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22/06/2023 | FRANCE | N°22/07119

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 22 juin 2023, 22/07119


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 54Z



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/07119 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRGS



AFFAIRE :



S.A.R.L. LE BONHEUR DE CHINE



C/



[I] [J]



[R] [H]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 22/04384



Expéditions exécutoires

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Copies

délivrées le : 22.06.2023

à :



Me Claire QUETAND-FINET, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Anne-Laure LAVERGNE, avocat au barreau de PARIS



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 54Z

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/07119 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRGS

AFFAIRE :

S.A.R.L. LE BONHEUR DE CHINE

C/

[I] [J]

[R] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Novembre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 22/04384

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 22.06.2023

à :

Me Claire QUETAND-FINET, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Anne-Laure LAVERGNE, avocat au barreau de PARIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. LE BONHEUR DE CHINE

N° Siret : 380 061 101 (RCS Nanterre)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Georges DEMIDOFF de la SELARL IDEACT SOCIETE D'AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0143 - Représentant : Me Claire QUETAND-FINET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 678

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [J]

né le 29 Octobre 1955 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [R] [H]

née le 04 Avril 1964 à [Localité 5] ([Localité 5])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Anne-Laure LAVERGNE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1903 - N° du dossier 20140240

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

M [I] [J] et Mme [R] [H], voisins d'un restaurant de cuisine asiatique, se sont plaints de nuisances sonores causées par les extracteurs d'air équipant cet établissement.

Par jugement assorti de l'exécution provisoire du 9 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a notamment condamné la Sarl le Bonheur de Chine, à exécuter dans les deux mois de la signification du jugement et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 6 mois, les travaux préconisés par Monsieur [T] dans son rapport d'expertise du 20 février 2015 et décrits dans le devis en date du 17 décembre 2015 de l'entreprise [O].

La société le Bonheur de Chine en a fait appel et a sollicité du premier président l'arrêt de l'exécution provisoire.

Parallèlement, poursuivant l'exécution du jugement, M [I] [J] et Mme [R] [H] ont procédé à sa signification par acte du 30 novembre 2017.

Par ordonnance du 21 décembre 2017, le premier président de la cour d'appel de Versailles a rejeté la demande d'arrêt de l'exécution provisoire, et le jugement ordonnant les travaux sous astreinte a été confirmé par arrêt du 9 décembre 2019. Cet arrêt est définitif, après rejet du pourvoi de la SA MAAF Assurances, par arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2022.

Par acte d'huissier du 5 mai 2022, M [I] [J] et Mme [R] [H] ont fait assigner la SARL le Bonheur de Chine en liquidation de l'astreinte.

Par jugement contradictoire du 15 novembre 2022, le juge de l'exécution de Nanterre a :

Liquidé l'astreinte fixée par le jugement en date du 9 novembre 2017 du tribunal de grande instance de Nanterre à la somme de 5100 euros sur la période du 30 janvier 2018 au 22 mars 2018 ;

Condamné la Sarl le Bonheur de Chine à payer à M [I] [J] et Mme [R] [H] la somme de 5100 euros au titre de la liquidation de l'astreinte, avec intérêts au taux légal à compter de la décision;

Condamné la Sarl le Bonheur de Chine à payer à M [I] [J] et Mme [R] [H] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl le Bonheur de Chine aux dépens ;

Rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties ;

Rappelé que le jugement bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Le 30 novembre 2023, la Sarl le Bonheur de Chine a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 6 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

la recevoir en son appel, l'y dire bien fondée et y faisant droit,

Infirmer le jugement [entrepris en toutes ses dispositions lui faisant grief],

Statuant à nouveau,

Débouter M [J] et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Condamner M [J] et Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamner M [J] et Mme [H] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M [J] et Mme [H] aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître Claire Quetand-Finet, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 15 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, les intimés demandent à la cour de :

Confirmer le jugement [en toutes ses disposition], 

Y ajoutant: 

Condamner la Sarl le Bonheur de Chine à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ,

Condamner la Sarl le Bonheur de Chine aux dépens exposés en cause d'appel. 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 avril 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 24 mai 2023 et le prononcé de l'arrêt au 22 juin 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

L'appelante soutient qu'elle a été normalement diligente dans l'exécution du jugement, et que, malgré les difficultés rencontrées, elle est parvenue à faire exécuter les travaux le 21 mars 2018, seule la défaillance de l'entreprise [O] étant à l'origine du dépassement du délai imparti. Elle invoque donc l'article L 131-4 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, ainsi que la mauvaise foi de ses adversaires qui l'ont assignée quatre années après la fin du litige, et la disproportion manifeste de la liquidation de l'astreinte dans ces conditions, au regard du bénéfice attendu, la rendant contraire à l'article 1 du protocole n°1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour conclure au rejet de la demande.

