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14/06/2023 | FRANCE | N°22/00509

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 juin 2023, 22/00509


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JUIN 2023



N° RG 22/00509



N° Portalis DBV3-V-B7G-VAJ7



AFFAIRE :



[V] [J]





C/

S.A.S.U. MODIS FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : E

N° RG : 21/00114r>


Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la AARPI COLIN GADY PUISSANT AVOCATS



la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JUIN 2023

N° RG 22/00509

N° Portalis DBV3-V-B7G-VAJ7

AFFAIRE :

[V] [J]

C/

S.A.S.U. MODIS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MANTES LA JOLIE

N° Section : E

N° RG : 21/00114

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la AARPI COLIN GADY PUISSANT AVOCATS

la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [V] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Olivier GADY de l'AARPI COLIN GADY PUISSANT AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1531

APPELANT

****************

S.A.S.U. MODIS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2] FRANCE

Représentant : Me François VACCARO de la SARL ORVA-VACCARO & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de TOURS, vestiaire : 54 - N° du dossier 20182458 substitué par Me Elvire MARTINACHE, avoocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[V] [J] a été engagé par la société Modis France suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2012 en qualité de responsable d'agence, statut cadre, niveau 2.2, coefficient 130, en référence aux dispositions de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil, dite Syntec.

Par lettre datée du 12 septembre 2017, l'employeur a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 septembre suivant, puis par lettre datée du 2 octobre 2017, lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse, avec dispense d'exécution du préavis de trois mois qui lui a été rémunéré.

Par lettre datée du 23 novembre 2017, le salarié, par la voie de son conseil, a contesté son licenciement, a invoqué le non-paiement de ses primes sur objectifs pour les années 2015 à 2017 et a dénoncé son salaire ne correspondant pas à sa qualification de directeur d'agence.

[V] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la condamnation de la société Modis France au paiement de rappel de salaire et d'indemnités tant au titre de l'exécution que de la rupture du contrat de travail. Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Versailles, cette juridiction a été dessaisie au profit du conseil de prud'hommes de Mantes la Jolie qui a reçu la procédure le 22 février 2021.

Par jugement mis à disposition le 24 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, les premiers juges ont :

- dit que le licenciement est intervenu pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Modis France a payer à [V] [J] les sommes suivantes :

* 16 500 euros à titre de rappel de prime d'objectifs,

* 1 650 euros au titre des congés payés y afférents,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 23 juillet 2018, date de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation par la défenderesse, conformément à l'article 1231-6 du code civil,

- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales,

- ordonné à la société Modis France de remettre à [V] [J] une attestation Pôle emploi conforme au jugement,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis les cas où elle est de droit,

- débouté [V] [J] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Modis France en sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Modis France aux entiers dépens d'instance qui comprendront les éventuels frais d'exécution.

Le 17 février 2022, [V] [J] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 21 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, [V] [J] demande à la cour de confirmer le jugement en ses condamnations de la société Modis France à paiement de sommes pour les montants et les chefs retenus, de l'infirmer pour le surplus, de fixer sa rémunération brute mensuelle moyenne à 11 583,33 euros ou 8 089,99 euros, de condamner la société Modis France au paiement des sommes suivantes :

* 43 234 euros à titre de rappel de prime d'objectifs 2017,

* 4 323,40 euros au titre des congés payés incidents,

* 36 279,96 euros au titre du rappel de salaire sur le poste de directeur d'agence, niveau 3.1, coefficient 70 du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018,

* 3 627,99 euros au titre des congés payés y afférents,

* 69 500 euros à titre principal, 48 539,94 euros à titre subsidiaire, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et aux entiers dépens d'instance, et d'ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi conforme à l'arrêt à intervenir.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 28 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la société Modis France demande à la cour d'infirmer le jugement en ses condamnations et en son débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile , de le confirmer pour le surplus, de débouter [V] [J] de l'ensemble de ses demandes et de condamner celui-ci à lui verser les sommes de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, et aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 18 avril 2023.

