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20/06/2023 | FRANCE | N°22/01033

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 20 juin 2023, 22/01033


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51A



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2023



N° RG 22/01033 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VAPY



AFFAIRE :



Mme [F] [B]

...



C/



Mme [P], [J] [N] divorcée [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendule 30 Novembre 2021 par le Juridiction de proximité de COLOMBES



N° RG : 11-20-00903



E

xpéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/06/23

à :



Me Ophélia FONTAINE



Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2023

N° RG 22/01033 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VAPY

AFFAIRE :

Mme [F] [B]

...

C/

Mme [P], [J] [N] divorcée [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendule 30 Novembre 2021 par le Juridiction de proximité de COLOMBES

N° RG : 11-20-00903

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/06/23

à :

Me Ophélia FONTAINE

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [B]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Ophélia FONTAINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 672 - N° du dossier 2022.465

Représentant : Maître Christelle DE KUYPER Substituant Maître Marc GANILSY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1594 -

Monsieur [R] [A]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Ophélia FONTAINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 672 - N° du dossier 2022.465

Représentant : Maître Christelle DE KUYPER Substituant Maître Marc GANILSY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1594 -

APPELANTS

****************

Madame [P], [J] [N] divorcée [I]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 4] (95)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005213

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé du 22 octobre 2011, Mme [P] [N], épouse [I] a loué à Mme [F] [B] et M. [R] [A] un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 1] à [Localité 3] (92), moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1 280 euros. Le bail a été renouvelé par contrat écrit le 23 janvier 2017, outre la location de quatre garages à usage d'atelier pour un loyer mensuel de 1 200 euros et ce, en application de la loi du 6 juillet 1989.

Par acte de commissaire de justice délivré le 3 février 2020, Mme [I] a assigné Mme [B] et M. [A] à comparaître devant le tribunal de proximité de Colombes aux fins de voir :

- valider le congé,

- déclarer les défendeurs occupants sans droit ni titre,

- ordonner l'expulsion de Mme [B] et M. [A] et celle de tous occupants de leur chef, avec si besoin l'assistance de la force publique,

- condamner solidairement Mme [B] et M. [A] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner solidairement Mme [B] et M. [A] à lui verser une indemnité d'occupation égale au paiement du loyer et charges en cours jusqu'à leur départ des lieux et la remise des clefs,

- condamner solidairement Mme [B] et M. [A] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [B] et M. [A] aux entiers dépens de l'instance, comprenant le coût des congés et sommation de quitter les lieux.

Par jugement contradictoire du 30 novembre 2021, le tribunal de proximité de Colombes a :

- validé le congé délivré le 26 avril 2019 pour le 22 janvier 2020 à minuit,

- déclaré Mme [B] et M. [A] occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] et ce, depuis le 23 janvier 2020,

- ordonné l'expulsion de Mme [B] et M. [A] avec, au besoin, l'assistance de la force publique ainsi que de tous les occupants de leur chef, selon les modalités et délais prévus par les articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamné solidairement Mme [B] et M. [A] à payer à Mme [I] une indemnité d'occupation mensuelle de 1 100 euros, outre les charges et ce, jusqu'à complète libération des lieux et remise des clefs,

- condamné Mme [I] à verser à Mme [B] et M. [A] la somme de 3 300 euros au titre de la partie indûment perçue des loyers entre le 23 janvier 2017 et le 8 octobre 2021,

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire,

- dit que chaque partie conservera ses dépens,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 21 février 2022, Mme [B] et M. [A] ont relevé appel de ce jugement. Aux termes de leurs conclusions signifiées le 14 novembre 2022, ils demandent à la cour :

- de les recevoir en leurs demandes et les dire bien fondées,

y faisant droit,

- d'infirmer le jugement du 30 novembre 2021 du tribunal de proximité de Colombes en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau, à titre principal, de :

- déclarer non valide le congé du 26 avril 2019,

- constater la renonciation expresse de Mme [I] au bénéfice du congé du 26 avril 2019 en raison de l'offre de vente signifiée le 29 juillet 2021,

- déclarer non valide l'offre de vente du 29 juillet 2021,

- débouter Mme [I] de l'intégralité de ses demandes,

en conséquence,

- condamner Mme [I] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice subi à raison du congé frauduleux,

