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15/06/2023 | FRANCE | N°22/03452

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 juin 2023, 22/03452


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2023



N° RG 22/03452 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VQWM



AFFAIRE :



[X] [F]



C/



[S] [T]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 18/01797







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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Mélina PEDROLETTI











le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suiv...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 22/03452 -

N° Portalis DBV3-V-B7G-VQWM

AFFAIRE :

[X] [F]

C/

[S] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Août 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 18/01797

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 08 juin 2023 et prorogé au 15 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [F]

[Adresse 7]

[Localité 4]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Sébastien CROMBEZ, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 61

APPELANT

****************

Maître [S] [T] ès qualités de mandataire liquidateur de la Société [Z] FRANCE

[Adresse 6]

[Localité 2]

Organisme L'UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 9] prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société [Z] France, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 9], dans le département des Bouches du Rhône, est spécialisée dans l'installation et l'entretien d'ascenseurs. Elle emploie plus de 10 salariés.

Il s'agit d'une filiale de la société [Z] Aufzüge GmbH, société de droit allemand gérée par MM. [B] et [E] [Z], qui en est l'associée unique.

Par jugement en date du 20 février 2020, le tribunal de commerce de [Localité 9] a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Z] France et a désigné Me [T] en qualité de mandataire liquidateur.

En 2016, la société [Z] France s'est adressée à M. [X] [F], de nationalité allemande et résidant en Allemagne, afin de diriger ses établissements en France et plus particulièrement celui de [Localité 10].

Aux termes d'un contrat de mandat signé le 24 août 2016, M. [X] [F], né le 17 juillet 1964, a été nommé en qualité de directeur général de la société [Z] France, à effet au 5 septembre 2016, moyennant une rémunération mensuelle fixe de 8 750 euros bruts et une partie variable déterminée en fonction des objectifs individuels convenus annuellement avec la société, pouvant atteindre au maximum 35 000 euros bruts.

M. [F] a été placé en arrêt de maladie du 4 mai 2018 au 25 juin 2018.

Par lettre recommandée en date du 20 juin 2018, la société [Z] France a indiqué à M. [F] qu'elle envisageait de révoquer son mandat de directeur général de la société et que ce point avait été porté à l'ordre du jour de son assemblée générale du 29 juin 2018 ; que la mesure était envisagée notamment en raison de son absence prolongée depuis le 23 avril 2018, l'empêchant d'exercer ses fonctions et entraînant des difficultés de fonctionnement et de gestion pour la société.

Lors de ladite assemblée générale, la société [Z] France a décidé de révoquer M. [F] de ses fonctions de directeur général avec effet immédiat, sans préavis ni indemnité.

Le 2 juillet 2018, M. [F] a restitué les clés, badges, cartes de la société et les papiers de la voiture de fonction.

Par requête du 4 juillet 2018, M. [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir requalifier sa relation avec la société [Z] France en contrat de travail, de constater que la procédure de licenciement n'a pas été respectée et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il a demandé la condamnation de la société [Z] France à lui payer diverses sommes salariales et indemnitaires.

A la suite de l'ouverture de la procédure collective, M. [F] a demandé la fixation des sommes réclamées au passif de la liquidation de la société [Z] France et la reconnaissance de la garantie de l'AGS CGEA de [Localité 9], intervenante forcée.

L'AGS avait, quant à elle, soulevé, à titre liminaire, l'irrecevabilité des demandes de M. [F] du fait de l'incompétence de la juridiction saisie, le requérant n'ayant pas la qualité de salarié.

Le mandataire liquidateur n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter, faute de fonds.

Le 18 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Nanterre s'est mis en partage de voix et a renvoyé les parties devant la formation de départage du 30 mars 2022.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 31 août 2022, le conseil de prud'hommes de Nanterre en sa formation de départage :

- a constaté que le contrat liant M. [F] et la société [Z] France n'est pas un contrat de travail,

- s'est déclaré incompétent à statuer sur les demandes de M. [F],

- a mis hors de cause l'AGS CGEA de [Localité 9],

- a rejeté l'ensemble des demandes de M. [F] et l'a renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de [Localité 9],

- a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles,

- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- a laissé les dépens à la charge de M. [F].

