La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/06/2023 | FRANCE | N°20/04390

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 20 juin 2023, 20/04390


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 52A



1re chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 JUIN 2023



N° RG 20/04390 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UBKT



AFFAIRE :



Mme [U] [T] [P] [R] épouse [UW]

...



C/



Mme [NZ] [N] [YF]



Mme [E] [YF]

...



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Août 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de MANTES LA JOLIE


>N° RG : 51-19-0002



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/06/23

à :



Me Alice POISSON



Me Marie SOYER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'ap...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 52A

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 JUIN 2023

N° RG 20/04390 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UBKT

AFFAIRE :

Mme [U] [T] [P] [R] épouse [UW]

...

C/

Mme [NZ] [N] [YF]

Mme [E] [YF]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Août 2020 par le Tribunal paritaire des baux ruraux de MANTES LA JOLIE

N° RG : 51-19-0002

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/06/23

à :

Me Alice POISSON

Me Marie SOYER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [U] [T] [P] [R] épouse [UW]

née le 06 Août 1958 à [Localité 39]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 31]

Représentant : Maître Alice POISSON de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000019

Monsieur [C] [V] [M] [UW]

né le 03 Janvier 1955 à [Localité 39]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 31]

Représentant : Maître Alice POISSON de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000019

APPELANTS

****************

Monsieur [AS] [W] [F] [PR] [YF]

né le 26 Mai 1961 à [Localité 40]

de nationalité Française

[Adresse 24]

[Localité 30]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [I] [D] [AS] [YF]

né le 06 Juin 1964 à [Localité 41]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 5]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

INTIMES

****************

Madame [E] [YF]

née le 03 Mars 1958 à [Localité 38]

[Adresse 18]

[Localité 25]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Madame [Z] [K] épouse [S]

née le 23 Octobre 1983 à [Localité 43]

[Adresse 4]

[Localité 33]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Madame [B] [K] épouse [X]

née le 03 Septembre 1986 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 28]

[Localité 35]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [Y] [K]

né le 22 Janvier 1981 à [Localité 43]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [ND] [K]

né le 09 Juillet 1990 à [Localité 42]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 34]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [J] [K]

né le 21 Novembre 1992 à [Localité 33]

de nationalité Française

[Adresse 23]

[Localité 36]

Représentant : Maître Marie SOYER de la SCP DROUOT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

PARTIES INTERVENANTES

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, conseiller, et devant Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Isabelle BROGLY, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

M. [AS]-[W] [YF], M. [I] [YF], Melle [NZ] [YF] et M. [F] [YF] ont consenti à M. [C] et Mme [U] [UW], un bail rural à long terme, objet d'un acte du ministère de Me [L] [H], notaire à [Localité 39] du 16 octobre 1987, prenant effet au 11 novembre 1987 et portant sur des parcelles de terres sises commune de [Localité 37] d'une contenance totale de 62 ha 00 a 65 ca.

Soutenant que les époux [UW] n'auraient pas personnellement exploité les parcelles, les consorts [YF], par requête enregistrée le 15 avril 2019, ont demandé au tribunal paritaire des baux ruraux de Mantes-la-Jolie de prononcer la résiliation judiciaire du bail et leur expulsion sous astreinte.

Par acte de commissaire de justice du 6 mai 2019, les consorts [YF] ont fait signifier aux époux [UW] un congé pour atteinte de l'âge de la retraite que ces derniers ont contesté par requête enregistrée le 9 août 2019, tout en sollicitant l'indemnisation au titre d'améliorations apportées aux biens loués. Cette instance a été jointe à la première le 12 septembre 2019.

