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08/06/2023 | FRANCE | N°22/06975

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 08 juin 2023, 22/06975


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/06975 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ3E



AFFAIRE :



[S] [F] [R] épouse [E]



C/



S.C.I. LES ORMETEAUX



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2022 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES

N° RG : 22/704



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies
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à :



Me Maïlys GAUFFRIAU, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/06975 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ3E

AFFAIRE :

[S] [F] [R] épouse [E]

C/

S.C.I. LES ORMETEAUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Août 2022 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES

N° RG : 22/704

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08.06.2023

à :

Me Maïlys GAUFFRIAU, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [S] [F] [R] épouse [E]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 3] (Suisse)

de nationalité Suisse

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Maïlys GAUFFRIAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 465 - N° du dossier 1720 - Représentant : Me Emilie WAXIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0036

APPELANTE

****************

S.C.I. LES ORMETEAUX

N° Siret : 443 872 791 (RCS Versailles)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000019 - N° du dossier E0000JME

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

La SCI les Ormeteaux a consenti en 2003 à Mme [E], des baux dérogatoires portant sur des locaux et terres agricoles, qui ont donné lieu à un litige nourri entre les parties à partir de l'année 2006 et émaillé d'une succession de procédures portant sur la requalification des contrats en baux ruraux, la fixation des fermages, l'estimation de travaux à la charge du bailleur, la résiliation des baux et l'expulsion de Mme [E].

Le litige est en l'état d'un arrêt de la cour d'appel de Versailles rendu le 7 septembre 2021 sur deuxième cassation et à nouveau frappé le 5 novembre 2021 d'un pourvoi encore pendant.

Aux termes de cette décision, la cour a, notamment, condamné Mme [E] à payer à la SCI les Ormeteaux, après compensation des sommes dues de part et d'autre, la somme de 564 028,69 euros.

En vertu de l'arrêt rendu le 7 septembre 2021 et d'une ordonnance de taxe rendue le 9 juillet 2020 par la cour d'appel de Versailles, la SCI a fait procéder, par acte d'huissier du 9 décembre 2021, au préjudice de Mme [E], à une saisie-attribution entre les mains de la société Coopérative de la banque populaire, pour avoir paiement de 585 513, 26 euros, fructueuse à hauteur de 3 691,92 euros, et dénoncée le 16 décembre 2021. 

Par acte d'huissier du 1er mars 2022, la SCI a fait procéder sur le fondement des mêmes titres, à une seconde saisie-attribution entre les mêmes mains visant la somme de 586 715,49 euros. Cette saisie, fructueuse à hauteur de 6 845,82 euros, a été dénoncée le 10 mars 2022.  

Par actes d'huissier des 14 janvier 2022 et 8 avril 2022, Mme [E] a contesté respectivement ces deux saisies-attribution.

Par jugement contradictoire du 26 août 2022, le juge de l'exécution de Versailles a :

prononcé la jonction des affaires ;

écarté l'exception de nullité ;

débouté Mme [E] de sa demande de nullité de la saisie-attribution pratiquée le 9 décembre 2021 ;

débouté Mme [E] du surplus de ses demandes, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné Mme [E] aux dépens ;

condamné Mme [E] à verser la somme de 1500 euros à la SCI les Ormeteaux en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que la décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Le 22 novembre 2022, Mme [E] a interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 8 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelante demande à la cour de :

la dire et juger recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins, conclusions et en son appel, 

En conséquence,  

infirmer le jugement [entrepris en toutes ses dispositions],

Et statuant à nouveau, 

In limine litis, 

prononcer la nullité des actes de saisie-attribution et de dénonciation de saisie-attribution signifiés à Mme [E] pour absence de siège social de la SCI les Ormeteaux ;  

subsidiairement, juger irrecevables les actes de procédure régularisés par la SCI les Ormeteaux ;  

ordonner la suspension de l'exécution de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 septembre 2021, dans l'attente du pourvoi introduit le 5 novembre 2021 ; 

Toujours in limine litis, 

ordonner le sursis à statuer et la suspension de l'exécution des titres exécutoires mentionnés dans les procès-verbaux de saisie-attribution dénoncés à Mme [E] les 9 décembre 2021 et 10 mars 2022 (savoir l'ordonnance de taxe rendue par la cour d'appel de Versailles du 9 juillet 2020 et l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 septembre 2021), dans l'attente d'une décision définitive et irrévocable statuant sur le pourvoi interjeté par Mme [E] à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 septembre 2021 ; 

