10 775, 97 euros),

. à l'indemnité forfaitaire afférente au travail dissimulé (50 379, 13 euros ),

. à l'indemnité pour nullité de la clause de non- concurrence (50 379, 13 euros),

. aux dommages et intérêts pour harcèlement moral (50 379, 13 euros),

. aux dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité (25 189, 57 euros),

. à l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens (5 000 euros nets),

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire la cour devait reformer le jugement de première instance et entrer en voie de condamnation à l'endroit de l'intimée,

- fixer comme base de référence un salaire mensuel brut de 7 674,30 euros,

- juger que l'appelante n'établit pas l'existence d'un préjudice réel à hauteur de ses prétentions et ramener lesdites prétentions à de plus justes proportions, a savoir :

. 46 045, 80 euros à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité du licenciement,

. à défaut de nullité, dans l'hypothèse d'un licenciement qualifié sans cause réelle et sérieuse: 23 022, 90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. au titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 23 022, 90 euros,

. au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement: 14248, 61 euros,

en tout état de cause,

- condamner l'appelante au paiement de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

La salariée invoque la nullité du licenciement en faisant valoir qu'elle a subi des agissements de harcèlement moral et que la rupture de son contrat de travail fait suite à sa dénonciation de ces agissements de harcèlement moral, ce dernier moyen étant nouveau en appel.

Sur le harcèlement moral

La salariée expose que l'intégration de business managers est une compétence managériale qu'elle a toujours exercée et appréciée par l'employeur, que la relation de travail s'est bien déroulée jusqu'au souhait de l'employeur de se séparer d'elle car elle commençait à faire de l'ombre à sa supérieure hiérarchique, Mme [D], qu'elle a alors été soumise à des pressions incessantes, de multiples reproches injustifiés entraînant une dégradation de son état de santé en 2018, ses accès informatiques et téléphoniques étant coupés avant même l'entretien préalable.

L'employeur objecte que les fonctions de directrice de l'agence impliquent un volet managérial sensible, ce que la salariée n'a pas contesté, qu'elle a de multiple fois été sensibilisée à cette problématique, aux départs de salariés liés à son type de management, et à son absence d'implication manifeste, dont l'employeur a dû tirer les conséquences.

***

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, applicable en la cause, prévoit que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il appartient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Par ailleurs, le salarié n'a pas l'obligation de démontrer qu'il a été personnellement visé par le harcèlement moral organisationnel (Soc. 3 mars 2021, n° 19-24.232, publié).

Au cas présent, à l'appui du harcèlement moral allégué, la salariée présente pêle-mêle les faits suivants, étant relevé que la réalisation d'heures supplémentaires n'est pas ici invoquée et sera donc examinée dans le cadre du rappel de salaire sollicité à ce titre.

- l'annulation des congés qu'elle avait posés pour son mariage le 17 décembre 2016

La salariée produit l'attestation de M. [J], son conjoint, qui indique qu'elle avait prévu de prendre un congé avant le mariage (le 17 décembre 2017) pour récupérer sa famille à l'aéroport mais que sa chef -Mme [D] lui a demandé d'assister à un cocktail de son entreprise qui était prévu le 15 décembre à [Localité 9], ce que sous la pression, la salariée a accepté. Il ajoute 'lors de ce déplacement, [C] m'a appelé en pleurs pour me dire qu'elle venait de se faire crier dessus par sa chef en ayant ses collègues dans les bureaux avoisinants en spectateurs. Elle avait honte de participer au cocktail après cet épisode humiliant'.

Son mari relate ainsi les faits suivants :

" - Suppression de congés au dernier moment avant leur mariage,

- Sollicitations professionnelles durant leur voyage de noces sur le portable personnel de son épouse,

- Mal être physique et psychique de la concluante à l'idée d'aller au travail,

- Déplacements fréquents la contraignant de se lever à 4 heures du matin,

- Insomnies, chocs ressentis à la réception d'un courriel de reproches mi-février 2018 à l'annonce de la procédure de licenciement,

- Séquelles psychologiques nécessitant la mise en place d'un traitement anti dépresseur"

La salariée produit également une attestation d'une amie indiquant avoir été récupéré les parents de la salariée à l'aéroport pour son mariage.

La salariée produit en pièce '36-S 50" les cartes d'embarquement pour [Localité 9] des 15 décembre 2016 (décollage 6h50) et retour le 16 décembre 2016 (décollage 8h35 de [Localité 9])

Toutefois, la salariée n'établit pas qu'elle avait posé des congés ces deux jours-là, son mariage en France, n'étant que le lendemain, l'employeur établissant que le mariage avait eu lieu au Brésil courant novembre 2016 où Mme [D] et Mme [X] lui avaient fait livrer des fleurs (cf pièce 61 de l'employeur).

Ce fait n'est pas établi.

- l'obligation de répondre à des appels professionnels pendant les week-end, soirées, congés ou arrêt maladie

La salariée produit des pièces (pièces 69 et 72) qui constituent des échanges de courriels non analysés par la salariée dont la cour ne peut tirer aucune constatation. Le courriel de Mme [D] demandant à l'équipe d'indiquer le portable pendant les congés que 'pour les grosses urgences' ne permet pas de retenir l'existence d'une obligation pour les salariés de répondre aux appels professionnels pendant les week-end, soirées, congés ou arrêt maladie en dehors de ces cas d'urgence.

