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21/06/2023 | FRANCE | N°22/01117

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 21 juin 2023, 22/01117


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

19e chambre

Prud'Hommes







Minute n°



N° RG 22/01117 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDU2

AFFAIRE : S.A.S.U. COGEPART INTERNATIONALE C/ [J],



ORDONNANCE D'INCIDENT



prononcée le VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

par Madame Isabelle MONTAGNE, conseiller de la mise en état de la 19e chambre, avons rendu l'ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience, le vingt trois mai deux mille vingt trois,

assisté de Madame Dévi P

OUNIANDY, Greffier,



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DANS L'AFFAIRE ENTRE :



S.A.S.U. CO...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

19e chambre

Prud'Hommes

Minute n°

N° RG 22/01117 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VDU2

AFFAIRE : S.A.S.U. COGEPART INTERNATIONALE C/ [J],

ORDONNANCE D'INCIDENT

prononcée le VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

par Madame Isabelle MONTAGNE, conseiller de la mise en état de la 19e chambre, avons rendu l'ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience, le vingt trois mai deux mille vingt trois,

assisté de Madame Dévi POUNIANDY, Greffier,

********************************************************************************************

DANS L'AFFAIRE ENTRE :

S.A.S.U. COGEPART INTERNATIONALE

[Adresse 1]

[Localité 2]

Assistée de Me Sébastien PONCET de la SELAFA CHASSANY WATRELOT ET ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 657, substitué par Me Camille ROCHE, avocat au barreau de LYON

APPELANTE

C/

Monsieur [N] [J]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Me Nicolas BORDACAHAR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1833, substitué par Me Manon DE TASTES avocat au barreau de PARIS

INTIME

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Expéditions exécutoires délivrées aux avocats le ---------------

[N] [J] a été engagé par la société Cogepart Internationale suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 24 août 2015 en qualité d'agent de transport 4R, statut ouvrier, groupe 3, coefficient 118M, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

A compter du 11 mars 2017, [N] [J] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail, régulièrement renouvelé.

L'employeur a adressé au salarié une lettre datée du 30 novembre 2018 lui notifiant son licenciement pour faute grave.

Contactant l'employeur au début du mois de juin 2020 aux fins de reprise de son poste à l'issue de ses arrêts de travail, le salarié a indiqué avoir alors appris son licenciement qui n'aurait jamais été porté à sa connaissance.

Le 30 juin 2020, [N] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Cogepart Internationale au paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail. La procédure a été transmise au conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt désigné par le premier président de la cour d'appel de Versailles pour connaître de l'affaire.

Par jugement mis à disposition le 9 mars 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement nul,

- condamné la société Cogepart Internationale à verser à [N] [J] :

* 20 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 1 205,22 nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 822 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 282,20 bruts à titre de congés payés afférents au préavis,

* 300,21 euros bruts à titre de rappel salaire pour le prélèvement,

* 30,02 euros bruts à titre de congés payés afférents au salaire pour le prélèvement,

*1 000 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcé l'exécution provisoire du présent jugement,

- ordonné le remboursement par la société Cogepart Internationale aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à [N] [J] du jour de son licenciement au jour du jugement, à concurrence de six mois, dans les conditions prévues à l'article L. 1235-4 du code du travail et dit que le greffe, en application de l'article R. 1235-2 du code du travail, adressera à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel,

- mis la totalité des dépens à la charge de la partie défenderesse ainsi que les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée par voie extrajudiciaire.

Le 5 avril 2022, la société Cogepart Internationale a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions d'incident remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 5 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Cogepart Internationale demande au conseiller de la mise en état de :

- se déclarer compétent pour juger du présent litige,

- sur la fin de non-recevoir,

. à titre principal, infirmer le jugement en ce qu'il dit que la demande n'est pas prescrite, statuant à nouveau, juger que la notification du licenciement est intervenue le 30 novembre 2018, date d'envoi de la lettre de licenciement à la dernière adresse du salarié connue par l'employeur, et donc que la demande au titre de la rupture du contrat de travail est prescrite, déclarer que l'ensemble des demandes au titre de la rupture du contrat de travail sont irrecevables, débouter [N] [J] de l'intégralité de ses demandes faites à ce titre,

. à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il dit que la demande n'est pas prescrite, statuant à nouveau, juger que le salarié ne justifie pas de la date à laquelle il a réellement eu connaissance de son licenciement, déclarer que la demande au titre de la rupture du contrat de travail est prescrite et donc irrecevable, en l'absence de preuve démontrant le contraire, débouter [N] [J] de l'intégralité de ses demandes faites à ce titre,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, condamner [N] [J] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions en réponse sur incident remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 octobre 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [N] [J] demande au conseiller de la mise en état de confirmer le jugement en ce qu'il dit que la demande n'est pas prescrite, statuant à nouveau, débouter la société Cogepart Internationale de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.