Subsidiairement et toujours in limine litis, 

ordonner la suspension de l'exécution des titres exécutoires mentionnés dans les procès-verbaux de saisie-attribution dénoncé à Mme [E] le 10 mars 2022 jusqu'à l'exécution, par la SCI les Ormeteaux, des condamnations mises à sa charge par les décisions pourtant définitives et irrévocables rendues par la cour d'appel de Versailles le 22 octobre 2012 et le tribunal paritaire des baux ruraux de Saint-Germain-en-Laye le 25 août 2014 ;  

Plus subsidiairement et encore in limine litis, 

ordonner la suspension de l'exécution des titres exécutoires mentionnés dans les procès-verbaux de saisie-attribution jusqu'à la compensation effective à être prononcée entre les condamnations réciproques ordonnées à l'encontre des parties ;  

dans cette optique et avant dire droit,  

ordonner une mesure d'expertise judiciaire ;  

nommer tel expert qu'il lui plaira aux fins de :  

convoquer les parties et, dans le respect du principe du contradictoire, se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission ;

se rendre à l'adresse du bâtiment habité et exploité par Mme [E] sis [Adresse 4] à [Localité 6] dans lequel doivent être réalisées les grosses réparations litigieuses ;

entendre les parties en leurs dires et explications et éventuellement tous sachants,

examiner les désordres listés par la cour d'appel de versailles dans son arrêt du 22 octobre 2012 à l'origine des grosses réparations auxquelles la SCI les Ormeteaux a été condamnée ;

chiffrer, sur la base de la liste des grosses réparations auxquelles a été condamnée la SCI les Ormeteaux par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 22 octobre 2012, le montant des dites réparations ;

dire que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et suivants du code de procédure civile, en particulier, il pourra recueillir les déclarations de toute personne informée et s'adjoindre tout spécialiste de son choix pris sur la liste des experts établie près ce tribunal [sic] ;

dire qu'en cas de difficulté, l'expert s'en référera au président qui aura ordonné l'expertise ou le juge désigné par lui [sic]; 

dire que l'expert devra notifier son pré-rapport aux parties préalablement au dépôt de son rapport définitif ;  

A titre infiniment subsidiaire,  

accorder à Mme [E] un délai de grâce de 24 mois pour s'acquitter de la somme réclamée par la SCI les Ormeteaux ;  

En tout état de cause,   

condamner la SCI les Ormeteaux au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente procédure.  

Au soutien de ses demandes, Mme [E] fait valoir : 

qu'en présence d'un siège social fictif, la SCI les Ormeteaux encourt, en vertu de l'article L123-11 du code de commerce, la radiation d'office, voire, en l'absence totale de siège, sa nullité, sur le fondement de l'article 1835 du code civil ; que, de ce fait, la SCI n'a pas de personnalité juridique et n'a, donc, pas la capacité d'ester en justice ;

que les actes délivrés par une personne morale sans siège social ou invoquant un siège fictif, sont sanctionnés par une nullité de fond sans grief, encore que le fait, pour Mme [E], de ne pas savoir où se trouve le siège social de la SCI ni même si elle existe et/ou n'est pas sous le coup d'une mesure de radiation, lui cause un grief ;

que, subsidiairement, en cas d'absence ou de mention erronée du siège social dans la constitution ou les conclusions, les actes de procédure encourent l'irrecevabilité, laquelle n'est pas subordonnée à la démonstration d'un grief ; 

que, se prévalant de l'exception dilatoire prévue par l'article 110 du code de procédure civile, elle demande qu'il soit sursis à statuer et à l'exécution des titres exécutoires servant de fondement aux poursuites, dans l'attente de l'issue du pourvoi en cassation contre l'arrêt du 7 septembre 2021 ; que si, dans son jugement rendu le 26 août 2022, le juge de l'exécution a justement relevé les dispositions de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution, lesquelles lui interdisent de suspendre l'exécution du dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, la première présidence de la Cour de cassation, convaincue des conséquences manifestement excessives qu'entraînerait l'exécution de cette décision, a, dans son ordonnance du 24 novembre 2022, considéré que « il résulte des pièces produites, notamment l'avis d'imposition, au soutien des observations en défense, que la demanderesse au pourvoi dispose de faibles revenus. Sa situation étant précaire, l'exécution de l'arrêt attaqué entraînerait pour elle des conséquences manifestement excessives » ;

