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15/06/2023 | FRANCE | N°21/00238

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 15 juin 2023, 21/00238


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2023



N° RG 21/00238 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UISG



AFFAIRE :



[G] [V]



C/



S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION, PAR ABREVIATION 'MPX'









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : C

N° R

G : F 18/00519











Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Maître Cécile ROBERT



Maître Cécile FOURCADE







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/00238 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UISG

AFFAIRE :

[G] [V]

C/

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION, PAR ABREVIATION 'MPX'

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : C

N° RG : F 18/00519

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Maître Cécile ROBERT

Maître Cécile FOURCADE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [V]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Maître Cécile ROBERT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 569

APPELANT

****************

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION, PAR ABREVIATION 'MPX'

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Maître Cécile FOURCADE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815 substitué par Maître EL ATFI Abdelhakim, avocat

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Rappel des faits constants

La SAS Monoprix Exploitation, dont le siège social est situé à [Localité 4] dans les Hauts-de-Seine, exploite des magasins multi-commerces. Elle emploie environ 25 000 salariés et applique la convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires du 30 juin 2000.

M. [V], né le 17 juin 1982, a d'abord été engagé par cette société, selon contrat de travail à durée déterminée à effet au 29 février 2012, en qualité d'employé commercial libre-service caisse. Puis par avenant en date du 9 avril 2012, il a bénéficié d'un contrat à durée indéterminée à temps plein, à effet au 10 avril 2012.

M. [V] a été victime d'un accident du travail le 4 décembre 2013. Il a été en arrêt de travail à compter de cet accident jusqu'à la visite médicale de reprise du 16 janvier 2017.

Lors de la visite de reprise du 16 janvier 2017, le médecin du travail a rendu l'avis médical suivant : « A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail réalisée le 28 décembre 2016, des examens complémentaires et avis spécialisés, de l'échange avec l'employeur téléphonique ce jour et de l'examen médical de ce jour, inapte au poste. Le salarié pourrait effectuer des tâches administratives à son domicile à temps très partiel ou bénéficier d'une formation le permettant. »

Après un entretien préalable qui s'est déroulé le 22 mars 2017, M. [V] s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par lettre datée du 29 mars 2017, dans les termes suivants :

« A l'issue de votre visite à la médecine du travail en date du 16 janvier 2017, le docteur [U] a émis les conclusions suivantes :

« A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail réalisée le 28 décembre 2016, des examens complémentaires et avis spécialisés, de l'échange avec l'employeur téléphoniquement ce jour et de l'examen médical de ce jour, inapte sur poste.

Le salarié pouvant effectuer des tâches administratives à son domicile à temps très partiel ou bénéficier d'une formation le permettant. »

Conformément à nos obligations légales, nous avons effectué, en collaboration avec la direction des ressources humaines, des recherches de poste de reclassement au niveau du groupe en tenant compte des conclusions du médecin du travail.

Malgré une recherche active de reclassement, il s'avère qu'aucun poste répondant aux préconisations du médecin du travail, et ce même par le biais de mutations, transformations de poste ou aménagement du temps de travail n'est actuellement disponible ou susceptible de l'être rapidement au sein de notre groupe.

Conformément aux dispositions du code du travail, nous avons convoqué les délégués du personnel à une réunion 'xée au 3 mars 2017 au sujet de votre inaptitude et de la procédure en cours. Après avoir exposé votre situation suite à l'avis d'inaptitude du médecin du travail, nous avons pu constater ensemble qu'il n'existait effectivement aucun poste compatible avec vos capacités au sein du magasin et du groupe.

Suite à cette réunion, nous vous avons informé par courrier daté du 4 mars 2017 que nos recherches de reclassement n'avaient pas abouti et que votre reclassement était impossible.

Cette situation nous a conduits à vous convoquer par un courrier avec AR à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement envisagée à votre encontre 'xé au 22 mars 2017.

Au cours de cet entretien préalable auquel vous n'étiez pas assisté, bien que nous vous ayons précisé dans votre convocation que cette possibilité vous était offerte, nous avons constaté ensemble, votre inaptitude à reprendre votre poste d'employé commercial libre-service caisse-accueil et notre impossibilité, malgré les recherches menées, de vous proposer un reclassement dans un emploi approprié à vos capacités, compte tenu des conclusions formulées par le médecin du travail, au sein du groupe.

