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21/06/2023 | FRANCE | N°22/00795

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 21 juin 2023, 22/00795


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2023



N° RG 22/00795



N° Portalis DBV3-V-B7G-VB2R



AFFAIRE :



[O] [X]





C/

S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : E

N° RG : F21/00041




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Emilie GATTONE



Me Antoine GROU







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 22/00795

N° Portalis DBV3-V-B7G-VB2R

AFFAIRE :

[O] [X]

C/

S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 04 Mars 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : E

N° RG : F21/00041

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emilie GATTONE

Me Antoine GROU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [O] [X]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Emilie GATTONE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693

APPELANTE

****************

S.A.S. SMURFIT KAPPA FRANCE

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentant : Me Antoine GROU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1083

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[O] [X] a été engagée par la société Kappa Central Pac, désormais Smurfit Kappa France, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 13 juin 2002, avec une ancienneté fixée au 13 mai 2002, en qualité de correspondante commerciale, statut agent de maîtrise, le lieu de travail étant fixé à l'établissement d'[Localité 4].

Par avenant au contrat de travail, celle-ci a occupé les fonctions de : 'key user Gico domaine commercial', statut cadre, niveau A, échelon 1, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la transformation des papiers, cartons et de la pellicule cellulosique, à compter du 1er avril 2016, le lieu de travail étant fixé au siège de [Localité 6] (94).

Par lettre datée du 23 juillet 2020, l'employeur a notifié un avertissement à la salariée.

Par lettre datée du 1er octobre 2020, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 octobre suivant, puis par lettre datée du 19 octobre 2020, lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse avec dispense d'exécution du préavis de trois mois qui lui a été rémunéré.

Le 19 février 2021, [O] [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres afin de faire juger que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Smurfit Kappa France à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 4 mars 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont débouté [O] [X] de l'ensemble de ses demandes, ont condamné celle-ci à verser à la société Smurfit Kappa France la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ont débouté la société Smurfit Kappa France du surplus de ses demandes et ont condamné [O] [X] aux entiers dépens.

Le 10 mars 2022, [O] [X] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 18 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [O] [X] demande à la cour d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement, et statuant à nouveau, de condamner la société Smurfit Kappa France à lui payer les sommes suivantes :

* 70 000 euros net de Csg et de Crds à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en tous les dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 20 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Smurfit Kappa France demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre d'une amende civile et de dommages et intérêts pour procédure abusive, de condamner [O] [X] au paiement d'une amende civile qui sera fixée par la cour et de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, de confirmer le jugement pour le surplus des dispositions et de condamner [O] [X] à hauteur d'appel à 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié à [O] [X] est ainsi rédigée :

'(...) Ainsi, depuis les échanges avec votre manager, Madame [U] [G] en décembre 2019 et comme convenu lors de votre entretien individuel du 15 janvier 2020, il vous était demandé de venir travailler au siège situé à [Localité 6] 2 jours par semaine dès la mi-janvier 2020.

Toutefois vous n'avez pas mis en application l'organisation de travail définie ni avant ni après la période de confinement et ce malgré les relances de votre manager.

Ne voyant pas votre comportement changer dans les semaines suivant la fin du confinement, un avertissement vous a été adressé le 23 juillet 2020 vous reprochant notamment ces faits d'insubordination à l'égard de votre manager.

A votre retour de congés, le 31 août 2020, et compte tenu de la crise sanitaire en cours, nous vous avons accordé une semaine de télétravail dans l'attente de la communication des mesures sanitaires mises en place au siège suite au protocole sanitaire en entreprise du 1er septembre 2020.

A compter du 7 septembre 2020, une fois les mesures définies et communiquées à l'ensemble du personnel, il vous était demandé de venir 2 jours par semaine comme prévu initialement et ce conformément aux règles applicables pour l'établissement du siège.

Le 8 septembre 2020, vous me sollicitez pour me faire part de votre souhait de poursuivre votre activité en télétravail à temps plein. Pendant cet échange, je vous précisais les raisons pour lesquelles nous ne pouvions accéder à votre demande. En effet, l'organisation du travail est définie pour l'ensemble des salariés et la demande de votre manager est légitime.

Pour autant à la suite de cet échange, vous maintenez vos demandes de télétravail chaque vendredi pour la semaine suivante.

Vos demandes sont refusées car ne respectent pas les directives de votre manager qui vous demandera d'ailleurs, chaque semaine, d'ajuster votre demande conformément aux directives sur l'organisation du travail, soit une présence au siège de 2 jours par semaine.

Vous n'avez à aucun moment pris en considération ces demandes ni répondu aux emails adressés par Madame [U] [G]. Votre attitude caractérise un refus délibéré de vous conformer à la demande de votre responsable, traduisant ainsi un comportement d'insubordination.

Cette attitude désinvolte, répétée et systématique, est inacceptable et constitue une violation de vos obligations contractuelles de travail rendant impossible le maintien de la relation de travail (...)'.

La salariée conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en faisant valoir que l'employeur a voulu lui imposer une modification du contrat de travail en lui demandant de venir travailler en présentiel deux jours par semaine sans que cette modification du contrat de travail soit fondée sur un motif légitime ; qu'elle se trouvait en télétravail de manière régulière et permanente depuis 2016 et que l'employeur sans aucune motivation sur les nécessités de service a unilatéralement mis fin à cette organisation ; que l'employeur n'a pas respecté les dispositions de l'accord d'entreprise signé en 2017 sur la qualité de vie au travail.