M. [F] a interjeté appel de la décision par déclaration du 18 novembre 2022.

Sur requête du 18 novembre 2022 et par ordonnance du délégué du premier président de la cour d'appel de Versailles en date du 7 décembre 2022, M. [F] a été autorisé à assigner le liquidateur de la société [Z] France et l'Unedic AGS CGEA de [Localité 9] à jour fixe à l'audience du 31 mars 2023.

L'assignation a été délivrée par actes du 21 décembre 2022 signifiés à personne.

Par conclusions adressées par voie électronique le 10 mars 2023, M. [X] [F] demande à la cour de :

- déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par M. [F],

Y faisant droit,

- réformer le jugement statuant sur la compétence rendu le 31 août 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il :

. a constaté que le contrat de travail liant M. [F] et la société [Z] France n'est pas un contrat de travail,

. s'est déclaré incompétent à statuer sur les demandes de M. [F],

. a mis hors de cause l'AGS CGEA de [Localité 9],

. a rejeté l'ensemble des demandes de M. [F] et l'a renvoyé à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de [Localité 9],

. a laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles,

. a laissé les dépens à la charge de M. [F],

Et, statuant à nouveau,

A titre principal :

- juger qu'un contrat de travail s'est bien formé entre M. [F] et la société [Z] France et requalifier la relation entre la société [Z] France et M. [F] en contrat de travail,

- déclarer le tribunal de commerce de [Localité 9] incompétent pour connaitre des demandes formulées contre les intimées, et, en application de l'article 88 du code de procédure civile, en vue de donner à l'affaire une solution définitive,

- juger que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,

- juger que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 8 750 euros à titre d'indemnité de requalification,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 52 500 euros (six mois de salaire) à titre d'indemnité forfaitaire pour rupture d'une relation de travail dans le cadre d'un travail dissimulé (L. 8223-1 du code du travail),

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 8 750 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 26 250 euros à titre d'indemnité de préavis outre les congés payés afférents, soit 2 625 euros,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 4 010 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 17 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 26 250 euros à titre d'indemnité pour harcèlement moral et licenciement vexatoire,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 2 200 euros à titre d'arriéré de salaire outre les congés payés afférents, soit 220 euros,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 788,34 euros à titre de remboursement de notes de frais,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 9 894,23 euros à titre d'indemnité de congés payés,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 [sic] pour la première instance,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 [sic] pour l'instance d'appel,

- fixer la créance de M. [F] au passif de la société [Z] France à la somme de 168 737,57 euros,

- ordonner à Me [S] [T], ès qualités de liquidateur de la société [Z] France, la remise de bulletins de salaire rectificatifs et de documents sociaux conformes au jugement intervenir et (de) régulariser la situation de M. [F] auprès des caisses sociales,

- juger que CGEA-AGS [Localité 9] devra garantir les créances fixées au passif de la société [Z] France dans la limite de sa garantie,

- dire que les dépens sont frais privilégiés de la procédure collective,

A titre subsidiaire :

- juger qu'un contrat de travail s'est bien formé entre M. [F] et la société [Z] France et requalifier la relation entre la société [Z] France et M. [F] en contrat de travail,

- déclarer le tribunal de commerce de Marseille incompétent pour connaitre des demandes formulées contre les intimées, au profit du conseil de prud'hommes de Nanterre,

- renvoyer la cause et les parties devant le conseil de prud'hommes de Nanterre pour qu'il soit statué sur l'entier litige,

- juger que la société [Z] France est redevable envers M. [F] de la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 [sic] pour l'instance d'appel,

- dire que les dépens sont frais privilégiés de la procédure collective,

- dire que CGEA-AGS [Localité 9] devra garantir les créances fixées au passif de la société [Z] France dans la limite de sa garantie.

Me [T], en sa qualité de liquidateur de la société [Z] France, n'a ni constitué avocat ni conclu. La décision sera réputée contradictoire à l'égard de toutes les parties.

