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08/06/2023 | FRANCE | N°22/06997

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 08 juin 2023, 22/06997


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/06997 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ5G



AFFAIRE :



[I], [D], [G] [R]



C/



[T], [A], [F] [N] épouse [R]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Octobre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 22/03707



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies



délivrées le : 08.06.2023

à :



Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Jessica BIGOT, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/06997 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ5G

AFFAIRE :

[I], [D], [G] [R]

C/

[T], [A], [F] [N] épouse [R]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Octobre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 22/03707

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08.06.2023

à :

Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Jessica BIGOT, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I], [D], [G] [R]

né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 8]

de nationalité française

[Adresse 3]

[Localité 9]

En présence de M. [I] [R]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20220856

APPELANT

****************

Madame [T], [A], [F] [N] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10]

de nationalité Française

CCAS-Mairie, 3 rue de l'Hôtel de Ville

[Localité 11]

Représentant : Me Mathilde GUÉRY de l'AARPI GUERY & VOUZELLAUD AVOCATS ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0468 - Représentant : Me Jessica BIGOT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 469 - N° du dossier 774

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [N] et M [R], mariés sous le régime de la séparation de biens depuis le 3 juillet 1991, ont eu trois enfants, tous majeurs dont désormais, seul le dernier est encore étudiant, à savoir [U], âgé de 23 ans pour être né le [Date naissance 4] 1999.

Par ordonnance de non-conciliation du 21 septembre 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de Nanterre a notamment: 

attribué à M. [R] la jouissance à titre onéreux du logement familial, à charge pour lui d'en assumer les frais ;

constaté l'accord des époux sur le versement de la somme mensuelle de 1 700 euros par M. [R] à Mme [R] au titre du devoir de secours et ce rétroactivement depuis le mois de juillet 2017 jusqu'au règlement global et forfaitaire de la somme de 600 000 euros convenue entre eux ;

constaté l'accord des époux sur la prise en charge par M. [R] des dettes et crédits en cours relatifs aux emprunts immobiliers, aux impôts dus et aux charges de copropriété ;

constaté l'accord des époux sur un règlement global et forfaitaire à hauteur de 600 000 euros au titre tant des droits de Mme [R] dans la liquidation qu'au titre du montant de la prestation compensatoire due par M. [R] à Mme [R] ;

condamné M. et Mme [R] à contribuer à l'entretien et à l'éducation de leur fils cadet, [U], à proportion de leurs facultés respectives et en considération de ses besoins.

Une ordonnance rendue le 3 juillet 2019, a rectifié cette ordonnance du 21 septembre 2018 en omission de statuer, pour préciser, s'agissant du devoir de secours, que M. [R] était « condamné » au paiement de la somme à laquelle il s'est engagé.

Par acte du 24 septembre 2020, dénoncé le 28 septembre 2020, Mme [N]-[R] a fait signifier à la banque de M. [R] un premier procès-verbal de saisie-attribution et de saisie de droits ou valeurs mobilières ayant permis d'appréhender la somme de 5 889,52 euros. M [R] avait saisi le juge de l'exécution par assignation du 28 octobre 2020, mais sa contestation a été déclarée irrecevable par jugement du 3 septembre 2021, le condamnant à une indemnité de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. 

M [R] fait mention d'une deuxième saisie qui a été pratiquée le 15 novembre 2021 pour 24 266,09 euros, fructueuse à hauteur de 19 774,34 euros, qu'il n'a pas contestée.

Par acte d'huissier du 3 mars 2022 dénoncé le 9 mars 2022, Mme [N]-[R] a fait pratiquer une troisième saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières sur le compte de M. [R] dans les livres de la Société Générale pour paiement de la somme de 5 274,93 euros, après déduction d'un acompte de 25 474,95 euros en exécution des précédentes saisies, entièrement fructueuse. 

Statuant sur la contestation de cette mesure sur assignation de M [R] du 11 avril 2022, le juge de l'exécution de Nanterre par jugement contradictoire du 18 octobre 2022 a :

déclaré M. [R] recevable en son action ;

rejeté la demande de nullité de l'assignation ;

écarté des débats les pièces de M. [R] au nom du respect du contradictoire ;

rejeté les demandes de nullité de la saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquée par Mme [R] à l'encontre de M. [R] ;

rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné M. [R] à régler à Mme [R] la somme de 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [R] aux dépens :

rappelé que la décision est exécutoire de droit. 

