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21/06/2023 | FRANCE | N°22/00575

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 21 juin 2023, 22/00575


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2023



N° RG 22/00575



N° Portalis DBV3-V-B7G-VAYG



AFFAIRE :



[W] [L]





C/

S.A. SOLOCAL anciennement dénommée PAGES JAUNES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE

BILLANCOURT

N

° Section : E

N° RG : F 19/00025



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Hervé TOURNIQUET



la AARPI C3C







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

L...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 22/00575

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAYG

AFFAIRE :

[W] [L]

C/

S.A. SOLOCAL anciennement dénommée PAGES JAUNES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : F 19/00025

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Hervé TOURNIQUET

la AARPI C3C

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [L]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Hervé TOURNIQUET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1883

APPELANT

****************

S.A. SOLOCAL anciennement dénommée PAGES JAUNES

[Adresse 1]

[Localité 4]/FRANCE

Représentant : Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P138

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [L] a été engagé par la société Pages Jaunes suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 15 novembre 2010 en qualité de VRP.

La relation de travail était régie par la convention collective nationale de travail des cadres, techniciens et employés de la publicité française.

En dernier lieu, il exerçait les fonctions de conseiller communication 'Digital Key Account', échelon 3, niveau 3, avec le statut de cadre. Le contrat de travail prévoyait un forfait de 210 jours travaillés par an.

Le 17 juillet 2017, la société Pages Jaunes a notifié un blâme au salarié.

Par lettre du 15 octobre 2018, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé le 25 octobre 2018.

Par lettre du 7 novembre 2018, l'employeur a licencié le salarié pour faute.

Contestant son licenciement, le 7 janvier 2019 M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la condamnation de la société Pages Jaunes, aux droits de laquelle est venue la société Solocal, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 13 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- déclaré irrecevable la demande de la société Solocal au titre de la prescription de l'action de M. [L] au titre de l'exécution du contrat de travail,

- débouté M. [L] de sa demande de nullité du contrat de travail et du rétablissement de l'ancien contrat de travail,

- dit que le licenciement pour faute de M. [L] est justifié,

- débouté M. [L] de toutes ses demandes,

- condamné M. [L] à verser à la société Solocal la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux dépens.

Le 23 février 2022, M. [L] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 mai 2023, M. [L] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau de :

- juger nul et, à tout le moins, inopposable le contrat de conseiller communication digitale key account,

- ordonner le rétablissement de son précédent contrat de conseiller commercial pour la période allant du 14 avril 2014 au jour de son licenciement,

- juger nulle la clause de convention de forfait inscrite à son contrat de travail,

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

* 18 433 euros à titre de rappel de salaire sur la période d'avril 2014 jusqu'au licenciement,

* 1 843,30 euros à titre de congés payés y afférents,

* 30 000 euros net à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution loyale du contrat de travail, application d'un contrat et d'une convention de forfait nuls,

- annuler le blâme du 17 juillet 2017,

- fixer son salaire mensuel brut au montant de 5 965 euros,

- juger son licenciement dépourvu de motif réel et sérieux,

- condamner la société Solocal à lui verser les sommes suivantes :

* 1 023 euros à titre de complément d'indemnité de préavis,

* 102,30 euros à titre de congés payés y afférents,

* 819 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement,

- juger que l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail porterait une atteinte disproportionnée à ses droits en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché par cet article,

- écarter l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- en tout état de cause, condamner la société Solocal à lui verser la somme de 84 360 euros net à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi rectifiés conformément au jugement à intervenir ainsi qu'une attestation de salaire intégrant les astreintes destinée à la caisse primaire d'assurance maladie,

- juger que les condamnations seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation,

- condamner la société intimée à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter la société intimée de ses demandes reconventionnelles.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 5 mai 2023, la société Solocal demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des prétentions formées par M. [L] au titre de la nullité de l'avenant à son contrat de travail du 7 janvier 2014 et annulé le blâme prononcé le 17 juillet 2017,

- le confirmer en toutes ses autres dispositions, en conséquence :

- dire prescrites les prétentions formées par M. [L] au titre de la nullité de l'avenant à son contrat de travail du 7 janvier 2014,

- subsidiairement, les dire mal fondées en droit comme en fait,

- en tout état de cause, débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes et le condamner au paiement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 9 mai 2023.

