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14/06/2023 | FRANCE | N°22/00403

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 14 juin 2023, 22/00403


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 JUIN 2023



N° RG 22/00403



N° Portalis DBV3-V-B7G-U72V



AFFAIRE :



[N] [D] épouse [I]





C/

[R] [J] [G] épouse [U]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : AD
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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL CVS



Me Niels ROLF-PEDERSEN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 JUIN 2023

N° RG 22/00403

N° Portalis DBV3-V-B7G-U72V

AFFAIRE :

[N] [D] épouse [I]

C/

[R] [J] [G] épouse [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Section : AD

N° RG : 20/00372

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL CVS

Me Niels ROLF-PEDERSEN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [D] épouse [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me François-xavier MICHEL de la SELARL CVS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de RENNES, vestiaire : 43 - N° du dossier 502601 substitué par Me Hugo MARQUIS, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [R] [J] [G] épouse [U]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Niels ROLF-PEDERSEN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 291

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laure TOUTENU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [R] [J] [U] a été engagée par Mme [N] [I] suivant un contrat de travail verbal à durée indéterminée en septembre 2008 en qualité de salariée employée à domicile pour des tâches de repassage.

Le 7 décembre 2020, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint Germain En Laye afin d'obtenir la condamnation de Mme [N] [I] au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement en date du 12 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, cette juridiction a :

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [U] aux torts de Mme [I], son employeur, à la date du 5 mai 2021,

- fixé le salaire mensuel moyen brut à 416,40 euros,

- condamné Mme [I] à payer à Mme [U] les sommes suivantes :

* 14 990,40 euros au titre du rappel de salaires du 1er mai 2018 au 30 avril 2021,

* 1 249,00 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 553,81 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 832,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné la remise d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un solde de tout compte à Mme [U] sous astreinte de 30 euros, pour l'ensemble des documents, par jour de retard à compter du 2lème jour suivant notification du jugement,

- condamné Mme [I] à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 11 décembre 2020, date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et d'orientation et du prononcé pour le surplus,

- rappelé que par application de l'article R. 1454-28 du code du travail, l'exécution provisoire est de droit pour la remise des documents et pour les indemnités prononcées à l'article R. 1454-14 dans la limite de neuf mois de salaires et fixe pour ce faire la moyenne des trois derniers mois à la somme de 416,40 euros,

- débouté Mme [U] du surplus de ses demandes,

- débouté Mme [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [I] aux éventuels dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement.

Le 10 février 2022, Mme [I] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, Mme [I] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau de :

- juger que la rupture du contrat de travail est intervenue le 30 avril 2018,

- déclarer Mme [U] irrecevable en ses demandes,

- débouter Mme [U] en tout état de cause de toutes ses demandes,

- condamner Mme [U] à lui verser 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 avril 2023, Mme [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement au titre des sommes allouées au titre de la poursuite du contrat de travail puis au titre de la rupture du contrat de travail,

- confirmer le jugement au titre des documents à lui remettre : reçu pour solde de tout compte, attestation Pôle emploi, certificat de travail, sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée au titre de l'indemnité de non-respect de la procédure de licenciement et au titre des dommages et intérêts,

- et statuant à nouveau :

- condamner Mme [I] à lui payer la somme de 419,40 euros au titre de l'indemnité liée au non-respect de la procédure de licenciement,

-condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts en réparation des autres préjudices qui lui ont été causés par l'attitude de son employeur,

- rejeter toutes conclusions s'y opposant,

-condamner Mme [I] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 18 avril 2023.

MOTIVATION

Sur la rupture du contrat de travail

La salariée indique qu'à compter d'avril 2018, elle n'a plus été sollicitée pour travailler mais qu'à aucun moment le contrat de travail n'a été remis en cause et qu'elle avait toujours les clés pour accéder à la maison. Elle précise qu'elle a été invitée à un entretien afin d'envisager la rupture du contrat de travail, que le contrat était donc toujours en cours et qu'il s'est poursuivi.

L'employeur fait valoir que la salariée a écrit elle-même que la rupture du contrat de travail était intervenue le 30 avril 2018. L'employeur soutient que le conseil de prud'hommes n'a caractérisé aucun manquement à son encontre justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail. Il conclut qu'en réalité la salariée a cessé de se présenter à son domicile pour y travailler alors qu'elle en avait la clé et donc la possibilité.

Sur la qualification de la rupture du contrat de travail

La démission doit être expresse et non équivoque.

En l'espèce, l'employeur fait état d'une lettre de la salariée datée du 3 février 2020 dans laquelle cette dernière mentionne une date de 'fin' à avril 2018. Cependant, cette lettre a pour objet une 'attestation de fin de contrat', elle ne fait pas état d'une démission que la salariée aurait donné à cette date, elle fait au contraire référence aux droits de la salariée devant Pôle emploi. Il ne s'en déduit pas de volonté claire et non équivoque de démission de la salariée à la date de fin avril 2018.

L'employeur a procédé le 12 octobre 2020 à la convocation de la salariée à entretien le 21 octobre 2020 pour 'une rupture conventionnelle ou un licenciement'.

