La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°22/07096

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 22 juin 2023, 22/07096


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/07096 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRES



AFFAIRE :



S.A.S. NOCAM SECURITE PRIVEE



C/



[L] [Z] [D]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Novembre 2022 par le Juge de l'exécution de Versailles

N° RG : 22/03513



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies>
délivrées le : 22.06.2023

à :



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/07096 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VRES

AFFAIRE :

S.A.S. NOCAM SECURITE PRIVEE

C/

[L] [Z] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Novembre 2022 par le Juge de l'exécution de Versailles

N° RG : 22/03513

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 22.06.2023

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. NOCAM SECURITE PRIVEE

N° Siret : 752 964 932 (RCS Créteil)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - N° du dossier 20220341 - Représentant : Me Jean-Baptiste POTIER de l'AARPI LAMPIDES & POTIER AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0164

APPELANTE

****************

Monsieur [L] [Z] [D]

né le 27 Juillet 1955 à [Localité 5] (Angola)

de nationalité Angolaise

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Raphaël MAYET de la SELARL MAYET & PERRAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393 - N° du dossier RM03672, substitué par Me Marion GUYOT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 393

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MICHON, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement réputé contradictoire, en l'absence de la défenderesse, rendu le 26 novembre 2019, le conseil de prud'hommes de Poissy, saisi par requête de M. [Z] [D] du 18 avril 2019, a, notamment :

prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail [liant M. [Z] [D] à la société Nocam Sécurité Privée] au 26 novembre 2019 ;

condamné la société Nocam Sécurité Privée à verser à M. [Z] [D], avec intérêts légaux à compter du 20 juin 2019, les sommes de :

3 042 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

304,20 euros au titre des congés payés afférents,

1 066,89 euros à titre d'indemnité de congés payés pour les années N et N-1,

12 168 euros au titre des salaires de février, mars, avril, mai, juin, juillet, août et septembre 2019,

1 015 euros au titre des congés payés afférents,

condamné la société Nocam Sécurité Privée à verser à M. [Z] [D], avec intérêts légaux à compter du prononcé du jugement, la somme de 11 273,43 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ordonné à la société Nocam Sécurité Privée de remettre à M. [Z] [D] l'attestation pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie conformes à la présente décision sous astreinte de 50 euros par jour courant à compter de 30 jours suivant la notification du jugement.

Ce jugement a été signifié à la société Nocam Sécurité Privée le 21 janvier 2020, par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier.

Le 9 juin 2022, M. [Z] [D] a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles en liquidation de l'astreinte, pour la période courant du 21 février 2020 jusqu'au 31 mai 2022, et en fixation d'une nouvelle astreinte de 100 euros par jour pour la remise des bulletins de paie de février à septembre 2019, courant à compter du lendemain de la notification du jugement à intervenir.

Par jugement rendu par défaut, mais en réalité réputé contradictoire puisque susceptible d'appel, en date du 10 novembre 2022, le juge de l'exécution a :

liquidé l'astreinte fixée par jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 26 novembre 2019 à la somme de 41 500 euros arrêtée au 31 mai 2022 ;

condamné la société Nocam Sécurité Privée à payer cette somme de 41 500 euros à M. [Z] [D], somme qui portera intérêts au taux légal à compter de [sa] décision ;

ordonné une nouvelle astreinte provisoire dont le montant sera fixé à la somme de 50 euros par jour de retard, pour une durée de 90 jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit, pour la remise par la société Nocam Sécurité Privée à M. [Z] [D] des bulletins de paie pour la période de février 2019 à septembre (sic) ;

condamné la société Nocam Sécurité Privée à payer à M. [Z] [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire des parties ;

condamné la société Nocam Sécurité Privée aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Raphaël Mayet, membre de la SELARL Mayet et Perrault pour ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ;

rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

Le 28 novembre 2022, la société Nocam Sécurité Privée a relevé appel de cette décision.

