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28/06/2023 | FRANCE | N°21/01812

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 28 juin 2023, 21/01812


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2023



N° RG 21/01812

N° Portalis DBV3-V-B7F-UR7O



AFFAIRE :



[C] [G]



C/



[L] [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : C

N° RG : F 19/00085



Copies e

xécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Coralie FRANC



Me Anthony CHURCH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2023

N° RG 21/01812

N° Portalis DBV3-V-B7F-UR7O

AFFAIRE :

[C] [G]

C/

[L] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 6 mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : C

N° RG : F 19/00085

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Coralie FRANC

Me Anthony CHURCH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [G]

né le 1er avril 1980 à [Localité 3]

de nationalité française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Coralie FRANC, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1824

APPELANT

****************

Monsieur [L] [H]

né le 15 juillet 1952 à [Localité 4]

de nationalité portugaise

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentant : Me Anthony CHURCH, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0963

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Aurélie PRACHE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] a été engagé par en qualité de chauffeur de car, par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 1er mars 2016 par M. [H].

M. [H] exerce, sous l'enseigne [H] Voyages, une activité de transports de voyageurs avec véhicules de plus de 3,5T. Il employait moins de 11 salariés, au jour de la rupture et applique la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport. L'activité de transports de voyageurs est plus spécifiquement régie pour la gestion du personnel et les temps de travail par l'accord du 18 avril 2002.

Le salarié percevait une rémunération fixe brute mensuelle de 1 910 euros, à laquelle s'ajoutait une prime de non-accident de 47,47 euros et une prime d'entretien de 47,47 euros.

Par lettre remise en main propre le 31 mars 2017, le salarié a démissionné de son poste dans les termes suivants :

«Madame, Monsieur,

Par la présente, j'ai l'honneur de vous faire part de ma décision de démissionner de votre entreprise, et ce à compter du 31/03/2017 au soir.

Je sais que je vous dois un préavis de 14 jours, mais je vous demande la possibilité de ne pas l'exécuter».

M. [H] a fait droit à la demande de dispense d'exécution du préavis et a établi un solde de tout compte remis et signé le 7 avril 2017, dénoncé par le salarié le 6 octobre 2017.

Le 29 mars 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye en paiement de rappels de salaire, majoration d'heures de nuit, 'majoration 75% d'amplitude journalière incluse entre 12 et 14 heures', 'majoration à 100% d'amplitude journalière supérieure à 14 heures', remboursement de frais et diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 6 mai 2021, le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye (section commerce) a :

- dit que les demandes formulées par M. [G] ne sont pas prescrites et que le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye est compétent pour en juger,

- donné acte à M. [H] qu'il accepte de régler à M. [G] :

.  77,14 euros majorés de 7,71 euros au titre des congés payés afférents pour la journée du 25 mai 2016,

.  90,10 euros majorés de 9,01 euros au titre des congés payés afférents pour majoration d'heures de nuit,

et l'y a condamné en deniers ou quittance,

- condamné M. [H] à verser à M. [G] :

. 154,28 euros majorés de 15,42 euros au titre des congés payés afférents au titre des deux journées du 19 octobre 2016 et du 27 février 2017,

. 1 112,74 euros majorés de 111,27 euros au titre des congés payés afférents pour les dépassements d'amplitude horaire journalière,

. 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [H] à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 28 mai 2019 date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus,

- rappelé que par application de l'article R.1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités énoncées à l'article R.1454-14 dans la limite de neuf mois de salaire et fixé pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 2 005,06 euros,

- débouté M. [G] [C] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [H] aux entiers dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 10 juin 2021, le salarié a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [G] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'entreprise [H] à lui payer les sommes suivantes :

. 231,42 euros à titre de rappel de salaire (des 25 mai 2016, 19 octobre 2016 et 27 février 2017),

. 23,14 euros au titre des congés payés afférents,

. 90,10 euros au titre des majorations d'heures de nuit,

. 9,01 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 112,74 euros au titre des majorations pour dépassements d'amplitude horaire journalière à 75%,

. 111,27 euros au titre des congés payés afférents,

. 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté du reste de ses demandes, et, y faisant droit, condamner l'entreprise [H] au paiement des sommes suivantes :

. 133,05 euros à titre de remboursement de frais,

. 10 000 euros au titre des dommages-intérêts pour amplitudes supérieures à 20 heures,

. 22 000 euros au titre des dommages-intérêts pour violation des jours consécutifs de travail,

. 10 025 euros au titre des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 12 030,36 euros au titre du travail dissimulé (art. L.8221-5 du code du travail),