Le 23 novembre 2022, M [R] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 13 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :

le déclarer recevable et bien fondé en son appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre le 18 octobre 2022 ;

Y faisant droit, 

infirmer le jugement sus énoncé et daté en [ses dispositions lui faisant grief], 

Statuant à nouveau,

A titre principal, 

déclarer nulle et de nul effet la saisie des droits d'associés pratiquée par Mme [R] envers M. [R]

A titre subsidiaire, 

déclarer cette saisie infondée ;

En toute hypothèse, 

déclarer l'ensemble des conclusions signifiées dans l'intérêt de Mme [R] irrecevables ;

ordonner la mainlevée de la saisie des droits d'associés et valeurs mobilières pour le paiement d'une somme de 5 274,93 euros pratiquée le 3 mars 2022 ;

débouter Mme [R] de toutes ses demandes, fins, conclusions plus amples ou contraires et de son appel incident ;

condamner Mme [R] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés pour ceux la concernant par Maître Oriane Dontot et la SELARL JRF & associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, M. [R] fait valoir : 

que le premier juge s'est fourvoyé en se fondant sur l'adresse donnée par Mme [R] dans les actes de procédure et ses documents administratifs, alors que cette adresse ne correspond pas à son domicile réel ; que cette dissimulation de son domicile, affecte le déroulement normal de la procédure, et empêche M. [R] de vérifier le bien-fondé du devoir de secours fixé initialement dans le cadre de l'accord global homologué ; qu'il s'agissait bien de dissimulation car il démontre qu'elle est établie depuis plusieurs années en Vendée où elle exerce une activité stable dans une pharmacie, et où elle a ouvert son cabinet de naturopathe ; que la maison de [Localité 9] où elle se domiciliait a été vendue par la succession de sa mère pour la somme de 3 060 000 euros, et qu'elle est propriétaire avec ses frères d'une autre maison en Provence qu'il a faite estimer à plus de 1 600 000 euros, ce qui contredit l'état de précarité qu'elle allègue ;

qu'en tout état de cause, Mme [R] ayant, à tous les stades de la procédure, déclaré une fausse adresse, la fin de non-recevoir qui résulte de l'article 961 du code de procédure civile doit conduire au prononcé de l'irrecevabilité de l'ensemble de ses conclusions sans démonstration d'un grief ;

qu'à titre subsidiaire, la saisie pratiquée par Mme [R] est infondée dans la mesure où il a réglé seul, jusqu'en 2022 mais également en 2023 l'intégralité des frais de scolarité de leur fils et a financé seul les études de leurs deux autres fils, alors que Mme [R] s'était engagée à y participer ;

qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. [R] qui n'a fait qu'user des voies de droit.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 7 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'intimée demande à la cour de :

débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

recevoir Mme [R] en son appel incident et en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et les dire bien fondées ;

confirmer le jugement rendu le 18 octobre 2022 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a : 

rejeté les demandes de nullité de la saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières pratiquée par Mme [R] à l'encontre de M. [R], 

condamné M. [R] à régler à Mme [R] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, 

infirmer le jugement du 18 octobre 2022 en ce qu'il a : 

rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Mme [R] pour procédure abusive. 

Statuant à nouveau : 

débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes ; 

juger que la procédure diligentée par M. [R] est abusive ; 

condamner M. [R] à verser à Mme [R] la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice causé par l'abus d'ester en justice commis par M. [R] ; 

statuer ce que de droit s'agissant de l'amende civile ; 

En tout état de cause, 

condamner M. [R] à verser à Mme [R] la somme de 4 785 euros au titre des frais exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; 

condamner M. [R] aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de ses demandes, Mme [N]-[R] fait valoir : 

que la saisie est fondée sur un titre exécutoire valable ; 

que l'acte de saisie mentionnait l'adresse de Mme [R] au [Adresse 7], où vivait sa mère jusqu'à son décès mais aussi son élection de domicile à l'étude de son huissier instrumentaire, la SCP Patrick Okerman et Alain Daguin, ce que permet l'article R141-1 du code des procédures civiles d'exécution ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient M. [R], dans la mesure où elle alternait les hébergements et les déplacements professionnels, lorsque la saisie a été pratiquée, elle avait bien son domicile fiscal et social au [Adresse 7], où elle avait centralisé toutes ses affaires personnelles, et son courrier, et où elle exerçait plusieurs fois par mois son activité de consultante et de naturopathe ; que depuis que la succession a repris la maison de sa mère, elle a dû recourir à une domiciliation réservée aux personnes sans domicile stable dont l'adresse est indiquée à ses conclusions ; 