La salariée produit l'attestation de son conjoint indiquant que pendant leur voyage de noces, la chef de son épouse l'a contactée par WhatsApp en lui demandant de chercher des emails qu'elle ne trouvait pas dans sa messagerie, ce qui ressort en effet de la retranscription des échanges WhatsApp indiquant un message de Mme [D] le 27 avril 2017 et un second le 2 mai 2017 auquel la salariée répond le 4 mai 2017 en lui indiquant qu'elle n'aura pas internet au cours des prochains jours.

De ces échanges la cour ne déduit pas l'existence d'une obligation de répondre imposée à la salariée pendant ces congés mais une sollicitation envoyée pendant les congés à laquelle la salariée n'était pas tenue de répondre dans l'immédiat.

Ce fait n'est pas établi.

- des demandes pressantes de sa supérieure hiérarchique pour la réalisation de tâches en réalité non urgentes

La salariée produit un échange de courriels entre elle-même et Mme [D] qui lui demande, le vendredi 15 décembre 2017 (sic) 'tu peux me dire si tu es en phase avec les transferts proposé par [Z] '' ajoutant dans le mail suivant du même jour 'il faudrait que je puisse envoyer les éléments aujourd'hui . Donne moi ce que tu verrai et tu me diras s'il y a des modifications après tes points de lundi', la salariée lui répondant le jour même à 18h28. Mme [D] n'a répondu à ce courriel que le lundi en lui demandant simplement si elle peut lui confirmer ou s'il y a des modifications à apporter compte tenu de ce qu'elle a relevé que 'dans (sa) répartition il semble que certains transferts vers les IA ne sont pas pérennes du type kaombo opération' (sic)

La cour relève par ailleurs qu'il ressort de certaines pièces que Mme [D] lui transfère des messages sans mot d'accompagnement, donc sans caractère d'urgence requis.

'Les demandes pressantes de sa supérieure hiérarchique pour la réalisation de tâches en réalité non urgentes' ne sont pas établies.

- l'obligation d'effectuer de nombreux déplacements en réalité inutiles et sans possibilité de modifications des horaires, souvent inappropriés

Le calendrier Outlook produit en pièce 35 de la salariée est illisible et, en tout état de cause, dépourvu de valeur probante s'agissant d'un outil rempli par la salariée elle-même, sur lequel peut être renseigné n'importe quelle tâche.

S'agissant de ses déplacements, la salariée produit de nombreuses cartes d'embarquement pour [Localité 9] pour des vols dont le décollage est entre 6h30 et 8h et le retour, le soir même, entre 19h et 20h30, les 11 janvier 2016 , 1er février 2016, 22 février 2016, 21 mars 2016, 11 avril 2016, 6 juin 2016, 26 septembre 2016, 14 octobre 2016, 24 novembre 2016, 6 mars 2017, 9 mars 2017, 13 mars 2017, 3 avril 2017, 6 avril 2017, 9 mai 2017, 29/30 juin 2017, 4 juillet 2017, 21/22 septembre 2017, 6 février 2018.

Toutefois aucun élément n'établit que ces allers-retours mensuels vers le siège social de la société étaient inutiles, étant relevé que la salariée a été nommée directrice d'agence à compter du 1er juillet 2017 et qu'à compter de cette date, elle n'a plus effectué que trois déplacements vers [Localité 9] jusqu'à son licenciement.

La salariée produit également des justificatifs de voyage en train pour [Localité 6] le 31 mars 2016 (départ 7h30 / retour 19h), en Angola le 13 février 2017 (décollage 22h), au Portugal 19 mai 2017 (décollage 6h30 retour 19h20), à [Localité 5] le 17 janvier 2018 (départ 6h07 retour 20h23) et le 2 février 2018 (départ 6h59 retour 19h) sans qu'il soit établi que ces voyages n'étaient pas utiles ou qu'elle n'a pu en faire modifier les horaires, qui correspondent à des horaires de voyage habituels pour des salariés en voyages pour affaires, étant ici rappelé que la salariée était soumise à une convention de forfait en heures de 38h30 sur 218 jours (modalité 2 « réalisation de missions » de la convention collective SYNTEC applicable).

Au contraire, s'agissant du voyage à Oslo les 23/24 octobre 2017, la salariée a elle-même demandé au service voyages de la société des billets modifiables car elle n'avait pas confirmation des rendez-vous par les clients (pièce '38 S 42"). De même, il ressort de la pièce 78 de la salariée que le service voyages lui a demandé sur quelle option elle souhaitait partir.

S'agissant d'un vol annulé [Localité 9]/[Localité 7] le 6 février 2016, il ressort des échanges entre le service voyages et Mme [D] que c'est la salariée de la cellule voyage qui a indiqué 'on perd son billet retour EASYJET; çà ne sert à rien de le modifier car il y aura minimum 70 euros de frais + réajustement (le billet AR était à 110 euros)', dont il se déduit qu'il était moins coûteux pour la société d'acheter un nouveau billet pour le retour de la salariée, raison pour laquelle Mme [D] a répondu (pièce 46d de la salariée) que 'le surcoût est trop important la modif n'est pas validée'. Il n'est pas contesté que la salariée est rentrée sur un autre vol à [Localité 7] dès que les conditions climatiques l'ont permis.

