La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°22/00124

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 22 juin 2023, 22/00124


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/00124 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U54D







AFFAIRE :



S.C.S. CARRIER



C/



S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2020F01325


<

br>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Christophe SOVRAN-CIBIN



TC NANTERRE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/00124 - N° Portalis DBV3-V-B7G-U54D

AFFAIRE :

S.C.S. CARRIER

C/

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 1

N° RG : 2020F01325

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Christophe SOVRAN-CIBIN

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.C.S. CARRIER

RCS Bourg en Bresse n° 483 018 370

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Françoise HECQUET de la SCP PREEL, HECQUET, PAYET-GODEL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R282

APPELANTE

****************

S.A. ENGIE ENERGIE SERVICES

RCS Nanterre n° 552 046 955

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe SOVRAN-CIBIN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 195 et Me Isabelle PRUD'HOMME, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D510

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 novembre 2015, la société Engie Energies Services, ci-après dénommée la société Engie, a conclu avec la ville de [Localité 4] un contrat de partenariat de performance énergétique (CPPE), portant sur deux bâtiments, d'une part, le [5] et d'autre part, le Gymnase [6].

Dans le cadre de travaux d'optimisation de la consommation en gaz du [5] de [Localité 4], la société Engie a fait appel à la société Carrier pour la fourniture de plusieurs centrales de traitement d'air (CTA).

Le 23 juin 2016, la société Engie a passé commande auprès de la société Carrier d'une CTA SN1 d'une puissance de 400 KW. Le devis accepté prévoyait une livraison au 25 juillet 2016.

La CTA SN1 a été livrée le 14 septembre 2016.

Le retard de livraison a donné lieu à la conclusion d'un protocole transactionnel, aux termes duquel la société Carrier s'est engagée à régler à la société Engie la somme de 10.000 €.

Par la suite, la société Engie a reproché à la société Carrier un dysfonctionnement de la CTA SN1, affirmant que le matériel ne permettait pas de délivrer la puissance contractuellement prévue de 400 KW.

Par lettre recommandée avec avis de réception, la société Engie a mis en demeure la société Carrier de lui fournir des explications sur les dysfonctionnements de la machine.

Par un deuxième courrier recommandé du 23 août 2018, la société Engie a mis en demeure la société Carrier de procéder au remplacement de la batterie de la CTA SN1.

Par une troisième lettre recommandée avec avis de réception du 2 juin 2020, la société Engie a demandé à la société Carrier de lui régler les sommes de 50.052,60 € correspondant aux travaux de mise en conformité de la CTA SN1, de 43.594 € correspondant aux pénalités réglées à la ville de [Localité 4] du fait de la non-atteinte des objectifs de performance énergétique et de 10.000 € en exécution du protocole du 30 mai 2017.

Par acte d'huissier en date du 28 septembre 2020, la société Engie a fait assigner la société Carrier devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes précitées.

Par jugement du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Condamné la société Carrier au paiement à la société Engie Energies Services de la somme de 80.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de la non-conformité du matériel livré et des pénalités subies,

- Condamné la société Carrier au paiement à la société Engie Energies Services de la somme de 10.000 €, en exécution du protocole transactionnel du 31 mai 2017 et de la facture N°201706AMA2247 du 31 juillet 2017,

- Condamné la société Carrier au paiement à la société Engie Energies Services de la somme de 1.000 € pour résistance abusive au titre de l'exécution du protocole,

- Condamné la société Carrier à verser à la société Engie Energies Services la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamne la société Carrier aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 7 janvier 2022, la société Carrier a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 27 février 2023, la société Carrier demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 15 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a condamné la société Carrier :

- à payer à la société Engie Energies Services la somme 80.000 € à titre des dommages et intérêts pour non-conformité du matériel livré et des pénalités subies,

- à payer à la société Engie Energies Services la somme de 10.000 € en exécution du protocole transactionnel du 31 mai 2017,

- à payer à la société Engie Energies Services la somme de 1.000 € pour résistance abusive au titre de l'exécution du protocole,

- à payer à la société Engie Energies Services la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- aux dépens de l'instance

Statuant à nouveau :

A titre principal:

- Juger que la société Engie Energies Services ne rapporte pas les preuves suffisantes à l'appui de ses prétentions ;