Par jugement contradictoire rendu le 20 août 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Mantes-la-Jolie a :

- prononcé la résiliation du bail rural conclu le 16 octobre 1987, puis renouvelé ultérieurement, entre les consorts [YF] d'une part, et les époux [UW] d'autre part,

- ordonné l'expulsion de M. et Mme [UW] des parcelles cadastrées section H n° [Cadastre 1] et [Cadastre 32], section I numéro [Cadastre 8], section J n° [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 17] et [Cadastre 19], section K n° [Cadastre 29], [Cadastre 26], [Cadastre 27], [Cadastre 3], [Cadastre 6], [Cadastre 12] et [Cadastre 13], section L n° [Cadastre 11], [Cadastre 20], [Cadastre 21], situées sur le territoire de la commune de [Localité 37], dans un délai d'un an à compter de la signification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard,

- condamné M. et Mme [UW] aux dépens,

- condamné M. et Mme [UW] à payer aux consorts [YF] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration reçue au greffe le 9 septembre 2020, M. et Mme [UW] ont relevé appel de ce jugement.

Mme [IC] [YF] est décédée le 24 septembre 2022 et Mme [NZ] [YF] est décédée le 2 octobre 2022.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 4 novembre 2022, M. et Mme [UW], appelants, demandent à la cour de :

- les déclarer recevables et bien fondés en leur appel,

Par conséquent,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal paritaire des baux ruraux de Mantes-la-Jolie du 20 août 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- ordonner la jonction des procédures référencées en première instance sous le numéro de RG 51-19-000002 et RG-19-000004,

- prendre acte de l'exploitation des parcelles de terres objet du bail consenti le 16 octobre 1987 portant sur des parcelles de terres sises commune de [Localité 37] d'une contenance totale de 62ha 00a 65ca par Mme [UW],

En conséquence, sur la demande de résiliation du bail,

- débouter purement et simplement les consorts [YF] de l'ensemble de leurs demandes,

Sur la validité du congé,

- déclarer les consorts [YF] irrecevables en leur congé faute de justifier de leur qualité de propriétaires,

En tout état de cause,

- déclarer l'avis de non-renouvellement de bail irrégulier celui-ci ayant été délivré sur le fondement de l'article L.416-1 du code rural et de la pêche maritime,

- dire que le bail susvisé se poursuivra au profit de Mme [UW] jusqu'à son échéance, soit le 10 novembre 2023,

- ordonner la réintégration de Mme [UW] dans les lieux, soit les parcelles de terre sises commune de [Localité 37] d'une contenance totale de 62 ha 00 a 65 ca objet du bail à long terme du 16 octobre 1987 sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de l'arrêt,

- dire que l'astreinte sera liquidée par la cour,

- condamner les consorts [YF] à verser à Mme [UW] la somme de 60 756 euros à titre de perte de récolte pour l'année culturale 2022,

A titre subsidiaire,

- condamner les consorts [YF] à verser à Mme [UW] les sommes suivantes :

* au titre des fumures et arrières-fumures : 500 euros/ha, soit pour une surface de 62 ha 00 a 65 ca : 500 x 62,0065 = 31 003, 25 euros,

* au titre de la valeur résiduelle du drainage : 250 euros/ha, soit pour une surface de 8 ha drainés 250 euros x 8 = 2 000 euros,

* soit la somme totale de 33 003, 25 euros,

* outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 21 octobre 2022, M. [AS]-[W] [YF] et M. [I] [YF], intimés, Mmes [E] [YF], [Z] [K], épouse [S], [B] [K] épouse [X], de MM. [Y] [K], [ND] [K] et [J] [K] intervenants volontaires à la procédure, demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter les époux [UW] de l'intégralité de leurs demandes,

A titre subsidiaire, pour le cas où il ne serait pas fait droit à la demande de résiliation,

- valider le congé délivré aux époux [UW] par acte extrajudiciaire du 6 mai 2019 à effet du 10 novembre 2020,

A titre infiniment subsidiaire,

- reporter les effets du congé au 10 novembre 2023,

En tout état de cause,

- condamner M. et Mme [UW] au paiement de la somme de 15 000 euros aux consorts [YF] sur

le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. et Mme [UW] au paiement des entiers dépens.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande de jonction

Les époux [UW] sollicitent la jonction des deux instances introduites devant les premiers juges en résiliation du bail rural et en validation du congé pour atteinte de l'âge de la retraite.

