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21/06/2023 | FRANCE | N°22/00576

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 21 juin 2023, 22/00576


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2023



N° RG 22/00576



N° Portalis DBV3-V-B7G-VAYI



AFFAIRE :



S.A.S. ADARE PHARMACEUTICALS





C/

[O] [C]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : I

N° RG : 20

/00102



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Hugo DICKHARDT



la SELAS JDS AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 22/00576

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAYI

AFFAIRE :

S.A.S. ADARE PHARMACEUTICALS

C/

[O] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : I

N° RG : 20/00102

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hugo DICKHARDT

la SELAS JDS AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. ADARE PHARMACEUTICALS

[Adresse 4]

[Localité 3]

Assistée de Me Hugo DICKHARDT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [O] [C]

[Adresse 1]

[Localité 2] / FRANCE

Assisté de Me Emmanuel GAYAT de la SELAS JDS AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0028 - N° du dossier JDS05197, subsituté par Maître Camille CAILLIEREZ, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[O] [C] a été engagé suivant un contrat de travail à compter du 10 septembre 1990 par le Laboratoire du Lacteol du docteur [V] en qualité d'ouvrier qualifié, coefficient 180, en référence aux dispositions de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique.

Le 1er juillet 2015, son contrat de travail a été repris par la société Adare Pharmaceuticals.

Par lettre datée du 24 juillet 2019, l'employeur lui a notifié une proposition de rétrogradation disciplinaire que le salarié a acceptée le 26 août 2019 et par avenant au contrat de travail, le salarié a occupé le poste d'agent de fabrication, groupe 3, niveau B, à compter du 1er septembre 2019.

Par lettre datée du 22 janvier 2020, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 31 janvier suivant, puis par lettre datée du 4 février 2020, lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, en le dispensant d'exécution du préavis de deux mois qui lui a été rémunéré.

Le 23 juillet 2020, [O] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Mantes La Jolie afin de faire juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir la condamnation de la société Adare Pharmaceuticals à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement mis à disposition le 27 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ont condamné la société Adare Pharmaceuticals à verser à [O] [C] la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la mise à disposition du présent jugement, ont ordonné la capitalisation des intérêts, ont dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire sur le fondement des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile et de l'article R. 1454-28 du code du travail, ont condamné la société Adare Pharmaceuticals à verser à [O] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ont débouté ladite société en sa demande reconventionnelle et ont condamné celle-ci aux dépens.

Le 23 février 2022, la société Adare Pharmaceuticals a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 11 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Adare Pharmaceuticals demande à la cour de :

- à titre principal, infirmer le jugement et statuant à nouveau, débouter [O] [C] de ses demandes,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau, ramener le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à trois mois de salaire, soit 11 272,74 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouter [O] [C] de sa demande formulée de ce chef et le condamner à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter [O] [C] de sa demande d'exécution provisoire et le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 24 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, [O] [C] demande à la cour de débouter la société appelante de l'intégralité de ses demandes et de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la société Adare Pharmaceuticals à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 1 500 euros au titre de l'indemnité due au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'infirmer sur le surplus, condamner la société Adare Pharmaceuticals à lui payer la somme de 74 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, juger que l'ensemble des condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de la société Adare Pharmaceuticals en bureau de conciliation et d'orientation, à titre de réparation complémentaire, ordonner la capitalisation des intérêts à compter de cette même date et condamner la société Adare Pharmaceuticals à lui verser 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens d'appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIVATION

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié à [O] [C] est rédigée en ces termes :

'(...) Le 15 janvier 2019 (rectifié en 2020 suite à erreur matérielle), vous réalisiez une préparation de milieux de culture pour le lot 20MCY007.

Une des étapes telle que définie dans le processus de fabrication consiste à procéder à une agitation d'une durée de 5 minutes.

Vous n'avez pas procédé à cette agitation alors que vous indiquez dans le dossier de suivi de fabrication que celle-ci s'est déroulée de manière conforme à nos processus.

Les bonnes pratiques de fabrication ("BPF"), ainsi que le Data integrity vous imposent par ailleurs de noter en temps réel l'ensemble des tâches que vous effectuez, et durant notre entretien vous nous avez confirmé avoir respecté cette obligation.

A ce titre, l'opération n° 9 du dossier de fabrication de préparation du milieu de culture vous imposait de noter en temps réel si vous aviez fait cette agitation et si celle-ci était conforme ou non.

Le processus d'agitation est un moment critique dans une phase de préparation. A ce titre, le processus met en place 3 vérifications possibles :

- L'écran de l'automate qui gère le processus indique un compte à rebours à partir du moment où l'agitation est lancée, et vous pouvez donc pendant les 5 minutes de ce processus voir si celle-ci est bien lancée. Vous avez reconnu pendant notre entretien ne pas avoir été devant l'écran pendant ces 5 minutes.

- A l'issue de cette agitation, vous avez la possibilité de faire apparaître une courbe à l'écran qui décrit avec une forme précise si l'agitation a été faite correctement. Durant notre entretien, vous avez reconnu avoir vu cette courbe, mais vous nous avez indiqué ne pas avoir vérifié celle correspondant au lot en cours.

- A l'issue du processus fait par l'automate, un rapport complet est imprimé. Celui-ci reprend l'ensemble des étapes fait par l'automate. Le rapport que vous avez daté et signé montre qu'aucune seconde agitation n'a eu lieu, si cela avait été le cas, un temps de début et fin ainsi que le nom de l'opérateur apparaîtrait.