La société réplique que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse au motif de l'insubordination de la salariée ; que celle-ci ne peut se prévaloir d'un droit à exercer son activité en télétravail en l'absence de toute contractualisation et de tout usage ; que son lieu de travail était contractuellement fixé au siège social de la société et que celle-ci a refusé de manière réitérée de se conformer aux directives de sa hiérarchie de venir travailler deux jours par semaine au siège, étant relevé que ses deux collègues se sont conformés à ces directives et que le refus de l'employeur de pratiquer un télétravail à temps plein ne constituait qu'un changement des conditions de travail.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En l'espèce, l'avenant au contrat de travail de la salariée fixe le lieu de travail au siège social de l'entreprise à [Localité 6] et les pièces contractuelles ne contiennent aucune disposition relative à l'exercice des fonctions en télétravail, de sorte que la salariée n'est pas fondée à invoquer une modification du contrat de travail consistant à lui demander de venir travailler au siège à [Localité 6] deux jours par semaine, étant relevé que la salariée n'invoque plus à hauteur d'appel l'existence d'un usage d'entreprise en ce qui concerne le télétravail à temps complet à domicile.

Par lettre datée du 23 juillet 2020, l'employeur a notifié à la salariée un avertissement au motif d'actes d'insubordination consistant d'une part à refuser d'exécuter une tâche lui incombant demandée par sa manager le 8 juillet 2020 et d'autre part, à continuer de sa propre initiative le télétravail à temps plein sans tenir compte des directives de sa supérieure hiérarchique d'être présente dans les locaux du siège à [Localité 6] deux jours par semaine a minima afin de favoriser notamment le travail en équipe, et des règles définies pour l'ensemble des salariés du siège à compter du 22 juin 2020.

Par courriel du mercredi 2 septembre 2020, la salariée a indiqué souhaiter poursuivre son activité en télétravail en invoquant la situation sanitaire sur [Localité 5] classée en zone rouge, alors qu'elle habite en Eure et Loir, zone qui n'est pas classifiée en zone rouge, et l'obligation de prendre des transports en commun générant une exposition au risque importante. Par courriel en réponse du même jour, sa supérieure hiérarchique, [U] [G] l'a autorisée à titre exceptionnel à faire du télétravail 'jeudi et vendredi de cette semaine' dans l'attente de la note précisant le protocole sanitaire qui serait mis en place à [Localité 6], cette note étant intervenue le 7 septembre 2020.

Par courriel du 18 septembre 2020, [U] [G] a rappelé à la salariée la règle valable pour les salariés du siège à savoir deux jours de télétravail par semaine, le fait que celle-ci bénéficie d'un jour de télétravail supplémentaire qui n'est pas accordé aux autres salariés qui viennent travailler à [Localité 6], ce qui porte le nombre de jours de télétravail par semaine la concernant à trois jours maximum et lui a demandé de revoir en conséquence sa demande de télétravail dans le logiciel.

Il ressort de la pièce 18 produite par la société qu'alors que les demandes de la salariée de télétravail à temps complet sans déplacement dans les locaux de l'entreprise ont toutes été refusées par l'employeur, la salariée ne s'est pas présentée sur son lieu de travail entre le 7 et le 30 septembre 2020.

Il ne ressort d'aucun élément produit aux débats l'existence d'un risque en particulier pour la sécurité de la salariée du fait de sa venue deux jours par semaine dans les locaux de la société à [Localité 6] pour y travailler, aucune pièce de nature médicale relative à l'état de santé de la salariée n'étant notamment produite.

La salariée a ainsi contrevenu de manière délibérée et réitérée aux directives de l'employeur sans motif légitime.

Le fait que l'employeur a pu tolérer par le passé l'exercice par la salariée de son activité dans le cadre d'un télétravail à temps complet à domicile ne l'empêchait pas de modifier les conditions d'exercice du travail de la salariée en lui demandant de venir travailler deux jours par semaine dans les locaux de la société, lieu d'exercice du travail contractuellement fixé, comme demandé à l'ensemble des salariés.

Le non-respect par l'employeur de dispositions de l'accord d'entreprise relatif à l'amélioration de la qualité de vie au travail est invoqué de manière inopérante par la salariée en l'absence de toute disposition contraignante liant l'employeur en matière de télétravail.

Le licenciement est par conséquent justifié par une cause réelle et sérieuse.

La salariée sera déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la procédure abusive

Aucun élément produit devant la cour ne permet de démontrer l'exercice abusif par la salariée de son droit d'ester en justice. La société sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de l'amende civile

Les conditions d'application de l'article 32-1 du code de procédure civile prévoyant la possibilité de condamner celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive à une amende civile, ne sont pas réunies. Il n'y a pas lieu à faire application de ces dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La salariée qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la société la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toute ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile,

CONDAMNE [O] [X] aux dépens d'appel,

CONDAMNE [O] [X] à payer à la société Smurfit Kappa France la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00795
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;22.00795 ?
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