Toutefois, le jugement déféré, dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux, s'agissant de faits que le juge y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même, indique que les deux instances ont été jointes le 12 septembre 2019.

La demande sera, par suite, rejetée.

II) Sur l'intervention volontaire de Mmes [E] [YF], [Z] [K], épouse [S], [B] [K] épouse [X], de MM. [Y] [K], [ND] [K] et [J] [K]

Mmes [E] [YF], [Z] [K], épouse [S], [B] [K] épouse [X], MM. [Y] [K], [ND] [K] et [J] [K] interviennent en qualité d'ayants droit de Mmes [IC] et [NZ] [YF] décédées en cours de procédure.

Cette intervention volontaire est recevable, dès lors que les intervenants volontaires ont, en leur qualité d'ayants droit, le droit d'agir relativement aux prétentions de l'indivision [YF] intimée.

III) Sur la demande de résiliation du bail rural

Les époux [UW] reprochent à la décision déférée d'avoir prononcé la résiliation de leur bail, au visa de l'article L.411-35 du code rural, et au motif qu'entre le 28 septembre 2018 et le 1er janvier 2019, L'EARL Le Meslier a exploité seule les parcelles, peu important que Mme [U] [R] soit restée associée de L'EARL Le Meslier, dès lors qu'il n'était pas établi qu'elle avait accompli des actes matériels d'exploitation des biens loués.

Soutenant qu'il n'a été procédé à aucune cession illégale du bail rural, les époux [UW] font valoir à hauteur de cour que :

- les terres ont été exploitées personnellement par Mme [U] [UW] entre le 1er septembre 2018 et le 1er janvier 2019, en sa qualité de co-titulaire du bail, et n'ont jamais été mises à la disposition de L'EARL Le Meslier,

- M. [UW] est redevenu exploitant à titre individuel à compter du mois d'avril 2018, et lorsqu'il a rencontré des soucis de santé, son épouse a pris sa suite, de sorte qu'aucun transfert, et partant aucune cession illégale, n'a été opéré au profit de L'EARL Le Meslier, comme l'a à tort retenu le tribunal paritaire des baux ruraux,

- l'existence d'une cession prohibée n'est nullement démontrée par l'indivision [YF],

- le bail ne peut être résilié au motif que Mme [UW] n'aurait pas informé ses bailleurs de son intention de poursuivre seule l'exploitation des terres, d'une part, parce qu'elle a clairement exprimé ses intentions à ses bailleurs, d'autre part, parce que les bailleurs ne peuvent justifier d'aucun grief,

- Mme [UW] n'eût-elle pas exploité les terres que ce défaut d'exploitation ne pourrait être sanctionné par la résiliation du bail, mais ferait seulement obstacle à une demande de cession de bail au moment où les preneurs en place entendraient faire valoir leurs droits à la retraite,

Les consorts [YF], qui concluent à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, de répliquer que :

- M. [UW] a cédé le 25 octobre 2018, l'intégralité de ses parts sociales dans L'EARL Le Meslier à M. [G], et son épouse n'a conservé, dans cette société, qu'une seule part sociale en qualité d'associée non exploitante, d'où il s'infère que les époux [UW] ont cédé leur bail à L'EARL Le Meslier,

- la mise à disposition des terres louées au bénéfice d'une société dont le preneur n'est pas associé exploitant s'analyse en une cession prohibée entraînant la résiliation du bail à ses torts exclusifs, et le preneur doit justifier qu'il a la qualité d'associé exploitant de la structure au sein de laquelle il est associé et au profit de laquelle il met à disposition les biens affermés,

- M. [UW] a perdu la qualité d'associé au sein de L'EARL Le Meslier, alors que le bail qui lui était consenti en qualité de co-preneur était toujours mis à disposition de la société, et Mme [UW] n'a jamais eu la qualité d'exploitante,

