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15/06/2023 | FRANCE | N°21/00924

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 juin 2023, 21/00924


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2023



N° RG 21/00924 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UMUX



AFFAIRE :



S.A.R.L. HEUREUX À DOMICILE



C/



[X] [P] épouse [K]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 18/00715

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Pierre-Emmanuel BASTARD



Me Arnaud JAGUENET







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/00924 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UMUX

AFFAIRE :

S.A.R.L. HEUREUX À DOMICILE

C/

[X] [P] épouse [K]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : AD

N° RG : 18/00715

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Pierre-Emmanuel BASTARD

Me Arnaud JAGUENET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 08 juin 2023 et prorogé au 15 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

S.A.R.L. HEUREUX À DOMICILE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Pierre-Emmanuel BASTARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [X] [P] épouse [K]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Arnaud JAGUENET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 536

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/005864 du 27/09/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SARL Heureux à Domicile, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les [Localité 3], est spécialisée dans le service à la personne, ainsi que dans l'aide au maintien à domicile des personnes âgées et des personnes à mobilité réduite. Elle emploie moins de onze salariés et applique la convention collective nationale des entreprises de service à la personne du 20 septembre 2012.

 

Mme [X] [P] épouse [K], née le 25 décembre 1974, a été engagée par cette société, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 8 mai 2015, en qualité d'aide à domicile.

Soutenant que la société Heureux à Domicile ne lui avait plus fourni de travail à compter du mois de mars 2017, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, par requête reçue au greffe le 26 mars 2018.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 9 janvier 2020, la section activités diverses du conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] aux torts et griefs de la société Heureux à Domicile à effet du 23 avril 2019,

- condamné la société Heureux à Domicile à payer à Mme [K] les sommes suivantes :

. 14 772,06 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du mois de mars 2017 au mois de janvier 2019,

. 1 965,88 euros à titre d'indemnité de préavis,

. 196,59 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 962,46 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 1 165,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à la date du 28 février 2017,

. 982,94 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

. 2 393,03 euros à titre de rappel de salaire relatif au volume annuel minimal de travail,

. 239,30 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire relatif au volume annuel minimal de travail,

. 14,40 euros à titre de rappel de salaire lié à la revalorisation du SMIC horaire pour les mois de janvier et février 2017,

. 1,44 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire lié à la revalorisation du SMIC horaire pour les mois de janvier et février 2017,

. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- ordonné la remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de salaire et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux termes du présent jugement,

- dit que le présent jugement est assorti exclusivement de l'exécution provisoire de droit,

- fixé à la somme de 982,94 euros le montant de la rémunération mensuelle moyenne des trois derniers mois,

- dit que les condamnations prononcées porteront intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation, soit le 12 juillet 2018, pour ce qui est des rappels de salaire et des indemnités de rupture a caractère salarial et à compter du prononcé du présent jugement pour ce qui est des sommes accordées à titre indemnitaire,

- débouté Mme [K], née [P], du surplus de ses demandes,

- débouté la société Heureux à Domicile de sa demande au titre des frais irrépétibles,

- débouté (sic) la société Heureux à Domicile aux entiers dépens.

Pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, le conseil de prud'hommes a retenu que la dernière mission exécutée par Mme [K] s'était achevée fin février 2017 et que depuis cette date, la salariée n'avait exécuté aucune mission, que la société ne démontrait pas avoir proposé des missions à Mme [K] depuis le mois de mars 2017, que celle-ci aurait refusé d'exécuter, qu'ainsi, l'employeur n'avait pas fourni de travail à la salarié ni ne lui avait assuré en contrepartie une rémunération.

Mme [K] avait demandé au conseil de prud'hommes de prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de condamner la société Heureux à Domicile à lui payer les sommes suivantes :

- rappel de salaires correspondant à l'écart entre le nombre d'heures de travail qui lui a été fourni et le nombre d'heures minimales prévues au contrat de travail, de mai 2015 à février 2017 : 2 393,03 euros,

- congés payés afférents : 239,30 euros,

- rappel de salaires au regard du SMIC, janvier et février 2017 : 14,40 euros,

- congés payés afférents : 1,44 euros,

- salaire de mars 2017 à janvier 2019 (à parfaire) : 14 772,06 euros,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail liant les parties et dire que cette résiliation a les effets d'un licenciement abusif,

- en conséquence, condamner la société Heureux à Domicile à lui verser :

. indemnité compensatrice de préavis : 1 965,88 euros,

. congés payés afférents : 196,59 euros,

. indemnité de licenciement : 962,46 euros,

. indemnité compensatrice de congés payés : l 665,25 euros,

. dommages-intérêts pour licenciement abusif : 4 914,70 euros,

- ordonner à la société Heureux à Domicile de lui remettre :

