La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°22/00188

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 2e section, 22 juin 2023, 22/00188


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 20J



2e chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/00188 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U6DY



AFFAIRE :



[Y] [J]





C/



[D] [P] épouse [J]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Décembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/00442r>


Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 22.06.23



à :



Me Anne-christine LUBERT-GUIN de la SCP LGC, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Martine PERON, avocat au barreau de VERSAILLES



TJ VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 20J

2e chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/00188 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U6DY

AFFAIRE :

[Y] [J]

C/

[D] [P] épouse [J]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 03 Décembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/00442

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 22.06.23

à :

Me Anne-christine LUBERT-GUIN de la SCP LGC, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Martine PERON, avocat au barreau de VERSAILLES

TJ VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [J]

né le 02 Avril 1971 à [Localité 7] (91)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Anne-christine LUBERT-GUIN de la SCP LGC, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 107

Présent

APPELANT

****************

Madame [D] [P] épouse [J]

née le 27 Août 1968 à [Localité 5] (95)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine PERON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 366 - N° du dossier Pescheux

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2023 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François NIVET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre,

Monsieur François NIVET, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Berdiss ASETTATI,

FAITS ET PROC''DURE

M. [Y] [J] et Mme [D] [P], tous deux de nationalité française, se sont mariés le 18 novembre 2000 devant l'officier d'état civil de [Localité 6] (94), en ayant fait précéder leur union d'un contrat de mariage reçu le 4 octobre 2000 par Maître [T] [L], notaire à [Localité 8], instituant entre eux le régime de la séparation de biens.

De cette union, est issu une enfant :

[O], née le 10 septembre 2005, aujourd'hui âgée de 17 ans et demi.

Par jugement du 7 octobre 2002, le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. [J] pour des faits d'exhibition sexuelle.

Par ordonnance de non-conciliation du 19 avril 2019, rendue sur requête en divorce présentée par l'épouse, le juge aux affaires familiales a notamment :

-autorisé l'introduction de l'instance en divorce selon les dispositions de l'article 1113 du code de procédure civile

Statuant sur les mesures provisoires concernant l'enfant,

-constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale,

-fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel,

-réservé le droit de visite et d'hébergement du père,

-fixé le montant de la contribution paternelle à l'entretien et à l'éducation de l'enfant à 500 euros par mois.

Par jugement du 7 juin 2019, le tribunal correctionnel de Versailles a condamné M. [J] à un emprisonnement de dix-huit mois, assorti d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans, pour des faits de corruption de mineur de 15 ans, perpétrés sur sa fille, entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013.

Par assignation du 2 octobre 2019, l'épouse a assigné son conjoint en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil.

Par ordonnance sur incident du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a débouté M. [J] de sa demande d'expertise médico-psychologique de l'enfant [O], ainsi que de sa demande subséquente de partage des frais d'expertise entre les parties.

Par jugement contradictoire du 3 décembre 2021, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles a notamment :

En ce qui concerne les époux :

-prononcé le divorce de M. [J] et Mme [P] aux torts exclusifs de M. [J],

-dit que le jugement prend effet entre les époux et concernant leurs biens à la date de l'ordonnance de non-conciliation,

En ce qui concerne l'enfant :

-constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale sur l'enfant mineure,

-fixé la résidence habituelle de l'enfant au domicile maternel,

-réservé le droit de visite et d'hébergement du père sur l'enfant,

-fixé la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme mensuelle et indexée de 570 euros et l'a condamné, en tant que de besoin au paiement de ladite somme,

-déclaré irrecevable la demande d'expertise médico-psychologique présentée par M. [J],

-dit que les dépens sont à la charge de la partie défenderesse,

-condamné M. [J] à verser à Mme [P] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 11 janvier 2022, M. [J] a interjeté appel de ce jugement sur :

-le divorce à ses torts exclusifs,

-le droit de visite médiatisé,

-l'expertise médico-psychologique,

-l'article 700 du code de procédure civile,

-les dépens.