MOTIVATION

Sur le rappel de primes d'objectifs

Au soutien de sa demande de rappel de primes d'objectifs pour les années 2015 et 2017, le salarié fait valoir qu'aucun objectif ne lui a été fixé au titre de l'année 2015 et qu'il doit donc lui être versé le différentiel entre le montant contractuellement prévu et le montant perçu ; que pour l'année 2017, ses objectifs ne lui ont été remis que par lettre du 12 juillet 2017 puis par lettre recommandée du 31 juillet 2017 et qu'il doit donc lui être versé le différentiel entre le montant de 52 000 euros correspondant au maximum contractuellement prévu et le montant perçu.

La société réplique que les demandes sont infondées et que le salarié doit en être débouté.

La prime sur objectifs fixée par l'employeur est versée dans les conditions contractuellement prévues. En l'absence d'objectifs fixés, l'intégralité de la prime est due.

En l'espèce, la société ne conteste pas l'absence de fixation d'objectifs au salarié au titre de l'année 2015. Dans ces conditions, celui-ci a droit à l'intégralité de la rémunération variable contractuellement fixée. Le jugement qui a condamné la société au paiement de la somme de 16 500 euros à ce titre, représentant la différence entre le montant de la prime contractuellement prévue et le montant de la prime versée au salarié, ainsi que celle de 1 650 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents sera confirmé.

S'agissant de l'année 2017, il ressort des pièces produites aux débats que la lettre d'objectifs au titre de l'année 2017 est datée du 12 juillet 2017 et que ces objectifs ont donc été communiqués au salarié avec un retard de plus de cinq mois par rapport au début de l'exercice. La société ne démontre, ni n'allègue d'ailleurs, que le salarié a eu une connaissance de ses objectifs en début d'exercice 2017. Il s'ensuit que le salarié, qui n'a donc pas bénéficié de la possibilité, du fait de la communication tardive de ses objectifs, de réaliser ceux-ci, a droit au versement de sa part variable de rémunération conformément au montant contractuellement fixé, sans toutefois pouvoir en réclamer le paiement pour la période afférente à la dispense de préavis, laquelle ne peut donner lieu qu'à paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et non directement au paiement de la rémunération variable. La société sera condamnée à lui verser la somme de 30 234 euros à ce titre (soit 39 000 euros sur neuf mois avec déduction des avances sur primes d'objectifs qui lui ont été versées au vu des bulletins de salaire produits aux débats) outre celle de 3 023,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents. Le jugement sera infirmé sur ces points.

Sur le rappel de salaire de base d'un directeur d'agence

Le salarié fait valoir qu'il a occupé des fonctions de directeur d'agence à compter du 1er janvier 2017 mais sans percevoir la rémunération correspondant à cette qualification et demande un rappel de salaire correspondant à la différence entre le montant d'un salaire de directeur d'agence et le montant du salaire de responsable d'agence qu'il a perçu.

La société réplique que si le salarié a à plusieurs reprises demandé à devenir directeur d'agence, il ne lui a pas été octroyé ces fonctions, que celui-ci ne disposait pas de l'autonomie d'un directeur d'agence, devant reporter à deux supérieurs hiérarchiques, et qu'il doit donc être débouté de sa demande de rappel de salaire de ce chef.

En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert.

En premier lieu, contrairement aux affirmations du salarié dans ses écritures, la lettre de licenciement ne fait pas état qu'il occupait un poste de directeur d'agence mais, rappelant son souhait exprimé à plusieurs reprises d'évoluer sur un tel poste, indique qu'il lui a été confié en début d'année 2017 la responsabilité de l'activité 'industrie' afin d'apprécier s'il avait les qualités et capacités requises pour évoluer vers un tel poste.

