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14/06/2023 | FRANCE | N°22/00533

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 juin 2023, 22/00533


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JUIN 2023



N° RG 22/00533



N° Portalis DBV3-V-B7G-VAM3



AFFAIRE :



[L] [Y]





C/

Groupement LE GCS IHFB COGNACQ-JAY









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de Nanterre

N° RG : 21/00018



Copi

es exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN



la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de V...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JUIN 2023

N° RG 22/00533

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAM3

AFFAIRE :

[L] [Y]

C/

Groupement LE GCS IHFB COGNACQ-JAY

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de Nanterre

N° RG : 21/00018

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN

la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [L] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Jérôme BORZAKIAN de la SELARL WEIZMANN BORZAKIAN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0242 - N° du dossier Marquail

APPELANTE

****************

Groupement LE GCS IHFB COGNACQ-JAY

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

Représentant : Me Valérie BEBON de la SELARL BLB ET ASSOCIÉS AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0002

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Suivant plusieurs contrats à durée déterminée successifs à compter du 2 mai 2016, [L] [Y] a été engagée en qualité de 'faisant fonction d'interne' par l'association de l'Oeuvre du [7], aux droits de laquelle est venu le groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay, dont l'activité hospitalière est exploitée sous la dénomination 'Institut Hospitalier [5]'.

Les relations de travail étaient soumises aux dispositions de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif.

En janvier 2021, [L] [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la requalification des contrats en un contrat de travail à durée indéterminée et la condamnation du groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay au paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail.

Par jugement mis à disposition le 19 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont débouté [L] [Y] de toutes ses demandes, ont débouté le groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay de sa demande reconventionnelle et ont condamné [L] [Y] aux entiers dépens.

Le 21 février 2022, [L] [Y] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 21 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [L] [Y] demande à la cour d'infirmer le jugement, statuant de nouveau, de requalifier les quatre contrats à durée déterminée, à tout le moins le dernier, en contrat à durée indéterminée, de fixer la moyenne des salaires à 5 963,53 euros bruts, de juger la rupture dénuée de cause réelle et sérieuse, de condamner le groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay à lui verser les sommes de :

* 5 963 euros à titre d'indemnité pour requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

* 35 778 euros pour licenciement sans cause voire abusif,

* 11 926 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

* 1 192 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 35 778 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

de dire que les intérêts de droit courent de plein droit au taux légal à compter de la saisine du conseil s'agissant des salaires et du prononcé de l'arrêt pour le surplus et condamner le groupement intimé aux dépens, de débouter celui-ci de l'intégralité de ses demandes, de déclarer recevable la demande relative à l'indemnité pour travail dissimulé, de dire que les intérêts courent de plein droit au taux légal à compter du 6 janvier 2021, date de la requête.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 31 mai 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, le groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement, de juger que l'action en requalification est prescrite à compter du 19 janvier 2019, de débouter [L] [Y] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail, de fixer l'ancienneté à 13 mois ou 33 mois, de condamner [L] [Y] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 18 avril 2023.

MOTIVATION

Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée

Exposant être titulaire d'un diplôme de médecin obtenu en Guinée, l'appelante demande la requalification de l'ensemble des contrats de travail à durée déterminée à compter du 2 mai 2017 en un contrat de travail à durée indéterminée au motif de l'absence de motivation du contrat à durée déterminée, de l'absence de justification de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée et de l'absence de possibilité de recours à un médecin étranger sans justificatif d'arrêté portant autorisation temporaire d'exercice à la médecine en France et d'une inscription à l'ordre des médecins. Elle réclame en conséquence une indemnité de requalification ainsi que des indemnités de rupture (préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement) et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le groupement réplique que la demande en requalification pour les contrats conclus antérieurement au 6 janvier 2019, soit antérieurement au délai de deux ans à compter de sa saisine du conseil de prud'hommes du 6 janvier 2021, prévu par l'article L. 1471-1 du code du travail, est prescrite ; qu'une convention signée avec l'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 6] le 7 juin 1994 prévoit la possibilité d'accueillir des internes ; que les cinq contrats à durée déterminée conclus avec la salariée pour une durée de moins de quatre ans, renouvellement compris, sont réguliers et bien-fondés, la salariée, titulaire d'un diplôme de médecin obtenu en Guinée effectuant des études en France en vue de devenir médecin en France ; que celle-ci doit donc être déboutée de ses demandes.