L'incident a été examiné à l'audience du 24 mai 2023.

MOTIVATION

Sur la compétencedu juge de la mise en état pour connaître de la fin de non-recevoir formée par la société Cogepart Internationale

En application des dispositions des articles 789 et 907 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état est compétent jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Le conseiller de la mise en état est donc compétent en l'espèce pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action formée par la société Cogepart Internationale.

Sur la prescription de la demande

La société fait valoir que la demande en contestation du licenciement est prescrite au motif que celle-ci a été introduite le 30 juin 2020, soit après le délai de prescription d'un an après la rupture du contrat de travail prévu par l'article L .1471-1 du code du travail, alors que la notification du licenciement est intervenue le 30 novembre 2018, le point de départ du délai étant la date d'envoi de la lettre ; que le salarié n'est pas fondé à opposer qu'il n'a pas eu connaissance du licenciement alors qu'il ne lui a jamais communiqué sa nouvelle adresse ; qu'elle n'était pas tenue d'effectuer de vérification d'adresse au regard des courriers qu'il lui avait adressés.

Le salarié fait valoir que son action n'est pas prescrite dans la mesure où il n'a jamais eu connaissance du licenciement qu'il a appris incidemment en contactant la société en juin 2020 pour organiser sa reprise du travail ; que la société était informée de son changement d'adresse intervenu le 5 septembre 2016 mais lui a adressé la lettre de licenciement et les documents de fin de contrat à son ancienne adresse et qu'il n'a jamais eu connaissance de ces éléments ; qu'elle aurait dû à tout le moins vérifier son adresse eu égard aux courriers qu'il lui avait adressés durant son arrêt de travail mentionnant sa nouvelle adresse et d'une ordonnance de référé du 1er juin 2018 mentionnant sa nouvelle adresse.

L'article L. 1471-1 du code du travail dispose que :

'Toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5".

En l'espèce, l'employeur a adressé au salarié une lettre de mise en demeure datée du 7 novembre 2018, une lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 16 novembre 2018 et une lettre de notification de son licenciement pour faute grave datée du 30 novembre 2018 à l'adresse suivante : '[Adresse 4] [Localité 7]' alors que le salarié se trouvait en arrêt de travail pour cause d'accident du travail, reconnu par l'assurance maladie au titre de la législation sur les accidents du travail, sans discontinuer depuis le 11 mars 2017, ses arrêts de travail ayant été régulièrement prolongés.

Il convient de relever d'une part que le salarié qui avait changé d'adresse pendant son arrêt de travail, la nouvelle adresse étant depuis le 5 septembre 2016 : '[Adresse 3] [Localité 8]' ainsi qu'il résulte du contrat de location qu'il produit en pièce 9, a adressé trois courriers à son employeur pendant ses arrêts de travail, datés des 3 mai 2017, 8 août 2017 et 27 octobre 2017 réceptionnés par celui-ci, mentionnant sa nouvelle adresse et que cette nouvelle adresse figure par ailleurs sur une ordonnance de référé rendue par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 1er juin 2018 dans le cadre d'un litige l'opposant à l'employeur relatif au rappel d'un complément de salaire, et d'autre part que les avis de réception des trois courriers recommandés datés des 7, 16 et 30 novembre 2018 sus-mentionnés ont été retournés à l'employeur avec la mention suivante : 'destinataire inconnu à l'adresse', sans que l'employeur ne procède à une vérification de l'adresse du salarié, absent de l'entreprise depuis plus de dix-huit mois alors qu'il avait en sa possession la nouvelle adresse du salarié.

Indépendamment du débat relatif à la communication officielle par le salarié de sa nouvelle adresse à l'employeur, il est certain que l'employeur n'a à aucun moment tenté d'entrer en relation avec le salarié par un quelconque moyen alors que les accusés de réception des trois courriers litigieux mentionnaient un destinataire inconnu à l'adresse et qu'il avait donc connaissance que le salarié ne pouvait avoir été informé de son licenciement et ce, alors qu'il avait en sa possession la nouvelle adresse du salarié, ce qui caractérise une absence de bonne foi dans l'exécution de ses obligations par l'employeur. Celui-ci n'est donc pas fondé à opposer au salarié le délai de prescription d'un an de l'action en contestation du licenciement.

Il convient de rejeter la fin de non-recevoir formée par la société au titre de la prescription.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société sera condamnée aux dépens de l'incident ainsi qu'à payer au salarié la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état, statuant par décision contradictoire,

SE DECLARE compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir formée par la société Cogepart Internationale,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande,

CONDAMNE la société Cogepart Internationale aux dépens de l'incident,

CONDAMNE la société Cogepart Internationale à payer à [N] [J] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

RENVOIE la procédure à la mise en état pour fixation de la date de clôture et de l'audience de plaidoirie devant la cour,

Le greffier, Le conseiller de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/01117
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;22.01117 ?
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