Une médiation a été proposée aux parties, en vain.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 avril 2023, avec fixation de la date des plaidoiries au 11 mai 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 16 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Nocam Sécurité Privée, appelante, demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

réformer le jugement du juge de l'exécution en date du 10 novembre 2022 en ce qu'il a liquidé l'astreinte fixée par le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 26 novembre 2019 à la somme de 41 500 euros arrêtée au 31 mai 2022 // l'a condamnée à payer cette somme de 41 500 euros à M. [Z] [D], somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision // a ordonné une nouvelle astreinte provisoire dont le montant sera fixé à la somme de 50 euros par jour de retard pour une durée de 90 jours à l'issue de laquelle il sera à nouveau fait droit pour la remise par elle à M. [Z] [D] des bulletins de paie pour la période de février 2019 à septembre // l'a condamnée à payer à M. [Z] [D] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ; Statuant de nouveau :

dire irrecevable la demande de liquidation de l'astreinte relative à la communication de l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte car formulée pour la première fois en cause d'appel à titre subsidiaire ;

débouter M. [Z] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son égard et de son appel incident ;

juger en conséquence n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte relative au jugement du 10 novembre 2022 ;

condamner M. [Z] [D] à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive ;

condamner M. [Z] [D] à lui payer la somme de 5 000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner, en outre, M. [Z] [D] à supporter les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 24 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [Z] [D], intimé, demande à la cour de :

A titre principal,

confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 novembre 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles (RG 22/03513) ;

A titre subsidiaire,

ordonner la liquidation de l'astreinte prononcée par le conseil de prud'hommes de Poissy par le jugement du 26 novembre 2019 à compter du 21 février 2020 jusqu'au 17 septembre 2021, soit 574 jours à 50 euros par jour ;

condamner la société Nocam Sécurité Privée à lui verser le montant de l'astreinte liquidée, à savoir 28 700 euros correspondant à 574 jours de retard ;

condamner la société Nocam Sécurité Privée au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

débouter l'intégralité des demandes formulées par la société Nocam Sécurité Privée.

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 22 juin 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la liquidation de l'astreinte

Pour statuer comme il l'a fait, le juge de l'exécution, après avoir relevé que la signification du jugement était intervenue le 21 janvier 2020, et qu'en conséquence l'astreinte avait commencé à courir le 21 février 2020, a constaté que la défenderesse, non comparante, ne rapportait pas la preuve de la remise des documents demandés par M. [Z] [D], à savoir ses bulletins de paie pour la période de février 2019 à septembre 2019, et a en conséquence liquidé l'astreinte à taux plein, pour la période courant du 21 février 2020 au 31 mai 2022, soit 830 jours à 50 euros.

A l'appui de l'infirmation sollicitée, la société Nocam Sécurité Privée soutient qu'elle a au plus tard le 20 juillet 2020, remis à l'huissier instrumentaire un bulletin de salaire conforme au jugement, sur lequel figuraient l'ensemble des postes de condamnations, que ce bulletin de salaire récapitulatif a été élaboré de concert entre M. [R], son dirigeant, et l'huissier instrumentaire mandaté par M. [Z] [D], qui avait critiqué le premier projet de bulletin, et qu'il n'a fait l'objet d'aucune observation. Elle fait valoir que, si elle n'a pas exécuté le jugement plus tôt, c'est parce que, affirme-t-elle, elle n'en a eu connaissance que le 2 juin 2020, lorsque des saisies sur ses comptes bancaires ont été réalisées et qu'elle a pris attache avec l'huissier instrumentaire. Toutefois, dès qu'il a été informé du jugement, son dirigeant a été totalement proactif afin d'élaborer le bulletin demandé, de le communiquer, et de régler les sommes dues. Elle a donc bien exécuté son obligation, de sorte que la procédure de liquidation d'astreinte engagée par M. [Z] [D] deux ans après la communication du bulletin litigieux était sans objet. Si M. [Z] [D] tire argument de la mention de l'année 2020 au lieu de l'année 2019 sur le bulletin de paie, ceci est passé totalement inaperçu tant d'elle même que de l'huissier instrumentaire, de l'avocat de l'intimé et de l'intimé lui-même, qui n'a jamais soulevé la moindre difficulté, auquel cas elle aurait naturellement établi un nouveau bulletin. Par ailleurs, s'il soutient qu'un bulletin de paie récapitulatif ne répondrait pas à la demande du tribunal, le bulletin qu'elle a établi mentionne bien les montants des salaires et des charges, et la jurisprudence admet qu'un employeur condamné au versement d'un rappel de salaire dû sur plusieurs mois peut établir un seul bulletin de paie, lors du paiement. En tout état de cause, poursuit-elle, l'astreinte est conformément à l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, et en l'occurrence, dès qu'elle a été informée de sa condamnation, en juin 2020, elle s'est immédiatement rapprochée de l'huissier instrumentaire, et a établi, de concert avec lui, le bulletin de paie en question, qui contentait toutes les parties avant que le salarié ne vienne finalement le contester deux ans plus tard. Enfin, M. [Z] [D] ne démontre pas qu'il aurait subi un quelconque préjudice, ni un quelconque blocage auprès de Pôle emploi, et en réalité, Pôle emploi n'a posé aucune difficulté, à l'époque, raison pour laquelle il a attendu un an et demi avant de lui écrire.

