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15/06/2023 | FRANCE | N°21/02491

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 15 juin 2023, 21/02491


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2023



N° RG 21/02491 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVXC



AFFAIRE :



[I] [K]



C/



S.A.S. P&M CONSTRUCTEURS











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : 19/00352r>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Jean christophe LEDUC



Me Christophe DEBRAY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/02491 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVXC

AFFAIRE :

[I] [K]

C/

S.A.S. P&M CONSTRUCTEURS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : 19/00352

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean christophe LEDUC

Me Christophe DEBRAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [K]

né le 24 Janvier 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Jean christophe LEDUC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000045

APPELANT

****************

S.A.S. P&M CONSTRUCTEURS

N° SIRET : 530 340 363

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

Représentant : Me Magalie CASTELLI MAURICE, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS, vestiaire : 19

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame [M] [W],

Par contrat de travail à durée indéterminée du 4 juillet 2017, Monsieur [I] [K] a été engagé à compter du 4 septembre 2017 par la Sas P&M Constructeurs en qualité de conducteur de travaux à temps plein.

Par courrier recommandé du 29 mars 2019, le salarié a été convoqué, avec mise à pied à titre conservatoire, à un entretien préalable auquel il ne s'est pas présenté le 9 avril 2019, puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 12 avril 2019, il a reçu notification de son licenciement « pour faute sérieuse » avec dispense de préavis.

Par requête reçue au greffe le 25 novembre 2019, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres afin de contester la légitimité de son licenciement et d'obtenir le versement de diverses sommes.

Par jugement du 5 juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Chartres a :    

en la forme :

- reçu Monsieur [I] [K] en ses demandes ;

- reçu la Sas P&M Constructeurs en sa demande reconventionnelle ;

au fond :

- confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [I] [K] ;

en conséquence,

- débouté Monsieur [I] [K] de l'intégralité de ses demandes ;

- débouté la société P&M Constructeurs de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Monsieur [I] [K] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 29 juillet 2021, le salarié a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 9 mai 2022, le magistrat de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions d'intimée.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 23 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, le salarié demande à la cour de :

- le recevoir en son appel,

y faisant droit

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 5 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

- dire et juger dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à la date du 12 avril 2019 ;

- condamner « en conséquent » la société P&M Constructeurs à lui verser les sommes de :

* 15 000 euros à titre d'indemnité pour perte injustifiée de l'emploi ;

* 5 000 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail;

* 5 000 euros par application des disposions de l'article 700 du code de procédure civile :

- débouter la société P&M Constructeurs de toutes ses demandes plus amples ou contraires ;

- la condamner enfin aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce notamment compris le coût des significations et de l'exécution forcée, dont distraction au profit de Maitre Jean- Christophe Leduc, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement et ses conséquences indemnitaires

Il résulte de l'article L.1235-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L 1235-2 du même code prévoit notamment que la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Dans la lettre de licenciement, les motifs du licenciement s'énoncent en ces termes :

« - Contrôle des travaux réalisés par les sous-traitants insuffisant, voire inexistant.

a) II est apparu qu'il est habituel pour vous de laisser seules les entreprises sous-traitante au moment d'implanter les constructions ; dans le cas de la construction du client [Y] à [Localité 7] (28) cela se traduit, après passage et constat de l'expert de notre compagnie d'assurance sur le terrain le 20 mars 2019, par une erreur d'implantation altimétrique de 50 centimètres et un risque sérieux de démolition reconstruction.

b) Sur le chantier du client [V] vous n'avez pas vu l'absence d'isolation au plafond du

garage pourtant prévue dans le marché du sous-traitant et facturée par ce dernier.

c) Sur le chantier [L] réceptionné le 20 mars 2019 vous n'avez pas constaté l'absence des

tuiles photos voltaïques pourtant bien visibles sur les plans d'exécution.

- Choix des artisans parfois stupéfiant.

Sans juger utile de nous informer, vous avez retenu l'entreprise LE DROGO pour réaliser le gros oeuvre du chantier [T] à [Localité 7] (28) alors que vous n'avez cessé de critiquer cette entreprise qui ne devait donc plus retravailler pour nous.

Pour faire bonne mesure et au mépris de toutes les règles, vous avez lancé les travaux de ce chantier le 18 mars 2019 sans nous demander le marché de travaux du sous-traitant et sans demander à l'entreprise LE DROGO de fournir préalablement ses assurances 2019 à jour.