La pièce 36 de la salarié est constituée de volumineux échanges de courriel relatif au travail quotidien de la salariée, dont la cour ne peut tirer aucun élément, la salariée ne les évoquant d'ailleurs pas elle-même au soutien des faits allégués, se contentant de les produire.

Il résulte de ces constatation qu'aucun élément produit ne permet de retenir que les déplacements effectués par la salariée en sa qualité de directrice d'agence l'ont été sur des horaires imposés et qu'ils étaient inutiles.

Ce fait n'est pas établi.

- les nombreux reproches et critiques de sa supérieure hiérarchique

A l'appui de ces faits allégués, la salariée produit un courriel du 20 février 2018 de Mme [D] lui reprochant que son ' attitude lors des réunions de travail avec [PA] et [V] était inacceptable (...) car volontairement provocante à mon encontre . Mais également irrespectueuse du travail de tes propres équipes. Elle n'est pas digne d'un business manager d'Anotech Energy et et encore moins d'une directrice d'agence (...) Par cette attitude, tu affiches clairement ton indifférence et tu n'es pas au rendez vous sur ces sujets : tu ne remplis pas la fonction de directrice d'agence.', auquel la salariée a répondu le jour même en lui demandant de 'bien vouloir modifier (son) comportement à (son) égard afin (de) pouvoir retrouver des conditions de travail et de relation sereines'.

La salariée produit une attestation d'une amie datée du 10 juillet 2018 indiquant que 'lors d'un dîner, [C] m'a avoué qu'en sortant d'une réunion à la Défense, sa responsable lui a dit qu'elle s'habillait comme une 'poufiasse'. Je voyais à ce moment les larmes qui coulaient de ses yeux dans un mélange de colère et de tristesse' ajoutant que sa manager 'a même demandé de suivre son compte personnel via son réseau social (Facebook) et là encore par peur de la réaction que cela pourrait engendrer [C] finit par l'accepter. Nous (les amis) étions persuadés que la jalousie de sa manager était préjudiciable à [C]'.Toutefois, cette amie n'a pas été témoin des faits relatés.

La salariée invoque ensuite avoir été mise à l'écart par Mme [D] qui a géré ses dossiers sans l'en informer, produisant à ce titre (pièce 43 de la salariée) un échange d'e-mails en date du 6 mars 2018 entre la salariée et M. [T] au sujet de la situation de M. [S] [A], dont la cour ne déduit pas l'existence d'une telle mise à l'écart dans la gestion de ses dossiers.

Dans une attestation M. [M], ancien collègue de travail, indique avoir été témoin des éclats de voix de Mme [D] envers Mme [O] et de ce qu'un soir il l'a trouvée en détresse, sans toutefois que soit décrit dans ce témoignage de faits précis des critiques ou reproches alléguées.

Il en résulte que la seule critique émise est contenue dans le courriel précité du 20 février 2018 de Mme [D] à la salariée, laquelle n'a pas craint d'y répliquer en des termes manifestant un rapport d'égal à égal avec sa supérieure hiérarchique.

Par des motifs très pertinents que la cour d'appel adopte les premiers juges ont relevé que celle-ci avait alerté sa propre hiérarchie sur le comportement de Mme [O] dans le cadre de plusieurs échanges précédant celui qu'elle lui a adressé le 20 février, qui s'inscrit dans le strict exercice du pouvoir de direction de l'employeur.

Les 'nombreux' reproches et critiques de sa supérieure hiérarchique ne sont pas établis.

- les humiliations et vexations pendant les réunions

La salariée produit de nombreuses attestations d'anciens salariés décrivant le comportement de Mme [D] vis à vis d'eux-mêmes, seuls deux salariés évoquant la situation de Mme [O]:

* l'attestation de M. [R], qui indique que son expérience au sein d'Anotech a été l'une des plus mauvaises de sa carrière en raison du management de Mme [D] qui 'avait l'habitude de (les) rabaisser' et que 'son but était de (les) diminuer constamment pour montrer que c'était elle la chef et que (ils étaient) tous des incompétents'

* l'attestation de M. [L] qui décrit le management toxique de Mme [D], laquelle, alors qu'il avait démissionné à cause de ses humiliations et avait un préavis de trois mois à faire, lui a dit qu'il avait '2h pour quitter les locaux, sans pouvoir dire au revoir'.

* l'attestation de M. [P] selon laquelle 'nos jours de repos n'étaient jamais respectés car elle nous appelait pour faire des demandes quand elle (Mme [D]) le souhaitait (...) Finalement j'ai réussi à changer de responsable et cela m'a soulagé.'

* l'attestation de M. [M], témoin des éclats de voix de Mme [D] envers Mme [O] et de ce qu'un soir il l'a trouvée en détresse, sans que son témoignage ne relate toutefois des propos tenus par Mme [D] ni ne permette de faire le lien avec la détresse de la salariée,

* l'attestation de M. [W] ancien salarié d'Anotech indiquant que Mme [D] 'pouvait être extrêmement dure lorsqu'elle voulait nuire à quelqu'un, ce qui était le cas de [U]', sans toutefois que ce témoignagne ne relate de faits précis.

Il en résulte que si 'les humiliations et vexations pendant les réunions' émanant de Mme [D] à l'encontre de Mme [O] ne sont pas établies, en revanche il est établi l'existence d'un management toxique de la part de Mme [D] à l'égard de ses subordonnées. Or, il est constant que le salarié n'a pas l'obligation de démontrer qu'il a été personnellement visé par le harcèlement moral organisationnel (Soc. 3 mars 2021, n° 19-24.232, diffusé).