MOTIVATION

Sur la demande d'annulation du contrat de conseiller communication "Digital Key Account"

L'employeur soulève la prescription de l'action en nullité de l'avenant, cette action étant englobée dans l'ensemble des prétentions ayant trait à l'exécution du contrat. Subsidiairement, il indique que la demande n'est pas fondée, le contrat en question étant celui proposé dans le cadre d'une promotion à laquelle le salarié s'était porté candidat et n'étant pas celui proposé dans le cadre de la réorganisation des services commerciaux.

Le salarié fait valoir que l'action en nullité d'un contrat se prescrit par cinq ans et qu'aucun texte particulier relatif à l'action en nullité du contrat de travail ne vient déroger à ce texte du code civil, que l'action n'est donc pas prescrite. Il soutient que le contrat de travail qui lui a été proposé était lié au plan de sauvegarde de l'emploi et a été signé sous la menace d'un licenciement économique. Il note que suite à un arrêt du conseil d'état, le licenciement devenait rétroactivement impossible et constituait une contrainte illégitime, qu'il a donc subi une violence et est fondé à revendiquer la nullité de l'avenant.

Sur la prescription

L'action tendant au prononcé de la nullité du contrat de travail est soumise au délai de cinq ans de l'article 2224 du code civil.

En l'espèce, le contrat de travail contesté est daté du 14 avril 2014. L'action qui a été engagée le 7 janvier 2019 devant le conseil de prud'hommes a bien interrompu la prescription dans le délai légal de cinq ans applicable en matière de prononcé de la nullité du contrat de travail. Le moyen tiré de la prescription soulevé par la société Solocal doit donc être rejeté.

Sur le fond

En l'espèce, le salarié se prévaut d'une proposition de poste de conseiller commercial digital spécialiste qui lui a été soumise le 7 janvier 2014 et dont le refus impliquait la mise en place de mesures de reclassement internes, puis le cas échéant, d'un licenciement économique.

Cependant, le nouveau contrat signé par les parties le 14 avril 2014 est distinct de celui proposé le 7 janvier 2014 et qui n'a pas été mis en oeuvre.

Il ressort de l'attestation de M. [D] du 4 janvier 2019, ancien supérieur hiérarchique du salarié, versée aux débats par le salarié qu'il s'agit d'une promotion pour laquelle M. [D] avait proposé la candidature du salarié. Ce dernier ne démontre ainsi pas la violence invoquée à l'appui du vice du consentement qu'il prétend avoir subi.

Par conséquent, aucun vice du consentement n'est établi par le salarié et la demande en nullité du contrat doit être rejetée, le salarié ayant valablement consenti à ce nouveau contrat. La demande subséquente en rappel de salaires et congés payés afférents doit également être rejetée.

Le salarié étant partie à ce contrat, celui-ci ne peut lui être déclaré inopposable.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur la demande d'annulation du blâme du 17 juillet 2017

Le salarié sollicite l'annulation du blâme, demande sur laquelle le conseil de prud'hommes a omis de statuer dans le dispositif de sa décision. Il soulève la prescription des faits qui ont été portés à la connaissance de l'employeur plus de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire. Il soutient qu'aucune pièce ne permet d'établir les prétendues fautes commises.

L'employeur indique qu'il a découvert les faits le 29 mai 2017 en ce qui concerne le traitement du client garage Guilmant puis le 22 juin 2017 en ce qui concerne les propos orduriers à l'encontre de son directeur, que les faits sanctionnés ne sont pas prescrits. Il fait valoir que le salarié ne peut sérieusement contester les faits aussi tardivement.

Le blâme sanctionne les manquements suivants retenus par l'employeur :

- l'accompagnement commercial du client garage Guilmant,

- l'alimentation de l'outil CRM,

- des propos orduriers à l'encontre du directeur.

Sur la prescription

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, l'employeur a eu connaissance de faits concernant le garage Guilmant lors d'un appel téléphonique du 29 mai 2017 de plainte du client sur l'accompagnement commercial.

L'employeur fait état d'un entretien du 29 mai 2017 pendant lequel il a noté une utilisation non satisfaisante de l'outil CRM.

L'employeur relate également avoir constaté des propos à l'encontre du directeur le 22 juin 2017 lors de la remise de la convocation à l'entretien préalable à éventuelle sanction.

Il s'en déduit que des faits non prescrits sont invoqués à l'appui du blâme du 17 juillet 2017, l'employeur en ayant eu connaissance moins de deux mois avant cette sanction.