Pour s'opposer à cette argumentation, M [J] et Mme [H] répondent que la Sarl le Bonheur de Chine n'a pris attache avec l'entreprise [O] que près de 2 mois après le prononcé du jugement, que rien ne l'empêchait de faire appel à d'autres entreprises sans attendre l'expiration du délai imparti pour exécuter les travaux. Ils en concluent que le retard de 51 jours lui est entièrement imputable. Ils exposent pour leur part avoir attendu la fin de tous les recours engagés confirmant la condamnation aux travaux pour demander la liquidation de l'astreinte, sans mauvaise foi ni abus, et que la condamnation à une somme de 5100 euros ne présente aucune atteinte disproportionnée au droit de propriété de la société le Bonheur de Chine.

Le jugement du 9 novembre 2017 ayant été signifié le 30 novembre 2017, la Sarl avait jusqu'au 30 janvier 2018 pour exécuter les travaux en franchise d'astreinte.

Aux termes l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

La circonstance que l'obligation ait été exécutée au jour où statue le juge de l'exécution, n'est pas un obstacle à la liquidation de l'astreinte.

Contrairement à ce que plaident M [I] [J] et Mme [R] [H], c'est expressément le devis de l'entreprise [O] qui devait être mis en 'uvre pour un strict respect de l'injonction posée par le jugement du 9 novembre 2017. Ils ne sauraient donc sérieusement soutenir qu'il appartenait à la SARL le Bonheur de Chine d'anticiper une éventuelle défaillance de cette entreprise pour en démarcher d'autres.

La société le Bonheur de Chine explique avoir préféré attendre de savoir si l'exécution provisoire du jugement allait être levée pour contacter l'entreprise [O], et elle justifie l'avoir fait immédiatement après avoir reçu la réponse négative du premier président, dont l'ordonnance est du 21 décembre 2017. Or, les travaux nécessitant un délai de réalisation prévisible d'environ un mois, ils pouvaient parfaitement être terminés avant le 30 janvier 2018.

Il ne saurait lui être reproché une inertie anormale à ce stade ni une quelconque mauvaise volonté mise à l'exécution de l'obligation à sa charge.

Il ressort également des pièces versées aux débats et de la démonstration de l'appelante que ce sont M [J] et Mme [H] qui ont imposé et fait valider le devis de l'entreprise [O], de sorte que cherchant à se conformer aux exigences de ses adversaires, la société le Bonheur de Chine était fondée à se fier à la capacité de l'entreprise [O] à exécuter son propre devis. Son revirement soudain par courrier du 11 janvier 2018, allant la contraindre à démarcher d'autres entreprises capables d'exécuter les travaux préconisés par l'expert et rendant de fait impossible une exécution des travaux avant le 30 janvier 2018, constitue bien une difficulté d'exécution reposant sur une cause étrangère au sens de la disposition susvisée, et justifiant une suppression partielle de l'astreinte, dans les conditions suivantes.

Finalement après que trois autres entreprises ont répondu à son appel, entre le 23 janvier et le 10 février 2018, la société le Bonheur de Chine a sélectionné l'entreprise Eco Clim et accepté 13 février 2018, le devis de cette dernière qui est parvenue à achever les travaux le 21 mars 2018, ce qui a été constaté par huissier le 22 mars 2018.

Dans ces conditions, le retard de 33 jours entre la défection de l'entreprise [O] et la signature du nouveau devis, correspondant à cette cause étrangère, doit être déduit du retard d'exécution sanctionnable au titre de l'astreinte, qui ne sera liquidée que sur (51 ' 33 ) 18 jours, soit à un montant de 1800 euros, le jugement étant réformé sur ce point.

Cette appréciation in concreto des conditions d'exécution dont il est fait application à la liquidation de l'astreinte écarte tout risque d'atteinte disproportionnée au regard de l'enjeu du litige, aux droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 1 de son protocole additionnel.

Au regard de la solution du litige, la demande de liquidation de l'astreinte ne peut pas être déclarée abusive, ce qui conduit à confirmer le rejet par la décision dont appel, de la demande de dommages et intérêts de la SARL le Bonheur de Chine.

Cette dernière supportera les dépens d'appel mais aucune considération d'équité ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement étant infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise sauf en ce qu'elle a condamné la Sarl le Bonheur de Chine aux dépens, et rejeté la demande de cette dernière de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau,

Constate l'exécution du jugement au 22 mars 2018 ;

Vu l'article L131-4 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution,

Liquide l'astreinte à cette date à la somme de 1800 euros et condamne la Sarl le Bonheur de Chine à payer cette somme à M [I] [J] et Mme [R] [H] avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute M [I] [J] et Mme [R] [H] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl le Bonheur de Chine aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/07119
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.07119 ?
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