- le moyen selon lequel les époux [UW] auraient mis fin à la disposition de leur bail rural au profit de L'EARL Le Meslier au mois de mars 2018 est un argument de pure circonstance en ce que la preuve de la fin de cette mise à disposition n'est nullement rapportée, qu'elle n'est, en effet, alléguée que dans un courrier du 7 février 2019, et que les relevés MSA produits à cette fin, édités au mois de mai 2019, sont postérieurs à l'introduction de la procédure en résiliation de bail et ne permettent pas de connaître la date de la fin de la mise à disposition, et que L'EARL Le Meslier a continué de percevoir l'intégralité des aides de la PAC sur la campagne du 16 octobre 2017 au 15 octobre 2018, montrant ainsi qu'il n'a été procédé à aucune réduction de la surface mise en valeur par L'EARL pour la campagne de l'année 2018,

- la résiliation étant sollicitée sur le fondement de l'article L.411-35 du code rural et non sur le fondement de l'article L. 411-37 de ce même code, le moyen tiré du fait que l'indivision [YF] ne rapporterait pas la preuve d'une compromission du fonds suite à l'arrêt d'activité de M. [UW] est inopérant, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 411-35 entraînant automatiquement la résiliation du bail, sans que le bailleur soit tenu de rapporter la preuve d'un préjudice,

- une maladie invalidante ne justifie pas le défaut d'exploitation des biens loués par les preneurs et n'excuse pas la cession prohibée au profit d'un tiers, et la cession prohibée du bail, qui est établie, ne peut être régularisée, dès lors qu'elle intervient en violation d'une disposition d'ordre public du fermage,

- la résiliation est également encourue sur le fondement des dispositions de l'article L.411-35, alinéa 3, du fait que Mme [UW] n'a pas, dans un délai de trois mois à compter du 28 septembre 2018, date à laquelle M. [UW] a cessé d'exploiter suite à son accident vasculaire cérébral, sollicité des bailleurs, par lettre recommandée avec avis de réception reproduisant les dispositions de l'article L.411-35 du code rural, que le bail se poursuive en son seul nom.

Réponse de la cour

L'article L 411-35 dispose que, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du code civil, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. A défaut d'agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.

Aux termes de l'article L 411-31 II du code rural et de la pêche maritime, la résiliation du bail rural peut être demandée en cas de contravention aux dispositions de l'article L 411-35.

La violation de l'interdiction des cessions entraîne, indépendamment de la nullité de l'acte interdit, la résiliation du bail principal.

La mise à disposition par un preneur à ferme des terres qu'il loue au bénéfice d'une société dont il n'est pas membre s'analyse en une cession prohibée entraînant la résiliation du bail à ses torts exclusifs (Cass. 3e Civ., 16 mai 2007, n° 06-14.521).

Au cas d'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que :

- M. [UW] s'était retiré de L'EARL Le Meslier à compter du 25 octobre 2018, en cédant l'intégralité de ses parts sociales à M. [G],

- Mme [UW], qui ne possède plus qu'une part sociale, n'a jamais eu la qualité d'associée exploitante au sein de L'EARL Le Meslier, contrairement à ce que soutiennent les époux [UW],

A cet égard, les époux [UW] versent aux débats trois attestations : la première, émanant de M. [A] indique ' j'atteste venir régulièrement chez M. et Mme [UW] afin d'établir des projets sur des acquisitions de matériels agricoles' ; la deuxième émane de Mme [WN] et est ainsi libellée ' j'atteste tenir la comptabilité de Mme [U] [UW]. Nous nous rencontrons régulièrement dans les locaux de la CAENF, ensemble, et procédons à toutes les formalités administratives et obligations déclaratives nécessaires à l'établissement de son bilan de fin d'année' ; la troisième attestation émane de M. [O], qui indique qu'il est un ami de longue date de la famille [UW] et qu'il aide régulièrement Mme [UW] ' à accrocher le matériel au tracteur afin qu'elle puisse travailler dans ses champs'.