- condamner l'entreprise [H] à lui remettre les bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par semaine de retard,

- assortir l'ensemble des condamnations pécuniaires de l'intérêt au taux légal avec capitalisation à compter du jour de la convocation en bureau de conciliation,

- condamner l'entreprise [H] à lui verser la somme de 2 500 euros en remboursement des frais irrépétibles (article 700 du code de procédure civile),

- condamner l'entreprise [H] aux entiers dépens, ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 novembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [H] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [G] de ses demandes :

. de rappel de salaire pour les journées des 14 octobre 2016 et 9 mars 2017,

. de remboursement de frais,

. de dommages et intérêts pour amplitudes supérieures à 20 heures,

. de dommages et intérêts pour violation des jours consécutifs de travail,

. de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. au titre du travail dissimulé,

statuant à nouveau,

- débouter M. [G] de sa demande de remise de bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par semaine de retard,

- condamner M. [G] à verser à M. [H] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOTIFS

A titre liminaire, la cour relève que l'employeur n'a pas formé d'appel incident du jugement en ce qu'il l'a 'débouté de sa demande formulée à titre principal de prescription de l'action engagée par M. [G]' ni des chefs de dispositif du jugement l'ayant condamné à régler à M. [G] en deniers ou quittance les sommes de 77,14 euros outre 7,71 euros au titre des congés payés afférents pour la journée du 25 mai 2016, de 90,10 euros outre 9,01 euros au titre des congés payés afférents pour majoration d'heures de nuit, de 154,28 euros outre 15,42 euros au titre des congés payés afférents au titre des deux journées du 19 octobre 2016 et du 27 février 2017, de 1 112,74 euros au titre des majorations pour dépassements d'amplitude horaire journalière à 75%, outre 111,27 euros au titre des congés payés afférents, et de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dont la cour n'est dès lors pas saisie.

Sur les demandes de rappels de salaire

Sur la journée du 14 octobre 2016

Le salarié expose que la journée du 14 octobre 2016 a été déduite de sa rémunération mensuelle comme étant une journée sans solde, qu'il a demandé oralement à son employeur de pouvoir bénéficier le 14 octobre 2016 d'une journée de congés payés, ce que lui permettait son solde de congés, qui était de 8,32, l'employeur ayant indiqué oralement être d'accord. L'employeur conteste avoir accordé ce jour de congé payé et fait valoir que si tel avait été le cas, il aurait modifié en contrepartie le solde de tout compte d'un jour.

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont retenu que si ce jour doit être considéré comme un jour de congés payés, cela devait diminuer d'un montant équivalent le solde de congés payés versés à l'occasion du solde de tout compte. Or, le salarié ne conteste pas que cette journée ne lui a pas été décomptée de ses congés payés et a donc été réglée dans le cadre du solde de tout compte au titre des congés non pris.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.

Sur la journée du 9 mars 2017

Le salarié expose qu'il était censé être en congé payé la journée du 9 mars 2017, que son service du 8 mars 2017 s'est terminé à 1 heure du matin le 9 mars, que dès lors la journée du 9 mars a été une journée travaillée et non de congé payé, qu'il ne s'agissait pas d'un simple repos, qui, en effet, sous certaines conditions peut être décompté en heure avec un commencement après minuit, que l'employeur devait s'organiser pour le faire travailler en dehors de ces 24 heures de congés payés et qu'aucune disposition de la convention collective ne permet de décompter autrement que par journée entière les jours de congés payés.

L'employeur objecte que le dépassement d'une heure ne saurait entraîner l'annulation de son congé payé du 9 mars 2017, que pour les salariés dont le service se trouve à cheval sur deux journées, les jours de congés ne se décomptent pas en jours calendaires (minuit à 24h) mais en prise de poste, que la pose d'un congé sur le 9 mars 2017 implique que ce jour,le salarié ne prenne pas son poste à 19h.

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont retenu que le salarié n'a travaillé le 9 mars 2017 qu'entre 0h et 1h du matin, horaire de fin du service de la veille, et que sa fonction impliquant des horaires de nuit, le 9 mars ne peut être considéré comme une journée de travail supplémentaire indûment non rémunérée. La cour ajoutera seulement qu'il ressort des disques chronotachygraphes produits que le salarié a pris son poste le 8 mars 2017 à 15h40 jusqu'à 1h le 9 mars, pour ne le reprendre que le 10 mars 2017 de 6h30 à 18h, de sorte qu'il a bien bénéficié de 24 heures de congés au titre de cette journée (de 1h le 9 mars 2017 à 6h30 le 10 mars 2017).