à titre subsidiaire,

- leur accorder un délai de deux ans pour quitter les lieux,

en tout état de cause,

- débouter Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [I] à leur payer la somme de 15 000 euros au titre des troubles du voisinage de jouissance,

- condamner Mme [I] à leur payer la somme de 26 400 euros au titre de la restitution des loyers versés pour la location du garage à usage d'atelier entre le 23 janvier 2017 et le 31 octobre 2022, à parfaire,

- condamner Mme [I] à leur payer la somme 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- condamner Mme [I] à leur payer la somme de 9 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 3 mars 2023, Mme [I] demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 30 novembre 2021 en ce qu'il :

* a validé le congé délivré le 26 avril 2019 pour le 22 janvier 2020 à minuit,

* a déclaré Mme [B] et M. [A] occupants sans droit ni titre des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3] et ce, depuis le 23 janvier 2020,

* a ordonné l'expulsion de Mme [B] et M. [A] avec, au besoin, l'assistance de la force publique ainsi que de tous les occupants de leur chef, selon les modalités et délais prévus par les articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

* a débouté Mme [B] et M. [A] de leurs demandes de délai pour quitter les lieux, de condamnation à son encontre au titre du caractère frauduleux du congé, au titre des troubles de jouissance et de voisinage et du préjudice moral,

- réformer le jugement sur le surplus,

statuant à nouveau, de :

- fixer l'indemnité d'occupation due par Mme [B] et M. [A] à la somme de 1 200 euros mensuelle jusqu'à libération définitive des lieux et remise des clés,

- débouter purement et simplement Mme [B] et M. [A] de leur demande de restitution de loyer à hauteur de 23 400 euros,

- condamner Mme [B] et M. [A] à lui régler la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme [B] et M. [A] à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [B] et M. [A] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Sur l'appel de Mme [B] et M. [A].

- Sur la validité du congé.

Mme [B] et M. [A] reprochent au premier juge d'avoir validé le congé qui leur a été notifié suivant acte délivré le 26 avril 2019 à la requête de Mme [I]. Ils invoquent, au fondement des dispositions des articles 15. I alinéa 1 de la loi du 6 juillet 1989, le caractère frauduleux de ce congé.

Mme [N] divorcée [I] réplique que c'est à juste titre que le juge des contentieux de la protection de Colombes a validé le congé qu'elle a fait délivrer à Mme [B] et M. [A], prétendant que l'affirmation des locataires selon laquelle ce congé dissimulerait sa volonté d'augmenter le loyer est parfaitement fausse.

L'article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 applicable en l'espèce dispose que :

'Lorsque le bailleur donne congé à son locataire, ce congé doit être justifié soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant. A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué, et en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise qui ne peut être que le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire. Lors qu'ils donné congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Le délai de préavis applicable au congé est de six mois lorsqu'il émane du bailleur (....)

En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des élément sérieux et légitimes (...).

La régularité formelle du congé n'est pas mise en cause, Mme [B] et M. [A] se bornant à contester le caractère réel et sérieux du motif du congé.

Il résulte de l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 précité, dans sa rédaction applicable à la présente instance, que le congé fondé sur la décision de reprendre le logement doit comporter, à peine de nullité, l'indication du motif allégué par le bailleur pour mettre un terme au bail, ainsi que les noms et adresse du bénéficiaire de la reprise, avec, en outre, la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire et la justification du caractère réel et sérieux de la décision de reprise, la validité du congé pour reprise ne pouvant plus se satisfaire de la seule manifestation par le bailleur de sa volonté de reprendre son bien.

En l'espèce, dans le congé délivré le 26 avril 2019, la bailleresse indique le nom du bénéficiaire de la reprise, à savoir son fils, M. [C] [I], qui serait actuellement hébergé chez elle en son domicile, sis [Adresse 1] à [Localité 3], suivant des études de médecine à la faculté de [6] et qui ne disposerait pas de son propre logement.

La cour observe que, lors de la délivrance du congé, M [C] [I] était domicilié chez sa mère à la même adresse que celle où est situé le bien, objet du bail consenti à Mme [B] et M. [A]: en effet, Mme [N] divorcée [I] expose être propriétaire au [Adresse 1], de plusieurs lots et notamment de deux maisons, une petite donnée en location aux appelants, et une plus grande qu'elle habite avec son fils.