que, subsidiairement et toujours in limine litis, c'est dans une logique de bonne administration de la justice qu'il convient d'ordonner la suspension des effets des titres exécutoires mentionnés dans les procès-verbaux de saisie-attribution à l'exécution par la SCI les Ormeteaux des condamnations mises à sa charge par deux décisions définitives et irrévocables datant de 2012 et 2014 ;

que, plus subsidiairement et encore in limine litis, les effets des condamnations mises à la charge de Mme [E] par les titres visés dans les procès-verbaux de saisie-attribution litigieux doivent être suspendus jusqu'à la compensation entre les condamnations réciproques ordonnées à l'encontre des parties ; que, toutefois, le montant des réparations que la SCI a été condamnée à réaliser étant indéterminé, il convient, avant dire droit, de nommer un expert judiciaire afin de chiffrer ce montant ; que, contrairement à ce que soutient la SCI, la nomination d'un expert entre bien dans la compétence d'attribution du juge de l'exécution ; qu'il ressort des éléments du débat que la mesure d'expertise sollicitée n'est pas étrangère à la contestation de la mesure d'exécution mais conditionne au contraire son exécution ;

qu'à titre infiniment subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit aux demandes de Mme [E], il conviendra de constater que les revenus de cette dernière ne lui permettent pas de procéder au règlement de cette créance qui excède largement ses capacités financières, et de lui accorder un délai de grâce de 24 mois pour procéder au paiement des sommes dues ;

qu'au regard de la particulière déloyauté procédurale ayant consisté à faire pratiquer une mesure de saisie-attribution sur le compte bancaire de Mme [E] avant d'avoir pris la peine d'exécuter les condamnations mises à sa charge par décisions définitives et irrévocables mais surtout en continuant à faire pratiquer des actes de saisie en l'absence manifeste de siège social, la SCI doit être condamnée au paiement de l'intégralité des frais irrépétibles que Mme [E] a dû exposer. 

Par dernières conclusions transmises au greffe le 3 février 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SCI les Ormeteaux, intimée, demande à la cour de :

déclarer recevable mais mal fondée Mme [E] en son appel ;

la déclarer recevable et fondée en son appel incident ;

confirmer purement et simplement le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Versailles le 26 août 2022 ;

Y ajoutant, 

débouter Mme [E] de ses demandes de nullité des saisies-attributions pratiquées le 9 décembre 2021 dénoncée le 16 décembre 2021 pour un montant de 3 691,92 euros et 2 mars 2022 dénoncées le 10 mars 2022 pour un montant de 6 845,82 euros, 

condamner Mme [E] à verser à la SCI les Ormeteaux la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,    

Au soutien de ses demandes, la SCI les Ormeteaux fait valoir : 

qu'aucune nullité n'est encourue ; qu'elle a bien une existence légale et bénéficie d'un siège social situé [Adresse 5] ; que, par ailleurs, Mme [E] ne démontre aucun grief que lui causerait la prétendue irrégularité ; 

que Mme [E], en sollicitant la suspension des effets de la condamnation souhaite suspendre l'exécution provisoire de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles alors que le juge de l'exécution n'a pas le pouvoir de statuer en ce sens ; que le juge de l'exécution de Versailles a, à juste titre, jugé que cela reviendrait à dénaturer les termes clairs et sans ambiguïté de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 septembre 2021 ; 

que l'article 110 du code de procédure civile, ne prévoit pas de suspension d'office, en cas de pourvoi en cassation, le juge étant souverain dans l'appréciation de la situation ; 

que la demande de suspension des effets des condamnations mises à la charge de Mme [E] en raison de l'absence d'exécution de la SCI est infondée ; qu'en effet, il apparaît dans l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 septembre 2021 que la SCI a réglé la somme de 124 486,02 euros en exécution de l'arrêt du 22 octobre 2012 ;

que le juge de l'exécution a estimé à juste titre qu'il n'entrait pas dans ses attributions d'ordonner une mesure d'expertise qui serait étrangère à la contestation de la mesure d'exécution et qui, au demeurant, a déjà été ordonnée par la cour d'appel ;