En conséquence, n'ayant pas de possibilité de reclassement à vous proposer, nous vous notifions par la présente lettre votre licenciement pour inaptitude signifiée par le médecin du travail et impossibilité de reclassement. »

M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles en contestation de son licenciement par requête reçue au greffe le 8 août 2018.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 17 décembre 2020, la section commerce du conseil de prud'hommes de Versailles a :

- reçu les parties en leurs demandes,

- dit que le licenciement de M. [G] [V] est basé sur un motif à la fois réel et sérieux,

- dit qu'il est incompétent pour juger la faute inexcusable de la société Monoprix Exploitation lié à un accident du travail,

- débouté M. [G] [V] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Monoprix Exploitation de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de M. [G] [V],

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. [V] avait présenté les demandes suivantes :

- le dire et juger bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

- constater que son salaire de référence est d'un montant de 1 679,98 euros brut,

- constater l'absence de reprise effective du paiement du salaire passé le délai d'un mois suivant l'avis d'inaptitude,

- constater le non-respect par l'employeur de l'obligation de reclassement,

- constater le non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité,

- constater que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- dire son licenciement abusif,

- condamner la société Monoprix à lui payer les sommes suivantes :

. 642,84 euros brut à titre de rappel de salaire pour la période du 17 au 28 février 2017,

. 501,60 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2017,

. 10 079,88 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (6 mois de salaire),

. 10 079,88 euros à titre d'indemnité pour perte d'emploi liée au caractère abusif du licenciement,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- établir les fiches de paie des mois de février et mars 2017 et les documents de fin de contrat conformes sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement,

- 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les éventuels dépens d'instance,

- dire et juger que les condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil ainsi que la capitalisation des intérêts,

- ordonner l'exécution provisoire sur l'ensemble de ces condamnations en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile.

La société Monoprix Exploitation avait, quant à elle, conclu au débouté du salarié et avait sollicité la condamnation de celui-ci à lui verser une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La procédure d'appel

M. [V] a interjeté appel du jugement par déclaration du 19 janvier 2021 enregistrée sous le numéro de procédure 2100238.

Par ordonnance rendue le 1er février 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 2 mars 2023.

Prétentions de M. [V], appelant

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 19 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement entrepris,

et statuant à nouveau,

- le déclarer bien fondé en ses demandes, fins et conclusions,

- fixer son salaire de référence au montant de 1 679,98 euros brut,

- déclarer que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement,

- déclarer en tout état de cause que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse à raison du non-respect par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat (sic),

- prononcer en conséquence le caractère abusif de son licenciement puisque dépourvu de cause réelle et sérieuse,  

- condamner la société Monoprix à lui payer les sommes suivantes :  

. 10 079,88 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse (six mois de salaire),

. 10 079,88 euros à titre d'indemnité pour perte d'emploi lié au caractère abusif du licenciement,

. 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Le salarié appelant sollicite à titre accessoire la condamnation de la société intimée au paiement des intérêts au taux légal sur l'ensemble des condamnations à compter de la saisine du conseil de prud'hommes du 7 août 2018, outre leur capitalisation, à lui verser une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens de première instance et d'appel.

Prétentions de la société Monoprix Exploitation, intimée

Par dernières conclusions adressées par voie électronique le 14 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la société Monoprix Exploitation demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé le licenciement de M. [V] parfaitement justifié,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de l'intégralité de ses demandes,  

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [V] aux entiers dépens de l'instance,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société de sa demande de condamnation de M. [V] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [V] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [V] de sa demande au titre de la perte de l'emploi lié au caractère abusif du licenciement,

- débouter M. [V] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

- débouter M. [V] de sa demande d'établissement de documents de fin de contrat conforme sous astreinte de 50 (sic) par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement,

- débouter M. [V] de sa demande de condamnation au titre des intérêts légaux et leur capitalisation,

- débouter M. [V] de sa demande de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [V] de sa demande au titre des dépens de première instance et d'appel. 

MOTIFS DE L'ARRÊT

M. [V] soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il invoque d'une part un manquement à l'obligation de reclassement et un manquement à l'obligation de sécurité à l'origine de l'inaptitude d'autre part.