qu'en admettant qu'il en résulte une irrégularité, la nullité n'est encourue qu'à la condition que le vice lui cause un grief, ce que ne démontre pas M [R],  qui connaissait ses coordonnées bancaires, savait comment la contacter, et a toujours su lui délivrer ses actes de procédure, de sorte qu'il n'a jamais été empêché d'exercer ses droits;

que la demande de compensation doit être rejetée ; qu'en effet, outre le fait qu'elle n'est admise en matière de créances alimentaires que si la demande émane du créancier, il résulte de l'article 1347 du code civil et d'un arrêt de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation du 8 octobre 2020 (n°19.17-575), que la compensation ne peut se produire qu'en présence de deux créances réciproques qui réunissent les conditions de certitude, d'exigibilité, de liquidité et de fongibilité ; que concernant [U], le juge aux affaires familiales, a dit que la contribution des parents est versée entre les mains de [U], de sorte que M. [R] n'a pas qualité de créancier, et ce, d'autant moins qu'elle verse à l'enfant 400 euros par mois, ce qui apparaît proportionnel à ses ressources ; que la créance invoquée par M [R] pour autant qu'elle puisse être qualifiée de réciproque, n'est pas chiffrée au contraire de celle Mme [R] au titre du devoir de secours ;

que sa demande de dommages et intérêts doit être déclarée bien fondée, M [R] mettant obstacle au paiement des aliments qui lui sont dus ; que contrairement à ce qu'a retenu le jugement, il n'a pas été empêché de présenter ses contestations ; qu'au contraire, il avait avant de saisir le juge de l'exécution, saisi le juge aux affaires familiales en suppression du devoir de secours; qu'en réalité, il fait usage de son droit d'ester en justice afin de contrôler la vie de son épouse et multiplie les procédures pour la placer dans une situation morale et matérielle difficile. 

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 avril 2023. L'audience de plaidoirie a été fixée au 10 mai 2023 et le prononcé de l'arrêt au 8 juin 2023, par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur la validité formelle de l'acte de saisie du 3 mars 2022

Ainsi que l'a rappelé le premier juge l'irrégularité d'une mention devant figurer à peine de nullité dans l'acte de saisie dressé par huissier de justice doit pour entraîner l'annulation de l'acte, avoir causé à celui qui s'en prévaut, un grief.

Si la maison de [Localité 9] située [Adresse 7] a été vendue par la succession de la mère de Mme [N]-[R] le 9 décembre 2022, cela ne fait pas la démonstration que cette dernière n'y aurait pas fixé son domicile, distinct de sa résidence, à la date de la saisie contestée du 3 mars 2022 dénoncée le 9 mars 2022. Le juge a en effet relevé qu'il s'agissait de son adresse postale, sociale et fiscale, qui peut parfaitement suffire à asseoir la notion juridique de domicile. En outre, pour les besoins de la mesure d'exécution forcée, elle avait élu domicile à l'étude de son huissier instrumentaire, conformément aux dispositions de l'article R141-1 du code des procédures civiles d'exécution, ce qui a pour conséquence par application de l'article 111 du code civil, de permettre toutes les significations, demandes et poursuites relatives à cet acte au domicile élu, étant observé que les règles de compétences territoriales désignaient en l'espèce le juge de Nanterre en considération du domicile de M [R], lui aussi situé à [Localité 9].

Ainsi, même si le constat d'huissier dressé à la requête de M [R] tend à établir le caractère inhabité de la maison située au [Adresse 7], étant observé que son assignation du 11 avril 2022 de son épouse en contestation de la saisie a été fructueuse, et a permis sans difficulté la création d'un lien d'instance contradictoire, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en nullité de l'acte de saisie du 3 mars 2022 dénoncé le 9 mars 2022, au constat d'une absence de grief démontré.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions de l'intimée

M [R] se fonde sur l'article 961 du code de procédure civile, dont il résulte que les conclusions notifiées entre avocats ne sont pas recevables tant que n'ont pas été fournies les indications devant figurer sur la constitution d'avocat à savoir si la partie est une personne physique, ses noms, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu'au jour de la clôture de la procédure.