- Permission donnée au client [D] à [Localité 6] (28) de déménager ses meubles dans la maison sans que celle-ci ait été réceptionnée et alors que la porte d'entrée peut être ouverte avec le passe chantier distribué à tous les artisans, d'où un risque de vol des meubles du client particulièrement élevé (photos prises sur place le 15 mars 2019).

- plaintes récurrentes des clients dont vous ignorez les appels la majeure partie du temps.

L'extrait d'un mail du client [E] résume bien la situation :

« Cette semaine la couverture sera finie si le temps le permet »

« Ce pauvre SMS vous est transféré tel quel'

« Nous ne demandons pas à Monsieur [K] d'être un prix d'éloquence, mais nous « constatons que la communication tout comme la politesse n'est pas son talent premier (bonjour, merci, cordialement, bref, la base). »

(')

« Six mois que le chantier a débuté et pas un seul rendez-vous sur le terrain. »

Nous vous dispensons d'effectuer votre préavis qui débutera à la date de première présentation de cette lettre à votre domicile et se terminera 3 mois plus tard ; vous quitterez les effectifs de l'entreprise à l'issue de votre préavis.

Votre salaire continuera de vous être versé durant cette période' »

Le salarié soutient que les motifs relèvent de l'insuffisance professionnelle et que le conseil de prud'hommes n'a pas appréhendé la difficulté qui lui était soumise relativement au terrain sur lequel la rupture du contrat de travail avait été prononcée, en ayant jugé au visa de l'article L. 1332-4 du code du travail : « l'appréciation de tous les éléments matériellement établis « pris dans leurs ensembles » prouvent l'existence d'un manquement diligenté à l'exécution du contrat de travail dans le délai légal ».

Toutefois, il se déduit des termes de la lettre de licenciement que l'employeur, dont la lettre de convocation à l'entretien préalable mentionnait déjà qu'il envisageait une mesure pouvant aller

jusqu'au licenciement pour faute grave, a entendu se placer exclusivement sur le terrain disciplinaire.

Le premier juge a considéré devoir « confirmer » le licenciement et débouter en conséquence le salarié de sa demande d'indemnité pour perte injustifiée de l'emploi en ce que : « Monsieur [K] à l'instar de la mise en 'uvre de sa responsabilité contractuelle n'a pas exécuté ses obligations du contrat de travail, que la causalité entre l'inexécution de l'obligation ou son manquement a causé des dommages importants » ; « la société P&M Constructeur a parfaitement respecté ses obligations et justifié pleinement ce licenciement ».

Pour voir infirmer le jugement, le salarié soutient d'abord la prescription de faits en ce que l'employeur en aurait eu connaissance, pour le chantier [Y], au mois de septembre 2018 lors d'une réunion de chantier, pour le chantier [V], à compter de la réception au mois de novembre 2018, et s'agissant de la plainte des clients [E], au cours de ce même mois.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ce dernier devant justifier de la date de sa connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié propre à faire courir la prescription.

S'agissant du chantier [V], l'employeur ne justifie pas de sa connaissance exacte des faits reprochés dans le délai de prescription alors qu'il est établi que le problème relatif à l'isolation du plafond du garage constituait une réserve à la suite de la réception du chantier effectuée le 22 novembre 2018.

De même, le mail des clients [E] ayant été envoyé à l'employeur le 20 novembre 2018, les faits qu'ils dénoncent, notamment un manque de communication et de politesse de la part du salarié, ne peuvent fonder une procédure de licenciement mise en 'uvre à compter du 29 mars 2019.

Ces faits sont donc prescrits.

Concernant le chantier [Y], s'il ressort du compte rendu d'expertise du 30 octobre 2018 que lors d'une réunion de chantier au début du mois de septembre 2018, Monsieur [Y] avait fait remarquer que le niveau de la construction était plus enterré que prévu en raison d'une erreur d'exécution du constructeur, l'employeur s'est prévalu d'opérations d'expertise du 20 mars 2019 qui ont mis en évidence, outre un débord sur la parcelle mitoyenne, un défaut d'implantation altimétrique de la construction plus important que celui constaté à l'origine, ce qui l'a conduit à devoir formaliser avec son client, le 10 juin suivant, un protocole d'accord prévoyant la démolition et la reconstruction de l'ouvrage.

