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08/06/2023 | FRANCE | N°22/06968

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 08 juin 2023, 22/06968


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78K



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/06968 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ2V



AFFAIRE :



[A] [V]



[L], [C] [V]



C/



[M] [I] épouse [X]



[Y] [K] [X]



[J] [F]



[T] [P]



SDC IMMEUBLE [Adresse 6]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2022 par le Juge de l'

exécution de NANTERRE

N° RG : 22/02345



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08.06.2023

à :



Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Mariane ADOSSI de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de VAL D'OISE



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78K

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/06968 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ2V

AFFAIRE :

[A] [V]

[L], [C] [V]

C/

[M] [I] épouse [X]

[Y] [K] [X]

[J] [F]

[T] [P]

SDC IMMEUBLE [Adresse 6]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2022 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 22/02345

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08.06.2023

à :

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mariane ADOSSI de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, avocat au barreau de VAL D'OISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [V]

né le [Date naissance 5] 1976 à [Localité 17]

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 14]

Madame [L], [C] [V]

née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 15] (Sénégal)

de nationalité Française

[Adresse 10]

[Localité 14]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25949 - Représentant : Me Hélène MARTIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

Madame [M] [I] épouse [X]

née le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 19] (Turquie)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

Monsieur [Y] [K] [X]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 16] (Turquie)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

Madame [J] [F]

née le [Date naissance 4] 1981 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

Monsieur [T] [P]

né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 22]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 13]

S.D.C. IMMEUBLE [Adresse 6]

Représenté par son Syndic bénévole, Monsieur [T] [P], demeurant [Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représentant : Me Mariane ADOSSI de la SCP PETIT MARCOT HOUILLON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 100 - N° du dossier 1100494, substituée par Me Élodie FORTIN, avocat au barreau du VAL d'OISE

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

M. et Mme [V] étaient propriétaires d'un pavillon sis [Adresse 6]) qu'ils ont divisé en deux lots, vendus respectivement: 

s'agissant du premier, par acte notarié du 27 août 2010 à M. [P] et Mme [F],

s'agissant du second, par acte notarié du 21 octobre 2010 à M. et Mme [X],

emportant la constitution d'un syndicat des copropriétaires de l'immeuble. 

Se plaignant d'un défaut total d'isolation phonique entre les deux logements, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires ont obtenu par ordonnance de référé réputée contradictoire du 19 février 2013, que soit diligentée une expertise judiciaire. 

Par jugement réputé contradictoire rendu le 1er mars 2021, et signifié le 14 juin 2021, le tribunal judiciaire de Pontoise a :

condamné M. et Mme [V] solidairement à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] la somme de 40 324,56 euros TTC qui correspond au montant des travaux d'isolation phonique entre les deux logements ;

rejeté les demandes supplémentaires formées au titre de l'indemnisation complémentaire liée à l'isolation phonique, au titre de l'isolation acoustique et de la charpente et toiture et du vide sanitaire ; 

condamné M. et Mme [V] solidairement au titre du préjudice de jouissance au paiement de 11 000 euros à  M. [P] et Mme [F] et 7 000 euros à M. et Mme [X] ; 

rejeté les demandes supplémentaires au titre du préjudice moral, des frais de déménagement, et des frais de jouissance dus aux travaux ainsi que des demandes d'indemnisation au titre des travaux de charpente, toiture et vide sanitaire et enfin d'indemnisation au titre de la résistance abusive ; 

condamné M. et Mme [V] solidairement à payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile aux acquéreurs et la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code  de  procédure  civile  au  syndicat  des  copropriétaires, outre  leur condamnation aux entiers dépens.

Sur le fondement de cette décision, M. et Mme [X], M. [P], Mme [F] et le syndicat des copropriétaires ont fait pratiquer le 24 juin 2021, une saisie-attribution sur le compte de M. et Mme [V] dans les livres de la Caisse d'Epargne Côte d'Azur, dénoncée le 30 juin 2021, pour paiement de la somme de 66 891,90 euros.

Cette saisie-attribution a été fructueuse à hauteur de 7 939,52 euros. 