'Les humiliations et vexations pendant les réunions' sont établies.

- la dégradation de son état de santé

La salariée produit une attestation d'un médecin généraliste du 26 février 2018 qui indique constater les symptômes suivants :

« - crises d'angoisse,

- syndrome dépressif avec l'élan vital,

- idées noires,

- troubles du sommeil,

- pertes de l'appétit,

- tachycardie.

A refusé ce jour un arrêt de travail dont elle aurait médicalement besoin'

et prescrivant des anti-dépresseur le 26 février 2018, l'ordonnance étant renouvelée le 4 mai 2018, date à laquelle la salariée est placée en arrêt de travail pour 'burn out', jusqu'au 21 mai 2018. Elle produit également une ordonnance d'anxyolitiques établie par un autre médecin généraliste également le 14 mai 2018.

Il ressort d'une fiche établie par le médecin du travail que celui-ci a noté en janvier 2017 « risques psychosociaux » et que le 2 mars 2018 il précisait : « difficultés de + en +, n+1 un peu nerveuse qui crie facilement, pas de reconnaissance, pas ou peu de vacances '(je) lui conseille de consulter notre psychologue au travail qui la recevra le 23 mars 2018, 20 avril 2018, 3 mai 2018'. En pièce 67, le médecin du travail indique 'pas de fiche délivrée, résultat  psychiatrie : anormal ; Commentaire : état anxiogène dépressif, surmenage, burn out harcèlement ''

La salariée produit enfin une attestation d'une amie relatant la dégradation de son état de santé à compter de début 2017.

Sont donc établies la dégradation de l'état de santé de la salariée à compter de fin février 2018, dans la suite de l'échange précité du 20 février 2018 dans lequel sa supérieure a pointé du doigt ses difficultés à assumer ses fonctions de directrice d'agence, et 'les humiliations et vexations pendant les réunions' rencontrées par d'anciens salariés de la société, et non elle-même.

Ces seuls faits, dont ne ressort pas l'existence d'agissements répétés subis par la salariée elle-même, ne laissent pas supposer, même en tenant compte de la dégradation de son état de santé à partir de fin février 2018, l'existence d'un harcèlement moral.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la dénonciation du harcèlement moral

Le licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral est nul. Lorsque le harcèlement est caractérisé et que le comportement reproché au salarié est une réaction au harcèlement moral dont il a été victime, les juges n'ont pas à examiner les autres faits énoncés dans la lettre de licenciement (en ce sens : Soc., 29 juin 2011, pourvoi n°06-69.444).

En l'espèce, d'une part, le harcèlement moral n'est pas caractérisé ainsi qu'il a été dit précédemment, d'autre part, pour établir que la rupture de son contrat de travail fait suite à sa dénonciation de ces agissements de harcèlement moral, la salariée ne produit que son courriel du 9 mars 2018 à Mme [X], responsable ressources humaines, dont le poste est basé à [Localité 9] où la salariée indique n'avoir pas réussi à la rencontrer, lui transférant ses échanges précités du 20 février 2018 avec Mme [D], en concluant : 'je ne suis pas bien, en plus du stress dû à la charge de travail, [B] en rajoute avec des accusations injustifiées. C'est très difficile de travailler dans ces conditions'

Il ne peut être considéré que par ce courriel la salariée ait dénoncé à l'employeur des faits de harcèlement moral, alors qu'elle n'y évoque que de façon générale sa charge de travail et 'des' accusations injustifiées de Mme [D], sans précision autre, se contentant de lui transférer leurs échanges.

En outre, la convocation à l'entretien préalable au licenciement n'est pas concomitante et la lettre de licenciement n'évoque pas ce courriel.

Il s'en déduit que le licenciement n'a pas été notifié en rétorsion à une dénonciation par la salariée d'agissements de harcèlement moral.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral et de sa demande de nullité du licenciement en raison du harcèlement moral, et, y ajoutant, en raison de la dénonciation d'un harcèlement moral.

Le jugement sera ainsi également confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande d'indemnité pour licenciement nul.

Sur le licenciement

Sur le licenciement verbal

Le salarié expose qu'avant même la réception de sa convocation à entretien préalable et, a fortiori, avant même que lui soit notifiée la rupture des relations contractuelles, sans même qu'une quelconque mise à pied à titre conservatoire lui soit notifiée, elle était exclue de l'entreprise et de la communauté des travailleurs, ne disposant plus de téléphone ou bien même de ses accès informatiques (pièces 11 et 12), qu'avant même la réception de sa lettre de licenciement elle ne disposait plus d'aucun de ses outils. (pièce 13), ce dont il résulte que son contrat de travail a bien été rompu avant même la notification de son licenciement.

L'employeur objecte que la salariée n'a jamais évoqué l'existence d'un licenciement verbal mais a au contraire visé expressément la tenue de l'entretien préalable et l'échange qui en est résulté, au cours duquel le licenciement n'a nullement été annoncé, qu'il s'agit devant la cour d'un argument de circonstance, qu'il est admis de procéder à une dispense d'activité qui peut revêtir la qualification de mise à pied conservatoire ou de dispense d'activité rémunérée, pour laquelle l'employeur a opté en l'espèce, la remise des outils de travail ayant été réalisée 'à la seule initiative de la salariée'.