Au soutien de sa demande, le salarié produit les pièces numérotées 27 à 46 correspondant pour l'essentiel en des échanges de courriels professionnels. Il ressort de ces pièces que le salarié a exprimé le souhait de devenir directeur d'agence et que la société lui a confié la responsabilité d'animer l'activité 'industrie' à partir de janvier 2017 avec une équipe composée d'une 'business manager' et d'un alternant commercial puis d'un second alternant commercial à partir de juillet 2017. Toutefois il ne ressort pas de ces pièces que le salarié a exercé des fonctions de directeur d'agence, celui-ci, placé sous l'autorité hiérarchique de M. [U] et de M. [C], ne disposant pas de l'autonomie de fonction accordée à un directeur d'agence.

Le salarié ne démontrant pas qu'il a exercé des fonctions de directeur d'agence à partir de janvier 2017, sera débouté de sa demande de rappel de salaire à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié à [V] [J], longue de cinq pages, mentionne en substance une insuffisance de résultats, un défaut de proposition d'un plan d'action permettant de redresser la situation, des ouvertures de compte non pertinentes, un défaut d'assistance de la commerciale, [R] [G], placée sous sa responsabilité, un refus de remise de la lettre d'objectifs en juillet 2017, l'utilisation à des fins personnelles d'une carte Total pour un montant de 621,80 euros, un défaut de récupération d'un véhicule de fonction d'un ex-collaborateur, [M] [E] et un défaut d'établissement des ordres de missions en temps et en heure.

Le salarié conteste le bien-fondé du licenciement en relevant que le budget de l'agence ne lui a été alloué que le 5 mai 2017, qu'il s'est toujours investi dans ses fonctions et que les griefs sont soit non établis, soit ne lui sont pas imputables.

La société conclut au caractère bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle et au débouté des demandes du salarié.

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail, un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

L'insuffisance professionnelle qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié.

L'insuffisance professionnelle, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, ne constitue pas une faute.

S'agissant de l'insuffisance de résultats, la lettre de licenciement fait état de résultats au bout de six mois qui ne sont pas à la hauteur des attendus, en reprochant au salarié d'avoir réalisé un chiffre d'affaires à la fin du mois de juillet 2017 et un chiffre d'affaires cumulé de janvier à juillet 2017 inférieurs à ceux prévus au budget et à ceux réalisés en juillet 2016 et entre janvier et juillet 2016, et des projections de résultats relatifs à sa contribution totale négatifs alors qu'un seul commercial était dédié à cette activité en 2016 et qu'il dispose de ressources supplémentaires et d'une synergie forte avec la société euro engineering, société soeur de Modis bien implantée en termes de référencement et de comptes clients dans le secteur de l'industrie.

Le salarié, qui a pris la responsabilité de l'activité 'industrie' depuis seulement janvier 2017, justifie d'une communication tardive de son budget le 5 mai 2017 sans discussion ni présentation préalable avec sa hiérarchie, ainsi que de la communication de ses objectifs le 12 juillet 2017, sans que la société fournisse d'explication sur ces retards. Ces retards ont été de nature à impacter les résultats dans l'activité 'industrie' dévolue au salarié.

En outre, le salarié explique qu'une baisse des tarifs a été accordée à un des plus importants clients, la Sncf, qui représentait une part importante du budget et que cet élément a été de nature à impacter à la baisse la réalisation du chiffre d'affaires, sans que la société apporte aucune contradiction chiffrée à cette assertion.

Les reproches tenant à des projections de résultats dans le futur ne sont pas pertinents en ce que ces prévisions sont par nature hypothétiques.

La lettre de licenciement fait état d'alertes du directeur opérationnel et du directeur de l'agence Assurance quant aux résultats auprès du salarié sans toutefois qu'aucun élément écrit se rapportant à une quelconque alerte soit produit aux débats.

S'agissant du défaut de proposition d'un plan d'action permettant de redresser la situation, la lettre de licenciement évoque une alerte de [P] [U] à l'issue du comité carrière de juillet sur la nécessité de monter un plan d'action. Cependant, force est de constater qu'aucune demande de mise en place d'un tel plan d'action n'a été exprimée par écrit auprès du salarié.