Toutefois, aucune rupture conventionnelle n'a été conclue et l'employeur n'a pas mis en oeuvre de procédure de licenciement.

Ce faisant, l'employeur a manqué à ses obligations en ne sollicitant pas la salariée pour des prestations et en ne procédant pas à son licenciement alors que la salariée n'a plus effectué de prestation après avril 2018, ce manquement étant suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par conséquent, il convient de confirmer le jugement qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à la date du 5 mai 2021.

Sur la prescription

Aucune prescription n'est encourue puisque la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 7 décembre 2020 avant que le contrat de travail ne soit rompu, le point de départ de la prescription de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail n'ayant donc pas commencé à courir.

La fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande soulevée par Mme [I] pour la première fois en cause d'appel doit donc être rejetée.

Sur les conséquences pécuniaires

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée qui compte une ancienneté de plus de douze ans et qui est âgée de 60 ans lors de la rupture du contrat de travail a droit à des dommages et intérêts compris entre trois et onze mois de salaire brut, qu'il convient de fixer à 1 249 euros.

La salariée est également fondée à percevoir une indemnité de licenciement conformément aux dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à hauteur de sa demande, soit 553,81 euros.

En application des dispositions de l'article L. 1234-5 du code du travail, la salariée a droit à deux mois de salaire à titre d'indemnité de préavis, soit un montant de 832,8 euros.

Il y a lieu d'ordonner la remise par Mme [I] à Mme [U] d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et d'un solde de tout compte, sans que le prononcé d'une astreinte soit nécessaire.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ces points, sauf en ce qu'il a ordonné une astreinte.

Sur les rappels de salaire

Sur la prescription

L'employeur soulève, pour la première fois en cause d'appel, la prescription de la demande pour les salaires antérieurs au 7 décembre 2018 sur le fondement de la prescription biennale.

Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

En l'espèce, la demande en paiement du salaire de la salariée court sur la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2021.

La saisine du conseil de prud'hommes étant intervenue le 7 décembre 2020, la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être rejetée, celle-ci étant intervenue dans le délai de trois ans.

Sur le fond

La salariée sollicite un rappel de salaire d'un montant de 14 990,4 euros pendant la période contractuelle du 1er mai 2018 au 30 avril 2021. Elle expose qu'elle est restée dans l'attente des appels téléphoniques de son employeur et que le contrat de travail s'est poursuivi.

L'employeur conclut au débouté de la demande, la salariée ne faisant pas la preuve qu'elle s'est tenue à sa disposition, celle-ci n'ayant jamais expliqué pourquoi elle n'était pas revenue, ni n'ayant demandé à revenir travailler pendant trois années.

A compter de mai 2018, la salariée n'a plus effectué de prestation de travail. Elle ne démontre pas qu'elle s'est tenue à disposition de son employeur à compter de cette date et jusqu'au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

Elle doit donc être déboutée de sa demande de rappel de salaire pendant cette période.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

Sur la procédure de licenciement

La salariée sollicite une somme de 419,4 euros au titre de l'absence de respect de la procédure de licenciement.

L'employeur conclut au rejet de la demande.

S'agissant d'une rupture du contrat de travail par résiliation judiciaire, aucune procédure de licenciement n'est intervenue. La demande de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement doit donc être rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts

La salariée sollicite une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des autres préjudices causés par l'attitude de son employeur. Elle indique qu'elle a été privée notamment de l'attestation Pôle emploi et n'a pu percevoir les allocations d'aide au retour à l'emploi, ou bénéficier de formations auxquelles elle aurait pu prétendre. Elle ajoute qu'elle a connu des problèmes de trésorerie.

L'employeur conclut au rejet de la demande faisant valoir que les autres préjudices allégués ne sont pas justifiés.

En l'espèce, la salariée ne caractérise pas de préjudice distinct de ceux déjà réparés par les sommes allouées au titre de la rupture du contrat de travail. Elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le cours des intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales et assimilées produisent des intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe.

Les créances ayant toutes été fixées par le jugement du conseil de prud'hommes, il y a lieu de confirmer celui-ci sur ce point.

Sur les autres demandes

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.

Mme [I] succombant à la présente instance, en supportera les dépens d'appel. Elle devra également régler à Mme [U] une indemnité de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Rejette les fins de non-recevoir tirées de la prescription sur l'action en contestation de la rupture et sur l'action en paiement des salaires soulevée par Mme [N] [I],

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné Mme [N] [I] à payer à Mme [R] [J] [U] la somme de 14 990,4 euros au titre du rappel de salaires pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2021,

- ordonné une astreinte de 20 euros pour l'ensemble des documents par jour de retard à compter du 21 ème jour suivant notification du jugement,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute Mme [R] [J] [U] de sa demande de rappel de salaires pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2021,

Déboute Mme [R] [J] [U] de sa demande d'astreinte,

Condamne Mme [N] [I] aux dépens d'appel,

Condamne Mme [N] [I] à payer à Mme [R] [J] [U] la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00403
Date de la décision : 14/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-14;22.00403 ?
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