Dans sa constitution devant la cour d'appel du 28 novembre 2022, Mme [N]-[R] qui déclare une activité professionnelle de pharmacienne, s'est domiciliée au CCAS-Mairie, 3 rue de l'hôtel de ville 85 440 Thalmont Saint Hilaire, en Vendée, commune où elle exerce sa profession principale. C'est cette adresse qui est reportée dans ses conclusions d'appel.

Mme [N]-[R], qui fait connaître qu'elle a signé le 17 janvier 2022 un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de pharmacienne en Vendée à temps partiel, explique (p16/36 de ses conclusions) que jusqu'au mois d'octobre 2022, elle a continué à exercer sur le reste de son temps de travail son activité de consultante et naturopathe à son adresse de [Localité 9], où elle avait sa garde-robe, l'ensemble de ses affaires personnelles et documents administratifs, et que le 6 octobre 2022, elle a restitué la maison de [Localité 9] à la succession.

Il a été précédemment établi que cette maison a été vendue le 9 décembre 2022.

M [R] verse aux débats un rapport de détective privé du 21 mars 2023, dont il ressort à l'issue d'une surveillance effectuée du 9 au 16 mars 2023, que désormais Mme [N]-[R] partage son activité professionnelle entre la pharmacie de [Localité 11], et son cabinet de naturopathie qu'elle a ouvert [Adresse 6].

Ce rapport a également localisé le lieu d'hébergement de Mme [N]-[R] chez M [V] [W] au [Adresse 5] du vendredi 10 mars 2023 à l'heure du déjeuner, au jeudi 16 mars au matin.

Mme [N]-[R] ne le conteste pas (P 18/36), mais expose qu'il s'agit de l'une des personnes chez qui elle est périodiquement hébergée tant qu'elle n'aura pas trouvé un logement stable, et que ce rapport prouve seulement que sur cette période, c'est chez cette personne qu'elle était provisoirement hébergée.

Le rapport versé aux débats par M [R] peut certes démontrer un hébergement provisoire chez cette personne, mais ne suffit pas à démontrer le caractère frauduleux de la demande de domiciliation en CCAS de la commune dans laquelle elle exerce son emploi de pharmacienne, à laquelle l'autorité administrative a fait droit par décision du 6 octobre 2022, valable jusqu'au 5 octobre 2023, établissant qu'elle en remplit les conditions et faisant donc présumer l'absence de domicile stable de Mme [N]-[R]. L'enquêteur privé a d'ailleurs pu constater que Mme [N]-[R] y retire vraiment son courrier. Ce dispositif ayant notamment été mis en place pour permettre aux personnes ne pouvant justifier d'un domicile d'exercer leurs droits civiques y compris l'accès au juge, les conclusions de l'intimée doivent être reconnues recevables.

Sur le bien-fondé de la saisie

La saisie a été pratiquée sur le fondement de l'ordonnance de non-conciliation du 21 septembre 2018, modifiée le 3 juillet 2017, dont il résulte que M [R] doit à Mme [N]-[R] une pension alimentaire à titre de devoir de secours d'un montant mensuel de 1700 euros.

Selon ces décisions, il avait été convenu entre les parties par accord entériné par le juge aux affaires familiales, que le devoir de secours prendrait fin lors du versement par M [R] à son épouse d'un capital de 600 000 euros valant règlement global et forfaitaire tant des droits de Mme [R] dans la liquidation du régime matrimonial qu'au titre du montant de la prestation compensatoire reconnue à l'épouse.

Il n'est pas contesté que M [R] a cessé de verser à Mme [N]-[R] la pension alimentaire à compter de juillet 2020, et qu'à ce jour, le règlement de la somme de 600 000 euros n'a pas été effectif, les procédures relevant de la matière familiale révélant que les parties tendent à la remise en cause de cet accord.

Pour conclure au caractère infondé de la saisie, M [R] oppose la compensation des sommes dues au titre du devoir de secours, avec sa créance prétendue au titre de la contribution de Mme [N] à l'entretien de [U].

Mme [N]-[R] offre de démontrer par la production de ses relevés bancaires, qu'elle verse chaque mois à son fils depuis qu'elle dispose de revenus personnels, une somme de 400 euros pour ses besoins alimentaires. M [R] admet que son épouse a versé entre les mains de ce dernier une somme qu'il évalue à 2600 euros depuis juin 2020, alors que lui-même aurait exposé 24 360,50 euros sur une période de 8 mois entre août 2019 et mars 2020.