- Juger que la société Engie Energies Services n'établit pas la preuve du lien de causalité entre le dysfonctionnement et un éventuel manquement de la société Carrier ;

- Débouter en conséquence la société Engie Energies Services de l'ensemble de ses prétentions;

A titre subsidiaire :

- Réduire à de plus justes proportions les condamnations prononcées à l'encontre de la société Carrier ;

En tout état de cause

- Condamner la société Engie Energies Services à payer à la société Carrier la somme de  8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Engie Energies Services aux dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2022, la société Engie Energies Services demande à la cour de :

- Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement prononcé le 15 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre ;

Y ajoutant :

- Porter à 50.052, 60 € l'indemnité de réparation allouée par le tribunal pour 40.000 € ;

- Porter à 44.594 € l'indemnité au titre des pénalités allouée par le tribunal pour 40.000 € ;

- Condamner la société Carrier à régler à la société Engie 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, outre les entiers dépens d'appel ;

- Débouter la société Carrier de toutes demandes, moyens et conclusions.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 avril 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur l'exécution du protocole d'accord

La société Carrier fait valoir que par courrier recommandé du 30 mai 2017, elle avait demandé à la société Engie de signer le protocole et de le lui retourner ; qu'elle ne l'a jamais reçu, la société Engie s'étant contentée de lui adresser un facture du montant du protocole, alors que les articles 1367 et 1375 du code civil imposent aux parties d'une part d'apposer leur signature sur un acte sous seing privé, et d'autre part, que cet acte soit établi en autant d'originaux qu'il y a de parties. Elle estime donc que l'absence de signature rendait l'accord incertain quant à la volonté des parties et empêchait sa mise en 'uvre. Elle demande en conséquence à la cour d'enjoindre à la société Engie de signer le protocole litigieux et d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1.000 € au titre de sa résistance abusive.

La société Engie répond avoir retourné le protocole signé le 31 mai 2017, sans toutefois que la société Carrier ne règle les 10.000 € de dommages et intérêts, prétexte pris de ce que le dossier risquait de " partir au contentieux ". Elle conclut à la confirmation du jugement et souligne que les dommages et intérêts alloués au titre de la résistance abusive concernent tant l'exécution du protocole que la livraison non-conforme, malgré de nombreuses demandes amiables.

*****

Il ressort du protocole d'accord transactionnel communiqué en pièce n°6 par la société Carrier que cette dernière s'est engagée à verser à la société Engie une indemnité d'un montant de 10.000 € en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait du retard de livraison de la CTA SN1 et que la société Engie s'est engagée à régler le solde de la facture d'un montant de 57.000 € HT.

La société Carrier justifie avoir adressé un courrier à la société Engie le 30 mai 2017 par lequel elle lui a adressé le protocole et lui a demandé de lui en retourner un exemplaire signé, accompagné de son RIB.

La société Engie ne justifie pas avoir satisfait à cette demande. Néanmoins, elle a adressé à la société Carrier une facture datée du 30 juin 2017 d'un montant correspondant aux termes du protocole, soit 10.000 €, mentionnant ses coordonnées bancaires, en visant explicitement le " protocole d'accord transactionnel Affaire : [5] ", manifestant ainsi son acceptation des termes du protocole.

La société Carrier ne conteste pas que le solde de la facture dû par la société Engie, soit 57.000€ HT, a été réglé par cette dernière.

Si la société Carrier justifie le défaut de paiement de l'indemnité de 10.000 € par l'absence de retour d'un exemplaire du protocole signé par la société Engie, il ressort du courriel que la société Carrier a adressé à la société Engie le 6 décembre 2019, en réponse au questionnement de cette dernière sur le défaut de paiement de l'indemnité qu'elle n'a nullement justifié la situation par l'absence de retour d'un exemplaire du protocole signé par ses soins, mais par un risque de contentieux dans ce dossier.

Alors que la société Engie a manifesté son accord quant aux termes du protocole transactionnel par l'envoi de sa facture et qu'elle a elle-même satisfait à l'obligation mise à sa charge, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a condamné la société Carrier à payer à la société Engie la somme de 10.000 € en exécution de l'accord sans qu'il y ait lieu à enjoindre à la société Engie de signer le protocole litigieux.