Selon l'appelante, les demandes de liquidation formulées, en appel, et à titre subsidiaire, concernant l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte sont irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile, M. [Z] [D] n'ayant formulé aucune demande concernant la liquidation de l'astreinte sur la communication de ces documents dans son assignation initiale, et cette question n'ayant donc pas été soumise au juge de l'exécution qui a statué en première instance.

Au soutien de sa demande de confirmation du jugement, M. [Z] [D] fait valoir que le bulletin de paie récapitulatif envoyé en juillet 2020 pour la période du 1er juin 2020 au 30 juin 2020, bien qu'il mentionne " reliquat sal 2/20 au 9/20 ", ne satisfait pas à l'obligation résultant du jugement du conseil de prud'homme. D'une part, les rappels de salaires concernent la période de février à septembre 2019, et non pas 2020 comme l'indique de manière erronée le bulletin récapitulatif, d'autre part, même si la Cour de cassation admet qu'en matière de rappel de salaires il puisse être établi un seul bulletin rectificatif, le conseil de prud'homme de Poissy, qui n'ignore pas la jurisprudence constante de la Cour de cassation a expressément ordonné à l'employeur de remettre les bulletins de paie conformes à la décision, si bien qu'à défaut d'avoir établi un bulletin de paie par mois de rappel de salaire, la société appelante n'a pas correctement exécuté le jugement. En toute hypothèse, le bulletin de paie adressé en juillet 2020, qui vise une période du '02/20 au 09/20" ne répond pas aux conditions posées par la Cour de cassation.

A titre subsidiaire, s'il était considéré que le bulletin récapitulatif établi par la société Nocam Sécurité Privée au mois de juillet 2020 suffit pour prouver l'exécution du jugement, la pleine exécution de celui-ci est intervenue tardivement, fait valoir l'intimé. En effet, le jugement du conseil de prud'hommes a été signifié le 21 janvier 2020, en sorte que l'astreinte commençait à courir le 21 février 2020, et la société a transmis :

le bulletin récapitulatif au mois de juillet 2020,

l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et le solde de tout compte par lettre recommandée datée du 17 septembre 2021, soit avec un retard de 574 jours.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, cette demande subsidiaire ne constitue pas une prétention nouvelle en cause d'appel, selon l'intimé: il demandait en première instance la liquidation de l'astreinte jusqu'au jour du jugement, puisqu'il estimait n'avoir jamais reçu les bulletins de salaire attendus, et sa demande subsidiaire en cause d'appel a le même fondement et les mêmes fins que celles de première instance, à savoir faire constater l'exécution tardive par la société Nocam Sécurité Privée du jugement du 26 novembre 2019 et liquider l'astreinte, en sorte qu'elle en est le complément.

Quant à la recevabilité de la demande subsidiaire

En vertu de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 de ce code précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent, et l'article 566, que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Comme déjà indiqué ci-dessus, le conseil de prud'hommes a ordonné à la société Nocam Sécurité Privée de remettre à son ancien salarié l'attestation Pôle emploi, le certificat de travail et les bulletins de paie conformes à sa décision, observation faite que le solde de tout compte ne fait pas partie des documents concernés, sous astreinte de 50 euros par jour courant à compter de 30 jours suivant la notification du jugement.