Statuant sur la contestation de la saisie élevée par M et Mme [V] par assignation du 28 janvier 2022 portant demande de caducité du jugement du 1er mars 2021 non signifié dans les 6 mois de sa date, le juge de l'exécution de Nanterre, par jugement contradictoire du 8 novembre 2022, a : 

déclaré M. et Mme [V] irrecevables en leur contestation de la saisie attribution du 24 juin 2021 ;

débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

condamné M. et Mme [V] à régler à M. et Mme [X], M. [P], Mme [F] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. et Mme [V] aux entiers dépens ;

rappelé que la décision est exécutoire de droit.

Le 21 novembre 2022, M et Mme [V] ont interjeté appel du jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 31 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les appelants demandent à la cour de :

infirmer le jugement [entrepris en toutes ses dispositions leur faisant grief],

Y faisant droit et statuant de nouveau, 

A titre principal, 

déclarer recevables et bien-fondées les demandes de M. et Mme [V] ;

En conséquence,

déclarer recevable et bien fondée la contestation de la saisie attribution du 24 juin 2021 ;

déclarer non-avenu le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise sous le n° RG 19/03776 ;

ordonner la mainlevée de la saisie pratiquée le 24 juin 2021 entre les mains de la caisse d'épargne Cote d'Azur ;

ordonner la restitution in solidum par le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] de la somme de 7 939,52 euros injustement saisie sur les comptes de M. et Mme [V] en vertu de la saisie-attribution pratiquée le 24 juin 2021, avec intérêts au taux légal et sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ; 

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] au paiement de la somme de 101 euros en remboursement des frais engendrés par la saisie pratiquée le 24 juin 2021 avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] à payer à M. et Mme [V] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ; 

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] à payer à M. et Mme [V] la somme de 300 euros au titre des frais de constat d'huissier engagés ;

débouter in solidum [sic] le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire,  

déclarer que les sommes réclamées au titre des intérêts acquis au taux annuel de 8,14% pour 

1 162,34 euros et 430,35 euros de provision pour intérêt à échoir 1 mois sont injustifiées de même que les frais d'huissier pour 79,50 euros au titre de la signification du certificat de non-contestation et 61,65 euros au titre de la mainlevée de quittance et devront être déduites des sommes saisies ;

En conséquence,

déduire des sommes saisies et à saisir en vertu du jugement du 1er mars 2021 du tribunal judiciaire de Pontoise les sommes réclamées au titre des intérêts acquis au taux annuel de 8,14% pour 1 162,34 euros et 430,35 euros de provision pour intérêt à échoir 1mois sont injustifiées de même que les frais d'huissier pour 79,50 euros au titre de la signification du certificat de non-contestation et 61,65 euros au titre de la mainlevée de quittance ;

faire interdiction au créancier saisissant d'ajouter des frais aux sommes saisies en vertu du jugement du 1er mars 2021 du tribunal judiciaire de Pontoise ;

accorder à M. et Mme [V] un report de leur dette à deux ans ;

A titre infiniment subsidiaire, 

accorder à M. et Mme [V] un échelonnement de leur dette sur deux ans ;

En tout état de cause, 

débouter in solidum [sic] le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; 

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] à payer à M. et Mme [V] la somme 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et 3 500 euros pour l'instance d'appel ;

condamner in solidum le syndicat des copropriétaires [Adresse 6], M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] aux entiers dépens en ce compris les frais de la saisie contestée dont distraction au profit de Me Mélina Pedroletti, avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [V] font valoir : 

que la dénonciation de la saisie-attribution du 30 juin 2021, irrégulière pour avoir été faite à une adresse ne correspondant pas à celle qu'ils avaient communiquée à leurs acquéreurs, n'a pas pu faire courir leur délai de contestation, un courrier de la banque ne pouvant y pallier ;

qu'ils n'ont jamais eu connaissance de la procédure tant de référé que de fond ayant donné lieu au jugement du 1er mars 2021;

que la contestation du titre exécutoire fondant la saisie-attribution est bien fondée sur l'article 478 du code de procédure civile puisque la signification 14 juin 2021 a été faite à une adresse erronée, l'huissier ayant confondu les immeubles tels que désignés par la mairie après le « réadressage » de la résidence dans laquelle vit toujours la mère de M [V] à [Localité 17] et où celui-ci s'était domicilié au moment de la vente de l'immeuble d'[Localité 13] ;