Sur le fond

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, l'employeur ne produit aucune pièce à l'appui des faits fautifs invoqués, de sorte que la cour constate que ceux-ci ne justifient pas une sanction.

Par conséquent, le blâme du 17 juillet 2017 étant injustifié, il convient de faire droit à la demande d'annulation de celui-ci formée par le salarié.

Sur les heures supplémentaires

Lorsque l'employeur ne respecte pas les dispositions destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, la convention individuelle de forfait en jours est privée d'effet.

En l'espèce, la convention de forfait jours au contrat de travail du salarié est fondée sur un accord d'entreprise relatif à la réduction et à l'aménagement du temps de travail en vigueur au sein de la société Solocal.

Cet accord prévoit un suivi effectif et régulier par la hiérarchie des états de temps de travail, permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée de travail raisonnable. La convention de forfait ne peut donc être frappée de nullité.

En l'espèce, l'employeur justifie de l'organisation d'un entretien annuel pour les années 2015, 2016 et 2017, le compte-rendu de l'entretien comprenant une rubrique relative aux conditions de travail, à l'équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, à la charge de travail et le temps de travail.

Par conséquent, la demande du salarié doit être rejetée, l'employeur ayant bien organisé un entretien annuel afin d'évaluer la charge de travail du salarié, son organisation du travail et le respect de l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale.

En application notamment de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Dans la mesure où la convention individuelle de forfait en jours à laquelle était soumis le salarié n'est pas privée d'effets, la demande au titre des heures supplémentaires n'est pas fondée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Le salarié sollicite une somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut d'exécution loyale du contrat de travail, application d'un contrat et d'une convention de forfait nuls.

L'employeur fait valoir que le salarié n'a pas accompli d'heures supplémentaires, que la convention de forfait jours est valable, qu'ainsi la demande est infondée.

En l'espèce, le salarié n'a pas accompli d'heures supplémentaires non rémunérées. Le contrat et la convention de forfait invoqués ne sont pas nuls de sorte qu'aucun manquement n'est caractérisé à l'encontre de l'employeur. M. [L] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

'[...] le vendredi 12 octobre 2018 à 15h42, vous avez eu un entretien téléphonique avec votre manager [G] [Y], au cours duquel vous lui avez tenu des propos inappropriés et irrespectueux. Il vous a demandé un compte rendu relatif à votre activité de la semaine. Ce à quoi vous avez répondu : « il ne faut pas me casser les couilles, c'est du flicage, je vais sortir la kalachnikov ». Votre manager vous a alors demandé si c'était une menace. Vous lui avez alors raccroché au nez.

Votre responsable vous a ensuite envoyé un mail le 15 octobre 2018 afin de recevoir le compte rendu d'activité en question. À la date de l'entretien, il n'avait toujours pas eu de retour de votre part.

Votre refus de répondre à une directive et de communiquer un compte rendu de votre activité à votre manager ne lui permet pas de vous accompagner dans votre activité et dans l'atteinte de vos objectifs.

Surtout, votre insubordination, vos débordements verbaux et vos propos menaçants ne sont pas acceptables. Nous ne pouvons tolérer un tel comportement et un tel ton dans vos propos, qui vont à l'encontre des règles et règlements applicables au sein de l'entreprise. Nous attendons de nos collaborateurs une attitude irréprochable sur le lieu de travail aussi bien auprès de nos clients que des collaborateurs du groupe.

Ce comportement est d'autant moins acceptable qu'il ne s'agit pas d'un fait isolé. En effet, le 17 juillet 2017 nous vous avons notifié un blâme suite à des propos déplacés de votre part envers votre manager.

En outre, lors d'un accompagnement en rendez-vous clientèle avez-vous le 22 septembre 2018, votre manager a également pu constater que vous aviez une attitude non commerciale avec vos clients. Ainsi, lors du rendez-vous avec l'entreprise, atelier Rolling Motor, le client souhaitait connaître le délai de réponse dont il disposait suite à votre proposition commerciale. Vous lui avez dit : « vous devez vous décider sous une semaine pour bénéficier du tarif annoncé ». Le client a répondu : « je trouve que ça fait marchand de tapis ».

Les arguments avancés au client par rapport à la modification de la tarification passé un certain délai sont erronés. Cette pratique est contraire à notre politique et renvoie une image négative de la société auprès de nos clients.

Nous vous rappelons que le consentement du client doit être clair et non équivoque, ce qui ne permet pas votre démarche commerciale.

