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21/06/2023 | FRANCE | N°21/03385

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 21 juin 2023, 21/03385


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2023



N° RG 21/03385



N° Portalis DBV3-V-B7F-U2XY



AFFAIRE :



[H] [P] épouse [S]





C/

S.A.R.L. GROUPE JR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

° RG : 19/00353



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT



la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2023

N° RG 21/03385

N° Portalis DBV3-V-B7F-U2XY

AFFAIRE :

[H] [P] épouse [S]

C/

S.A.R.L. GROUPE JR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : E

N° RG : 19/00353

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT

la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [H] [P] épouse [S]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sabine DOUCINAUD-GIBAULT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 120 N° du dossier 007404

APPELANTE

****************

S.A.R.L. GROUPE JR

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Jean-charles GUILLARD de la SELARL SELARL MARRE & GUILLARD, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1253

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20211051

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [H] [P] épouse [S] a été embauchée, à compter du 26 mai 2010, selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de comptable de copropriété par la société Groupe JR.

La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective nationale de l'immobilier, administrateurs de biens, sociétés immobilières, agents immobiliers.

À compter du 8 mars 2018, Mme [P] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre du 30 novembre 2018, la société Groupe JR a convoqué Mme [P] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre du 27 décembre 2018, la société Groupe JR a notifié à Mme [P] son licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise et rendant nécessaire de procéder à son remplacement définitif.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la société Groupe JR employait habituellement moins de onze salariés.

Le 15 décembre 2019, Mme [P] a saisi le prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye pour contester la validité et, subsidiairement, le bien-fondé de son licenciement et demander notamment la condamnation de la société Groupe JR à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement nul ou pour licenciement abusif ainsi qu'un rappel d'indemnités de prévoyance pendant l'arrêt de travail pour maladie et un rappel de prime d'ancienneté.

Par jugement du 27 septembre 2021, le conseil de prud'hommes (section encadrement) a :

- dit que le licenciement de Mme [P] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Groupe JR à payer à Mme [P] une somme de 888 euros au titre de la prévoyance non versée ;

- condamné Mme [P] à payer à la société Groupe JR une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que les intérêts légaux sont dus à compter du jour du prononcé du jugement ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné Mme [P] aux dépens.

Le 15 novembre 2021, Mme [P] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions du 4 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Mme [P] demande à la cour de :

- infirmer le jugement attaqué sur le licenciement, le débouté de ses demandes, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

- confirmer le jugement sur la somme allouée au titre de la prévoyance et les intérêts légaux ;

- débouter la société Groupe JR de ses demandes ;

- statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

* dire que son licenciement est nul pour discrimination et condamner la société Groupe JR à lui payer une somme de 58 692 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul et 638 euros au titre de la prime d'ancienneté ;

* à titre subsidiaire, dire que son licenciement est abusif et vexatoire et en conséquence condamner la société Groupe JR à lui payer une somme de 58 692 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif et vexatoire et 638 euros au titre de la prime d'ancienneté ;

- condamner la société Groupe JR à lui payer une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

- dire que les sommes allouées produiront des intérêts légaux à compter du jugement de première instance, avec anatocisme.

Aux termes de ses conclusions du 4 mai 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société Groupe JR demande à la cour de :

- confirmer le jugement sur le licenciement et le débouté des demandes de Mme [P], l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- infirmer le jugement sur la condamnation au titre de la prévoyance et statuant à nouveau débouter Mme [P] de cette demande ;

- condamner Mme [P] à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en appel.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 28 mars 2023.

SUR CE :

Sur la validité du licenciement et les dommages-intérêts pour licenciement nul :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige : 'Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français' ;

Qu'en application de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Qu'en l'espèce Mme [P] soutient que son licenciement est nul pour être en réalité fondé sur son état de santé, son âge, son ancienneté dans l'entreprise et son coût pour l'employeur ;

Que toutefois, Mme [P] se borne à procéder par allégation et ne présente aucun élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que de plus, ainsi qu'il est dit ci-dessous, le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Qu'il y a donc lieu de la débouter de sa demande de nullité du licenciement et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement nul ; que le jugement sera confirmé sur ces points ;

Sur le bien-fondé du licenciement pour absence prolongée perturbant le fonctionnement de l'entreprise et ses conséquences :

Considérant que si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne pouvant toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'un autre salarié ;

Qu'en l'espèce, il ressort des débats et des pièces versées, et notamment du registre unique du personnel de la société Groupe JR, que seuls trois comptables de copropriété étaient employés par l'intimée dont Mme [P] ; que les tâches de Mme [P], placée en arrêt de travail à compter du 8 mars 2018, n'ont pu être durablement réparties sur ses deux collègues, eu égard à la surcharge de travail significative ainsi induite pour ces dernières ;