. un bulletin de salaire,

. un certificat de travail,

. une attestation Pôle emploi,

conformes au jugement, et sous astreinte de 20 euros par document et par jour de retard à compter du 31e jour suivant la date à laquelle le jugement à intervenir aurait été notifié ou signi'é à la société Heureux à Domicile,

- se réserver la liquidation de l'astreinte,

- condamner la société Heureux à Domicile à lui verser 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution défectueuse du contrat travail,

- ordonner l'exécution provisoire de l'ensemble du jugement sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

La société Heureux à Domicile avait, quant à elle, conclu au débouté de la salariée et avait sollicité la condamnation de celle-ci à lui verser une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

La société Heureux à Domicile a interjeté appel du jugement par déclaration du 22 mars 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 21/00924.

Par ordonnance rendue le 8 février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 mars 2023.

Prétentions de la société Heureux à Domicile, appelante

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 14 mai 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Heureux à Domicile demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] [K] aux torts et griefs de son employeur à effet au 23 avril 2019,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [X] [K] les sommes suivantes :  

. 14 772,06 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant du mois de mars 2017 au mois de janvier 2019,

. 1 965,88 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 196,59 euros au titre des congés payés afférents,

. 962,46 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 01 165,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés arrêtée à la date du 28 février 2017,

. 982,94 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

. 2 393,03 euros à titre de rappel de salaires relatif au volume annuel minimal de travail,

. 239,30 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaires relatif au volume annuel minimal de travail,

. 14,40 euros à titre de rappel de salaires lié à la revalorisation du SMIC horaire pour les mois de janvier et février 2017,

. 1,44 euros au titre des congés payés afférents au rappel de salaire lié à la revalorisation du SMIC horaire pour les mois de janvier et février 2017,

. 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de salaire et d'une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux termes du jugement,  

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et de celle relative aux entiers dépens,

statuant à nouveau,

- débouter Mme [K] de sa demande de rappel de salaires correspondant entre le nombre d'heures de travail fournies et le nombre d'heures minimales, de mai 2015 à février 2017, ainsi que de sa demande de congés payés afférents,

- débouter Mme [K] de sa demande de rappel de salaires du mois de mars 2017 au mois de janvier 2019,

- juger que Mme [K] n'a jamais été licenciée pour faute lourde,

- débouter Mme [K] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- débouter en conséquence Mme [K] de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,

- débouter Mme [K] de sa demande de versement d'une indemnité de licenciement,

- débouter Mme [K] de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de congés payés,

- débouter Mme [K] de sa demande de versement de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Prétentions de Mme [K], intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 11 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [K] demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter la société Heureux à Domicile de sa demande de paiement en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Heureux à Domicile au paiement de la somme de 1 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, Mme [K] souligne que les conclusions de l'appelante en cause d'appel sont identiques à celles de première instance, qu'elle a dès lors décidé de répondre à l'argumentaire de la société selon le plan que celle-ci a retenu, à savoir d'une part sur le fait qu'elle n'aurait jamais fait l'objet d'un licenciement et d'autre part sur le fait que sa demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée.

La cour s'attachera, quant à elle, à examiner la demande principale tendant à la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur en déclinant les différents manquements invoqués par la salariée.

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail

Mme [K] sollicite que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail la liant à la société Heureux à Domicile, aux torts de l'employeur.

Il est rappelé que la résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Mme [K] invoque, à l'appui de sa demande, quatre manquements.

Elle invoque, en premier lieu et à titre principal, l'absence de fourniture de travail.

Mme [K] explique que depuis son embauche, elle a exercé ses fonctions chez la même personne, que le contrat a pris fin en février 2017 et que depuis, elle ne s'est pas vu confier de mission.

La salariée justifie avoir interrogé en vain son employeur par lettre recommandée du 15 mai 2017 (sa pièce 4). Elle y signalait notamment que, malgré diverses tentatives, soit en se rendant au siège de la société, soit en téléphonant, elle n'avait pas pu avoir d'échange avec sa responsable. Il n'est justifié d'aucune réponse à cette mise en demeure.

La société Heureux à Domicile rétorque que la salariée a refusé les missions qui lui ont été proposées. Elle est toutefois totalement défaillante à rapporter la preuve qui lui incombe d'avoir confié des missions à la salariée et de s'être vu opposer un refus. Elle ne produit en effet aucune pièce utile à ce titre.

Il y a lieu de retenir ici que l'employeur a manqué à son obligation de fournir du travail à la salariée.