***

Le licenciement notifié par un employeur doit être fondé sur une cause réelle et sérieuse en application des dispositions de l'article L. 1232-1 du code du travail.

En application des dispositions de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur qui décide de licencier un salarié, doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Il y a licenciement verbal lorsque l'employeur met fin au contrat de travail sans respecter les modalités de l'article L.1232-6 du code du travail.

En l'espèce, la salariée a été convoquée à un entretien préalable préalable fixé le 17 avril 2018 à un éventuel licenciement sans mise à pied à titre conservatoire par lettre recommandée du mardi 3 avril 2018 par laquelle l'employeur l'a dispensée d'activité, cette dispense étant rémunérée.

La salariée établit que le jeudi 5 avril 2018 son ordinateur a été coupé du réseau, une capture d'écran indiquant 'un autre ordinateur sur ce réseau possède la même adresse IP que cet ordinateur', d'autres copies d'écran datées du 16 avril 2018 indiquant que son login de connexion ne lui permettait plus de se connecter. Par un courriel du 26 avril 2018 émis de son adresse personnelle, la salariée adresse sa note de frais au service concerné, en indiquant à son interlocutrice qu'elle n'a 'plus d'accès au système d'Anotech depuis le 6 avril' et qu'elle transmet ses notes de frais 'sur les recommandations de [II] [Y] [directeur général] en cc. Les originaux ont été envoyés par la Poste.'

Enfin, une lettre manuscrite de M. [Y], datée du 17 juillet 2018 (jour de l'entretien préalable) indique 'j'ai reçu à ce jour de [C] [O] les équipements : ordinateur portable Lenovo, son chargeur, souris et sacoche, téléphone portable I Phone 6S ainsi que ses accessoires (écouteurs etc)', dont il résulte que dès avant la notification du licenciement, intervenue par lettre du 26 avril 2018, la salariée n'a plus été mise en mesure de remplir ses obligations contractuelles, peu important de savoir si cette remise a été effectuée d'initiative par la salariée, ce qui est dépourvu d'offre de preuve, dès lors que dans une telle hypothèse, il incombait à l'employeur de la refuser dans la mesure où la rupture du contrat de travail n'était pas intervenue, la salariée n'étant pas même mise à pied à titre conservatoire.

L'existence d'une dispense d'activité, qu'elle soit ou non rémunérée, ne saurait justifier que la salariée ait été privée de ses accès informatiques et outils de travail pendant le déroulement de la procédure de licenciement.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'en privant la salariée de son accès au réseau et de ses outils de travail, l'employeur avait déjà pris la décision de licencier la salariée avant notification du licenciement, ces faits caractérisant, par voie d'infirmation, l'existence d'un licenciement verbal de Mme [O], lequel s'analyse dès lors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu'il y ait lieu d'examiner le bien fondé de la faute grave reprochée à la salariée.

Sur le salaire de référence

Le conseil de prud'hommes a fixé le salaire de référence de Mme [O] à 7 674,30 euros, dont l'employeur demande confirmation, tandis que la salariée en demande l'infirmation, demandant à la cour de fixer ce salaire de référence à la somme de 8 396,52 euros, soutenant qu'en raison d'un décalage entre l'acquisition des droits à commission et leur versement effectif, l'employeur croit pouvoir faire abstraction d'une partie non négligeable de la rémunération variable de la salariée, que la moyenne des salaires perçus sur les 12 derniers mois est bien, telle qu'indiquée dans le tableau figurant dans ces écritures, ces mêmes salaires ayant été d'ailleurs déclarés par l'entreprise à l'administration fiscale. Elle ajoute que la clause de non-concurrence (15%) payée par la société a d'ailleurs été calculée sur la base d'une somme de 8 396,52 euros.

L'employeur objecte que la salariée a inclus des avances portant sur une période de référence étrangère à la période considérée, ainsi en septembre 2017 il y a lieu de retenir une somme de 11 583,33 euros et non une somme de 20 250 euros, qu'en effet au mois de septembre 2018 le bulletin comporte une ligne spécifique (avance montant CPO d'un montant de 25 000 euros) portant sur la période comprise entre le 1er janvier et le 30 juin 2017, que cette donnée doit conduire à la proratisation de cette somme à hauteur de 2/6ème à l'examen de la période de référence retenue pour la détermination du salaire moyen de référence dans le cadre de l'instance (mai 2017-avril 2018) soit 8 333,33 euros au titre des mois de mai et juin 2017, qu'il en est de même pour la ligne portant sur la reprise avance CPO de 12 000 euros au titre de la période comprise entre le 1er janvier et le 30 juin 2017, dont la valorisation doit être limitée à 4 000 euros. Il ajoute qu'il n'y a pas d'incohérence avec la base de calcul de l'indemnité de non concurrence, d'un montant brut égal à 15% de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des douze derniers mois précédant la fin du contrat.

***

Le licenciement ayant été notifié le 26 avril 2018 les parties s'accordent sur la période de référence, du 1er mai 2017 au 26 avril 2018.

Sur cette période, selon l'attestation Pôle emploi (pièce 59 de l'employeur), la salariée a perçu la somme totale de 104 413,31 euros au titre du salaire brut des douze derniers mois civils et des primes et indemnités de périodicité différente, soit une moyenne mensuelle de 8 701,10 euros.