que le jugement doit donc être déclaré non-avenu, ce qui aura pour conséquence de lui faire perdre son caractère exécutoire et d'entraîner la mainlevée de la saisie-attribution ; 

que la mesure indue leur a causé de grandes difficultés financières auxquelles ils n'ont pas pu se préparer, ainsi que les affirmations mensongères de leurs contradicteurs sur l'adresse de Mme [V] mère, qui les a contraints à faire établir la réalité de la situation par un constat d'huissier ; que leur demande de condamnation des intimés au paiement de la somme de 300 euros à ce titre est donc bien fondée ;

qu'à titre subsidiaire, il serait inéquitable que des intérêts supplémentaires courent sur la dette, d'autant plus au taux majoré de 8,14% dont ils demandent à être exonérés, alors qu'ignorant la condamnation, ils ne pouvaient pas la payer spontanément ; 

que leur situation justifie pleinement leur demande de délais de paiement ou de report de la dette, le juge s'étant fondé sur des éléments erronés, et les accusations d'organisation de leur insolvabilité ne reposant sur aucun élément tangible.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 23 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], Mme [M] [X], M. [Y] [K] [X], Mme [J] [F] et M. [T] [P] , intimés, demandent à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement [déféré],

débouter M. et Mme [V] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

condamner solidairement M. et Mme [V] à leur payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner solidairement M. et Mme [V] aux entiers dépens, lesquels comprendront le coût du timbre fiscal de 225 euros. 

Au soutien de leurs demandes, ils font valoir : 

que la demande tendant à voir constater le caractère non avenu du jugement formée à l'occasion de la contestation de la saisie-attribution n'est recevable que si elle a été formée dans le délai d'un mois prévu aux articles R211-11 du code des procédures civiles d'exécution (Civ2, 31 janvier 2019n°17-28.369) ; que contrairement à ce que soutiennent M. et Mme [V], ils étaient parfaitement informés de la mesure dans les délais pour former contestation ;

que, par ailleurs, les significations étaient bien régulières, les actes ayant été diligentés aux adresses dont ils disposaient, soit à [Localité 11] puis à [Localité 17] ; que, dès lors, le jugement rendu le 1er mars 2021 par le tribunal judiciaire de Pontoise a été valablement signifié ;

que d'ailleurs, après avoir obtenu communication de ce jugement, M et Mme [V] n'en ont pas interjeté appel et ne contestent pas le bien-fondé des condamnations prononcées contre eux;

qu'il n'y a donc lieu ni à mainlevée de la saisie attribution, ni à restitution des sommes saisies, et que M. et Mme [V] doivent être déboutés de leur demande subsidiaire de déduction des frais et intérêts ;

qu'ils s'opposent à tous délais de paiement, les désordres liés au défaut d'isolation phonique durant déjà depuis plus de 12 ans, et les intimés qui ont déjà assumé, au titre des dépens et de la procédure d'expertise, la somme de 5 600 euros, ne peuvent patienter plus longtemps pour le recouvrement des sommes qui leur sont dues ; que, par ailleurs, les incohérences dans la présentation par les appelants de leur situation financière interrogent sur leur bonne foi et sur l'aménagement d'une éventuelle insolvabilité.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 avril 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 10 mai 2023 et le prononcé de l'arrêt au 8 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur la recevabilité de l'action

Pour déclarer la contestation de la saisie irrecevable pour tardiveté de l'assignation devant le juge de l'exécution au regard du délai d'un mois prescrit par l'article R211-11 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution sans se prononcer sur l'efficacité de la dénonciation de la saisie, a retenu que M et Mme [V] en avaient eu connaissance par leur banque le 29 juin 2021, et qu'ils se sont rapprochés de l'huissier début juillet 2021. Ce faisant, le juge de l'exécution s'est fondé sur deux éléments factuels impropres à caractériser les informations portées à la connaissance des débiteurs saisis relatives aux modalités et délais de contestation de la mesure, et plus encore, à faire courir le délai d'un mois imparti pour contester la saisie.