Sur la demande indemnitaire au titre du dysfonctionnement de la CTA SN1

La société Carrier fait valoir que l'obligation de résultat du vendeur porte sur la livraison du matériel et qu'il appartient à l'acquéreur de prouver que l'absence de conformité est imputable à une faute du vendeur. Elle soutient avoir rempli ses obligations de délivrance et de conformité. Elle relève que le défaut de puissance de la CTA SN1 allégué par la société Engie ne l'a été que deux années après la livraison et l'installation de la machine. Elle estime que les prescriptions initiales du CCTP n'étaient pas adéquates et ne permettaient pas d'obtenir les résultats escomptés, alors qu'il ne lui incombait pas de vérifier les calculs de la société Engie. Elle indique qu'en modifiant la puissant de 50 KW, il appartenait à la société Engie de s'assurer que les installations permettaient d'alimenter la machine correctement, ce d'autant que la société Engie a mis en place un système de régulation Elena Piscine qu'elle a développé pour le traitement d'air des halls de piscine qui influe directement sur les performances de la CTA SN1 qu'elle a fournie et installée. La société Carrier souligne qu'aucun dysfonctionnement de l'appareil n'a été relevé lors de la mise en service en novembre 2016 et qu'il ne lui a été signalé que deux ans plus tard, alors qu'elle n'était pas chargée de son installation, de sa maintenance, des paramètres de régulation, ni du dimensionnement de l'installation globale.

Elle souligne qu'aucune investigation technique ne permet de déterminer l'origine du dysfonctionnement. Elle affirme que la CTA SN1 fournie dispose des performances contractuellement convenues et que les performances globales de l'installation sont bien moindres car le reste de l'installation en absorbe une partie trop importante. Elle relève qu'en affirmant qu'une batterie supplémentaire permettrait de pallier ce défaut de puissance, la société Engie reconnait que la CTA SN1 commandée aurait dû être d'une puissance bien supérieure, ce qu'elle-même ne pouvait déduire des informations techniques qui lui ont été communiquées.

Subsidiairement, la société Carrier demande à la cour de ramener le quantum de l'indemnisation à de plus justes proportions, dès lors que la société Engie ne rapporte pas la preuve du dysfonctionnement invoqué, du changement ou de l'ajout d'une batterie additionnelle et que la société Engie admet que la CTA SN1 ne pose plus de difficulté.

La société Engie répond que le défaut de conformité de la CTA SN1 aux spécifications contractuelles est établi, dès lors que la société Carrier a conçu une CTA de 400 KW en fonctionnement au lieu des 350 KW prévus au CCTP, au regard des exigences de températures d'air et d'eau. Elle explique que le non-respect de la puissance contractuelle de 400 KW a été constaté à plusieurs reprises par l'expertise amiable contradictoire et par les relevés réalisés durant l'hiver 2018/2019. Elle souligne que la société Carrier a reconnu que les 400 KW n'étaient pas atteints dans un courrier du 26 novembre 2019. Elle fait valoir que dans le cadre de l'obligation de résultat de délivrance conforme du vendeur, il n'appartient pas à l'acheteur de prouver un lien de causalité entre les dysfonctionnements et une faute du vendeur, mais au vendeur de s'exonérer en démontrant un lien direct et certain entre ces dysfonctionnements et un fait extérieur et/ou la force majeure, ce que la société Carrier ne fait pas. La société Engie considère que la responsabilité de la société Carrier est donc engagée en sa qualité de vendeur, en raison d'un défaut de délivrance conforme au contrat, en application des articles 1604 et suivants du code civil. La société Engie demande à la cour de porter le quantum de l'indemnité allouée au titre de l'ajout d'une nouvelle batterie à la somme de 50.052,60 € TTC suivant devis du 28 mai 2020.

*****

Sur la non-conformité contractuelle

L'article 1604 du code civil, " la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur ".

Par ailleurs, en application de l'alinéa 1er de l'article 1353 du même code, " celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ".

Il ressort du CCTP communiqué par la société Engie à la société Carrier par mail du 31 mai 2016 que la CTA à installer dans hall du bassin sportif de la piscine devait dégager une puissance de 350 KW.