Dans ses dernières conclusions d'appelant du 9 février 2023, M. [J] demande à la cour de:

'-ACCUEILLIR Monsieur [J] en son appel et l'y déclarer tant recevable que bien fondé

-D''BOUTER Madame [P] de son appel incident et l'y déclarer mal fondée

EN CONS''QUENCE,

-PRONONCER le divorce entre les époux [J]/[P] aux torts partagés en application de l'article 245 3ème alinéa du Code Civil sans énonciation des griefs conformément aux dispositions de l'article 245-1 du Code Civil.

-ORDONNER la mention du jugement de divorce en marge des actes de l'état civil de :

-Madame [D] [P] épouse [J], née le 27 août 1968 à [Localité 5] (95), de nationalité française,

-Monsieur [Y] [J], né le 2 avril 1971 à [Localité 7] (91), de nationalité française. -CONFIRMER l'ordonnance de non conciliation en ce qu'elle a dit que l'autorité parentale sur l'enfant mineur [O] [J] s'exercerait conjointement et rappeler à la mère les règles afférentes à la coparentalité et fixé la contribution du père à l'entretien et l'éducation de l'enfant mineur à la somme de 500 euros.

-MAINTENIR la résidence habituelle de l'enfant au domicile de la mère

-ACCORDER un droit de visite au père en lieu médiatisé une fois tous les 15 jours.

-ORDONNER AVANT DIRE DROIT, si la Cour l'estime nécessaire, une expertise médico psychologique afin de déterminer les dysfonctionnements familiaux et les moyens de les aplanir pour que les relations entre [O] et son père puissent se reconstruire de manière apaisée et constructive.

-INFIRMER les dispositions du jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [J] à verser à Madame [D] [P] 2.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

-CONFIRMER POUR LE SURPLUS les autres dispositions du jugement de divorce rendu le 3 Décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions d'intimée du 27 janvier 2023, Mme [P] demande à la cour de :

'-Confirmer le jugement rendu par le juge aux affaires familiales de Versailles le 3 décembre 2021 en ce qu'il a :

-prononcé le divorce des époux [P]/[J] aux torts exclusifs de Monsieur [J],

-débouté Monsieur [J] de sa demande d'expertise médico-psychologique,

-réservé les droits de visite de Monsieur [J] à l'égard de [O],

-condamné Monsieur [J] au paiement d'une contribution mensuelle à l'entretien et l'éducation de [O] [J] d'un montant de 570 euros,

-condamné Monsieur [J] au paiement d'une somme de 2.000 euros à Madame [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance,

Y ajoutant,

-Débouter Monsieur [J] de toute autre demande,

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale à l'égard de l'enfant mineure,

-Ordonner l'exercice exclusif de l'autorité parentale par Madame [P] à l'égard de l'enfant mineure [O] [J],

-Rectifier une erreur matérielle en supprimant le paragraphe ci-dessous :

-INDEXE cette pension sur l'indice national de l'ensemble des prix à la consommation, série France entière hors tabac dont la base de calcul a été fixée à 100 en 1998 (publié chaque mois au Journal Officiel)

-Condamner Monsieur [J] au paiement d'une somme de 4.213 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

-Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la procédure

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et l'examen des pièces de la procédure ne révèle l'existence d'aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office.

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment, outre les mentions prescrites par l'article 57 (dans sa version en vigueur au 1er janvier 2020), et à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

L'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile dispose que la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il convient de rappeler qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ainsi, les mentions tendant à voir 'Rappeler' figurant au dispositif des conclusions ne constituent pas des prétentions au sens de l'article précité, mais tout au plus un récapitulatif des moyens développés par les parties, ne conférant pas, hormis les cas prévus par la loi, de droit à la partie qui les requiert, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces points.

Pour un exposé plus détaillé de leurs moyens et prétentions, la cour renvoie aux écritures des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

Sur le prononcé du divorce

Selon l'article 212 du code civil, les époux se doivent mutuellement, respect, fidélité, secours, assistance.

Selon l'article de l'article 242 du code civil, il appartient à l'époux qui sollicite le divorce pour faute de prouver l'existence de faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage qui sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune.

Selon l'article 245 du code civil, les fautes de l'époux qui a pris l'initiative du divorce n'empêchent pas d'examiner sa demande ; elles peuvent, cependant, enlever aux faits qu'il reproche à son conjoint le caractère de gravité qui en aurait fait une cause de divorce.