Sur l'obligation de reclassement

M. [V] reproche à son employeur de ne pas donner d'explication sur les différents postes au sein du groupe, ni de précisions sur les démarches entreprises, de ne pas avoir envisagé de formation malgré la préconisation en ce sens. Il soutient que l'employeur a tenté de façon artificielle de le reclasser tout en sachant que cela ne pourrait aboutir.

La société Monoprix Exploitation soutient de son côté avoir rempli son obligation de reclassement de façon sérieuse et loyale, même si en définitive, elle n'a pas été en mesure de proposer un poste.

L'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige, dispose : « Lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. »

Aux termes de son avis, le médecin du travail a fait état des restrictions médicales suivantes tenant à des tâches administratives exécutées à son domicile et à temps partiel, avec éventuellement une formation le permettant.

Interrogé par l'employeur quant à ses souhaits de reclassement par courrier du 3 février 2017, M. [V] a répondu vouloir occuper un poste de conducteur de camion ou camionnette, de vigile, un poste en boulangerie ou en épicerie. Il a également indiqué lire et parler le français avec difficulté et souhaiter rester à [Localité 5].

La société Monoprix Exploitation justifie avoir adressé le 25 janvier 2017 un courriel aux différentes sociétés du groupe, dans les termes suivants :

« Bonjour,

Mesdames, messieurs,

Nous effectuons une recherche de reclassement concernant M. [V] [G] actuellement salarié du Monoprix [Localité 6].

Date de naissance : 16/06/1982

Date d'embauche : 29/02/2012

Poste actuel : employé commercial libre-service caisse

Statut/niveau/échelon : employé 2.2

Durée du travail : 35h/hebdo

Salaire mensuel brut de base : 1 500 euros.

Le médecin du travail a déclaré en un seul examen le 16/01/2017, dans le cadre de l'article R. 4624631 (sic) du code du travail :

« A la suite de l'étude de poste et des conditions de travail réalisé le 28 décembre 2016, des examens complémentaires et avis spécialisés, de l'échange avec l'employeur téléphonique ce jour et de l'examen médical de ce jour, inapte au poste. Le salarié pourrait effectuer des tâches administratives à son domicile à temps partiel ou bénéficier d'une formation le permettant. »

Je vous remercie de bien vouloir m'adresser votre réponse par retour de mail, qu'elle soit négative ou positive à l'adresse suivante (').

En cas de réponse positive uniquement mettre le RRH en copie » (pièce 4 de l'employeur).

Les termes de ce courriel apparaissent clairs et précis en ce qu'ils reprennent les caractéristiques du poste occupé par le salarié et l'avis d'inaptitude tel qu'il a été rédigé par le médecin du travail, de sorte que M. [V] ne peut utilement reprocher à son employeur une démarche artificielle avec un effet de masse puisqu'il n'est pas remis en cause le fait que ce courriel a été adressé à l'ensemble des sociétés du groupe.

La société Monoprix Exploitation justifie par ailleurs avoir relancé les sociétés n'ayant pas répondu par courriel du 9 février 2017 (pièce 5 de l'employeur).

Elle justifie également de l'ensemble des réponses reçues, toutes négatives (ses pièces 6 à 60).

Sur cette base, la société Monoprix Exploitation a convoqué les délégués du personnel à une réunion exceptionnelle le 3 mars 2017, afin de rendre un avis sur le reclassement du salarié.

Aux termes du compte rendu de la réunion, après les explications données par le directeur, les délégués du personnel ont considéré que « la recherche de reclassement a été menée en tenant compte des préconisations du médecin du travail et des qualifications du collaborateur. Les délégués du personnel constatent qu'il n'y a effectivement aucun poste compatible avec les restrictions posées par le médecin du travail et que le reclassement de M. [V] au sein du groupe n'est pas possible. » (pièce 62 de l'employeur).

La société Monoprix Exploitation a ensuite adressé un courrier au salarié le 4 mars 2017 pour l'informer de l'impossibilité de reclassement.