Or, il ressort des " sélections techniques " proposées par la société Carrier, datées du 3 juin 2016, figurant en pièce n° 4 de l'intimée, que l'entreprise a préconisé une batterie chaude d'une puissance de 400 KW, ce qui a ensuite été validé par la société Engie par mail du 8 juin 2016 (pièce n°5 de l'intimée). Ces pièces établissent que, contrairement à ce que prétend la société Carrier, ce n'est pas la société Engie qui est à l'origine de la modification de la puissance de la CTA prévue au CCTP, cette dernière s'étant limitée à valider une proposition formulée par la société Carrier au vu des exigences du CCTP concernant les températures d'air et d'eau attendus.

Il est ainsi établi que la société Carrier a dimensionné la CTA en cause en considération des exigences techniques du CCTP. Il lui appartenait donc, au titre de son obligation contractuelle de résultat, de s'assurer que la CTA livrée présentait bien la puissance prévue au contrat et que cette puissance qu'elle avait recommandée, au regard de l'ensemble de l'installation dont les éléments techniques figuraient au CCTP qui lui avait été remis, permettait d'atteindre les niveaux de température attendus.

La CTA SN1 a été commandée le 23 juin 2016 et livrée le 14 septembre 2016.

Il ressort du rapport d'intervention de la société Mtair, mandatée par la société Engie, du 26 février 2018 que " la puissance fournie de la batterie [de la CTA SN1 est] d'environ 180 KW pour une puissance théorique de 363 KW ".

La société Carrier a reconnu, dans un courrier du 26 novembre 2019, que la puissance dégagée par la CTA n'était pas conforme à la commande : " ' il est impossible à la batterie de délivrer les 400 KW attendus ".

Si l'appelante soutient que cette difficulté procède des conditions de fonctionnement de l'ensemble de l'installation qui ne permettent pas à la CTA SN1 de délivrer la puissance attendue et souligne qu'aucune investigation technique ne permet de déterminer l'origine du dysfonctionnement, la cour constate que par courrier recommandé du 10 octobre 2019, la société Engie, l'a mise en demeure de faire mandater un expert comme prévu au contrat liant les parties : " Conformément à l'article 22 Garantie du contrat Engie SA effectif lors de la passation de la commande du 23 juin 2016, nous vous mettons en demeure de mandater un expert Carrier dans un délai de 15 jours à compter de la réception du présent courrier recommandé ". La société Carrier n'établit pas avoir mandaté un expert afin d'identification de l'origine de la puissance insuffisante de la CTA SN1. Elle ne saurait donc tirer argument du non-respect des obligations contractuelles qui lui incombaient.

L'affirmation de la société Carrier suivant laquelle la société Enedis a mis en place un système de régulation Elena Piscine qu'elle a développé pour le traitement d'air des halls de piscine qui a influé directement sur les performance de la CTA qu'elle a fournie et installée, n'est corroborée par aucun élément probant. Au surplus, dès lors que le CCTP faisait référence à la mise en oeuvre de ce système de régulation, il appartenait à la société Carrier d'en tenir compte dans le cadre du choix du matériel qu'elle a proposé à la société Engie.

L'absence de réserve à la réception est indifférente, dès lors que la puissance insuffisante de la CTA SN1 n'a pu se révéler qu'au cours de son utilisation, notamment en période hivernale. Si le premier courrier adressé par la société Engie à la société Carrier concernant ce problème date du 16 mars 2018, soit 18 mois après la livraison de l'appareil, à nouveau, l'insuffisance des niveaux de températures atteints n'a pu être constatée qu'après un temps suffisant de chauffe, étant observé qu'il n'est pas contesté que la société Engie a agi dans le délai imparti par l'article 2224 du code civil.

Dès lors que la société Carrier a reconnu que la puissance dégagée par la CTA SN1 n'est pas conforme aux stipulations contractuelles, sans fournir le moindre élément probant confirmant ses dires suivant lesquels la situation est imputable aux conditions de fonctionnement de l'ensemble de l'installation, sa responsabilité contractuelle est engagée sur le fondement de l'article 1604 du code civil.

Sur l'indemnisation du préjudice

La société Engie communique un devis émis par la société Enerclim le 28 mai 2020 évaluant à la somme de 50.052,60 € TTC le coût de l'adjonction d'une batterie chaude.