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le remboursement de frais

Le salarié expose que certains frais avancés par lui lors de transports ne lui ont pas été remboursés, qu'il n'a pas gardé les originaux qu'il a transmis à l'employeur, mais uniquement la copie des tableaux avec le détail de chaque frais de repas, que ceux-ci sont conformes aux déplacements du salarié qui figurent sur les disques versés aux débats.

L'employeur objecte que le salarié se contente de produire des notes de remboursement de frais qu'il a lui-même complétées et rédigées, qu'elles ne sont pas contresignées par l'employeur, qu'aucun justificatif n'est joint à ces notes si bien qu'il est impossible de s'assurer de la véracité des informations qu'elles contiennent.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont retenu que le salarié ne démontre pas au travers de justificatifs de dépenses le bien-fondé de ses prétentions, alors que l'employeur présente un tableau récapitulatif des remboursements déjà effectués aux mêmes dates à partir des justificatifs fournis par le demandeur.

La cour rappelera seulement que la preuve de l'existence de frais non remboursés pèse sur le salarié, défaillant en l'espèce, l'employeur produisant quant à lui l'ensemble des justificatifs qui lui ont été transmis ainsi que les éventuelles remarques et annotations (pièce N°5), contrairement à ce que soutient le salarié dans ses écritures.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour amplitudes supérieures à 20 heures et pour violation des jours consécutifs de travail

Le salarié expose qu'il était amené à travailler de nuit, induisant un dépassement de l'amplitude journalière, aucune prime n'étant réglée à ce titre ni paiement des majorations, de sorte que sa demande de dommages-intérêts est justifiée, l'employeur sachant agir en violation des règles légales sur les jours consécutifs de travail, de fausses feuilles de repos étant établies.

Il précise que l'employeur doit régler une prime de dépassement d'amplitude et qu'il est en infraction au-delà de 14 heures d'amplitude journalière. Il liste ainsi 53 journées au cours desquelles l'amplitude maximale de 12 heures a été dépassée. Il demande pour cela la confirmation du jugement en ce qu'il a reconnu le droit du salarié au paiement des majorations dues au titre du dépassement de l'amplitude journalière.

L'employeur objecte que le salarié, justifiant d'à peine une année d'ancienneté, réclame plus de 28 mois de salaire, que les rappels de salaire dus lui ont été réglés, les autres n'étant pas dus, que le salarié lui-même a souhaité travailler davantage pour des raisons financières, et qu'il a lui-même signé les feuilles de repos.

* sur les 'amplitudes supérieures à 20 heures'

Le salarié expose qu'afin de dissimuler les dépassements d'amplitudes légales, l'employeur demandait aux conducteurs en double équipage de ne pas mettre normalement leurs cartes de décompte, que l'employeur savait donc agir en violation des règles d'ordre public de repos minimum, que la situation s'est répétée du 12 au 13 mars 2016 (20,67 heures d'amplitude), du 15 au 16 avril 2016 (22,33 heures d'amplitude), et du 18 au 19 octobre 2016 (23,5 heures d'amplitude), que l'employeur fait valoir que ces trajets ont eu lieu en double équipage, que cependant l'amplitude horaire ne se confond pas avec le temps de conduite effective (art. 7.1.1 ARTT 8 avril 2012), que le fait qu'il y ait un autre chauffeur à bord qui prenne la relève de temps en temps est indifférent au dépassement de cette limite de 18 heures d'amplitude, et que le fait que les cartes ne soient pas mises démontrent la volonté par l'employeur de dissimuler ces dépassements en cas de contrôle. Il ajoute que l'attestation de son compagnon établit l'état de grande fatigue dans lequel il se trouvait alors (pièce n°28) et qu'aucun impératif d'organisation d'entreprise ne justifie de soumettre un salarié à de telles veilles.

L'employeur objecte que l'allégation du salarié selon laquelle il leur était demandé de ne pas mettre leur carte est mensongère, que c'est précisément car il avait conscience de la forte amplitude nécessitée par certains déplacements de longue distance (exemple  : [Localité 5] - [Localité 2]), que l'employeur a placé deux conducteurs dans le car afin d'assurer le respect de la réglementation, qu'à aucun moment il n'a incité ou demandé à ses conducteurs de prévoir un conducteur à l'aller et un conducteur au retour, que les conducteurs étaient tout à fait libres d'organiser des pauses en cours de trajet afin de changer de conducteur, et qu'en tout état de cause, le salarié ne justifie pas l'existence d'un préjudice suite à ces prétendus dépassements d'amplitude.