Toutefois, ainsi que l'ont retenu à juste titre les premiers juges, il ressort des bulletins de paie de cette période que sont versées des sommes correspondant à une période antérieure : ainsi le bulletin de paie de septembre 2017 indique le versement d'une somme de 25 000 euros correspondant à des commissions de la période du 1er au 30 juin 2017, soit pour partie hors période de référence, qu'il convient donc de proratiser sur la période couverte, selon le calcul réalisé par l'employeur.

La base de calcul de l'indemnité de non concurrence est quant à elle en revanche la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des douze derniers mois précédant la fin du contrat, qui n'a donc pas lieu de se voir appliquer la déduction des sommes versées au titre d'une période antérieure, le moyen de la salariée étant dès lors inopérant.

Enfin, contrairement à ce que soutient la salariée, le salaire des trois derniers mois, selon les montants qu'elle-même reprend dans son tableau (page 26 / 45 de ses écritures), ne correspond pas à la somme de 8 252,32 euros qu'elle sollicite à titre subsidiaire, mais à la somme de 6 422, 66 euros, moins favorable à la salariée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a fixé le salaire de référence à la somme mensuelle brute de 7 674,30 euros.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le montant des indemnités de rupture allouées par les premiers juges ont justement été calculées sur cette base, et ne sont pas autrement critiquées par la salariée.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à la salariée la somme de 23 022,90 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 302,29 euros bruts de congés payés afférents, la somme de 14 248,61 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

En application des dispositions de l'article L. 1235-3, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié, Mme [O] ayant acquis une ancienneté de cinq années complètes au moment de la rupture dans la société employant habituellement au moins onze salariés, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est compris entre 3 mois et 6 mois de salaire.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant précédemment retenu de la rémunération versée à la salarié, de son âge (35 ans), de son ancienneté, du fait qu'elle justifie d'une période de chômage indemnisé jusqu'en janvier 2019, puis avoir retrouvé un nouvel emploi, avec une rémunération moindre, il y a lieu de condamner la société à lui payer la somme de 38 300 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail qui l'imposent et sont donc dans le débat, d'ordonner d'office à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur le rappel de salaire au titre de l'avance sur commissions

La salariée expose que la relation de travail a pris fin le 2 mai 2018, date de première présentation de la lettre de licenciement, que pour la période du 1 er au 2 mai 2018, l'employeur a bien réglé au prorata le salaire de base et la prime métier mais pas l'avance sur commissions, qui constitue un élément de salaire fixe.

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont retenu que la société consentait à cette demande, dont elle n'a pas demandé l'infirmation du chef de dispositif et n'a pas développé, dans les 98 pages de ses conclusions qui ne comportent pas de sommaire, de critique sur ce point du jugement, qui sera confirmé de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

La salariée expose qu'elle a régulièrement effectué, avec l'accord tacite et même expresse de son employeur, de nombreuses heures supplémentaires, que soumise à des horaires individuels, elle verse aux débats des éléments suffisamment précis quant aux horaires qu'elle a effectivement réalisés, permettant dès lors à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments. (pièces 28, 29, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 62, 63 et 66), que depuis son arrivée au sein de l'entreprise le 7 janvier 2013, elle a effectué, dans le cadre de ses obligations professionnelles, de très nombreuses heures supplémentaires (travail de nuit, le week-end, amplitude journalière de travail pour la majeure partie, largement supérieure à 10 heures et très régulièrement sans le repos minimal de 11 heures entre deux amplitudes de travail ') qui ne lui ont été jamais rémunérées par la société.

Elle ajoute qu'elle a reconstitué son temps de travail détaillé, jour par jour, à partir de ses agendas et de ses déplacements, billets d'avion notamment, (pièces 35 à 42), que les notes de frais produites aux débats par l'employeur, au titre des déjeuners professionnels elle était tenue, justifient également sa demande d'heures supplémentaires, comme les factures de nombreux taxis pris très tôt le matin et très tard le soir. (pièce adverse 47 ).

L'employeur rappelle que la salariée était soumise à un mode de décompte du temps de travail spécifique à la convention collective Syntec intégrant un décompte forfaitaire des heures effectuées à concurrence de 38h30 hebdomadaires et un plafond annuel de 218 jours, que cela implique la possibilité pour la salariée de décaler ses horaires, qu'elle n'a jamais fait état avant mars 2018 d'une problématique liée à sa charge de travail, et n'a jamais invoqué la réalisation d'heures supplémentaires au delà de l'horaire hebdomadaire majoré contractuellement de 2h par rapport à l'horaire collectif de 36h30, que son mode de calcul est erroné car reposant sur la détermination d'un taux horaire calculé à partir d'un salaire annuel de référence à prendre en considération de 92 091 euros, que la salariée 'se limite dans de nombre de cas au registre de l'affirmation sans la moindre production de courriel à l'appui de la durée de travail effectif revendiqué', 'à la production d'un courriel isolé en début de journée, qui ne peut en tant que tel corroborer l'existence de la durée de travail de l'appelante sur l'ensemble de la journée', sans'démontrer l'effectivité de la durée du travail revendiquée au titre d'une journée considérée', étant précisé que les courriels produits sont pour l'essentiel transmis à partir de son téléphone portable, sans prestation de travail ni plus-value, ni réponse à une demande précise de l'employeur, la conduisant à solliciter des horaires de début et de fin de journée fantaisistes. Il ajoute qu'il existe une constante minoration des temps de pause entre l'heure de fin de pause annoncée et la réalité des pauses déjeuners résultant de l'analyse des notes de frais.