Par courrier en date du 5 janvier 2023, l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 9] a indiqué que compte tenu de la teneur du litige, ne disposant d'aucun élément lui permettant de participer utilement à l'audience, elle ne serait ni présente, ni représentée.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

M. [F] soutient que le contrat mis en place prend l'apparence d'un contrat de mandat selon lequel il est dirigeant social mais qu'il s'agit en réalité d'un contrat de travail compte tenu de la relation de travail existant effectivement avec la société.

Il expose qu'au fur et à mesure que le contrat s'est exécuté, il s'est rendu compte qu'il n'avait en rien les pouvoirs d'un directeur général, que les pouvoirs et éléments qui lui étaient communiqués étaient tellement insuffisants qu'il n'était pas en mesure de remplir correctement ses fonctions, qu'il n'avait aucun pouvoir de décision, aucune réelle autonomie et qu'il était tout au plus un responsable commercial à qui on demandait de signer certains documents pour représenter la société [Z] France, sans qu'il puisse participer aux prises de décision ni avoir la moindre initiative. Il relate que les fonctions de direction étaient en réalité inexistantes et qu'elles étaient intégralement remplies par la société mère, [Z] Aufzüge GmbH.

Il indique qu'il n'avait la main ni sur les finances, ni sur les comptes bancaires, ni sur la comptabilité, ni sur la gestion du personnel, ni sur les décisions stratégiques, ni sur les contrats d'assurance, ni sur les contrats d'achat du matériel, ni sur les contrats de bail, etc ; qu'il n'avait de pouvoir que pour les opérations courantes et de faible importance, ce qui est incompatible avec l'exercice d'un mandat de dirigeant et démontre au contraire l'existence d'un lien de subordination et donc d'un contrat de travail.

Il relate que le 2 juillet 2018, après de nombreux agissements l'ayant conduit à être placé en arrêt maladie pour syndrome anxiodépressif, la société [Z] France a, par un simple appel téléphonique, purement et simplement mis fin au contrat qui les liait, ce qui s'analyse en un licenciement, intervenu dans un cadre vexatoire et empreint de harcèlement moral.

Par application des dispositions de l'article L.1411-1 du code du travail, la juridiction prud'homale est compétente pour statuer sur tout litige ayant pour objet un différend relatif à l'existence d'un contrat de travail opposant le salarié et l'employeur prétendus.

Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve, par tous moyens.

L'existence des relations de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

En l'espèce, aucun contrat de travail écrit n'ayant été établi entre la société [Z] France et M. [F], il appartient à ce dernier de rapporter la preuve, par tous moyens, de l'existence dans les faits d'un contrat de travail.

Un contrat de mandat social a été signé le 24 août 2016 entre la société [Z] France représentée par son président M. [E] [Z] et M. [X] [F]. Il désigne M. [F] aux fonctions de directeur général de la société [Z] France. En cette qualité, M. [F] devait prendre en charge la direction de la société et disposait du pouvoir de représentation, de décision et d'action au nom de cette dernière.

Il convient d'examiner les conditions d'exercice de son activité par M. [F] au regard des faits qu'il invoque.

Il est relevé que plusieurs pièces produites par l'appelant sont inexploitables en ce qu'elles sont produites en langue allemande et non traduites.

Sur l'attribution d'un numéro de personnel et la prise des congés payés

M. [F] fait valoir qu'il s'est vu attribuer un numéro de personnel, ce qui ressort de sa demande de congés mais qui n'est cependant pas significatif d'une relation de travail salariée.

Il indique qu'il devait demander ses congés à la maison mère, pour validation.

Il justifie avoir déposé le 31 octobre 2017 une demande de congés pour 3 jours sur la période du 2 au 4 octobre 2017 inclus, qui a été signée par son responsable (pièce 3).