Or, d'une part, Mme [N] divorcée [I] n'a jamais produit ni en première instance, ni en cause d'appel, le moindre document justifiant son allégation selon laquelle sont fils poursuivait, lors de la délivrance du congé, des études de médecine à [Localité 5], mais d'autre part, les locataires ont communiqué des sms échangés avec la propriétaire de l'examen desquels il ressort qu'en raisons de difficultés financières, celle-ci a besoin d'argent. C'est ainsi qu'il ressort d'un sms que la bailleresse accepte la proposition de Mme [B] et M. [A] de lui verser un loyer plus important (1 400 euros au lieu de 1 200 euros ), que dans un autre SMS, elle mentionne 'avoir des crédits denses et ne pas s'en sortir'. L'intention de la bailleresse d'augmenter ses revenus locatifs est corroborée par des annonces qu'elle a passées sur Leboncoin.fr ; afin de proposer sa propre maison à la location à l'occasion d'événements tels mariages, baptême, anniversaire, voire même de proposer une des chambres à la location.

Pour valider le congé notifié le 26 avril 2019 considéré comme frauduleux par les locataires, le premier juge a néanmoins écarté l'échange de sms ainsi que les copies d'annonces en ligne en ce qu'elles ne comportaient pas la mention de leur année de rédaction. En cause d'appel, Mme [B] et M. [A] produisent un procès-verbal de constat dressé le février 2023 par Me [K], commissaire de justice, à qui Mme [B] a remis son smartphone de marque Apple, et qui a pu accéder à l'application de messagerie, et lire plus spécifiquement les sms échangés avec Mme [N] divorces [I]. C'est ainsi que dans un sms daté 13 mai 2019 à 17h 02, soit un peu moins d'un mois après la délivrance du congé, la bailleresse écrit à Mme [B] en ces termes :

'bonjour claire, où en êtes vous dans vos recherches de trouver une autre location car j'aimerais un jour faire des travaux dans cette maison et ma soeur va démarrer en septembre. [P].

J'ai eu une estimation de la petite maison. Je pourrai beaucoup mieux vivre par la suite. Je pense y vivre un an, la retaper et la revendre, avant je veux faire des travaux.

Je reviens de l'étude [T] vous devez être partis pour octobre. En ce qui men concerne le patrimoine de ma famille, mes soeurs et moi ne lâcherons rien. Donc il faudra que vous cherchiez'.

Les messages échangés relativement à l'augmentation du loyer proposée par les locataires et acceptée par Mme [I] qui mentionnent notamment 'combien tu pourrais c'est une aide supplémentaire pour moi car c'est dur' - 'Bonjour [F], as tu pensé à mon loyer, est ce que le loyer passe à 1 400 euros comme tu l'as dit. Merci de ta réponse', sont datés du 2 au 8 juillet 2020.

Les sms aux termes desquels la bailleresse questionne les locataires sur leurs recherches en indiquant qu'elle veut revendre la petite maison pour conserver la grande, qu'elle a des crédits importants et qu'elle ne s'en sort pas, sont datés des 19 et 20 octobre 2020.

Ainsi, Mme [B] et M. [A] établissent-ils par ces échanges de sms datés, et donc postérieurs à la délivrance du congé, le 26 avril 2019, l'absence d'intention réelle de Mme [N] divorcée [I] de reprendre la petite maison située à [Adresse 1], pour y loger son fils.

Il s'ensuit que le jugement rendu le 30 novembre 2021 par le juge des contentieux de la protection de Colombes doit être infirmé en ce qu'il a validé le congé qu'il a estimé fondé.

Statuant à nouveau, il y a lieu de déclarer non valide le congé délivré le 26 avril 2019 par Mme [N] épouse [I] à Mme [B] et M. [A].

- Sur la demande d'indemnisation du trouble de jouissance allégué par Mme [B] et M. [A].

Mme [B] et M. [A] sollicitent la somme de 15 000 euros à titre d'indemnisation du préjudice de jouissance subi du fait des agissements imputables à faute directement à Mme [N] épouse [I] ou à des tiers à qui elle louait ou prêtait sa maison, et notamment les nuisances sonores répétées qu'ils ont supportées au cours des années 2018 et 2019.

Mme [N] divorcée [I] conteste catégoriquement avoir été personnellement à l'origine ou du fait des personnes occupants sa maison, du moindre trouble de voisinage.

Sur ce,

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, 'le bailleur est obligé d'assurer au locataire la jouissance paisible du logement'.