Ces fautes peuvent aussi être invoquées par l'autre époux à l'appui d'une demande reconventionnelle en divorce. Si les deux demandes sont accueillies, le divorce est prononcé au torts partagés.

Même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre.

Chaque partie reprend les griefs invoqués en première instance à l'encontre de son conjoint, sans apporter d'éléments nouveaux.

Il est constant que :

- le 7 octobre 2002 le tribunal correctionnel de Paris a condamné M. [J] pour des faits d'exhibition sexuelle (en l'espèce avoir montré ses parties génitales à la vue d'une employée de son entreprise, dans un lieu accessible au regard du public, à savoir un bureau de la société) à une amende de 1.500 euros et au paiement de 3.000 euros de dommages et intérêts, outre 450 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Le tribunal a considéré le délit constitué parce que :

* le bureau où se sont déroulés les faits était ouvert au public, que M. [J] savait que la plaignante s'y rendait régulièrement pour y faire le ménage durant le créneau horaire au cours duquel il s'était dévêtu et qu'elle disposait d'un badge pour ouvrir la porte,

* il avait admis implicitement devant la police qu'il avait autorisé la plaignante à entrer après qu'elle ait frappé à cette porte, ce qui signifie qu'étant nu à cet instant, il savait nécessairement que le spectacle de sa nudité s'imposerait inévitablement à cette employée, 'étant d'ailleurs rajouté que s'il n'avait pas eu l'intention de s'exhiber devant elle, il lui aurait instantanément suffi de lui demander de ressortir pour lui laisser le temps de se rhabiller'.

- M. [J] s'est vu notifier un licenciement pour faute grave par courrier du 20 mai 2005 du directeur général de la société DATACEP, après avoir fait l'objet, au préalable, d'une mise à pied conservatoire.

Il lui a été reproché, pour l'essentiel, d'avoir :

* pendant plusieurs années, à de nombreuses reprises, insisté auprès d'une collègue pour qu'elle accepte de poser nue pour lui,

* proposé à un collègue masculin de participer à une soirée chez lui où l'ensemble des participants seraient dévêtus,

* lors de tête-à-tête de travail ou lors d'entretiens d'embauche manifesté une attitude déplacée en insistant sur sa pratique du naturisme et en suggérant fortement à ses collègues d'essayer.

- le 7 juin 2019, le tribunal correctionnel de Versailles l'a condamné à une peine d'emprisonnement délictuel de dix-huit mois, totalement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve pendant trois ans (avec obligation de se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soin, même sous le régime de l'hospitalisation), et ce avec inscription au FIJAIS, pour des faits de corruption de mineur de moins de quinze sur la personne de sa fille [O], en l'espèce en se mettant nu et en se masturbant devant elle, faits commis à Maule entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2013.

Il a été condamné à payer à Mme [P], en sa qualité de représentante légale de [O], partie civile, les sommes de :

* 3.000 euros en réparation du préjudice moral,

* 2.029 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Les deux condamnations pénales précitées sont définitives.

C'est la révélation par [O] à sa mère, par un écrit remis le 19 novembre 2018, des faits subis de la part de son père, qui a conduit Mme [P] à souhaiter divorcer, intention manifestée par le dépôt d'une requête à cette fin dès le 22 janvier 2019.

Il ressort des conclusions de M. [J] qu'il demeure dans une attitude de déni au sujet des faits qui lui ont été successivement reprochés, en faisant valoir que sa première condamnation résulte d'un quiproquo avec la victime de ces faits, que son licenciement résulte d'une utilisation de cette condamnation pour se séparer de lui 'à moindre frais'.

Concernant les faits de corruption de mineure, il estime que son épouse a manipulé leur fille, avec qui elle aurait construit une relation exclusive.

Il reconnaît seulement 'avoir pu présenter des comportements inadaptés pour certains ou pouvant, sortis de leur contexte, paraître comme tels alors que ça n'a jamais été son intention et encore moins de créer chez sa fille une interprétation erronée de certains comportements'.

