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22/06/2023 | FRANCE | N°22/07113

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 22 juin 2023, 22/07113


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/07113 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRGH



AFFAIRE :



[W] [N]

Représenté par l'UDAF 92, soit Monsieur [C] es qualité de curateur, domicilié [Adresse 1] à [Localité 10]



C/



S.A.S.U. IN'LI PROPERTY MANAGEMENT

Mandataire de la SAS APEC RESIDENCE



SAS APEC RESIDENCE

Ayant pour mandataire la

SAS IN'LI PROPERTY MANAGEMENT



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 21/08688



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 22.06.202...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/07113 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRGH

AFFAIRE :

[W] [N]

Représenté par l'UDAF 92, soit Monsieur [C] es qualité de curateur, domicilié [Adresse 1] à [Localité 10]

C/

S.A.S.U. IN'LI PROPERTY MANAGEMENT

Mandataire de la SAS APEC RESIDENCE

SAS APEC RESIDENCE

Ayant pour mandataire la SAS IN'LI PROPERTY MANAGEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 21/08688

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 22.06.2023

à :

Me Genusha WARAHENA LIYANAGE, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [N]

Représenté par l'UDAF 92, soit Monsieur [C] es qualité de curateur, domicilié [Adresse 1] à [Localité 10]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 8] ([Localité 8])

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentant : Me Genusha WARAHENA LIYANAGE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 257

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/005304 du 14/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

S.A.S.U. IN'LI PROPERTY MANAGEMENT

Mandataire de la SAS APEC RESIDENCE, inscrite au RCS de Paris sous le numéro 333 542 892, dont le siège social est [Adresse 3], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° Siret : 712 049 774 (RCS Nanterre)

[Adresse 11]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 397

INTIMÉE

SAS APEC RESIDENCE

Ayant pour mandataire la SAS IN'LI PROPERTY MANAGEMENT, inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 712 049 774, dont le siège social est [Adresse 11] à [Localité 9], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° Siret : 333 542 892 (RCS Paris)

[Adresse 3]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Jeanine HALIMI de la SELARL JEANINE HALIMI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 397

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 21 mars 2008, la société APEC Résidence, ayant pour mandataire le GIE Domaxis, a donné à bail à M. [N] et à Mme [N] un appartement situé [Adresse 7] à [Localité 5].

Par avenant en date du 4 février 2016, le contrat de bail a été transféré au seul nom de M. [W] [N], puis en vertu d'un avenant conclu le 14 septembre 2020, la société APEC Résidence ayant désormais pour mandataire la société In'li Property Management, Mme [V] [N], épouse de M. [N], est devenue co-titulaire du bail.

Par ordonnance rendue le 14 décembre 2020, et signifiée le 22 avril 2021, le juge des référés du tribunal de proximité de Courbevoie, saisi par la société APEC Résidence à la suite de la délivrance, le 19 juin 2020, d'un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, a, notamment :

constaté que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail du 21 mars 2008 tel que modifié par avenant du 4 février 2016 liant la société APEC Résidence d'une part, et M. [N], d'autre part, sont réunies à la date du 23 août 2020 ;

condamné M. [N] à payer à la société APEC Résidence la somme provisionnelle de 2 192,64 euros au titre des loyers et charges impayés au 30 novembre 2020 (terme du mois de novembre 2020 inclus) ;

autorisé M. [N] à s'acquitter du paiement de sa dette en trente-cinq versements mensuels d'un montant de 40 euros chacun, avant le 15 de chaque mois, en sus du paiement du loyer et des charges courantes, et, pour la première fois, avant le 15 du mois suivant la signification de la décision, la trente-sixième et dernière mensualité devant solder la totalité de la dette en principal, frais et accessoires ;

dit, cependant, que les effets de la clause résolutoire insérée au contrat de bail du 21 mars 2008 tel que modifié par avenant du 04 février 2016 seront suspendus et que cette clause sera réputée ne jamais avoir joué si les délais de paiement accordés à M. [N] sont respectés ;

dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance et / ou du paiement du loyer et des charges courantes :

le solde de la dette restant due deviendra immédiatement exigible,

la clause résolutoire reprendra ses effets et le contrat de bail du 21 mars 2008 tel que modifié par avenant du 4 février 2016 sera résilié de plein droit à la date de la défaillance du locataire,

la société APEC Résidence sera autorisée à faire procéder à l'expulsion de M. [N] des lieux situés [Adresse 7] et emplacement de stationnement n°38) à [Localité 5], ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef,

M. [N] sera condamné à payer à la société APEC Résidence une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle d'un montant égal à celui du loyer principal révisé et des charges qui auraient été dus si le contrat de bail s'était poursuivi, ladite indemnité étant révisable selon les stipulations contractuelles et étant due au prorata temporis et payable à terme échu et, au plus tard, le 5 du mois suivant, et ce jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés ou l'expulsion.