L'article 1719 du code civil dispose que le bailleur est obligé par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En l'espèce, Mme [B] et M. [A] établissent le trouble anormal de voisinage dont Mme [N] divorcée [I] est à l'origine par les nombreuses pièces qu'ils versent aux débats, à savoir :

* dépôts de main courante des 9 janvier 2018 et 3 janvier 2019 de M. [A]

* main courante du 10 janvier 2018 de M. [U], autre voisin,

* plainte de plusieur voisins de septembre 2020 qui ont déposé un mot sur sa porte ' arrêter de faire du bruit après 22 heures',

* pétition de voisins de juillet 2022, dont certains sont des tiers au litige.

Il ressort de ces pièces que Mme [N] divorcée [I] est à l'origine de troubles très importants perturbant gravement la tranquillité du voisinage par les fêtes organisées chez elle soit à titre personnel, soit à l'occasion d'événements par des tiers à qui elle loue sa maison, qu'en effet, les nuisances sonores générées par ces fêtes se renouvellent fréquemment, à raison de deux fois par mois le plus souvent.

Par un sms qu'elle verse elle-même aux débats, Mme [N], épouse [I], confirme les griefs formulés par ses voisins, reconnaissant organiser des fêtes chez elle 'ok pour les événements et mes colocataires. Je fais ce que je veux, je suis chez moi'.

Mme [B] et M. [A] sont recevables à agir à l'encontre de la bailleresse pour se voir indemniser des troubles anormaux de voisinages qu'ils subissent de son fait ou du fait des personnes à qui elle prête ou loue son bien ponctuellement, étant observé qu'il est en effet aujourd'hui constamment admis que la victime d'un trouble de voisinage trouvant son origine dans l'immeuble donné en location peut en demander réparation au propriétaire.

Les locataires ajoutent que les troubles de jouissance qu'ils subissent résultent également d'une part de l'attitude de la bailleresse qui ne cesse de les menacer, de les invectiver, même en présence de leurs jeunes enfants, du fait de leur maintien dans les lieux, et d'autre part des manquements de Mme [I] à ses obligations contractuelles (réparations non effectuées).

Au regard de la durée et de l'intensité des troubles subis par Mme [B] et M. [A], la cour estime devoir fixer à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnisation du trouble de jouissance subi par Mme [B] et M. [A], toutes causes confondues.

- Sur la demande de restitution des loyers versés au titre de la location d'un garage à usage d'atelier.

Mme [B] et M. [A] sollicitent la condamnation de Mme [I] à leur payer la somme de 26 400 euros au titre de la restitution des loyers versés pour la location de garages à usage d'ateliers entre le 23 janvier 2017 et le 31 octobre 2022, à parfaire. Ils font valoir que, suivant contrat du 23 janvier 2017, Mme [I] leur a donné à bail quatre garages à usage d'ateliers et qu'ils ont la surprise de recevoir un courrier de la mairie de [Localité 3] leur demandant de remettre les garages utilisés comme ateliers dans leur état initial, car le changement de destination était interdit par le PLU et qu'à défaut de travaux de remise en état, ils s'exposaient à des sanctions pénales, administratives et civiles. Ils prétendent que la bailleresse était parfaitement au courant de la situation depuis longtemps et vraisemblablement depuis la signature du bail, que pire encore, elle a toujours su que l'usage du garage était impossible, aucun véhicule ne pouvant y accéder en raison de la création d'une piscine et d'une terrasse couverte par la propriétaire, qu'elle leur a caché la situation, se contentant d'encaisser des loyers importants et mettant en péril l'activité qu'ils exerçaient dans le garage à usage de local. Ils lui reprochent donc des manoeuvres dolosives.

Mme [I] réplique que le bail qu'elle a consenti le 23 janvier 2017 est un bail à usage d'habitation qui englobe les quatre garages, que la topographie des lieux fait ressortir que les locataires ne pouvaient avoir accès en voiture aux garages, de sorte qu'ils ne pouvaient être utilisés comme parkings, que c'est la raison pour laquelle le terme 'atelier' a été mentionné au bail, que les locataires ont ensuite réalisé des travaux en insérant notamment des fenêtres sans son autorisation et qu'ils y ont exercé une activité professionnelle sans son accord préalable. Elle prétend que ce sont ces modifications des locaux par Mme [B] et M. [A] eux-mêmes et l'usage qu'ils en ont fait qui sont incriminés par la mairie.