que la demande de délais de grâce formulée à titre infiniment subsidiaire par Mme [E] n'est pas fondée juridiquement puisqu'elle ne formule aucune proposition chiffrée et réaliste au regard des sommes auxquelles elle a été condamnée pour apurer sa dette en 24 mois ; que, par ailleurs, il apparaît clairement que Mme [E] n'a aucune intention de libérer les lieux, ce qui aura pour conséquence d'alourdir encore le montant des arriérés dus au bailleur.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 avril 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 10 mai 2023 et le prononcé de l'arrêt au 8 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions, et que les « dire et juger » qui sont des rappels des moyens invoqués à l'appui des demandes, ne conférant pas -hormis les cas prévus par la loi- de droit à la partie qui les requiert, ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

-Sur les contestations portant sur le siège social de la SCI les Ormeteau

Il y a lieu de relever qu'au vu de l'extrait Kbis produit aux débats, la SCI Les Ormeteaux a bien un siège social fixé [Adresse 5] à [Localité 6] tel que mentionné à son acte de constitution devant la cour d'appel et dans ses conclusions.

Son siège social était jusqu'au 4 novembre 2019 fixé précédemment [Adresse 2] également à [Localité 6], et elle expose avoir été contrainte à cette régularisation par suite du décès d'un de ses associés.

C'est l'adresse qui figure sur les actes de saisie attribution contestés. Il n'y a donc pas de défaut de mention à proprement parler du siège social de la personne morale dans l'acte d'huissier comme exigé par l'article 648 du code de procédure civile à peine de nullité de forme supposant la démonstration d'un grief par application combinée des articles 694 et 114 du code de procédure civile.

Prenant prétexte de ce que son huissier ayant tenté d'assigner la SCI par acte du 14 janvier 2022 a rencontré sur place un vigile ayant déclaré que la société aurait « déménagé il y a 2,5 ans sans laisser d'adresse », et que la consultation d'infogreffe aurait maintenu la mention de ce siège social, contraignant l'huissier à délivrer son acte selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, Mme [E] en déduit que son adversaire n'a pas de siège social, qu'il a indiqué dans son acte de saisie un siège social fictif, et qu'il n'aurait pas d'existence légale.

Il est parfaitement démontré que l'existence de la SCI, qui est son co-contractant depuis 2003 et contradicteur procédural depuis 2006, et dont les associés personnes physiques lui sont parfaitement connus, ne peut pas être remise en cause.

Il n'est pas justifié non plus que le siège social indiqué jusqu'à sa dernière modification, était fictif.

En outre, le retard à transcrire dans les registres et sur l'extrait Kbis la modification des statuts qui avait été publiée dès le 4 novembre 2019 dans un journal d'annonces légales, n'est pas imputable à la SCI Les Ormeteaux.

Il en découle que la mention de l'ancien siège social dans les actes de saisie relève de la simple irrégularité de forme, nécessitant la démonstration d'un grief.

Or, sur les assignations de Mme [E] en contestation des saisies-attribution devant le juge de l'exécution prétendument non remises à son adversaire pour défaut de siège social, force est de constater que la SCI les Ormeteaux a constitué avocat, et apporté régulièrement la contradiction à Mme [E] conformément aux principes directeurs du procès, ce qui démontre que le choix par l'huissier de dresser un procès-verbal de recherches infructueuses sur les seules indications d'un « vigile » n'a pas empêché la SCI d'être touchée par les actes qui lui étaient destinés, d'autant que la SCI les Ormeteaux produit la justification de son transfert d'adresse par contrat souscrit avec la poste et renouvelé jusqu'au 31 décembre 2022, ce qui démontre qu'elle n'a jamais cherché à dissimuler son existence ou son siège social, ni à échapper à ses obligations.

Il n'existe donc aucune cause de nullité ni d'irrecevabilité susceptible de conduire à l'invalidation des actes de poursuite sur ce moyen, ou à faire obstacle au jugement de l'affaire.

Sur les exceptions dilatoires invoquées par Mme [E]

La demande de sursis à statuer que l'appelante fonde sur l'article 110 du code de procédure civile dans l'attente du résultat définitif du pourvoi en cassation qu'elle a formé contre le titre exécutoire servant de cause à la saisie, ne peut prospérer devant la juridiction du juge de l'exécution, ou la cour statuant en appel de ses décisions avec les mêmes pouvoirs, dès lors que l'article L 111-11 du code des procédures civiles d'exécution s'y oppose expressément.