Ces trois attestations sont insuffisantes pour établir l'accomplissement par Mme [UW] d'actes matériels d'exploitation et une participation effective et suffisante à cette exploitation, en considération du fait qu'elles rendent compte, pour deux d'entre elles, de tâches administratives et que les témoins ne précisent pas avoir personnellement vu Mme [UW] accomplir des travaux agricoles, M. [O], qui déclare être un ami de Mme [UW], n'ayant pas été le témoin direct visuel de tels actes, et dès lors que Mme [UW] n'a jamais eu la qualité d'exploitante, comme en témoignent les statuts de l'EARL, qu'elle n'a conservé qu'une seule part sociale dans l'EARL, et a soutenu devant les premiers juges et dans un courrier du 7 février 2019, que le travail des champs était réalisé dans le cadre de l'entraide agricole, c'est-à-dire par un autre agriculteur.

- la fin de la mise à disposition et le basculement en exploitation individuelle à compter du mois d'avril 2018, allégué par les époux [UW], n'est pas démontré au regard du fait relevé par les premiers juges que la cessation de la mise à disposition n'a fait l'objet de l'avis prévu par l'article L.411-37 du code rural que postérieurement à cette cessation d'activité, en l'occurrence par un courrier du 7 février 2019, que les relevés MSA et le registre parcellaire graphique de Mme [UW], ou encore le certificat d'inscription à L'INSEE de Mme [UW], produits par les appelants reposent sur des déclarations unilatérales qui n'engagent que leurs auteurs et sont, par suite, dépourvus de valeur probante, et ont édités postérieurement à l'introduction de la procédure devant le tribunal paritaire, que la seule facture produite d'achat d'engrais auprès de la société Lepicard, datée du 22 décembre 2017, est libellée au nom de L'EARL Le Meslier.

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'entre le 28 septembre 2018 et le 1er janvier 2019 les terres litigieuses ont été exploitées par la société Le Meslier seule et non par les époux [UW].

La résiliation étant sollicitée non pas sur le fondement de l'article L. 411-37 du code rural, mais sur celui de l'article L. 411-35 de ce même code, le moyen tiré de l'absence de compromission du fonds consécutivement à la cession prohibée, est inopérant, les contraventions aux dispositions d'ordre public de l'article L.411-35 relatives à la cession justifiant la résiliation indépendamment de tout grief, comme il résulte des dispositions de l'article L. 411-31 du code rural.

La cession au profit d'un tiers est insusceptible de faire l'objet d'une régularisation.

En outre, il résulte de l'article L. 411-35 alinéa 3 du code rural et de la pêche maritime, applicable aux baux en cours selon les modalités prévues par l'article 4-VI-B de la loi du 13 octobre 2014, que lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose d'un délai de trois mois à compter de cette cessation ou de l'entrée en vigueur de la loi pour demander au bailleur que le bail se poursuive à son seul nom:

' Lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter disposede trois mois à compter de cette cessation pour demander au

bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son

seul le propriétaire ne peut s'y opposer qu'en saisissant dans un délai fixé par décret le tribunal paritaire, qui statue alors sur la demande. Le présent alinéa est applicable aux baux conclusdepuis

plus de trois ans, sauf si la cessation d'activité du copreneur est due à un cas de force majeure.

A peine de nullité, la lettre recommandée doit, d'une part, reproduire intégralement les dispositions du troisième alinéa du présent article et, d'autre part, mentionner expressément les motifs allégués pour cette demande ainsi que la date de cessation de l'activité du copreneur'.

Le défaut d'information, prescrit par l'article L. 411-35, alinéa 3 du Code rural et de la pêche maritime, au bailleur dans les 3 mois de cette cessation expose le copreneur restant à la résiliation de son bail peu important que le bailleur n'en ait éprouvé aucun préjudice (Cass. 3e civ., 21 janv. 2021, n° 19-24.520.