Au cours de l'entretien, vous avez admis avoir annoncé une durée limitée au client pour l'acceptation de la proposition tarifaire.

Au regard de tous ces éléments, nous avons pris la décision de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse'.

Le salarié conclut à l'absence de caractère réel et sérieux de son licenciement, l'employeur l'ayant licencié sous des motifs personnels fantaisistes afin de faire des économies.

L'employeur fait valoir que les manquements du salarié sont établis.

Sur le bien fondé du licenciement, si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La lettre de licenciement reproche en substance au salarié :

des propos irrespectueux à l'égard de son responsable le 12 octobre 2018,

le refus de répondre à une directive et de communiquer un compte-rendu d'activité demandé le 15 octobre 2018,

une attitude non commerciale avec un client le 22 septembre 2018.

A l'appui des trois manquements invoqués, l'employeur produit une seule attestation imprécise et non corroborée par d'autres éléments de M. [Y], responsable des ventes, du 5 novembre 2018 relatant selon lui les propos irrespectueux tenus par le salarié au téléphone le 12 octobre 2018 ainsi que l'attitude non commerciale du salarié envers le client atelier Rolling Moto lors de son accompagnement.

L'attestation est valablement produite aux débats et soumise à la contradiction des parties, la cour en appréciant la valeur probante.

Cependant, la teneur de la conversation téléphonique est entièrement contestée par le salarié qui produit, quant à lui, plusieurs attestations précises et concordantes de collègues mentionnant son comportement courtois et respectueux dans la sphère professionnelle.

Les termes de la négociation commerciale chez le client atelier Rolling Moto sont également contredits par le salarié qui produit l'attestation de M. [P] [B], mécanicien, du 4 décembre 2018 qui relate une proposition commerciale faite de façon 'tout à fait normale' sans 'pression ni harcèlement commercial de la part de M. [L]. Mes relations avec M. [L] ont toujours été cordiales et respectueuses'.

Aucun élément n'est versé aux débats à l'appui du grief de refus de produire un rapport d'activité, le salarié mentionnant une difficulté de synchronisation de ses courriels professionnels et produisant une copie d'écran mentionnant des problèmes de synchronisation concernant de nombreux messages.

Il s'en déduit que le licenciement du salarié n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse à défaut de faute caractérisée à l'encontre de ce dernier. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Le salarié sollicite des compléments d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, sur la base d'un salaire de référence prenant en compte la perte de salaire subie du fait de l'application illicite du nouveau contrat.

Cependant, le nouveau contrat ayant été valablement appliqué, la cour considère que le salarié a été rempli de ses droits. Il doit donc être débouté de ses demandes de compléments d'indemnité de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement. Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié qui compte une ancienneté de plus de sept ans et qui est âgé de 56 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et huit mois de salaire brut.

Il n'y a pas lieu d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, puisqu'elles ne sont pas contraires au stipulations de l'article 10 de la Convention internationale du travail n° 158 et que les stipulations de l'article 24 de la Charte sociale européenne n'ont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Le salarié justifie être inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi depuis le 12 février 2019 et au 28 février 2022 avoir bénéficié de 1 020 allocations journalières.

La société Solocal sera condamnée à payer à M. [L] des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et d'un montant de 44 000 euros. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifiés conformes à la présente décision sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'attestation de salaire intégrant les astreintes destinées à la CPAM comme demandé. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point, sauf en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande d'astreinte et d'une attestation de salaire intégrant les astreintes destinées à la CPAM.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société Solocal aux organismes concernés, des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de faire courir le point de départ des intérêts à une date antérieure comme sollicité.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Solocal succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Elle devra régler à M. [L] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en ce qu'il a :

- débouté M. [W] [L] de ses demandes de nullité du contrat de travail, de nullité de la clause de convention de forfait, de rappel de salaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, application d'un contrat et d'une convention de forfait nuls, de compléments d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, de sa demande d'astreinte et d'une attestation de salaire intégrant les astreintes destinées à la CPAM,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule le blâme du 17 juillet 2017,

Dit que le licenciement de M. [W] [L] est dénué de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Solocal à payer à M. [W] [L] la somme de 44 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la remise par la société Solocal à M. [W] [L] d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi rectifés conformes à la présente décision,

Ordonne le remboursement par la société Solocal aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [W] [L] du jour du licenciement au jour du présent arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Solocal aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Solocal à payer à M. [W] [L] une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00575
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;22.00575 ?
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