Il en résulte que la prescription n'est pas encourue puisque ce n'est que le 20 mars 2019, soit moins de deux mois en amont des poursuites par lettre du 29 mars 2019, que l'employeur a eu une connaissance exacte des faits reprochés.

Si dans le cadre de ses fonctions de conducteur de travaux, le salarié était tenu de « mener à bonne fin les opérations », notamment de « Réalisation de la construction de maisons individuelles de l'implantation à la réception », celui-ci conteste à juste titre le caractère fautif du manquement reproché puisqu'il n'est pas établi que cette négligence dans la conduite et le contrôle des travaux relatifs au chantier concerné, lequel a débuté peu après son embauche, a résulté d'une intention délibérée de sa part.

Par ailleurs, si le grief relatif à l'absence de réserve lors de la signature, le 20 mars 2019, du procès-verbal de réception des travaux réalisés pour le client [L], n'est pas prescrit, force est d'observer qu'il ressort de l'attestation de ce dernier que cette signature est intervenue en toute connaissance de cause, en présence du dirigeant de la société P&M constructeurs, en considération des travaux déjà réalisés. Il n'est pas établi que la signature d'un procès-verbal de réception sans aucune réserve est imputable au salarié. En tout état de cause, il n'est pas justifié de l'existence d'une intention délibérée de sa part.

Ainsi, c'est à raison que le salarié soutient que ce fait ne peut fonder le licenciement.

Pareillement, il n'est pas établi ni que malgré des critiques visant l'entreprise Le Drogo le salarié aurait choisi celle-ci pour réaliser le gros-'uvre d'un chantier commencé le 18 mars 2019, ni qu'il aurait manqué à ses obligations en matière de « contrôle administratif » vis-à-vis de ce même professionnel.

L'emménagement d'un client par anticipation et avant toute réception avec l'accord du salarié n'est pas non plus avéré.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement, de nature disciplinaire, est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de sorte que le jugement doit être infirmé sur ce chef.

Le salarié réclame une indemnisation au-delà du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail faute d'indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi compatible avec les exigences de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT d'application directe en droit français. Il invoque en outre l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996. Il fait valoir l'existence d'un préjudice consécutif à la perte injustifiée de son emploi et à la perte de chance de le conserver notamment au regard de son âge.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par

ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
- la violation d'une liberté fondamentale;
- des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;
- un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;
- un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;
- un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;
- un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations ci-dessus énumérées, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi. Le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d'une politique qu'elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l'exercice effectif des droits et principes» ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.
Selon l'article 24 de cette même Charte, « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »
L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il « est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. »
L'article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu'elle contient.
Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s'engage :
a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;
b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;
c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu'elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»
Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d'être liée par l'ensemble des articles de la Charte sociale européenne.
L'article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :
a) la législation ou la réglementation ;
b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d'employeurs et organisations de

travailleurs ;

c) une combinaison de ces deux méthodes ;
d) d'autres moyens appropriés. »
Enfin, l'annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l'application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives.
Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.
Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18.

Les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant donc pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d'indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d'allouer au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte.

En conséquence, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, le salarié, qui comptait une ancienneté d'une année complète à la date de son licenciement, peut prétendre, en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 1 mois de salaire brut et le montant maximal de 2 mois de salaire brut.

En considérant notamment l'âge du salarié et ses capacités à retrouver un emploi telles que celles-ci résultent des éléments d'appréciation, il convient de lui allouer la somme nette de 6 666 euros, égale à deux mois de salaire brut, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

Si le salarié invoque la « vacuité des griefs adossés à la rupture », la mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, une légèreté blâmable, son éviction sans avoir démérité, il ne justifie ni de la mauvaise foi alléguée ni d'un préjudice non réparé par l'indemnité allouée supra au titre de la perte injustifiée de son emploi.

Il sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts formée de ce chef, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il ne sera fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit du salarié auquel est allouée la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

La charge des entiers dépens de première instance et d'appel doit être supportée par l'employeur, partie succombante pour l'essentiel. Il convient de dire que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Jean-Christophe Leduc, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS:

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déboute Monsieur [I] [K] de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

L'infirme pour le surplus.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement, de nature disciplinaire, de Monsieur [I] [K] ;

Condamne la société P&M Constructeurs à payer à Monsieur [I] [K] les sommes suivantes:

- 6 666 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus.

Condamne la société P&M Constructeurs aux entiers dépens de première instance et d'appel, et dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Jean-Christophe Leduc, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame [M] [W], greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02491
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.02491 ?
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