M. [Z] [D] a sollicité du premier juge la liquidation de l'astreinte à taux plein, soit à hauteur de 50 euros par jour, sur une certaine période.

Sa demande subsidiaire devant la cour est toujours une demande de liquidation de l'astreinte à taux plein, mais sur une période plus restreinte que celle visée par sa demande initiale.

En conséquence, quand bien même la demande devant le premier juge n'était fondée que sur le défaut de remise de ses bulletins de paie, sa demande subsidiaire devant la cour, même si elle se fonde non plus uniquement sur un défaut de remise de bulletins de paie, mais également sur une remise tardive des autres documents visés par l'injonction, tend aux mêmes fins que la demande initiale, et ne constitue pas en conséquence une prétention nouvelle.

Le moyen d'irrecevabilité est donc écarté.

Quant à l'exécution de l'obligation

Il est rappelé qu'en matière d'astreinte il appartient à celui qui est débiteur de l'obligation de faire assortie de l'astreinte d'apporter la preuve de son exécution.

Il est de droit, par ailleurs, que le juge de la liquidation, tenu par l'autorité de la chose jugée, ne peut modifier les obligations mises à la charge du débiteur par la décision qui fixe l'astreinte. Mais dans l'hypothèse où la décision initiale est ambigüe, il lui appartient toutefois de l'interpréter, afin de déterminer les obligations ou injonctions qui ont été assorties d'une astreinte.

La société appelante justifie avoir, après échanges avec l'huissier mandaté par M. [Z] [D], adressé à ce dernier, le 20 juillet 2020, un bulletin de salaire récapitulatif, mentionnant les différents montants alloués par le conseil de prud'homme, et notamment, le rappel de salaires de 12 168 euros, qui est l'objet de la contestation de M. [Z] [D].

Si le jugement susvisé fait en effet mention des bulletins de salaire, et non pas d'un bulletin de salaire récapitulatif, la Cour de cassation juge toutefois ( Soc., 9 novembre 2022, pourvoi n° 20-21.856) que, en application de l'article L. 3243-2 du code du travail, lorsque l'employeur est condamné au versement d'un rappel de salaires dû sur plusieurs mois, ce rappel peut figurer sur un seul bulletin de paie établi lors de son paiement, pourvu qu'il comporte les mentions prescrites par les articles R. 3243-1 et suivants et qu'il indique à quelle période précise se rapporte chacune des créances faisant l'objet d'un versement unique.

Par ailleurs, quand bien même le jugement fixant l'astreinte ordonne la remise des bulletins de salaire, il condamne l'employeur au paiement d'un rappel de salaires global, et ne procède, que ce soit dans ses motifs ou dans son dispositif, à aucune ventilation du montant dû pour chacun des mois en cause. Dans ces conditions, la délivrance d'un bulletin unique mentionnant la somme totale de 12 168 euros à titre de rappel de salaires, qui est celle allouée par le jugement, ne peut qu'être conforme à celui-ci.

Le bulletin de paie transmis par la société Nocam Sécurité Privée le 20 juillet 2020 mentionne effectivement, en regard du montant de 12 168 euros : ' reliquat sal 02/ 20 au 09/20", alors que le rappel accordé porte sur cette même période, mais pour l'année 2019. Toutefois, observation faite que, au vu des échanges que produit l'appelante, le bulletin litigieux a été établi de concert entre l'employeur et le représentant du salarié, et qu'il n'est pas démontré qu'une quelconque critique ou observation ait suivi l'envoi du bulletin ainsi établi, ni qu'une quelconque difficulté ait été élevée par Pôle emploi, l'envoi de ce bulletin de paie, qui a à l'époque recueilli l'assentiment du créancier de l'obligation, caractérise, en dépit de l'erreur manifestement matérielle qui l'affecte, puisqu'il est daté du mois de juin 2020 et qu'il porte sur une période en partie postérieure, l'exécution de l'obligation mise à la charge de l'appelante.

En conséquence, il sera retenu que s'agissant de la remise des bulletins de paie, l'obligation a été exécutée le 20 juillet 2020, soit 150 jours après que l'astreinte a commencé à courir.