Cependant le contrat de mandat prévoit en son article 4 notamment que 'en cas d'absences, qui ne peuvent excéder cinq (5) semaines par an (jours fériés non inclus) et doivent faire l'objet d'un accord du président en cas de prise de congés, le directeur général veille à ce que la direction de la société soit assurée. Il prend ou fait prendre toutes les mesures nécessaires à cet effet.'

M. [F] devait donc demander l'accord du président de la société [Z] France pour prendre ses congés.

Sur l'absence de pouvoir d'embauche

M. [F] indique qu'il ne pouvait embaucher ou licencier que sur autorisation de la maison mère et que s'il a signé le contrat de travail de M. [K], c'est M. [E] [Z] qui l'avait embauché.

Il produit en ce sens le courriel adressé le 28 mars 2018 par M. [E] [Z], président de la société [Z] France, à M. [W] [K] pour offrir à ce dernier un poste de directeur technique pour [Z] France, après discussion en interne, et la lettre du 20 avril 2018 mettant fin à la période d'essai de ce salarié, signée par M. [E] [Z] (pièces 27 et 28).

Néanmoins, le contrat de mandat signé le 24 août 2016 dispose :

- en son article 1 - objet du contrat, notamment que 'le directeur général a le droit et l'obligation de gérer les affaires de la société et de la représenter conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, aux statuts ainsi que, le cas échéant, à un règlement interne existant. Les décisions de l'associée unique s'imposent à lui tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent contrat.',

- en son article 2 - fonctions/pouvoirs, que 'Il appartient au directeur général de prendre en charge la direction de la société. Il assurera à ce titre la gestion courante de la société et la continuité de son exploitation.

Il dispose, à l'égard des tiers, des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social, sous réserve des pouvoirs que la loi ou les statuts attribuent expressément aux associés.

Il est rappelé qu'à titre de mesures d'ordre interne, le directeur général devra recueillir l'autorisation préalable de l'associée unique ou du président pour les décisions et opérations définies dans le règlement intérieur établi au sein de la société et se conformer à ce dernier.' (pièce 1).

Le règlement intérieur de la société [Z] France (pièce 8) prévoit en son paragraphe B - Plans annuels que 'les dirigeants soumettent à l'approbation de l'associé unique un plan d'investissements, de financement et de personnel (business plan ou budget annuel) de la société pour chaque exercice, et ce, au plus tard 60 jours avant le début de l'exercice à venir'.

Il prévoit en son paragraphe C la répartition des tâches suivante entre le président et les directeurs généraux (ensemble 'les dirigeants') :

'- le président est en charge de la gestion globale de la société, détermine les opérations principales afférentes à son activité et surveille notamment l'évolution du chiffre d'affaires, des frais et du résultat de la société,

- le ou les directeurs généraux assurent la gestion courante de la société ainsi que la continuité de son exploitation.

Les tâches de gestion courante afférentes à des domaines non répartis seront assurées conjointement par le président et les directeurs généraux, qui s'engagent à se concerter et s'informer mutuellement en temps utile'.

Dans les actes soumis à autorisation (paragraphe D), le règlement intérieur distingue :

- les opérations et actes des dirigeants soumis à l'autorisation des associés,

- les opérations et actes des directeurs généraux soumis à l'autorisation du président.

Dans les secondes opérations, figurent l'embauche, la promotion, le licenciement ou autre modification des contrats de travail des salariés et des contrats avec les collaborateurs indépendants.

C'est donc en application du contrat de mandat et du règlement intérieur que M. [F] ne pouvait procéder sans autorisation de M. [E] [Z], président de la société, à l'embauche et au licenciement des salariés.

Sur la conclusion des baux

M. [F] fait valoir que lorsqu'il a fallu négocier un bail, cela n'a pu se faire que sur instruction de la maison mère, laquelle a donné pour instruction au dernier moment de ne pas signer le contrat.

Il produit le courriel que lui a adressé le 22 mars 2018 M. [O] [P], directeur financier de la société [Z] Aufzüge GmbH, lui indiquant que le nouveau contrat de location n'était pas validé en raison du loyer plus important et du départ de 'cash-flow' (pièce 31).