Que si la société Groupe JR a remplacé Mme [P] par l'embauche d'une salariée selon contrat de travail à durée déterminée pour la période du 26 juin au 3 août 2018, Mme [P] ne conteste pas, en page 7 de ses conclusions, que les difficultés de recrutement d'un comptable de copropriété à titre temporaire pour un remplacement plus long pendant tout son arrêt de travail pour maladie étaient réelles, eu égard à la rareté des compétences requises sur le marché du travail ;

Que par ailleurs, Mme [P], lors de l'entretien préalable au licenciement, a indiqué qu'elle n'avait alors aucune perspective sur la fin de son arrêt de travail pour maladie, lequel a au demeurant pris fin en décembre 2019 ;

Qu'enfin, il est constant que Mme [P] a été remplacée définitivement à son poste par une embauche selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 14 janvier 2019 ;

Qu'il s'ensuit que la société Groupe JR démontre que le fonctionnement de l'entreprise a été perturbé par l'absence de l'intéressée et que ces perturbations ont entraîné la nécessité de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'une autre salariée ;

Que le licenciement est ainsi fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui entraîne le débouté de la demande de dommages-intérêts subséquente ; que le jugement attaqué sera confirmé sur ces points ;

Sur le rappel d'indemnité de prévoyance pendant l'arrêt de travail pour maladie :

Considérant qu'aux termes de l'article 1153 du code civil : 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver./ Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation' ;

Qu'en l'espèce, Mme [P] n'établit pas que l'organisme de prévoyance a effectivement payé à l'employeur des indemnités de prévoyance pendant son arrêt de travail pour maladie pour la période du 22 septembre au 10 octobre 2018 ; qu'en effet, le simple courriel de cet organisme versé aux débats, indiquant à Mme [P] qu'un chèque de paiement des indemnités avait été envoyé à l'employeur, est insuffisant à établir la réalité de la réception de ce chèque par ce dernier, étant précisé qu'un précédent chèque s'était perdu et ne lui était pas parvenu ;

Que dans ces conditions, Mme [P] ne prouve pas l'existence d'une obligation de l'employeur de lui reverser la somme en cause ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Mme [P] de sa demande de paiement d'une indemnité de prévoyance ;

Que le jugement sera infirmé sur ce chef ;

Sur le rappel de prime d'ancienneté :

Considérant que Mme [P] demande un rappel de prime d'ancienneté, d'un montant mensuel de 58 euros, pour le mois d'avril 2018 et les mois de juillet 2018 à avril 2019 en invoquant de manière confuse un fondement contractuel et un fondement conventionnel ;

Que toutefois, il est constant que pour les mois en cause, le contrat de travail était suspendu à raison de son arrêt de travail pour maladie du 8 mars 2018 ;

Que ni le contrat de travail, ni la convention collective ne prévoient le paiement de la prime d'ancienneté pendant un arrêt de travail pour maladie ;

Que Mme [P] ne forme aucune demande de rappel d'indemnité complémentaire aux indemnités journalières de sécurité sociale incluant dans son calcul le montant de la prime d'ancienneté sur le fondement de l'article L. 1226-1 du code du travail, de la convention collective ou du contrat de prévoyance conclu par la société Groupe JR ;

Qu'il y a donc lieu de débouter Mme [P] de ses demandes de paiement de prime d'ancienneté pour les mois en cause ;

Que le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur les intérêts légaux et la capitalisation :

Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il statue sur la demande de Mme [P] au titre des intérêts légaux et de la débouter de cette demande ; qu'elle sera également déboutée de sa demande nouvelle en appel de capitalisation des intérêts ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Considérant qu'eu égard la solution du litige et à la situation économique des parties, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il statue sur les dépens et de l'infirmer en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que Mme [P] sera condamnée à payer à la société Groupe JR une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ainsi qu'aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement attaqué, sauf en ce qu'il condamne la société Groupe JR à payer à Mme [H] [P] épouse [S] une somme au titre d'une indemnité de prévoyance, statue sur les intérêts légaux et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [H] [P] épouse [S] de sa demande au titre de l'indemnité de prévoyance pendant son arrêt de travail pour maladie,

Condamne Mme [H] [P] épouse [S] à payer à la société Groupe JR une somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne Mme [H] [P] épouse [S] aux dépens d'appel,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 21/03385
Date de la décision : 21/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-21;21.03385 ?
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