Au cas d'espèce, les courriers adressés par les époux [UW] et leur conseil, les 7 février 2019 et 20 mars 2019 ne satisfont pas aux prescriptions de l'article L. 411-35, en ce qu'ils ne reproduisent pas les dispositions du troisième alinéa de l'article L.411-35 mentionnées ci-avant, et en ce qu'ils n'ont pas été adressés dans le délai prescrit de trois mois qui a commencé à courir à la date à laquelle M. [UW] s'est trouvé dans l'impossibilité d'exploiter, soit le 28 septembre 2018, le courrier des époux [UW] se bornant au surplus à informer les bailleurs que Mme [UW] a engagé des démarches pour les terres objet du bail puissent continuer à être travaillées.

Le motif de résiliation du bail tiré d'une cession de bail prohibée étant, en l'espèce, caractérisé, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné la résiliation du bail et l'expulsion des preneurs des parcelles litigieuses, sans qu'il soit besoin de statuer sur la validé du congé pour âge délivré aux preneurs.

II) Sur les demandes indemnitaires formées à titre subsidiaire par les preneurs au titre des améliorations en fin de bail et de la perte de récolte pour l'année 2022

Les époux [UW] sollicitent, en premier lieu, à titre de dommages et intérêts, une somme de 60 756 euros, correspondant à la perte de marge brute subie du fait de l'impossibilité de lever les récoltes postérieures à la libération des lieux.

S'agissant d'une demande de dommages et intérêts, il incombe aux époux [UW] de démontrer la faute commise par l'indivision [YF]. Or la libération des terres ne peut être imputée à faute à l'indivision [YF], dès lors qu'elle est intervenue en exécution d'une décision de justice assortie de l'exécution provisoire, étant relevé que la libération des terres a eu lieu, après que la récolte de l'année 2021 eut été effectuée.

La demande de dommages et intérêts sera, par suite, rejetée.

Les époux [UW] sollicitent, en deuxième lieu, le paiement d'une indemnité de quelque 31 000 euros au titre des fumures et arrières-fumures, outre une indemnité de 2 000 euros, au titre de la valeur résiduelle de drainage.

Cependant, la preuve des améliorations invoquées, qui doit résulter d'une comparaison entre l'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sortie, n'est point rapportée en l'espèce, parce que les pièces produites par les appelants - facture de phosphate d'ammoniaque, analyses de terres - ne permettent aucune comparaison entre l'état des terres tel qu'il existait au moment de la prise de possession des lieux et l'état des parcelles au moment où il est mis un terme au bail.

De plus, la facture des travaux de drainage allégués n'a jamais été produite ni devant les premiers juges ni à hauteur de cour.

Les pièces produites ne permettant pas de démontrer la matérialité des améliorations culturales invoquées, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [UW] de leurs demandes indemnitaires.

IV) Sur les demandes accessoires

Les époux [UW], qui succombent, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance et aux frais irrépétibles non compris dans ces mêmes dépens, étant, par ailleurs, confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Déboute M. [C] [UW] et Mme [U] [UW] de leur demande de jonction ;

Reçoit en leur intervention volontaire Mmes [E] [YF], [Z] [K], épouse [S], [B] [K] épouse [X], MM. [Y] [K], [ND] [K] et [J] [K] interviennent en qualité d'ayants droit de Mmes [IC] et [NZ] [YF] décédées en cours de procédure ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant

Déboute M. [C] [UW] et Mme [U] [UW] de la totalité de leurs demandes ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [C] [UW] et Mme [U] [UW] à payer à M. [AS] [W] [YF], M. [I] [YF], Mmes [E] [YF], [Z] [K], épouse [S], [B] [K] épouse [X], MM. [Y] [K], [ND] [K] et [J] [K] une indemnité d'un montant total de 10 000 euros ;

Condamne M. [C] [UW] et Mme [U] [UW] aux dépens de la procédure d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 20/04390
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;20.04390 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award