En outre, comme l'a rappelé à bon droit le premier juge, l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution fait défense au juge de l'exécution de modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites et d'en suspendre l'exécution. Il peut seulement accorder un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, après la délivrance d'un commandement ou d'un acte de saisie.

S'y ajoute le défaut de pouvoir reconnu au juge de l'exécution de prononcer des condamnations et de délivrer un nouveau titre exécutoire en dehors des textes qui l'y autorisent expressément. Si dans le cadre, défini par l'article L213-6 du code de l'organisation judiciaire, des difficultés d'exécution qui lui sont soumises, il peut statuer sur la créance objet des poursuites, et le cas échéant en constater le paiement par voie de compensation, il n'a aucun pouvoir de provoquer les conditions d'une telle compensation qui ne seraient pas réunies lors de l'exercice de la mesure d'exécution forcée. La demande de Mme [E] tendant à ce que avant dire droit, le juge de l'exécution et la cour en appel de sa décision ordonne une mesure d'expertise destinée à chiffrer le coût des travaux mis à la charge de la SCI Les Ormeteaux dans l'optique qu'il « ordonne la suspension de l'exécution des titres exécutoires mentionnés dans les procès-verbaux de saisie-attribution jusqu'à la compensation effective à être prononcée entre les condamnations réciproques ordonnées à l'encontre des parties au vu de ladite expertise », est donc parfaitement irrecevable. Il convient d'y ajouter qu'elle remettrait en question la chose jugée par l'arrêt du 7 septembre 2021 qui a fixé la dette de Mme [E] après compensation des créances réciproques des parties, après avoir constaté le paiement par la SCI des condamnations mises à sa charge, et qui a relevé que l'expertise ordonnée n'avait pas pu être complète au titre du chiffrage des travaux dans la partie habitation, en raison du comportement des occupants des lieux qui se sont opposés à la visite de l'expert.

Sur la demande de délai de grâce

Le pouvoir reconnu au juge de l'exécution d'accorder au débiteur des délais sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil a pour seul objectif d'assurer un paiement total de la créance dans un délai de 2 années.

Si l'objectif de Mme [E], qui se réfère à la décision de la Cour de cassation de rejet de la demande de radiation de son pourvoi pour inexécution de l'arrêt du 7 septembre 2021, est en formulant cette demande, de différer l'exécution de cet arrêt dans l'attente de l'issue dudit pourvoi, elle se heurte à l'interdiction faite au juge de l'exécution par les dispositions rappelées plus avant, ainsi qu'aux prévisions de l'article 1343-5 du code civil.

En effet, loin de proposer de régler sa dette, Mme [E], qui indique expressément que sa situation ne le lui permet pas, soutient que la décision la déclarant occupante sans droit ni titre a vu son exécution provisoire levée par le Premier président de la cour d'appel, et est entachée d'erreur de droit. La demande de délais de paiement ne pouvait qu'être rejetée.

Par conséquent, en l'absence d'élément nouveau plus opérant soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties, et la décision déférée doit être confirmée en toutes ses dispositions, sauf d'une part, à la compléter en ce qu'après avoir rejeté les moyens de nullité opposés aux saisies-attribution des 9 décembre 2021 et 1er mars 2022, elle n'a au dispositif du jugement débouté Mme [E] que de sa demande de nullité de sa saisie-attribution pratiquée le 9 décembre 2021, et d'autre part à la réformer en ce qu'elle a « débouté » de façon générique Mme [E] du surplus de ses demandes alors que les demandes de sursis à statuer, de sursis à exécution et d'expertise excédant les pouvoirs juridictionnels du juge de l'exécution devaient être déclarées irrecevables.

Mme [E] supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à la partie intimée la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté Mme [E] de ses demandes de sursis à statuer, de sursis à exécution et d'expertise ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [E] de sa demande de nullité de sa saisie-attribution pratiquée le 1er mars 2022 ;

Déclare irrecevables les demandes de sursis à statuer, de sursis à exécution et d'expertise ;

Condamne Mme [S] [E] à payer à la SCI les Ormeteaux la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] [E] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/06975
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.06975 ?
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