Sur ce,

La commune de [Localité 3] a adressé le 16 août 2021 aux locataires une lettre ainsi libellée : 'Il apparaît que vous avez transformé le garage que vous louez en atelier et que sur votre terrain des ferrailles sont entreposées.

Aussi, je vous informe que la construction est située en zone UD du règlement du PLU en vigueur et que les travaux ne sont pas autorisés.

Conformément aux dispositions de l'article UD1 du règlement du PLU, les dépôts de toute nature de ferraille, matériaux y sont interdits. Il en est de même des constructions destinées à une fonction d'entrepôt dès lors qu'elle n'est pas liée à une autre activité exercée sur le même terrain d'assiette ou un terrain contigu. Par ailleurs, vous ne pouvez faire aucun travaux sans l'autorisation écrite de la propriétaire.

Je vous invite donc à remettre le terrain en son état initial ainsi qu'à redonner la fonction garage à l'atelier. Je vous informe que vous vous exposez à des sanctions pénales.....'.

Il ressort du contrat conclu le 23 janvier 2017 que Mme [I] a consenti à Mme [B] et M. [A] la location de garages à usage d'ateliers, l'existence de travaux ou non soulevée par la bailleresse, du reste non établie, étant sans incidence.

Dès lors, Mme [I] n'est pas fondée à reprocher aux locataires de se servir des garages comme ateliers.

Pour autant, Mme [B] et M. [A] qui utilisent les garages comme ateliers, conformément au bail, ne sont pas fondés en leur demande de dommages-intérêts calculés en fonction du montant du loyer qu'ils versent mensuellement, et ce d'autant qu'ils ne justifient pas d'un préjudice né et actuel, quand bien même l'utilisation des garages comme ateliers est contraire à la législation sur le PLU.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a admis le principe d'un préjudice subi par les locataires.

- Sur la demande d'indemnisation des locataires par suite du caractère frauduleux du congé qui leur a été délivré.

Mme [B] et M. [A] sollicitent la condamnation de Mme [I] à leur payer la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il prétendent avoir subi à la suite du congé délivré par la bailleresse en raison de son caractère frauduleux. Ils font valoir notamment que leurs préjudices sont multiples, la menace 'd'être jetés à la rue' avec leurs enfants mineurs leur a provoqué un stress très important, sans compter les nombreuses manoeuvres et provocations dont ils ont fait l'objet de la part de Mme [I].

Compte tenu des éléments de la procédure qui démontrent le préjudice moral subi par les locataires tenant au stress causé par la menace d'expulsion dont ils ont fait l'objet, la cour estime devoir indemniser à la somme de 3 000 euros, le préjudice incontestablement subi par Mme [B] et M. [A] du fait du caractère frauduleux du congé et de ses conséquences.

- Sur l'indemnisation du préjudice moral allégué par Mme [B] et M. [A].

Mme [B] et M. [A] qui ne justifient pas d'un préjudice moral distinct de celui déjà ci-dessus indemnisé doivent être déboutés de leur demande de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par Mme [N] divorcée [I].

Mme [N] divorcée [I] qui succombe en l'espèce doit être déboutée comme mal fondée en sa demande de dommages-intérêts.

Sur les mesures accessoires.

Mme [N] divorcée [I] doit être condamnés aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement contesté relatives aux dépens de première instance étant, par ailleurs, infirmées.

Il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [B] et M. [A] au titre des frais de procédure par eux exposés en cause d'appel en condamnant Mme [N], divorcée [I], à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement rendu le 30 novembre 2021 par le tribunal de proximité de Colombes en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare non valide le congé délivré par Mme [N] divorcée [I] à Mme [B] et M. [A], le 26 avril 2019 pour le 22 janvier 2020 à minuit,

Condamne Mme [N] divorcée [I] à verser à Mme [B] et M. [A], la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation de leur trouble de jouissance, toutes causes confondues,

Déboute Mme [B] et M. [A] de leur demande de réfaction du montant des loyers des garages à usage d'ateliers,

Condamne Mme [N] divorcée [I] à verser à Mme [B] et M. [A], la somme de 3 000 euros à titre d'indemnisation de leur préjudice moral,

Déboute Mme [N], divorcée [I], comme mal fondée en sa demande de dommages-intérêts,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Mme [N] divorcée [I] à verser à Mme [B] et M. [A], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [N] divorcée [I] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 22/01033
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;22.01033 ?
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