***

Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au cas présent, l'article 3 du contrat de travail indique que la rémunération, prévue à l'article 5 dudit contrat, est forfaitaire et rémunère l'exercice de la fonction confiée à la salariée, dans les limites de 38h30 hebdomadaires et de 218 jours par année complète d'activité, sous réserve de l'acquisition complète des droits à congés payés, ce forfait en heures faisant référence à l'article 3 de l'avenant conventionnel de branche du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail.

En l'espèce, la salariée verse aux débats un décompte journalier de ses horaires de travail sur la période du 1er avril 2015 au 6 avril 2018 (pièce 28), et un tableau récapitulatif précis depuis avril 2015 des heures travaillées par semaine (pièce 29) dont il ressort qu'elle a fréquemment travaillé au-delà des 38h30 prévues au contrat de travail, ce décompte étant étayé par de nombreux courriels faisant apparaître du travail effectif à des horaires tardifs et durant les fins de semaine, des courriels envoyés très tôt ou tardivement par la salariée ou par l'employeur dont l'objet nécessitait pour le salarié de demeurer connecté, la copie de ses agendas, de ses cartes d'embarquement à des horaires matinaux ou tardifs, ainsi qu'il a été précédemment relevé, et des attestations de collègues.

Ainsi, il apparaît par exemple que, si pour la journée du mardi 14 mai 2015, la salariée a commencé sa journée de travail à 5h20, pour aller à l'aéroport, l'a terminée à 21h26 le soir, puis a été en congés les jeudi et vendredi, de sorte que le nombre d'heures de travail n'a pas excédé 38h30, en revanche, pour la semaine précédente, il apparaît que la salariée a quitté tardivement son travail tous les soirs, ce dont il résulte la réalisation de 41,88h, ce qui correspond bien au tableau récapitulatif de la pièce 29. De même s'agissant de la semaine du 27 avril 2015 pour laquelle le décompte de la pièce 28 fait apparaître la réalisation de 46h42 (et notamment un début de journée à 5h20 le 28 avril 2015 avec une fin de journée à 23h32).

Ces éléments sont de nature à étayer la demande et à permettre à l'employeur d'y répondre.

L'employeur n'apporte aucun élément justifiant des heures de travail de la salariée permettant de contester utilement les affirmations de cette dernière.

Il se borne à soulever certaines incohérences, et notamment, à juste titre, le fait que la base de calcul retenue par la salariée est erronée et doit être fixée au montant précédemment retenu au titre du salaire de référence.

En revanche, son moyen selon lequel la salariée n'a jamais invoqué la réalisation d'heures supplémentaires est inopérant, de même que celui relatif au fait que ses courriels matinaux ou tardifs sont envoyés depuis son téléphone, étant rappelé que la salariée était fréquemment en déplacement et devait en conséquence utiliser ce mode de communication. Enfin, durant ces fréquents déplacements en avion, si elle ne peut justifier de l'envoi de courriels par la force des choses, il ne peut pour autant être considéré qu'il ne s'agit pas de temps de travail effectif.

Par ailleurs, les courriels versés au débat démontrent que ces heures supplémentaires ont été accomplies avec l'accord implicite de l'employeur et que leur réalisation a été rendue nécessaire par les tâches confiées à la salariée, qui avait le statut de cadre.

Toutefois, au vu de l'ensemble de ces éléments et au-delà des quelques erreurs/discordances dont l'existence est démontrée par la société employeur s'agissant des temps de pause méridienne, au regard de l'analyse des tickets de paiement par carte bancaire (par exemple 29 juillet 2015 : heure de fin de pause 13h dans le décompte et paiement bancaire à 14H52), la cour retient que la salariée a accompli des heures supplémentaires, au moins avec l'accord implicite de l'employeur, mais dans une moindre mesure toutefois que ce qu'elle revendique. Il convient en conséquence de lui allouer à ce titre la somme de 78 689,57 euros, outre 7 868,95 euros au titre des congés payés afférents, par infirmation du jugement.

Sur le travail dissimulé

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Au cas présent, aucune pièce ne permet d'établir que l'employeur avait connaissance de l'importance des heures de travail effectuées par la salariée, relevant du statut de cadre, et qu'il ait eu l'intention de se soustraire à ses obligations déclaratives en ne faisant pas figurer sur les bulletins de paie des heures de travail qu'il savait avoir été été accomplies.

En conséquence, l'élément intentionnel n'étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter la salariée de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur le manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité

Par des arguments étant identiques à ceux développés devant les premiers juges, la salariée qu'elle a alerté son employeur sur la dégradation de ses conditions de travail et la dégradation corollaire de sa santé, que la société est restée totalement passive, que la seule réponse en réalité apportée fut son éviction de l'entreprise, qu'à plusieurs reprises l'état de santé de la salariée s'est dégradé, ce dont l'employeur était informé.