Il soutient ne pas avoir interjeté appel pour 'apaiser les tensions' et pouvoir 'reprendre contact plus rapidement avec sa fille'.

Il n'en demeure pas moins que les pièces produites confortent la déclaration de culpabilité prononcée par la juridiction correctionnelle concernant les faits de corruption de mineure, laquelle est définitive, étant observé, ainsi que l'a relevé le premier juge, que M. [J] ne fait état d'aucun motif valable justifiant son refus de faire appel du jugement en cause.

Le premier juge a considéré à bon droit que les actes délictuels commis par M. [J] et sa condamnation caractérisent une violation manifeste par l'époux de son devoir de respect vis-à-vis de son épouse rendant intolérable le maintien de la vie commune, sans qu'il soit nécessaire d'examiner d'autres griefs.

En effet, les faits de corruption de mineur portent gravement atteinte à l'intégrité de l'enfant commun, à l'engagement partagé de contribuer à son entretien et son éducation dans le respect de son intérêt supérieur, et par là même aux obligations familiales les plus fondementales incombant à l'époux dans le cadre du mariage, en perturbant profondément et durablement les relations au sein du foyer.

L'appelant estime que Mme [P] lui reproche abusivement ses pratiques naturistes en soutenant qu'elle les partageait avec lui. Il l'accuse de s'être adonnée à l'échangisme.

Il ne démontre cependant aucunement les faits qu'il impute à son épouse en la matière et qu'elle conteste.

Il reproche aussi à Mme [P] de lui avoir fait subir sa 'jalousie maladive, sa possessivité outrancière', ce qu'il ne prouve pas.

Il n'est pas indifférent de noter que le rapport d'expertise psychiatrique établi le 13 décembre 2018 dans le cadre de la procédure pénale fait ressortir que M. [J] présente 'une personnalité marquée par des trais anxieux, une acrophobie, une claustrauphobie, un tempérament rancunier et une jalousie-possessivité, un tempérament colérique, une impulsivité, un déficit de contrôle pulsionnel, une intolérence à la frustration'; que 'les faits reprochés ont pu être favorisés par une expression pulsionnelle non contrôlée'.

Il en ressort que M. [J] présente des traits de caractère qu'il impute pour partie à Mme [P] et qui démontrent qu'au regard des constatations précitées le quotidien de cette dernière, avec lui, n'a pas été aussi épanouissant qu'il le prétend.

Il soutient qu'elle a frauduleusement détourné 10.000 euros de ses comptes bancaires en fin d'année 2018.

L'intimée justifie avoir reçu 2018 une somme de 36.662 euros dans le cadre de la succession de son père; que cette somme a été versée le 17 mai 2018 sur le compte joint du couple; que dès le 18 mai suivant, sur cette somme, 14.923,59 euros ont été virés sur des comptes (LDD et livret A) de M. [J].

Mme [P] a effectué le 13 décembre 2018 un virement de 11.598,69 euros du compte joint vers un compte personnel.

Dans ce contexte la soustraction frauduleuse alléguée par l'appelant n'est pas établie

M. [J] ne démontre pas davantage en cause d'appel qu'en première instance l'existence de faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage imputables à son épouse et rendant intolérable le maintien de la vie commune, susceptibles de constituer une cause de divorce.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé le divorce des époux à ses torts exclusifs.

Sur l'autorité parentale

L'article 373-2 du code civil alinéa 1er énonce que la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale.

L'article 373-2-1 alinéa 1er du code civil prévoit que si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents.

Seuls des motifs graves peuvent justifier qu'un parent soit privé de l'exercice de l'autorité parentale.

Au regard de la condamnation pénale de M. [J] pour des faits de corruption de mineure à l'égard de [O], de sa persistance à nier les faits et à considérer qu'il y a matière à 'malentendu' et que sa fille a été manipulée par Mme [P], il n'est pas conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant que l'appelant exerce conjointement l'autorité parentale à son égard, d'autant que la majorité de [O] est proche. Les pièces produites démontrent que son approche éducative et son positionnement au regard des faits commis ne sont ni adaptés ni conformes à l'intérêt de sa fille.

Il y a lieu en conséquence de confier l'exercice exclusif de l'autorité parentale à Mme [P] à l'égard de l'enfant mineure [O].