Le 14 septembre 2021, un commandement de quitter les lieux a été délivré à M. [N].

Par requête du 21 octobre 2021, M. [N], assisté de son curateur, a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre afin d'obtenir un délai avant son expulsion, d'une durée de 1 an.

Par jugement contradictoire rendu le 11 mars 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a :

octroyé à M. [N] [P] un délai d'expulsion des lieux [Adresse 7] à [Localité 5] (92), [Adresse 7] jusqu'au 11 juin 2022 inclus ;

débouté la société In'li Property Management de sa demande subsidiaire ;

condamné M. [N] [P] aux dépens ;

rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires de plein droit.

Après avoir sollicité, et obtenu, l'aide juridictionnelle, M. [N] a, le 29 novembre 2022, interjeté appel de cette décision.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 avril 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 11 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 22 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [N], représenté et assisté ( sic) par l'UDAF 92, soit M. [C] ès qualités de curateur, appelant, demande à la cour de :

In limine litis,

surseoir à statuer dans l'attente de la décision du juge du surendettement près le tribunal de proximité d'Asnières du 29 juin 2023 dans le cadre de la procédure enregistrée sous le numéro 11-22-000652 ;

Au fond,

infirmer le jugement rendu le 11 mars 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a : octroyé à M. [N] un délai d'expulsion des lieux jusqu'au 11 juin 2022 inclus, condamné M. [N] aux dépens, rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires de plein droit ;

Statuant à nouveau,

lui accorder un délai de 36 mois à compter de la signification de la décision à venir pour s'acquitter de la dette et pour libérer les lieux ;

débouter la société APEC Résidence ayant pour mandataire la société In'li Property Management de toutes ses demandes, plus amples ou contraires ;

déclarer que chacune des parties conservera la charge de ses frais et dépens.

Aux termes de ses seules conclusions remises au greffe le 18 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société APEC Résidence, ayant pour mandataire la société In'li Property Management, intimée, demande à la cour de :

débouter M. [N] [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

rectifier l'erreur commise par le premier juge en mentionnant que la société intimée n'est pas 'In'li Property Management' mais 'la SAS APEC Résidence' ;

confirmer le jugement rendu le 11 mars 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a octroyé à M. [N] [P] un délai d'expulsion des lieux [Adresse 7] à [Localité 5] (92), [Adresse 7] jusqu'au 11 juin 2022 inclus ;

condamner M. [N] [P]au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [N] [P] aux entiers dépens de la procédure d'appel et de celle de première instance, dont distraction au profit de la SELARL Jeanine Halimi, avocat aux offres de droit.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, sur l'identité des parties

En premier lieu, bien que M. [N] soit désigné, dans le jugement dont appel, comme étant M. '[N] [P]', son patronyme, tel qu'il est mentionné dans le bail qui a fondé son occupation des lieux dont son expulsion a été ordonnée, ainsi que dans sa déclaration d'appel, et tel qu'il figure sur sa carte nationale d'identité, dont copie a été transmise par son conseil, est bien celui de [N]. Il y aura lieu à rectification en conséquence.

S'agissant, en second lieu, de la société In'li Property Management, cette dernière, ainsi qu'il résulte des éléments soumis à l'appréciation de la cour, notamment le contrat de bail du 21 mars 2008, et des dires des parties, n'est pas elle-même la bailleresse, mais est la mandataire de la société APEC Résidence, qui elle est la bailleresse.

Les seuls éléments de la procédure ne permettant pas d'établir que c'est à la suite d'une erreur matérielle que la société In'li Property Management a été désignée, sur le jugement dont appel, comme étant elle-même partie à la procédure, sans mention de son intervention en qualité de mandataire de la société APEC Résidence, et M. [N] ayant bien intimé la société In'li Property Management, laquelle a constitué avocat sans mention d'une qualité de mandataire, il n'y a pas lieu de procéder à une rectification d'erreur matérielle.

En revanche, la cour constate que la société APEC Résidence est intervenue à l'instance d'appel, par les conclusions qui ont été déposées par la partie intimée, au nom de 'APEC Résidence, ayant pour mandataire In'li Property Management', en sorte qu'elle est bien partie à la procédure d'appel, la société In'li Property Management l'étant, pour sa part, en sa qualité de mandataire.

Sur la demande de sursis à statuer

M. [N] demande à la cour, in limine litis, de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge du surendettement du tribunal de proximité d'Asnières ait statué sur la contestation par la bailleresse de la recommandation de la commission de surendettement des particuliers des Hauts-de-Seine, qu'il a saisie avec sa conjointe le 2 décembre 2021, concernant leur unique dette, constituée de loyers impayés pour un montant de 5 954,56 euros, et qui a prononcé la recevabilité de son dossier le 18 février 2022 et a imposé un effacement total de cette dette. Il considère en effet que la décision qui sera rendue par le juge du surendettement aura nécessairement des conséquences sur la décision de la cour à intervenir, puisqu'en cas d'effacement de la dette le bailleur ne pourrait plus se prévaloir de l'importance de celle-ci pour s'opposer aux délais sollicités.