La salariée, qui sollicite un rappel de salaires depuis mars 2017, justifie s'être tenue à la disposition de son employeur, excepté entre janvier et août 2018, puisqu'elle a travaillé à temps complet sur cette période, ce qu'elle reconnaît. Elle produit un tableau des heures de travail effectuées à partir de mars 2017 (sa pièce 11) reprenant les données des bulletins de salaire correspondants (sa pièce 12) dont il résulte, ainsi qu'elle le soutient, que ses horaires lui permettaient de respecter le contrat à temps partiel conclu avec la société Heureux à Domicile. Ces éléments apparaissent suffisants à rapporter la preuve attendue, sans qu'il ne puisse être reproché à la salariée, comme le fait pourtant l'employeur, de ne pas produire ses déclarations de revenus et avis d'imposition, le fait que Mme [K] ait occupé d'autres emplois étant admis dès la signature du contrat de travail, lequel mentionne que la salariée « s'engage à communiquer le nombre d'heures qu'[elle] effectue chez tout autre employeur ».

En tenant compte du salaire versé et de la période au cours de laquelle la salariée s'est tenue à la disposition de son employeur, le rappel de salaires s'élève à la somme de 14 772,06 euros outre les congés payés afférents. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Mme [K] invoque, en deuxième lieu, le non-respect des durées minimales de travail convenues aux termes du contrat de travail.

L'article 4 du contrat de travail, intitulé « Durée du travail », stipule en effet que « Le salarié est engagé dans le cadre d'un travail à temps partiel aménagé de 147 heures mensuelles. La durée du travail effective annuelle du salarié à temps partiel aménagé peut varier au-delà ou en deçà dans la limite de 1/3 du nombre d'heures annuelles stipulé ci-dessus. »

Les parties s'étaient donc engagées à hauteur de 1 764 heures sur l'année, avec une durée minimale de 1 176 heures, correspondant à 98 heures par mois sur douze mois.

Or, il est justifié, au vu des bulletins de salaire produits (pièce 3 de la salariée) que la société Heureux à Domicile n'a pas respecté cette durée minimale, qu'elle doit en conséquence être condamnée à verser à Mme [K] à ce titre un rappel de salaires égal à 2 393,03 euros pour la période allant de mai 2015 à février 2017, outre les congés payés afférents, par confirmation du jugement entrepris.

Le manquement est établi.

Mme [K] invoque, en troisième lieu, le non-respect du SMIC.

Ainsi que le signale Mme [K], le taux horaire figurant sur les bulletins de salaire de janvier et février 2017 est de 9,67 euros alors qu'à compter de janvier 2017, le SMIC était de 9,76 euros.

Il est dû à la salariée à ce titre un rappel de salaires de 14,40 euros outre les congés payés afférents, par confirmation du jugement entrepris.

Ce manquement est également établi.

Mme [K] invoque, en quatrième et dernier lieu, la mention d'une faute lourde dans les documents de fin de contrat de travail qui lui ont été remis.

Mme [K] justifie avoir reçu de la part de son employeur un certificat de travail (sa pièce 9) et une attestation destinée à Pôle emploi (sa pièce 10), mentionnant qu'elle avait été licenciée pour faute lourde.

La société Heureux à Domicile, sur qui pèse la charge de la preuve, ne justifie pas avoir notifié son licenciement à Mme [K] de sorte que l'envoi de documents de fin de contrat, avec de surcroît la mention d'une faute lourde, constitue une faute de sa part.

L'ensemble de ces manquements, notamment ceux tenant à l'absence de fourniture de travail et au non-paiement du salaire, en ce qu'ils portent sur les obligations essentielles du contrat de travail, sont d'une gravité qui fait obstacle à la poursuite du contrat de travail et commandent en conséquence que soit prononcée la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnisation de la salariée

Sur la base d'un salaire de 956 euros et d'une ancienneté de 3 ans et 11 mois, Mme [K] peut prétendre à différentes indemnités.

Indemnité compensatrice de préavis : celle-ci s'élève à la somme de 1 965,88 euros outre les congés payés afférents.

Indemnité de licenciement : 962,46 euros selon le décompte présenté par la salariée, que la cour adopte.

Indemnité pour licenciement abusif

Mme [K] souligne que les conditions d'exécution de son contrat de travail étaient désinvoltes et inacceptables du fait de la non-fourniture de travail et du non-paiement de son salaire durant plus de deux ans, de l'absence de réponse à son courrier, de son obligation de présenter une demande de résiliation judiciaire, de l'information qu'un licenciement serait intervenu pour faute lourde, laissant supposer qu'elle a agi malhonnêtement et déloyalement alors qu'aucun motif ne lui a été communiqué et des allégations mensongères visant à faire croire que le licenciement lui aurait été notifié depuis plusieurs mois et qu'il était impossible d'échanger avec elle.