S'agissant de la prescription de l'action invoquée par le groupement, lorsque l'action est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, le délai de prescription d'une action en requalification dun contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

En l'espèce, l'action en requalification des contrats à durée déterminée successifs en un contrat à durée indéterminée est fondée sur le motif du recours aux contrats à durée déterminée énoncé aux contrats, de sorte que le délai de prescription de l'action court à compter du terme du dernier contrat conclu pour la période comprise entre le 2 mai 2020 et le 31 juillet 2020, prolongé par avenant du 31 mai 2020, jusqu'au 31 décembre 2020 inclus. Il s'ensuit que l'action initiée par la salariée en janvier 2021 n'est pas prescrite.

S'agissant du motif de recours aux contrats à durée déterminée, l'article L. 6161-7 du code de la santé publique dispose que :

'Pour la mise en oeuvre des conventions qu'ils concluent avec un centre hospitalier et universitaire en application de l'article L. 6142-5, les établissements de santé privés d'intérêt collectif peuvent, par dérogation aux articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-7, L. 1242-8, L. 1242-8-1, L 1243-13 et L. 1243-13-1 du code du travail, recruter des praticiens par contrat à durée déterminée pour une durée maximale de quatre ans, renouvellement compris'.

L'article R. 6153-41 du code de la santé publique dans sa rédaction applicable au litige est ainsi rédigé :

'Peuvent être désignés en tant que faisant fonction d'interne :

1° Les médecins ou pharmaciens titulaires d'un diplôme de docteur en médecine ou en pharmacie permettant l'exercice dans le pays d'obtention ou d'origine qui effectuent des études en France en vue de la préparation de certains diplômes dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé ;(...)'.

La convention signée entre l'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 6] et le centre hospitalier [7], exploité sous la dénomination 'Institut Hospitalier [5]', le 7 juin 1994, a pour objet l'accueil d'internes effectuant un stage au sein de ce centre hospitalier privé participant au service public hospitalier.

Alors que [L] [Y] est titulaire d'un diplôme de docteur en médecine obtenu en Guinée et qu'elle préparait un diplôme de fomation médicale spécialisée en France suivant les indications qu'elle a portées sur son curriculum vitae, les contrats à durée déterminée en cause pour les périodes des 2 mai au 31 octobre 2016, 3 avril au 31 octobre 2017, 1er novembre 2018 au 31 mai 2019, 1er juin 2019 au 31 août 2019, 2 mars 2020 au 31 juillet 2020, prolongé par avenant du 31 mai 2020, jusqu'au 31 décembre 2020 inclus, ont été valablement conclus pour des fonctions de 'faisant fonction d'interne', par référence aux dispositions du code de la santé publique sus-visées dérogatoires au dispositions relatives aux contrats de travail à durée déterminée et notamment celles relatives aux motifs de recours prévus par les articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1242-8 et L. 1242-8-1 du code du travail.

Il s'ensuit que les moyens de la salariée tirés de l'absence de motivation des contrats à durée déterminée, de l'absence de justification de la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée et de l'absence de possibilité de recours à un médecin étranger sans justificatif d'arrêté portant autorisation temporaire d'exercice à la médecine en France et d'une inscription à l'ordre des médecins, sont inopérants.

La salariée sera déboutée de ses demandes de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, d'indemnité de requalification, d'indemnité pour licenciement sans cause voire abusif, d'indemnité de préavis et congés payés afférents, le dernier contrat à durée déterminée ayant pris fin conformément au terme prévu. Le jugement sera confirmé sur ces points.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

La salariée forme une demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé en faisant valoir qu'elle a travaillé plus d'heures que celles annoncées par les bulletins de salaire.

Le groupement conclut au débouté de cette demande formulée en cours d'instance devant le conseil de prud'hommes.

Il indique dans le corps de ses conclusions que cette demande était irrecevable devant le conseil de prud'hommes et à hauteur d'appel, mais ne forme aucune demande d'irrecevabilité dans le dispositif de ses conclusions, qui lie seul la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail :

'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales '.

En l'espèce, la salariée se borne à procéder par allégations sans produire aucun élément précis sur les heures de travail accomplies qui auraient été intentionnellement dissimulées par l'employeur.

Aucun travail dissimulé n'est établi, pas plus qu'un quelconque élément intentionnel d'un travail dissimulé.

La salariée sera déboutée de sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La salariée qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer au groupement la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DIT que l'action en requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée n'est pas prescrite,

CONDAMNE [L] [Y] aux dépens d'appel,

CONDAMNE [L] [Y] à payer au groupement de coopération sanitaire Ihfb-Cognacq-Jay la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00533
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.00533 ?
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