Le jugement déféré sera réformé de ce chef.

Sur la demande d'expertise médico-psychologique avant-dire droit

Aux termes des dispositions de l'article 373-2-11 du code civil, « lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération [...] le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant.'

Aux terme de l'article 144 du code de procédure civile, « les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer'.

M. [J] demande à la cour d'ordonner, avant-dire droit, une mesure d'expertise médico-psychologique 'afin de déterminer les dysfonctionnements familiaux et les moyens de les aplanir pour que les relations entre [O] et son père puissent se reconstruire de manière apaisée et constructive'. Il estime cette expertise préalable nécessaire avant qu'il soit statué sur sa demande de mise en 'uvre d'un droit de visite médiatisé à l'égard de [O].

Mme [P] s'oppose à cette prétention.

En l'espèce, M. [J], ainsi que l'a relevé le premier juge, ne fait état d'aucun élément nouveau à l'appui de se demande, étant observé que [O] sera majeure dans moins de trois mois et demeure déterminée à ne pas avoir de contacts avec son père.

Il sera donc déboutée de cette demande.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré cette prétention irrecevable.

Sur les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement

Selon l'article 373-2-6 du code civil, le juge doit régler les questions qui lui sont soumises en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts de l'enfant mineur.

C'est sous cette condition générale que le juge fixe en particulier la résidence de l'enfant, soit en alternance au domicile de chacun des parents, soit au domicile de l'un d'eux, auquel cas il statue sur le droit de visite et d'hébergement de l'autre parent ainsi que le prévoit l'article 373-2-9 du code civil.

Pour ce faire et en vertu de l'article 373-2-11 du même code, le juge prend, notamment, en considération, la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l'âge de l'enfant, les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes sociales, les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre.

Le droit de l'enfant séparé de ses deux parents ou de l'un d'eux, d'entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents est consacré par l'article 9 de la Convention internationale des droits de l'enfant, l'article 3 § 1 de cette Convention précisant que l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant.

M. [J] demande à la cour de lui accorder un droit de visite à l'égard de [O] en lieu médiatisé une fois tous les 15 jours.

Compte tenu de la très proche majorité de l'enfant, à savoir le 10 septembre 2023, des faits de corruption de mineur commis à son égard et pour lesquels l'appelant a été condamné et du souhait manifeste de [O] de ne pas rencontrer son père, il n'y a pas lieu de faire droit à la dempande de M. [J]. Il en sera débouté.

Il y a lieu de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a réservé le droit de visite et d'hébergement du père sur l'enfant.

Sur la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant

Conformément à l'article 371-2 du code civil, chacun des parents doit contribuer à l'entretien et l'éducation de l'enfant à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent et des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit à la majorité de l'enfant et elle ne disparaît que lorsque l'enfant a achevé ses études et a en outre acquis une autonomie financière le mettant hors état de besoin.

Cette contribution, d'ordre public en raison de son caractère essentiel et vital, doit être satisfaite avant l'exécution de toute obligation civile de nature différente, notamment les emprunts immobiliers ou de consommation, les père et mère devant adapter leur train de vie en fonction de cette obligation et en tout cas s'efforcer d'offrir à leur enfant un niveau de vie et d'éducation en relation avec leur propre niveau culturel et leur niveau socio-économique.

Il convient de rappeler que la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant sert à financer non seulement les dépenses nécessaires pour son entretien, mais aussi les dépenses indispensables à son éducation qui comprennent les frais de scolarité, hors scolarité privée, celles qui constituent des frais récurrents et courants, telles les dépenses exposées pour son alimentation, les frais de garde, d'études, d'assurance scolaire, et les frais extra-scolaires.

La pension alimentaire fixée par décision de justice ne peut être révisée qu'en cas de modification dans la situation financière de l'une ou l'autre des parties ou de besoins de l'enfant.

- M. [J] est ingénieur en systèmes d'information au sein de la [...].

Il ressort de son bulletin de paie du mois de décembre 2022, qu'il a bénéficié d'un cumul net imposable s'élevant à 58.486 euros, soit un revenu mensuel net moyen de 4.873 euros pour lequel le taux personnalisé de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu est fixé à 14,30 %.