Il n'est pas discuté, et il résulte des éléments produits par les parties, que concernant l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail, l'obligation a été exécutée par la société Nocam Sécurité Privée le 17 septembre 2021, date de l'envoi de ces documents à M. [Z] [D] par courrier recommandé avec demande d'avis de réception, soit 574 jours après que l'astreinte a commencé à courir.

Quant à la liquidation de l'astreinte 

En vertu de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

L'astreinte, par ailleurs, est indépendante des dommages et intérêts.

La validité de la signification du jugement au débiteur de l'obligation, intervenue le 21 janvier 2020, n'est pas remise en cause, en sorte que le point de départ de l'astreinte se situe bien au 21 février 2020.

Il sera toutefois relevé que, effectivement, cette signification a été faite par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier, et qu'au vu du courrier électronique de l'huissier mandaté par M. [Z] [D] qui est produit aux débats, la société Nocam Sécurité Privée n'en a effectivement eu connaissance que le 2 juin 2020.

La société Nocam Sécurité Privée produit différents échanges qu'elle a entretenus, depuis le 2 juin 2020, avec l'huissier mandaté par M. [Z] [D], qui confirment que, ainsi qu'elle le fait valoir, elle s'est efforcée, à compter de cette date, d'exécuter son obligation.

S'agissant de la remise des autres documents, incontestablement tardive au regard du délai octroyé par le conseil de prud'hommes, la société Nocam Sécurité Privée ne fait valoir aucun élément susceptible d'expliquer ce retard.

Il sera toutefois relevé que M. [Z] [D] ne justifie pas s'être manifesté avant le 20 juillet 2021, et ce alors que la question de la remise du bulletin de paie avait été réglée un an plus tôt.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, et tenant compte du fait que l'obligation a été en partie exécutée le 20 juillet 2020, ce qui justifie de réduire son taux à compter de cette date, l'astreinte sera liquidée à une somme totale de 18 000 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter de la décision de première instance, qui bénéficie de l'exécution provisoire.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence.

Et, l'obligation étant exécutée, il est également infirmé en ce qu'il a fixé une nouvelle astreinte.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Sans qu'il soit nécessaire d'entrer dans le détail de l'argumentation des parties, la demande de dommages et intérêts de la société Nocam Sécurité Privée, au motif que la procédure initiée par M. [Z] [D] serait abusive puisque celui-ci a saisi le juge de l'exécution alors qu'il était déjà en possession de son bulletin de paie, en prétendant ne l'avoir jamais reçu, et qu'il aurait caché l'existence des échanges intervenus à ce sujet, ne peut qu'être rejetée, dès lors que les prétentions de M. [Z] [D] sont partiellement accueillies, et que, comme le souligne l'intimé, l'exécution du jugement du conseil de prud'hommes a été, en tout état de cause, tardive au regard du délai imparti à la société appelante pour y procéder.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie condamnée, la société Nocam Sécurité Privée doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle sera en outre condamnée à régler à M. [Z] [D], au titre de la procédure d'appel, une somme que l'équité commande de fixer à 1 500 euros, en sus de celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Nocam Sécurité Privée sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Versailles le 10 novembre 2022, en ce qu'il a liquidé jusqu'au 31 mai 2022 et à un montant total de 41 000 euros l'astreinte fixée par le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 26 novembre 2019, en ce qu'il a condamné en conséquence la société Nocam Sécurité Privée au paiement de cette somme, et en ce qu'il a ordonné une nouvelle astreinte provisoire ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Dit que la société Nocam Sécurité Privée a exécuté les obligations mises à sa charge par le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 26 novembre 2019 ;

Liquide à la somme totale de 18 000 euros le montant de l'astreinte assortissant ces obligations ;

Condamne la société Nocam Sécurité Privée à payer à M. [Z] [D] cette somme de 18 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022,

Déboute M. [Z] [D] du surplus de sa demande au titre de la liquidation de l'astreinte et de sa demande de fixation d'une nouvelle astreinte,

Déboute la société Nocam Sécurité Privée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Nocam Sécurité Privée aux dépens et à régler à M. [Z] [D] une somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Mme RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/07096
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.07096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award