La société APEC Résidence, ayant pour mandataire la société In'li Property Management, objecte que la procédure de surendettement ne concerne que la dette locative déclarée par l'appelant au terme de son dossier de surendettement, et non la procédure d'expulsion, ou l'octroi de délais, et qu'un éventuel effacement de dettes, auquel elle s'oppose, n'aurait procéduralement aucune conséquence sur l'octroi ou non de délais pour rester dans les lieux.

Il est rappelé que hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer.

Le sursis à statuer dont entend bénéficier l'appelant ne peut être fondé, en l'espèce, que sur l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En vertu des articles L.722-6 et suivants du code de la consommation, une décision de recevabilité d'une demande de traitement d'une situation de surendettement est sans effet, en tant que telle, sur l'expulsion du débiteur de son logement. Il n'est ni justifié, ni allégué, qu'une demande aurait été faite au juge, en application de ces textes, aux fins de suspension de la mesure, en sorte que la décision à venir du juge du surendettement sera sans incidence sur l'expulsion ordonnée.

Par ailleurs, le fait que la dette locative pourrait, le cas échéant, faire l'objet d'une décision d'effacement ne constitue pas un motif suffisant pour que la cour sursoit à sa décision, surtout alors que l'appelant fait valoir, dans le même temps, que sa dette locative est à ce jour en grande partie apurée grâce à un règlement qu'il a effectué.

Aucune considération en lien avec l'intérêt d'une bonne justice ne justifie de faire droit à la demande de sursis à statuer. En conséquence, la demande est rejetée.

Sur l'exécution provisoire du jugement dont appel

M. [N] entend obtenir l'infirmation du jugement en ce qu'il a rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires de plein droit. Il fait valoir, à l'appui de cette prétention, qu'il doit parallèlement saisir le premier président de la cour afin de solliciter le sursis à l'exécution du dit jugement.

En vertu de l'article R.121-21 du code des procédures civiles d'exécution, le délai d'appel à l'encontre d'une décision du juge de l'exécution, de même que l'appel lui-même, n'ont pas d'effet suspensif.

La cour ne peut en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il s'est borné à rappeler cette règle de droit.

Sur les demandes de délais

M. [N] considère que le délai de 3 mois que lui a accordé le juge de l'exécution est insuffisant pour lui permettre de se reloger dans des conditions normales. Il fait valoir les nombreuses démarches de relogement qu'il a entreprises, qui selon lui prouvent sa bonne foi, ses problèmes de santé, qui rendent ses démarches plus fastidieuses, et ses difficultés financières, liées à l'absence de ressources, depuis un licenciement pour motif économique intervenu en décembre 2017. Il souligne également à l'appui de sa demande qu'il a tout mis en oeuvre, avec l'aide de son curateur, pour apurer sa dette locative et reprendre le paiement du loyer courant, et qu'il n'a plus aujourd'hui qu'un retard de paiement d'un seul loyer, celui du mois de décembre 2022, un virement de rappel de la caisse d'allocations familiales reçu le 7 mars 2023 lui ayant permis de régler l'essentiel de ses arriérés, étant précisé qu'il a repris le paiement du loyer courant. Il sollicite en conséquence les délais les plus larges, pour l'apurement de sa dette et pour quitter les lieux, soit 36 mois.

La partie intimée s'oppose à cette demande, considérant que M. [N] est de mauvaise foi, du fait :

que la dette est toujours importante, s'élevant à 5 532,07 euros au 3 janvier 2023, terme du mois de janvier 2023 inclus,

que ses versements sont très irréguliers, puisqu'il ne verse qu'une fois tous les 3 mois les sommes dues entièrement au titre des indemnités d'occupation,

qu'il ne justifie ni de ses ressources, ni de sa situation personnelle, ni de ses recherches d'emploi,

que sa bonne volonté pour exécuter ses obligations n'est pas démontrée,

qu'enfin l'intéressé ne justifie pas de ses diligences en vue de son relogement.

A titre liminaire, s'agissant de la demande de délais de paiements que formule, devant la cour, M. [N], il sera rappelé que le juge de l'exécution n'a le pouvoir d'accorder un délai de grâce que si une mesure d'exécution forcée a été mise en oeuvre ; en l'occurrence, il n'est pas justifié qu'une quelconque mesure d'exécution forcée aurait été entreprise en vue du règlement par M. [N] des condamnations pécuniaires mises à sa charge. En conséquence, cette demande de M. [N] est irrecevable.