Or, aux termes du règlement intérieur de la société [Z] France, le directeur général devait demander l'autorisation du président de la société pour conclure, résilier ou modifier les contrats de bail ou de location d'une durée supérieure à une année dans l'hypothèse où la valeur de ces contrats dépassait le montant fixé dans le budget annuel.

Sur les instructions reçues

M. [F] fait valoir qu'il recevait des instructions de la maison mère sur la manière de rédiger les devis, qui étaient transmises par l'assistante de direction de M. [Z] ; qu'il n'avait pas le contrôle des prix pratiqués et que toute offre supérieure à 5 000 euros ne pouvait être validée que par la société mère.

Il produit en ce sens la procédure mise en place le 2 février 2018 pour l'établissement des devis pour des 'produits [Z] calculés dans SAE', à entête de la société [Z] France mais signée par M. [B] [Z] en qualité de directeur général et M. [P] en qualité de directeur financier, qui appartiennent à la société [Z] Aufzüge GmbH. Cette procédure lui a été transmise par Mme [Y] [H], assistante de direction de la société allemande, ayant pour adresse [Courriel 8]. La procédure prévoit que la demande de devis SAE est transmise au service comptable qui calcule le prix et établit le devis en respectant la procédure de validation, la remise du devis étant soumise à l'acceptation finale de VDE [la société mère] (direction ou service comptable) (pièce 7).

Il produit encore en pièce 38 un protocole établi le 20 décembre 2017 qui prévoit que les offres supérieures à 5 000 euros devaient être validées par M. [F] et la VDE (Allemagne), ainsi que les commandes de maintenance.

Il a reçu le 20 octobre 2017 des instructions de M. [P] pour annuler un contrat de maintenance en raison de conditions commerciales jugées, avec M. [B] [Z], inacceptables (pièce 37).

Il n'est pas le signataire du courrier de résiliation du contrat d'assurance souscrit par la société [Z] France auprès de la compagnie AXA France IARD en date du 25 octobre 2017 (pièce 4).

Or le règlement intérieur de la société prévoit :

- en son paragraphe B que l'associé unique approuve le plan d'investissements, de financement et de personnel,

- en son paragraphe C que le président est en charge de la gestion globale de la société et détermine les opérations principales afférentes à son activité,

- en son paragraphe D II - opérations et actes des directeurs généraux soumis à l'autorisation du président que 'le président étant responsable de la gestion globale de la société, le ou les directeurs généraux devront recueillir son autorisation préalable écrite pour les opérations et actes, qui ne seraient pas compris ou dépasseraient le cadre du plan mentionné au point B et notamment les actes suivants, dans la mesure où ceux-ci ne requièrent pas l'autorisation préalable de l'associée unique : (...)

- conclusion ou résiliation de contrats dont la valeur est supérieure au montant fixé dans le budget annuel pour l'année fiscale en cours pour un poste de frais déterminé.'

Les instructions reçues entrent dans le cadre de ces dispositions.

Sur l'absence de pouvoir financier

M. [F] indique qu'il n'avait pas accès aux comptes de la société (bilan, compte de résultat, etc). Il produit en ce sens les courriers recommandés qu'il a adressés à la société [Z] Aufzüge GmbH les 1er et 23 juin 2018 pour obtenir les comptes de résultat 2017 avant d'approuver son bonus 2017 et ses objectifs 2018 (pièces 5 et 22).

Il indique que c'est la secrétaire du président de la société mère qui l'autorisait à acheter les véhicules nécessaires à l'activité de la filiale française. Il produit en pièce 26 un courriel reçu le 14 novembre 2017 de Mme [Y] [H], lui indiquant 'après consultation avec M. [B] [Z] vous pouvez acheter les deux C3 avec le paquet Business (édition essence)'.

Il fait valoir qu'il n'avait pas la signature sur les comptes bancaires et que la lettre de demande d'annulation des autorisations bancaires dont il disposait, envoyée par la société [Z] France à la banque postérieurement à la requête qu'il a déposée au conseil de prud'hommes, ne prouve pas que ces autorisations existaient.