La société Carrier ne critique pas utilement ce devis, se contentant de contester notamment le dysfonctionnement de la CTA SN1, qu'elle a pourtant reconnu et de reprocher à la société Engie de ne pas avoir fait procéder à l'installation de la batterie additionnelle, alors que cet argument inopérant n'est pas de nature à priver l'intimée de son droit à l'indemnisation de son préjudice. Elle ne formule aucune observation concernant les spécificités techniques de la batterie chaude destinée à compléter la CTA SN1.

En conséquence, la société Carrier sera condamnée à payer à la société Engie la somme de 50.052,60 € TTC.

Sur les pénalités

La société Engie expose que la puissance insuffisante de la CTA SN1 a généré une surconsommation de gaz pour la ville de [Localité 4] entrainant un intéressement négatif de 44.594 € pour les années 2017 à 2019. Elle souligne que le tableau de synthèse des consommations a été établi par ses soins au vu des rapports annuels établis par la ville de [Localité 4] après contrôle et validation de ses assistants à maîtrise d'ouvrage.

La société Carrier répond que le préjudice invoqué par la société Engie repose sur ses propres pièces, cette dernière ne rapportant pas la preuve de la réclamation de la ville de [Localité 4], ni du paiement effectif d'une quelconque somme à cette dernière.

*****

La société Engie produit le contrat de partenariat de performance énergétique conclu avec la ville de [Localité 4] le 13 novembre 2015 portant notamment sur le [5] et fixant, après la réalisation de travaux, un objectif de réduction de 38 % de la consommation de gaz, afin de la ramener à 611 MW.

La société Engie produit ses rapports d'exploitation adressés à la ville de [Localité 4] pour les années 2017 à 2019 dont il ressort les niveaux de consommation de gaz suivants pour le [5] :

2017 : 1.042 MW,

2018 : 2.574,56 MW,

2019 : 3.140 MW.

Ces pièces, dont le caractère probant ne peut être remis en cause, dès lors qu'ils portent le logo et donc la validation de la ville de [Localité 4] et de son assistant à maitrise d'ouvrage (les sociétés Naldeo et Finance Consult) établissent que la consommation de gaz a largement excédé les 611 MW escomptés. Les rapports précités précisent le montant des pénalités encourues par la société Engie du fait de la surconsommation, à concurrence de 31.255,03 € en 2017, 99.305,07 € en 2018 et 114.743,70 € en 2019, étant observé que ces pénalités intègrent celles dues au titre de la surconsommation de gaz constatée au gymnase [6] et que la société Engie limite sa demande indemnitaire à la somme de 44.594 € au titre de la surconsommation due au dysfonctionnement de la CTA SN1.

Toutefois, la société Carrier relève à juste titre que la société Engie ne communique aucun élément probant démontrant que ces pénalités ont été effectivement payées, ni que le montant réclamé correspond strictement à la surconsommation de gaz générée par la CTA SN1, de sorte qu'elle doit être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur la résistance abusive

La résistance abusive ne peut résulter que d'une faute équipollente au dol qui n'est pas caractérisée en l'espèce à l'encontre de la société Carrier, de sorte que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement de la somme de 1.000 € de dommages et intérêts à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Au regard de la solution du litige, le jugement déféré doit être confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, nonobstant l'infirmation du jugement concernant les pénalités, il doit être considéré que la société Carrier succombe à titre principal dans le cadre de la procédure d'appel, dès lors que l'existence d'une non-conformité contractuelle, qui a contraint la société Engie à recourir à justice, a été confirmée.

En conséquence, elle sera condamnée à supporter les dépens d'appel et à payer à la société Engie la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions relatives au montant des dommages et intérêts alloués au titre de la non-conformité contractuelle et des pénalités, ainsi qu'à la résistance abusive,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Carrier à payer à la société Engie Energies Services la somme de 50.052,60 € de dommages et intérêts au titre de la non-conformité contractuelle ;

Déboute la société Engie Energies Services de ses demandes indemnitaires au titre des pénalités et de la résistance abusive ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne la société Carrier aux dépens d'appel ;

Condamne la société Carrier à payer à la société Engie Energies Services la somme de 4.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00124
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.00124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award