S'agissant d'ouvertures de comptes non pertinentes, il n'est pas démontré objectivement en quoi les ouvertures de comptes réalisées par le salarié auprès de Citroën Ds France et d'Automotiv Distribution, seuls exemples cités dans la lettre de licenciement, ne sont pas pertinentes au regard de l'activité de l'entreprise.

S'agissant du défaut d'assistance de la commerciale placée sous sa responsabilité, ce grief est formulé en des termes généraux et insuffisamment précis et il n'est pas produit de pièce pertinente aux débats permettant de vérifier objectivement ce grief.

S'agissant du refus de remise de la lettre d'objectifs en juillet 2017, outre que la lettre d'objectifs en cause est produite par le salarié lui-même, ce reproche ne procède que de l'allégation de la société sans qu'elle produise de pièce établissant ce refus.

S'agissant de l'utilisation à des fins personnelles d'une carte Total entre janvier et juin 2017, la lettre de licenciement fait état de l'utilisation de cette carte dans le cadre de la mise à disposition d'un véhicule de fonctions. Force est de constater l'absence de production aux débats de tout élément relatif aux modalités d'utilisation de cette carte et à la procédure à suivre. Aucune alerte, ni aucun rappel à l'ordre écrit n'a été délivré au salarié.

S'agissant du défaut de récupération d'un véhicule de fonction d'un ex-collaborateur, il n'est pas établi qu'un lien hiérarchique entre le salarié et son ancien collaborateur a subsisté en 2017 alors que le salarié a pris d'autres fonctions en janvier 2017 et il n'est pas plus établi qu'il entrait dans les tâches du salarié de s'assurer de la remise par cet ancien collaborateur d'un véhicule de fonction, alors que le salarié allègue sans être contredit que cette mission entre dans les attributions du service des ressources humaines.

S'agissant du défaut d'établissement des ordres de missions en temps et en heure, les quelques échanges de courriels produits sur ce sujet ne démontrent pas d'inaction du salarié sur ce point, en l'absence en particulier de tout élément sur les dates auxquelles ces ordres de mission auraient dû être établis et de tout rappel à l'ordre sur ce sujet.

Il résulte de tout ce qui précède que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Au regard de son ancienneté de cinq années complètes dans l'entreprise, le salarié a par conséquent droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant compris entre trois mois et six mois de salaire brut.

Il n'y a pas lieu à fixer la rémunération du salarié dès lors qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire devant la cour et que l'article R. 1454-28 du code du travail imposant au juge de fixer la moyenne des salaires n'est donc pas applicable.

Eu égard au salaire de référence du salarié, à son ancienneté, à sa situation professionnelle postérieure au licenciement (prise en charge par Pôle emploi, création d'une société en date du 12 janvier 2018 dont l'intéressé indique qu'il n'a pas perçu de revenus), le préjudice résultant de la perte de son emploi sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sera mise à la charge de la société. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la remise de document

Eu égard à la solution du litige, il sera ordonné à la société la remise d'une attestation destinée à Pôle emploi, conforme aux dispositions du présent arrêt. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L. 1235-4 du code du travail

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer au salarié la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il dit que le licenciement est intervenu pour une cause réelle et sérieuse, en ce qu'il déboute [V] [J] de sa demande de rappel de prime d'objectifs 2017, de congés payés incidents et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il statue sur la remise de document, les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement n'est pas justifié par une cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société Modis France à payer à [V] [J] les sommes suivantes :

* 30 234 euros à titre de rappel de prime d'objectifs 2017,

* 3 023,40 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la société Modis France la remise à [V] [J] d'une attestation destinée à Pôle emploi, conforme aux dispositions du présent arrêt,

ORDONNE le remboursement par la société Modis France aux organismes concernés, des indemnités de chômage qu'ils ont versées à [V] [J] du jour de son licenciement au jour de l'arrêt et ce, dans la limite de six mois d'indemnités,

CONDAMNE la société Modis France aux entiers dépens,

CONDAMNE la société Modis France à payer à [V] [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00509
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.00509 ?
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