La saisie du 28 juin 2021 ayant été partiellement fructueuse, les diligences effectuées par l'huissier instrumentaire pour domicilier leurs comptes bancaires devaient également lui permettre d'identifier l'adresse qui était celle des débiteurs à la date de la saisie, à savoir [Adresse 10].

Il n'est pas contesté qu'ils n'ont eu connaissance de la saisie que par le courrier de leur banque teneur du compte saisi, laquelle a bien libellé son courrier à leur adresse de [Localité 14], et il est démontré que la dénonciation a été diligentée à une adresse à laquelle ils n'ont jamais résidé, ce qui invalide le recours aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile le grief résultant de cette irrégularité étant caractérisé par l'impossibilité de contester la saisie dans le délai imparti.

Or ce grief aurait fait défaut si l'huissier avait répondu à leurs sollicitations: ils démontrent en effet qu'ils ont dès le 2 juillet 2021 contacté de manière réitérée l'étude de l'huissier instrumentaire en lui signifiant leur intention de contester cette saisie dont ils ignoraient le fondement. Ils affirment que l'huissier ne leur a jamais répondu, et ne peuvent pas rapporter une preuve négative. Sauf à inverser la charge de la preuve, les intimé ne sauraient soutenir que M et Mme [V] ne démontrent pas l'absence de réponse de leur huissier. Si ce dernier avait communiqué aux débiteurs saisis la copie des actes relatifs à la saisie, c'est aux défendeurs qu'il appartenait de le démontrer, pour démentir l'affirmation adverse.

La réactivité manifestée par M et Mme [V] à l'égard de l'huissier témoigne du fait que loin de se désintéresser de la procédure ils ont au contraire cherché à y collaborer. Ainsi il peut en être déduit que faute pour l'huissier de leur avoir transmis les éléments utiles à l'exercice d'un recours en contestation de la saisie par retour de courriel ou par courrier, ils ont été privés d'une chance certaine d'agir dans les délais impartis, pour exercer leurs droits de la défense.

Dans ces conditions, la fin de non recevoir tirée des dispositions de l'article R211-11 du code des procédures civiles d'exécution n'a pas couru, doit être écartée et le jugement infirmé en ce qu'il a déclaré la contestation irrecevable.

Sur le caractère non-avenu du jugement du 1er mars 2021

Il résulte de l'article 478 du code de procédure civile que le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non-avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date.

Il ressort des énonciations du jugement du 1er mars 2021 que les demandeurs à l'action ont assigné M et Mme [V] au [Adresse 7], adresse à laquelle ils vivaient lors de la vente litigieuse du bien de [Localité 13]. S'étant aperçu que dans l'acte notarié les vendeurs avaient également donné l'adresse « [Adresse 18] », le tribunal a ordonné la réassignation des défendeurs à cette adresse, à laquelle l'huissier ne les a pas touchés à leur personne. Par conséquent le jugement est bien réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel, et M et Mme [V] sont recevables à contester l'acte de signification pour faire déclarer le jugement non-avenu.

Lors de ses investigations menées pour délivrer l'assignation du 11 mars 2020, l'huissier relate que l'adresse [Adresse 18] porterait désormais la dénomination « le [Adresse 20] ». C'est donc à cette adresse que l'huissier a tenté de signifier le jugement par acte du 14 juin 2021. Pour valider cet acte de signification au constat du respect des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, le juge de l'exécution a retenu que M et Mme [V] ne justifiaient pas que les défendeurs avaient la possibilité de connaître leur nouvelle adresse, que les demandeurs reconnaissent que la mère de M [V] habite bien cette résidence, et qu'ils ne démontrent pas que Mme [V] mère résiderait en réalité au Bâtiment « Sésame 2 ».