M. [V] reproche à la société Monoprix Exploitation de ne pas avoir entrepris de démarche en vue d'envisager une formation à son profit. Il sera cependant retenu qu'au regard de ses capacités en général, même s'il affirme avoir été prêt à s'investir dans une formation et à changer de métier et qu'il souligne l'importance du groupe, les restrictions médicales du médecin du travail et les souhaits du salarié ne permettaient pas d'envisager une formation préparant celui-ci à occuper un poste adapté.

L'ensemble de ces considérations conduisent à retenir que la société Monoprix Exploitation a rempli son obligation de reclassement de façon sérieuse et loyale.

M. [V] sera débouté de sa demande présentée sur ce fondement.

Sur l'obligation de sécurité

M. [V] soutient ici que l'accident du travail du 4 décembre 2013 aurait été causé par un manquement de la société à son obligation de sécurité et que ce manquement serait à l'origine de l'inaptitude dont il a fait l'objet. Il en déduit que son licenciement est de ce fait sans cause réelle et sérieuse. Il prétend que son accident aurait pu être évité s'il avait utilisé un transpalette électrique et non un transpalette manuel.

Il est rappelé que l'article L. 4121-2 du code du travail dispose : « L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

L'employeur ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en justifiant avoir pris toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité de ses salariés. La preuve du respect de l'obligation de sécurité incombe à l'employeur.

A l'appui de son allégation, M. [V] expose qu'il effectuait uniquement des tâches de magasinier, contrairement à ce qui est indiqué sur son contrat de travail et ses bulletins de paie, que pour ce faire, il utilisait un transpalette manuel, que toutefois, le poids des marchandises était tel que la répartition des mouvements a provoqué chez lui des douleurs lombaires récurrentes, que le 4 décembre 2013, il a été victime d'un accident du travail, qu'alors qu'il déplaçait des marchandises à l'aide d'un roll (la signification de ce terme n'est pas précisée), un carton a basculé et est tombé sur son avant-bras droit, qu'il a alors ressenti des douleurs au niveau du bras droit ainsi que des douleurs lombaires, que depuis cet accident du travail, son état de santé n'a cessé de se dégrader si bien qu'il n'a jamais été en mesure de reprendre son travail.

Le salarié expose encore qu'il travaillait dans le rayon liquide du magasin Monoprix, que seul un transpalette manuel était mis à sa disposition, que la manipulation de l'engin était rendue difficile par le poids des marchandises qu'il déplaçait, qu'il devait ainsi régulièrement forcer sur son dos dans l'exercice de ses fonctions, que l'utilisation d'un transpalette électrique aurait, selon lui, incontestablement facilité la manipulation des marchandises. Il ajoute qu'il n'a jamais reçu la moindre formation pour utiliser un transpalette manuel et soutient qu'une bonne utilisation du matériel aurait au moins pu limiter les séquelles.

M. [V] ne produit toutefois aucun élément utile, notamment aucun élément médical ni aucun élément technique, permettant de retenir la matérialité des circonstances qu'il invoque. La seule attestation de M. [D] [N], qui indique avoir vu le salarié travailler, du 29 février 2012 au 4 décembre 2013, avec un transpalette manuel, à la demande de l'employeur, n'a pas de force probante, faute pour l'attestant d'expliquer sur quel fondement il affirme que le salarié a reçu une consigne en ce sens (pièce 16 du salarié).

M. [V] se limite ainsi à procéder par affirmation sans produire aucun élément de nature à établir que le fait pour la société Monoprix Exploitation d'avoir mis à sa disposition un transpalette manuel et non un transpalette électrique pouvait constituer un manquement à son obligation de sécurité, ni a fortiori d'éléments caractérisant le lien entre ce prétendu manquement et le licenciement prononcé.

M. [V] sera débouté de son argumentation présentée sur ce deuxième fondement ainsi que de l'ensemble de ses demandes subséquentes, y compris la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral qu'il allègue avoir subi à la suite de son accident du travail, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions concernant les dépens et les frais irrépétibles.

M. [V], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la société Monoprix Exploitation une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 250 euros.

M. [V] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles le 17 décembre 2020,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE M. [G] [V] au paiement des entiers dépens,

CONDAMNE M. [G] [V] à payer à la SAS Monoprix Exploitation une somme de 250 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE M. [G] [V] de sa demande présentée sur le même fondement.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00238
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.00238 ?
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