Outre les charges courantes, il acquitte un loyer mensuel de 1.200 euros.

- Mme [P] est assistante de direction au sein de la [...].

Il ressort de son avis d'imposition qu'elle a perçu des salaires imposables en 2021 à hauteur de 46.272 euros, soit une moyenne mensuelle de 3.856 euros.

Il ressort de son bulletin de paie du mois de décembre 2022, qu'elle a bénéficié d'un cumul net imposable s'élevant à 46.191 euros, soit un revenu mensuel net moyen de 3.849 euros pour lequel le taux personnalisé de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu est fixé à 8,3 %.

Elle justifie assumer mensuellement notamment le paiement de :

* 988,85 euros d'échéances de remboursement d'un crédit immobilier de 100.000 euros, d'une durée de 10 ans, dont le solde est prévu pour le 5 mars 2031.

* 1.472 euros de taxes foncières (année 2022),

* 78,50 euros de mutuelle.

Chacune des parties doit en outre régler les charges habituelles de la vie quotidienne (assurances, fluides, téléphonie, internet) et les dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement.

Mme [P] justifie avoir notamment engagé les frais suivants concernant [O] :

* 350 euros de Carte Imagine R pour la période du 1er septembre 2022 au 30 septembre 2023,

* 550 euros de frais de voyage scolaire à Rome en avril 2023,

* 2.325 euros de frais de permis de conduire (de septembre 2020 à octobre 2022),

outre les dépenses usuelles de restauration scolaire.

Au regard de la situation financière actuelle des parties, des besoins de l'enfant, âgée de 17 ans et demi, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fixé la contribution du père à son entretien et à son éducation à la somme mensuelle de 570 euros et l'a condamné, en tant que de besoin, au paiement de cette somme.

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou à défaut, que la raison commande.

Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune ; il peut aussi se saisir d'office.

En l'espèce, le dispositif du jugement, concernant l'indexation de la contribution du père à l'entretien et à l'éducation de sa fille est ainsi formulé :

'INDEXE cette pension sur l'indice national de l'ensemble des prix à la consommation, série France entière hors tabac dont la base de calcul a été fixée à 100 en 1998 (publié chaque mois au Journal Officiel),

DIT que cette pension varie de plein droit le 1er janvier de chaque année et pour la première fois le 1er janvier 2023, en fonction des variations de l'indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé, publié par l'Insee selon la formule suivante :'

de sorte qu'il fait référence à deux indices des prix à la consommation différents, ce qui est une erreur matérielle manifeste.

Il y a lieu de supprimer le premier des deux paragraphes précités, lequel évoque 'l'indice national de l'ensemble des prix à la consommation, série France entière hors tabac'.

Le jugement déféré sera rectifié à cette fin.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

M. [J] succombant en son appel et Mme [P] ayant été reçue partiellement en son appel incident, il ne paraît pas inéquitable de le condamner au paiement d'une indemnité de procédure de 2.500 euros ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Il y a lieu de confirmer le premier jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS 

La Cour,

Statuant publiquement , par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du conseil,

INFIRME partiellement le jugement du 3 décembre 2021 concernant l'autorité parentale et l'indexation de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant,

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT que l'autorité parentale à l'égard de l'enfant [O] est exercée exclusivement par sa mère,

ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle affectant le dispositif du jugement du 3 décembre 2021 en ce sens qu'il y a lieu, en page 11, dans le « Par ces motifs' de supprimer le 6ème paragraphe ainsi formulé: 'INDEXE cette pension sur l'indice national de l'ensemble des prix à la consommation, série France entière hors tabac dont la base de calcul a été fixée à 100 en 1998 (publié chaque mois au Journal Officiel),'

DIT que cette décision rectificative sera mentionnée sur la minute du jugement rendu le 3 décembre 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Versailles (RG n° 19/00442) et sur les expéditions de la décision,

Y ajoutant,

REJETTE toute autre demande,

CONFIRME le jugement pour le surplus,

CONDAMNE M. [Y] [J] à verser à Mme [D] [P] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre et par Madame ASETTATI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 22/00188
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.00188 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award