En effet, le courrier daté du 11 juillet 2018 envoyé par la société [Z] France à la Commerzbank AG de Paris, demandant l'annulation de toutes les autorisations bancaires de M. [F], ne suffit pas à prouver que ce dernier disposait de manière effective de telles autorisations (pièce 35).

M. [F] disposait d'une carte bancaire professionnelle pour ses frais de déplacement, avec un plafond d'utilisation de 2 000 euros, ainsi qu'il résulte de l'extrait de compte qu'il produit (pièce 25) et de l'attestation de M. [W] [K], salarié de la société, qui témoigne que le plafond était rapidement atteint en cas de déplacement à l'étranger et que M. [F] devait alors payer avec sa carte personnelle. Il ajoute que M. [F] 'n'avait pas les pleins pouvoirs pour payer les factures fournisseurs, les notes de frais des employés car c'est la [Z] GmbH en Allemagne qui faisait les paiements bancaires et qu'en tant qu'employés on devait avancer de notre poche le paiement des fournisseurs sans même être remboursés.' (pièce 24).

Il justifie en outre qu'il demandait à M. [P], directeur financier, la libération des fonds destinés à payer des factures, le loyer de l'établissement de [Localité 10], les véhicules C3, des moteurs, câbles, le médecin du travail ou encore les salaires du mois de mars 2018 (pièces 21, 23, 36, 39). Il faisait également des notes de frais pour l'achat de poubelles et piles d'un montant total de 11,54 euros (pièces 10 et 46).

Il a reçu des instructions écrites de M. [B] [Z] le 29 janvier 2018 (pièces 29, 30 et 46) :

- pour la remise immédiate de la liste des congés restants de ses collaborateurs au 31 décembre 2017 afin d'établir les comptes annuels 2017, se voyant reprocher l'absence de respect des dates qui lui sont imposées,

- pour veiller à ce que les techniciens de service enregistrent toutes les heures de travail dans Progilift à compter du 1er février 2018.

Or le contrat de mandat énonce en son article 1 que les décisions de l'associé unique s'imposent à M. [F] tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du contrat et le règlement intérieur de la société prévoit que le président est en charge de la gestion globale de la société et que le ou les directeurs généraux assurent la gestion courante et doivent solliciter l'autorisation préalable du président pour les contrats d'une certaine valeur.

M. [F] ne disposait donc pas, aux termes du mandat, d'un plein pouvoir financier.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que si M. [F] ne disposait pas de pouvoirs étendus pour décider et agir au nom de la société [Z] France dont il était le directeur général, c'est en raison des dispositions du contrat de mandat signé entre les parties et du règlement intérieur auquel ce dernier se réfère, qui prévoyaient l'étendue des pouvoirs de chacun des dirigeants.

M. [F] n'établit pas qu'il exécutait son travail sous l'autorité d'un employeur qui devait valider nombre de décisions, avait le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné, et qu'il était donc placé à l'égard de la société [Z] France dans un lien de subordination caractérisant l'existence d'un contrat de travail.

Le conseil de prud'hommes n'est donc pas compétent pour examiner les demandes au fond de M. [F].

Le jugement rendu le 31 août 2022 sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que le contrat liant M. [F] et la société [Z] France n'est pas un contrat de travail, qu'il s'est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes de M. [F], qu'il a mis hors de cause l'AGS CGEA de [Localité 9], a rejeté l'ensemble des demandes de M. [F] et a renvoyé ce dernier à mieux se pourvoir devant le tribunal de commerce de [Localité 9].

Il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la demande d'évocation de l'affaire et sur les prétentions au fond de l'appelant.

Sur les demandes accessoires

La décision sera déclarée opposable à l'Unedic CGEA de [Localité 9].

La décision de première instance sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de M. [F] et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

Les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [F] qui sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 31 août 2022 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

Y ajoutant,

Déclare l'arrêt opposable à l'Unedic CGEA de [Localité 9],

Condamne M. [X] [F] aux dépens d'appel,

Déboute M. [X] [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 22/03452
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;22.03452 ?
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