Vous n'avez utilisé aucune de ces 3 vérifications pour vous rendre compte que votre agitation n'avait pas été faite, et lorsque Mme [F] [J] (responsable production) vous a demandé si vous aviez fait cette agitation, vous lui avez répondu "si je l'ai noté, c'est que je l'ai faite".

Vous avez reconnu lors de notre entretien ces fautes commises lors du processus de fabrication.

De plus, vous aviez déjà été sanctionné disciplinairement (rétrogradation) par notre société le 24 juillet 2019 pour des faits similaires, à savoir le non-respect des BPF dans le cadre d'une préparation de cuve SML.

Nous ne pouvons aujourd'hui que déplorer que malgré cette précédente sanction disciplinaire, vous n'ayez pas modifié votre comportement et continuez à ne pas appliquer systématiquement les BPF.

Il vous est donc reproché de ne pas avoir respecté les BPF durant l'ensemble du processus. Le suivi des BPF est garantie d'excellence de l'exécution de nos processus. Ce suivi extrêmement rigoureux est, pour une industrie pharmaceutique, le niveau minimal de garantie que nous nous devons d'apporter à nos patients.

Le garantie en matière de respect du système qualité et donc du respect des BPF par nos autorités de santé est un prérequis au renouvellement de notre autorisation de mise sur le marché de notre médicament.

Les non-respects répétés des BPF est (sic) assimilé par nos autorités de santé à une défaillance de notre système qualité et pourrait l'amener à réviser sa position quant à l'autorisation de mise sur le marché de notre médicament.

En raison de ces manquements nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse (...)'.

La société fait valoir que la faute du salarié est établie ; qu'il a reconnu lui-même avoir mentionné par écrit avoir réalisé une agitation de cinq minutes alors qu'il ne l'avait pas faite ; qu'il avait déjà été sanctionné disciplinairement pour des faits similaires ; qu'il a été formé à plusieurs reprises et suffisamment à ses fonctions ; que le licenciement est par conséquent fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le salarié doit être débouté de toutes ses demandes.

Le salarié conclut à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en faisant valoir que son omission de réaliser l'opération qui lui est reprochée n'est ni intentionnelle, ni fautive ; qu'il a été insuffisamment formé à sa prise de poste intervenue moins de quatre mois plus tôt ; que le jour des faits, ses conditions de travail n'étaient pas sereines en raison d'un dysfonctionnement lui ayant fait prendre du retard ; qu'il a immédiatement reconnu son omission qui n'était pas délibérée ; que la sanction est disproportionnée.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que le salarié a indiqué sur le dossier de fabrication - milieu de culture avoir réalisé une agitation pendant cinq minutes à l'étape 9 du processus de fabrication relatif au lot 20MCY007 le 15 janvier 2020 alors que cette agitation n'a pas été faite, ce qu'il a d'ailleurs reconnu lors de son entretien préalable au licenciement. La matérialité des faits est ainsi établie.

Il ressort du compte-rendu de l'entretien préalable produit par le salarié, non contesté par la société, que le salarié a reconnu cette 'erreur', a indiqué que depuis sa sanction disciplinaire, il se trouvait 'sous pression permanente', 'restant sur son temps de pause à son poste de travail de peur de faire une erreur', que le jour des faits, des problèmes techniques sur les machines étaient apparus dès le début de la journée mettant l'ensemble du service en retard et sous pression, qu'il a vérifié la courbe mais que ce n'était pas la bonne, qu'il a signé le rapport de production en ne spécifiant aucun écart 'car il était peruadé d'avoir fait cette agitation', qu'il n'a eu que 15 jours de formation en binôme avant d'être lancé seul au poste et qu'il estime que le rythme imposé de production perturbe tout le service en cas de problème technique.

Malgré la sanction disciplinaire précédente invoquée par la société, la cour prend en considération l'ancienneté très importante du salarié de 29 années, les circonstances particulières dans le déroulement des faits, non contestées par l'employeur, dont il ressort une pression ressentie par le salarié dans l'exécution de ses tâches le jour des faits, le fait que le salarié n'avait pas entièrement terminé le processus de formation auquel la société l'avait soumis dans le cadre des fonctions occupées depuis le 1er septembre 2019, puisque le 10 janvier 2020, soit cinq jours avant les faits, il ne disposait que d'une habilitation partielle (pièce 10 société) et que son habilitation complète aux fonctions ne lui a été délivrée que postérieurement aux faits, le 30 janvier 2020 (pièce 9 société) et retient que dans ces conditions, le licenciement notifié le 4 février 2020 présente un caractère disproportionné par rapport aux faits reprochés au salarié.

Le licenciement ne présente pas de cause réelle et sérieuse.

Le salarié a par conséquent droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L. 1235-3 du code du travail dont le montant, eu égard à son ancienneté de dix-neuf années complètes, est compris entre trois mois et vingt mois de salaire brut.

Eu égard à l'âge du salarié au moment du licenciement (55 ans pour être né le 13 août 1964), à son ancienneté, au salaire moyen brut mensuel de 3 737,58 euros, à sa situation professionnelle postérieurement au licenciement (missions en intérim à partir de mars 2020, puis contrat de travail à durée indéterminée conclu le 6 juillet 2020), il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la charge de la société à la somme de 23 000 euros comme retenu par les premiers juges.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel et à payer au salarié la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Adare Pharmaceuticals aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Adare Pharmaceuticals à payer à [O] [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00576
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;22.00576 ?
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