Devant la cour, M et Mme [V], qui expliquent que M [V] avait donné à ses co-contractants dans l'acte de vente, l'adresse située à [Adresse 18] à [Localité 17], pour être sûr d'être touché par toute correspondance éventuelle, dans l'incertitude dans laquelle lui et Mme [V] étaient alors, de conserver l'adresse d'[Localité 11], prouvent d'une part, qu'il a bien reçu toutes sortes de correspondances envoyées à son nom à « [Adresse 18] » (pièces 52 à 56 des appelants), ce qui démontre que cette adresse était parfaitement efficace. Ils démontrent d'autre part, que le Bâtiment Messidor H1 correspond désormais au Bâtiment le [Adresse 21] (pièce 25) et que cette adresse correspond bien à l'appartement de la mère de M [V] qui y réside toujours (pièces 24, 26 à 29 des appelants).

Ils démontrent enfin que la résidence HLM « Le Messidor » est composée de deux immeubles distincts qui lors de l'opération communale de « réadressage » de la résidence, ont été désignés sous les noms « Sésame 1 » et « Sésame 2 ».

Toute cette démonstration est corroborée par un constat d'huissier et des photos à l'appui, qui confirment que les deux bâtiments sont distincts, ne communiquent pas, qu'ils sont chacun dotés de leur propre local de boites aux lettres, mais pas d'un concierge.

Or, l'huissier qui a tenté de délivrer la signification du 14 juin 2021 s'est présenté au [Adresse 9]. Il a procédé suivant les prescriptions de l'article 659 du code de procédure civile après avoir constaté que le nom de [V] ne figure pas sur les casiers postaux, ni sur les sonnettes, et qu'il a interrogé le gardien et les voisins et commerçants ; il précise qu'il a trouvé une dame répondant à ce nom sur la commune mais qu'elle n'a pas répondu au téléphone

Ses diligences ainsi effectuées à cette adresse ne risquaient pas d'aboutir compte tenu de la réalité factuelle établie ci-dessus.

L'huissier avait donc déjà commis une erreur lors de la délivrance de l'assignation sur demande du tribunal, en confondant la nouvelle adresse correspondant au bâtiment H1 avec celle correspondant au bâtiment H2, alors que l'information relevée sur le site www. [Localité 17]. Info (Pièce 25 des appelants précitée) était facilement accessible et exploitable. Il a derechef commis une négligence en réutilisant cette information erronée pour signifier le jugement le 14 juin 2021. Aucune de ces erreurs n'est imputable à M et Mme [V].

Or, rien n'empêchait l'huissier de revérifier la correspondance de désignation des bâtiments résultant de l'opération de « réadressage », et surtout, d'étendre ses investigations au seul bâtiment voisin tout proche, où il est démontré qu'il aurait trouvé Mme [V] mère qui aurait accepté l'acte, ou lui aurait communiqué l'adresse actuelle de M et Mme [V] de [Localité 14] ou à tout le moins, qu'il aurait pu procéder suivant les prescriptions de l'article 656 du code de procédure civile, et mettre M [V] en mesure de recevoir la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile.

Les diligences accomplies sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile ne sont valablement accomplies qu'à la dernière adresse connue du destinataire de l'acte. Il est parfaitement démontré que tel n'est pas le cas du [Adresse 9], de sorte que l'acte est irrégulier.

Il résulte enfin de la combinaison des articles 694 et 114 du code de procédure civile, que l'irrégularité de la signification du jugement emporte l'annulation de l'acte si elle a été la cause d'un grief.

En l'espèce, l'irrégularité entachant l'acte a été la cause d'un grief manifeste, M et Mme [V] étant d'une part restés dans l'ignorance du jugement rendu contre eux à l'issue d'une procédure à laquelle ils n'ont pas pu exercer leurs droits de la défense et d'autre part, empêchés d'en faire appel, et enfin, n'ayant découvert cette procédure que fortuitement à l'occasion de la saisie-attribution dont ils n'ont pour finir été informés que par l'établissement bancaire tiers saisi.

Il convient donc de dire l'acte de signification du 14 juin 2021 nul et de nul effet, et constatant que le jugement du 1er mars 2021 n'a pas été valablement signifié dans les 6 mois de sa date, de déclarer celui-ci non-avenu.

La saisie attribution pratiquée le 28 juin 2021 sans titre exécutoire doit donc être également déclarée nulle et de nul effet, aucun des frais y afférent ne pouvant être mis à la charge de M et Mme [V].