Elle rappelle qu'elle avait sollicité une indemnité pour licenciement abusif de 4 914,70 euros devant le conseil de prud'hommes, soit 5 mois de salaire, que le conseil lui a accordé une indemnité de 982,94 euros, dont elle a demandé la confirmation devant la cour, sans reprendre sa demande initiale, que malgré cela, la société Heureux à Domicile continue à argumenter dans ses conclusions en reprenant à l'identique le moyen défendu en premier instance sur la base du montant initial réclamé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a accordé à Mme [K] la somme de 982,94 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Indemnité compensatrice de congés payés

Mme [K] expose que, depuis son embauche jusqu'à février 2017, mois à partir duquel aucun travail ne lui a été fourni, ni aucun salaire versé, le total des salaires perçus a été de 18 009,55 euros, que durant sa période d'activité au sein de la société, elle n'a été en congés payés qu'au mois de juillet 2016 et a perçu à ce titre une indemnité de congés payés de 635,71 euros, ce qui la conduit à réclamer l'allocation d'une somme de 1 165,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Il sera fait droit à la demande dans les termes de celle-ci, par confirmation du jugement entrepris.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail

Mme [K] fait valoir qu'au-delà du préjudice résultant de la perte de son emploi, elle est restée sans travail pendant de nombreux mois sans possibilité d'obtenir un revenu de remplacement, qu'elle a subi un préjudice matériel mais également un préjudice moral puisqu'elle est restée dans l'incertitude sur son sort et sur ses conditions d'existence. Elle sollicite la confirmation de la condamnation prononcée à ce titre par le conseil de prud'hommes à hauteur de 1 000 euros.

La société Heureux à Domicile s'oppose à la demande. Elle fait valoir que celle-ci fait doublon avec l'indemnité pour licenciement abusif, que la salariée n'apporte aucune preuve de sa situation, ni ne produit le moindre avis d'imposition permettant d'évaluer l'état réel de ses ressources. Elle reproche à Mme [K] de se plaindre de ne pas avoir pu obtenir de revenus de remplacement alors qu'elle n'y était pas éligible puisque toujours en poste dans l'entreprise.

Il est rappelé que, conformément aux dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.

Mme [K] rapporte ici la preuve d'avoir subi un préjudice spécifique du fait de l'absence de fourniture de travail et du non-paiement de son salaire durant deux ans, la conduisant à devoir prendre l'initiative d'une action judiciaire tandis que l'employeur est défaillant à démontrer qu'il aurait proposé des missions à la salariée, que celle-ci aurait refusées.

Le conseil de prud'hommes a fait une juste appréciation du préjudice subi par la salariée à ce titre, en l'évaluant à 1 000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur. Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles, soit le 12 juillet 2018, et à compter de la décision, qui en fixe le principe et le montant, pour les créances indemnitaires.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la remise des documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt

Mme [K] est bien fondée à solliciter la remise par la société Heureux à Domicile d'un certificat de travail, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif, l'ensemble de ces documents devant être conformes aux termes du présent arrêt.

A l'appui de sa demande tendant à voir assortir cette condamnation d'une astreinte, Mme [K] fait valoir que la société Heureux à Domicile est restée inerte pendant plus de deux ans malgré sa demande de régulariser sa situation et qu'elle lui a envoyé une attestation Pôle emploi erronée ne pouvant lui ouvrir aucun droit.

Il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte, la fixation d'un délai de deux mois pour s'exécuter et la possibilité de saisir le juge de l'exécution en cas de défaillance de l'employeur apparaissant suffisamment comminatoires au regard des circonstances de la cause.

Le jugement sera confirmé de ce chef, en ajoutant un délai d'exécution maximum de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Mme [K] est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle.

Compte tenu de la teneur de la décision rendue, le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Heureux à Domicile au paiement des dépens de première instance et en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Heureux à Domicile, qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d'appel tels qu'ils sont définis par l'article 695 du code de procédure civile.

La société Heureux à Domicile sera en outre condamnée à payer à Mme [K] une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 300 euros et sera déboutée de sa propre demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 9 janvier 2020,

Y ajoutant,

RAPPELLE que la SASU Heureux à Domicile devra payer à Mme [X] [K] née [P] les intérêts de retard au taux légal à compter du 12 juillet 2018 sur les créances contractuelles et à compter de la décision qui en a fixé le principe et le montant sur les créances indemnitaires,

ENJOINT à la SASU Heureux à Domicile de remettre à Mme [X] [K] née [P] dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, un certificat de travail, une attestation destinée à Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif, l'ensemble de ces documents devant être conformes aux termes du présent arrêt,

DÉBOUTE Mme [X] [K] née [P] de sa demande d'astreinte,

CONDAMNE la SASU Heureux à Domicile au paiement des dépens d'appel,

CONDAMNE la SASU Heureux à Domicile à payer à Mme [X] [K] née [P] une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SASU Heureux à Domicile de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00924
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.00924 ?
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