Plusieurs arguments s'opposent cependant à la compensation.

Tout d'abord, Mme [N]-[R] n'a pas été condamnée à verser un montant de contribution alimentaire à M [R] du chef de [U]. L'ordonnance de non-conciliation a seulement condamné M. et Mme [R] à contribuer à l'entretien et à l'éducation de leur fils cadet, [U], à proportion de leurs facultés respectives et en considération de ses besoins, et dit que cette contribution sera versée directement entre les mains de [U].

Il n'y a pas de montant de condamnation prononcé, et M [R] n'est pas désigné comme créancier.

En outre, la compensation ne peut avoir lieu qu'entre deux créances également liquides et exigibles à une date donnée. Or, M [R], qui ne chiffre pas sa prétendue propre créance, n'expose pas le budget total affecté aux besoins de l'enfant sur une période déterminée en dehors d'estimations de valeurs sans pièces justificatives, ni ne produit les éléments de revenus et de patrimoines qui permettraient d'évaluer les facultés respectives des deux parents, période par période, alors que la compensation lorsqu'elle est possible ne s'opère qu'à due concurrence à la date où ses conditions se trouvent réunies. M [R] en ne chiffrant pas sa créance autrement qu'en l'estimant à une somme « bien supérieure au montant de la saisie » (P12/16 de ses conclusions), ne permet pas de déterminer à quelle concurrence les prétendues créances réciproques se trouveraient éteintes.

Enfin, Mme [N], en sa qualité de créancière de l'obligation de son mari au titre du devoir de secours, n'a pas consenti comme l'impose l'article 1347-2 du code civil, au paiement de sa dette par compensation avec son obligation alimentaire au profit de son fils dont elle aurait délégué l'entière prise en charge au père de l'enfant.

Par conséquent, la cour ne peut que rejeter l'exception de compensation invoquée par M [R], et confirmer le jugement en ce qu'il a validé la saisie, et rejeté la demande de mainlevée.

Sur la demande de dommages et intérêts de l'intimée

Mme [N]-[R], dont a été rejetée la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive chiffrée à une somme de 10 000 euros, le premier juge ayant considéré que la contestation n'était pas abusive, a formé appel incident de ce chef, et porté sa demande à une somme de 20 000 euros.

Elle fait valoir tout d'abord qu'alors que M [R] ne peut nier son obligation alimentaire, il a par sa contestation indue retardé le paiement de la pension, et a tu devant le juge de l'exécution l'information selon laquelle 6 mois avant son assignation, il avait déjà demandé au juge aux affaires familiales la suppression rétroactive de cette pension au motif que sa situation ne justifierait plus le principe d'un devoir de secours. Il n'y a cependant pas au vu de ces circonstances de caractérisation d'une saisine indue du juge de l'exécution.

Elle soutient ensuite qu'en réalité, M [R], qui a toujours exercé sur elle une forte emprise, utilise la procédure pour continuer à la contrôler, à la surveiller, et s'amuse de la voir en situation de grande précarité pour maintenir un lien avec elle.

Ce fait n'est cependant pas démontré, et sa situation récente dément qu'elle soit dans une position de précarité dont M [R] aurait à se réjouir. Dès lors que la procédure de divorce est en cours, et que ses effets de nature patrimoniale entre les époux nécessitent qu'ils échangent loyalement et avec sincérité sur leur situation personnelle et économique respective, il ne saurait être reproché à M [R] d'avoir mis en 'uvre des moyens d'investigation à sa portée pour vérifier si la situation de son épouse coïncide avec les éléments ressortant de la procédure. Enfin, l'arrêt attendu de la 2e chambre de la cour d'appel, susceptible en cas d'infirmation de mettre fin au devoir de secours dont Mme [N]-[R] poursuit le paiement, et de remettre en cause le cas échéant le bien fondé des saisies opérées, n'a pas été rendu à la date de la clôture de la présente procédure. La demande de dommages et intérêts a donc été à bons droits rejetée.

Il convient donc de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.

M [R] supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la partie intimée la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, couvrant partie des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Condamne M [I] [R] à payer à Mme [T] [N] épouse [R] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [I] [R] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/06997
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.06997 ?
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