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont débouté la salariée de ce chef de demande, la cour ajoutant juste à ces motifs que l'employeur objecte à juste titre, et justifie, que la salariée, qui avait connaissance de la charte éthique de l'entreprise, a bénéficié de nombreuses formations en rapport direct avec ses fonctions, et d'un accompagnement dans celles-ci, sans jamais alerter sur une quelconque charge de travail avant les jours suivant la réunion du 15 février 2018 au cours de laquelle Mme [D] a été amenée à échanger avec elle sur son attitude et son comportement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.

Sur les dommages et intérêts pour nullité de la clause de non-concurrence

La salariée expose que l'employeur a expressément exigé l'application de cette clause de non-concurrence dès la notification du licenciement, que celle-ci est nulle car elle n'avait pour qu'un montant correspondant à seulement 15% de son salaire, qu'elle a dû refuser une offre d'emploi en raison de ladite clause de non-concurrence.

***

La clause de non concurrence qui porte atteinte au principe fondamental de la liberté du travail, n'est licite (n° 00-45.135, n° 00-45.387 et 99-43.334, Bull. V n° 239), que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives.

Le salarié qui a respecté une clause de non-concurrence, illicite en l'absence de contrepartie financière, peut prétendre à des dommages-intérêts (Soc., 18 mars 2003, pourvoi n° 00-46.358, Bulletin civil 2003, V, n° 98).

L'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond. (Soc., 13 avril 2016, pourvoi n 14-28.293, Bull. n 72)

Au cas présent, le contrat de travail prévoit, en son article 13, une clause de non-concurrence libellée ainsi :

« Compte tenu de la nature de vos fonctions, de votre position hiérarchique et du caractère particulièrement sensible des informations auxquelles vous avez accès, vous vous engagée, en cas de cessation du présent contrat, à quelque moment et pour quelque motif que ce soit, à ne pas entrer au service d'une société directement concurrente.

Cette interdiction s'applique sur [Localité 7] et la région Ile de France pendant une durée d'un an à compter de l'expiration de votre préavis.

Dans le cadre du respect de cette obligation de non-concurrence vous percevez mensuellement, aux périodes habituelles de paie, après la fin de votre contrat de travail, une contrepartie financière d'un montant brut égal à 15 % de la moyenne mensuelle de votre salaire brut perçu au cours des 12 derniers mois précédent la fin du contrat.

(') en cas de violation de la clause, même temporaire, vous serez privée du droit à la contrepartie financière et serez immédiatement redevable d'une somme correspondant à 6 mois de salaire, calculée sur la base de la moyenne mensuelle de votre salaire brut perçu au cours des 12 mois précédent la fin du contrat. (') »

Il n'est pas contesté par les parties que cette clause a été respectée par la salarié qui a perçu l'indemnité correspondant à la contrepartie financière de cette clause de non concurrence dans le cadre du solde de tout compte.

Au regard de la base de calcul retenue par l'employeur au titre de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu, soit en l'espèce la somme de 8 396,52 euros, la contrepartie financière fixée à 15 % de cette somme s'élève à la somme mensuelle brute de 1 259,47 euros, ce qui n'est pas dérisoire au regard de l'ancienneté et du niveau de responsabilité de la salariée, et qui en l'occurrence a compensé la perte de salaire qu'elle a connu dans le cadre de son nouvel emploi, pour lequel elle justifie que sa rémunération mensuelle brute s'élève à la somme de 6 687 euros, étant rappelé que son salaire de référence a précédemment été fixé à la somme de 7 674,30 euros.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ce chef de demande.

Sur les intérêts

Par voie d'infirmation, les intérêts au taux légal courront sur les créances de nature salariale à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation à comparaître à l'audience de conciliation.

Les intérêts au taux légal courront sur les créances de nature indemnitaire à compter du prononcé du présent arrêt.

Les intérêts échus des capitaux porteront eux-mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière à compter de la demande qui en a été faite.

Sur la remise des documents sociaux

Par voie de confirmation, il convient d'ordonner à la société Anotech Energy d'établir au profit Mme [O] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi ainsi qu'un bulletin de paie rectifiés conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner la société Anotech Energy aux dépens de l'instance d'appel.

Il y a lieu de condamner la société société Anotech Energy à payer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

INFIRME le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il juge que le licenciement de Mme [O] est exempt d'une faute grave mais fondé sur une cause réelle et sérieuse, la déboute de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, la déboute de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, et en ce qu'il juge que les condamnations à intervenir porteront intérêts au taux légal à compter de la date de prononcé du jugement, que leur assiette de calcul représentera les sommes nettes revenant à Mme [O] et qu'ils seront capitalisables par année pleine,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau des seuls chefs infirmés, et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [O] est sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE en conséquence la société Anotech Energy à verser à Mme [O] les sommes suivantes :

- 38 300 euros bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 78 689,57 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période du 6 avril 2015 au 6 avril 2018, outre 7 868,95 euros au titre des congés payés afférents,

ORDONNE à la société Anotech Energy de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [O], dans la limite de trois mois d'indemnités,

ORDONNE à la société Anotech Energy de remettre à Mme [O] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi ainsi qu'un bulletin de paie rectifiés conformes au présent arrêt, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte

CONDAMNE la société Anotech Energy à payer à Mme [O] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute l'employeur de sa demande fondée sur ce texte,

CONDAMNE la société Anotech Energy aux dépens de l'instance d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Mme Aurélie Prache, Présidente et par Mme Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02139
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.02139 ?
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