En vertu de l'article L.412-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation. Le juge qui ordonne l'expulsion peut accorder les mêmes délais, dans les mêmes conditions.

Selon l'article L.412-4 du même code, la durée de ces délais ne peut, en aucun cas, être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Pour l'octroi des délais, il appartient au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires, en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits de l'occupant, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Pour statuer comme il l'a fait, le juge de l'exécution a retenu que les justificatifs produits pour le compte de M. [N] attestaient de ses difficultés personnelles ayant conduit à son placement sous curatelle renforcée, et de ses difficultés financières, mais également des efforts faits pour tenter d'assainir sa situation actuelle, et des démarches effectuées afin de lui trouver un nouveau logement, et qu'il convenait en conséquence de lui accorder un délai de 3 mois pour quitter les lieux.

M. [N] justifie d'une décision de recevabilité de son dossier de surendettement, prise par la commission des Hauts-de-Seine, en date du 21 février 2022, laquelle a considéré que sa situation et celle de son épouse était irrémédiablement compromise, en raison de leur situation professionnelle ( M. [N] en invalidité, Mme [N] sans qualification et sans profession), qu'il n'y avait pas d'éléments factuels permettant d'envisager une évolution favorable de leur situation, et que leur patrimoine, qui n'était constitué que de meubles meublants, était sans valeur.

M. [N] justifie par ailleurs que ses revenus ne sont constitués quasiment que d'allocations sociales.

Il en découle qu'il ne peut se reloger dans des conditions normales.

M. [N] justifie qu'il a déposé une demande de logement social, le 11 octobre 2021, et qu'il a formulé un recours au titre du droit au logement opposable, le 10 novembre 2021.

Il a, avec son curateur, sollicité de la société In'li Property Management, par courrier du 30 novembre 2022, l'attribution d'un logement plus petit et moins onéreux, et justifie avoir visité plusieurs biens, proposés par cette dernière.

Il poursuit ainsi ses démarches en vue de se reloger.

Quant à l'exécution de ses obligations de paiement, il ressort des pièces produites aux débats - relevés de la caisse d'allocations familiales, relevés du compte locatif, relevé de gestion établi par son curateur que M. [N] s'efforce, lorsqu'il perçoit des rappels d'allocations sociales, de les affecter au paiement de sa dette locative.

En particulier, il justifie avoir réglé, dès la réception d'un rappel d'allocation adulte handicapé de 4 783,25 euros, le 7 mars 2023, les loyers des mois de novembre 2022, janvier, février et mars 2023.

Enfin, la société bailleresse ne fait pas valoir, quant à sa propre situation, d'éléments qui s'opposeraient à l'octroi de délais plus larges que ceux qu'a alloués le premier juge.

En conséquence, infirmant le jugement, il sera alloué à M. [N] un délai de 24 mois pour quitter les lieux, courant à compter de la décision du juge de l'exécution, soit jusqu'au 11 mars 2024.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La nature du litige conduit à mettre à la charge de M. [N] les dépens de l'appel, avec faculté de recouvrement direct par le conseil de l'intimée.

Aucune considération d'équité ne justifie de faire application, au profit de cette dernière, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rectifie l'erreur figurant dans le patronyme de l'appelant dans le jugement rendu le 11 mars 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il désigne M. [N] comme étant M. [N] [P] ;

Constate l'intervention volontaire à l'instance d'appel de la société APEC Résidence, ayant pour mandataire In'li Property Management ;

Dit n'y avoir lieu à rectification d'une erreur matérielle en ce que le jugement rendu le 11 mars 2022 désigne la société In'li Property Management comme étant partie à la procédure, sans mention de son intervention en qualité de mandataire de la société APEC Résidence ;

Rejette la demande de sursis à statuer présentée par M. [W] [N] ;

Statuant dans les limites de l'appel,

Déclare la demande de délais de paiement de M. [W] [N] irrecevable ;

Infirme le jugement rendu le 11 mars 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a octroyé à M. [N] un délai pour quitter les lieux situés [Adresse 7] à [Localité 5] (92) limité à 3 mois, jusqu'au 11 juin 2022 ;

Statuant à nouveau de ce chef, et y ajoutant,

Octroie à M. [W] [N] un délai de 24 mois, allant jusqu'au 11 mars 2024, pour quitter les lieux situés [Adresse 7] à [Localité 5] (92) ;

Déboute la société APEC Résidence, ayant pour mandataire la société In'li Property Management, de sa demande au titre des frais irrépétibles ;

Condamne M. [W] [N] aux dépens de l'appel, et autorise le conseil de la société APEC Résidence, ayant pour mandataire la société In'li Property Management, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision préalable dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/07113
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.07113 ?
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