Les sommes saisies ayant été libérées entre les mains de l'huissier poursuivant doivent être restituées aux saisis, mais c'est le présent arrêt qui vaut titre de restitution sans qu'il y ait lieu à condamnation, comme le demandent les appelants, les intérêts courant à compter de l'arrêt. Enfin, il n'est pas nécessaire à ce stade d'assortir l'obligation de restitution d'une astreinte telle que sollicitée par M et Mme [V].

Compte tenu de la solution du litige, les autres demandes subsidiaires de ces derniers sont sans objet.

Sur la demande de dommages et intérêts

En application de l'article L 121-2, le juge de l'exécution, et la cour statuant en appel de ses décisions ont le pouvoir de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il appartient à la partie saisie à tort de faire la preuve du préjudice dont elle demande réparation.

M et Mme [V] demandent une indemnité de 2000 € en compensation du préjudice financier et moral ayant résulté du blocage de leurs comptes pendant les congés d'été 2021, sans qu'ils aient pu anticiper les actes de poursuites diligentés contre eux qui ont été tenus à l'écart de la procédure d'expertise puis au fond pendant 8 années.

Les intimés y opposent de façon inopérante d'une part leurs propres préjudices subis depuis l'acquisition du pavillon de [Localité 13], et d'autre part l'affirmation selon laquelle M et Mme [V] ne seraient pas dans une situation si précaire qu'ils le prétendent.

Tous les développements précédents ont fait la démonstration que M et Mme [V] depuis la vente litigieuse, ont ignoré la procédure ayant abouti à leur condamnation pour vices cachés, et n'ont en définitive découvert le jugement qu'après son exécution, elle-aussi menée en fraude de leurs droits puisqu'ils n'en ont été informés que par le courrier de leur banque. Il doit être relevé que loin d'encourir la critique qu'en font les intimés, le fait de leur avoir communiqué aux côtés de l'adresse à laquelle ils résidaient à [Localité 11], une adresse à laquelle ils étaient certains d'être touchés, serait-ce par l'intermédiaire de la mère de M [V], témoigne au contraire de leur volonté de ne pas échapper à leurs responsabilités.

Ils n'ont donc aucune part de responsabilité dans les circonstances ayant conduit à l'exécution forcée qu'ils ont subie dans ces conditions, dont les conséquences dommageables doivent être réparées. Il leur sera alloué en réparation de leur préjudice moral une somme de 2000 €.

Par ailleurs, ils justifient des frais bancaires occasionnés par la saisie annulée, de sorte que leur demande de remboursement de la somme de 101 € est bien fondée.

Il leur sera donc alloué une somme de 2101 € à titre de dommages et intérêts qui produira intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur les demandes accessoires :

M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel, auxquels ne peuvent être assimilés les frais de constat d'huissier de 300 € qui constituent une dépense exposée par les appelants pour les besoins de leur défense en justice, distincts des frais de justice.

Cette somme doit donc être prise en considération dans l'appréciation de la situation des parties à l'issue de laquelle est arbitrée l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. A cet égard, l'équité commande d'allouer aux appelants sur ce fondement, la somme de 5000 €, couvrant leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare la contestation de la saisie attribution recevable ;

Déclare nulle et de nul effet la signification par acte du 14 juin 2021 du jugement du 1er mars 2021 ayant servi de fondement à la saisie attribution du 28 juin 2021 ;

Vu l'article 478 du code de procédure civile,

Déclare le jugement du 1er mars 2021 non-avenu ;

Déclare nuls et de nul effet l'acte de saisie attribution du 28 juin 2021, et tous les actes qui en ont été la conséquence, dont les frais restent à la charge des saisissants ;

Rappelle que le présent arrêt vaut titre de restitution des sommes saisies-attribuées, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;

Vu l'article L121-2 du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne in solidum M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole à payer à M [A] [V] et Mme [L] [V] la somme de 2101€ à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne in solidum M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole à payer à M [A] [V] et Mme [L] [V] la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des prétentions ;

Condamne in solidum M. [P], Mme [F], M. et Mme [X] et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6], représenté par son syndic bénévole aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/06968
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.06968 ?
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