La cour relève que l'employeur lui-même expose que le 12 mars 2016, le salarié est parti de [Localité 6] à 5h15 et rentré sur [Localité 5] à minuit, le 15 avril 2016 à 5h20 et retour à minuit, et le 18 octobre 2016 à 6h30 et retour à 1h30. Cependant, aucun des disques chronotachygraphes produits ne correspond à ces journées, de sorte que la cour n'est pas en mesure de vérifier ces allégations.

La page d'agenda correspondant à ces journées indique en outre 'profs à 4h30 au dépôt', la journée de travail commençant donc au dépôt et non à [Localité 5] à l'heure indiquée ci-dessus par l'employeur.

Il se déduit de ces constatations que l'amplitude journalière a excédé 20 h pour ces trois journées, peu important le fait que le salarié n'ait pas conduit pendant toute cette durée, l'employeur ne contestant pas qu'il ait conduit une partie du trajet nonobstant l'absence de production de disques chronotachygraphes, ce dont il résulte un préjudice pour le salarié constitué par la fatigue causée par ce voyage, nécessitant qu'il pose une journée de congés le lendemain de ces trajets.

Par voie d'infirmation, il convient de condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts.

* sur la violation des jours consécutifs de travail

Le salarié expose qu'il ne bénéficiait pas à certaines périodes de jours de repos hebdomadaires,

et était contraint de travailler pour l'entreprise, son employeur rédigeait de fausses feuilles de repos le concernant, de manière à masquer ces violations en cas de contrôle, qu'il communique les disques de conduites effectuées ces jours-là, ainsi que les fausses feuilles de repos correspondantes, concernant les 10, 11 et 12 mars 2016, 14 et 20 mars 2016, 12 mai 2016, 17 et 23 mai 2016, les 1er , 4 et 5 juin 2016, que ce procédé est bien évidemment intentionnel comme le démontre sa répétition, qu'aucune circonstance ne justifiait qu'il soit fait exception aux jours de repos hebdomadaires, d'où le recours à de fausses feuilles de repos, que ces règles en la matière sont d'ordre public, et visent à éviter de mettre le salarié en danger via un épuisement, dont souffrira le salarié.

L'employeur objecte que si le salarié a certes travaillé 7 jours consécutifs du 6 au 12 mars 2016, le caractère illégal de cette pratique est contestable dans la mesure où est fait application de l'article L. 3132-1 du code du travail selon lequel «il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine », et que précisément, la semaine du 29 février au 6 mars 2016, le salarié a disposé d'un jour de repos le samedi 5 mars 2016, et la semaine du 7 mars au 13 mars 2016, il a disposé d'un jour de repos le dimanche 13 mars 2016. Elle ajoute que s'il a travaillé 8 jours consécutifs du 17 au 24 mai 2016, la semaine du 16 au 22 mai 2016, il a disposé d'un jour de repos le lundi 16 mai 2016, la semaine du 23 au 29 mai 2016, il a disposé d'un jour de repos le mercredi 25 mai 2016. Enfin, il concède que pour les trois autres périodes, le salarié a travaillé 9 jours consécutifs du 14 au 22 mars 2016, 8 jours consécutifs du 8 au 15 mai 2016 et 19 jours consécutifs du 30 mai au 17 juin 2016 sans repos hebdomadaires, mais à la demande même du salarié qui a lui-même sollicité son employeur afin de travailler davantage en mars, mai et juin 2016 ; il s'est porté volontaire pour assurer son service sur les jours mentionnés, avançant des problématiques financières.

Il résulte de l'ensemble de ces explications qu'à plusieurs reprises, ce que l'employeur admet, le salarié a travaillé plus de six, huit et jusqu'à dix-neuf jours consécutifs, le fait que le salarié ait lui-même sollicité l'employeur pour cela étant, d'une part, dépourvu d'offre de preuve, d'autre part pas de nature à exonérer l'employeur de son obligation de respect des durées légales du travail, d'ordre public, quelles que soient les demandes de ses salariés en la matière, dont le respect de la santé et la sécurité incombe à l'employeur.

Ainsi, à titre d'exemple, le salarié produit le disque chronotachygraphe de la journée du 21 mars 2016 où il a conduit de 6h à 9h puis de 15h40 à 18h alors que pour cette journée, il a été établi une feuille de repos (sa pièce 10).

Par voie d'infirmation, il convient en conséquence de condamner l'employeur à verser au salarié la somme de 1 100 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect des règles relatives aux jours consécutifs prescrites par l'article L. 3132-1 du code du travail et l'article 10 de l'accord sur la réduction du temps de travail du 8 avril 2012 applicable dans l'entreprise.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Le salarié expose que l'employeur a sciemment dissimulé une partie des heures de travail en lui faisant signer de fausses feuilles de repos, que les bulletins délivrés par l'employeur ne mentionnent ni la totalité des heures de travail, ni la totalité des jours de travail, que dès lors l'ensemble des cotisations afférentes au travail réellement effectué par le salarié n'a pas été réglé, et celui-ci se retrouve privé d'une partie de ses droits, contrairement à ce que retenaient les premiers juges, que l'intention de l'employeur est en outre d'évidence puisqu'il masquait lui-même vis-à-vis des autorités de contrôle éventuelles, cette gestion en faisant notamment signer de fausses feuilles de repos à son salarié.

L'employeur objecte qu'il a rémunéré l'ensemble des jours travaillés par le salarié à l'exception de la journée du 25 mai 2016, pour laquelle il a reconnu avoir commis une erreur, que sur une relation contractuelle d'une année, une erreur d'une journée ne peut pas valablement être considérée comme une volonté délibérée de dissimulation d'emploi, que si le salarié en avait fait part à son employeur au cours de la relation de travail, cette erreur aurait rapidement pu être rectifiée, que pour le reste, la société versait une prime de déplacement couvrant largement les dépassements d'amplitude et les heures de nuit de sorte qu'il ne peut sérieusement lui être reproché une quelconque dissimulation d'emploi.

***

La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2°du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

En l'espèce, ainsi qu'il a été précédemment relevé, s'il est établi que le salarié a travaillé certains jours pour lesquels une fiche de repos a été établie, toutefois ces journées ne sont pas décomptées sur les bulletins de paie, qui sont tous établis sur la base de 151,67 heures et indiquent systématiquement le paiement d'heures supplémentaires à 25% et d'une prime de déplacement. Ainsi, s'agissant du mois de mars 2016, seule est décomptée à titre de jour d'absence la journée du 23 mars 2016, alors que des fiches de repos ont été établies pour les journées des 10 au 12 mars et du 19 au 21 mars 2016. Il en résulte que, contrairement à ses allégations, le salarié a bien été rémunéré des journées travaillées.

L'omission du paiement de la seule journée du 25 mai 2016 ne permet pas d'en déduire l'existence d'une intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations légales de déclarations.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

A l'appui de cette demande, le salarié expose que 'les agissements répétés de l'entreprise en violation des droits au repos et à rémunération signent l'absence de toute bonne foi de celle-ci dans l'exécution de ses obligations, que le fait que l'entreprise [H] nie de manière aussi flagrante ses droits les plus élémentaires l'a placé dans une situation d'injustice difficile à supporter, qu'à cela s'est ajoutée la mise à l'écart des trajets en double équipage, que l'entreprise [H] l'oblige à dévoiler du fait de son argumentation, que ce sont ces circonstances qui ont amené M. [G] à démissionner '.

L'employeur objecte que préalablement à sa démission, le salarié n'avait jamais fait connaitre à son employeur une quelconque revendication et il n'est pas sans intérêt de relever que la démission n'est pas motivée, qu'il n'y présente aucune réclamation, ni ne constate aucun manquement de la part de son employeur, qu'au contraire, il y demande à être dispensé d'effectuer son préavis, ce qui lui a d'ailleurs accordé.

Par des motifs pertinents que la cour adopte les premiers juges ont écarté cette demande en retenant que le demandeur n'apporte aucune démonstration d'une potentielle exécution déloyale de son contrat de travail, la cour ajoutant juste que la seule condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts au titre du dépassement des amplitudes journalières pour trois journées, et du non respect des règles relatives aux jours consécutifs, pour trois périodes, sur plus d'une année de relation contractuelle, ne caractérise pas l'exécution déloyale invoquée par le salarié.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner l'employeur aux dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'à payer au salarié la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter sa demande fondée sur ce texte.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans la limite des dispositions déférées, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il déboute M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour amplitudes supérieures à 20 heures et pour violation des jours consécutifs de travail,

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [H], exerçant sous l'enseigne [H] Voyages, à verser à M. [G] les sommes de :

- 300 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du dépassements des amplitudes journalières maximales les 12 mars, 15 avril et 18 octobre 2016,

- 1 100 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du non respect des règles relatives aux jours consécutifs, pour les périodes du 14 au 22 mars 2016, du 8 au 15 mai 2016 et du 30 mai au 17 juin 2016,

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE M. [H], exerçant sous l'enseigne [H] Voyages, à verser à M. [G] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [H], exerçant sous l'enseigne [H] Voyages, aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Mme Aurélie Prache, Présidente et par Mme Marine Mouret, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01812
Date de la décision : 28/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-28;21.01812 ?
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