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08/06/2023 | FRANCE | N°22/05076

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 08 juin 2023, 22/05076


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/05076 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VLIY







AFFAIRE :



S.A. ORANGE



C/



S.A.S. SFR FIBRE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2014F01995



Expéditions exÃ

©cutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Mélina PEDROLETTI



TC NANTERRE









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt su...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/05076 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VLIY

AFFAIRE :

S.A. ORANGE

C/

S.A.S. SFR FIBRE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2016 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 6

N° RG : 2014F01995

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Mélina PEDROLETTI

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 16 mars 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 24 septembre 2020, saisie elle-même comme cour de renvoie en exécution d'un arrêt de la cour de cassation du 7 mai 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 18 juillet 2017

S.A. ORANGE

RCS Nanterre n° 380 129 866

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS- VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Nicolas FAGUER et Me Sabine NAUGES du cabinet McDERMOTT WILL & EMERY, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P0062

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. SFR FIBRE venant aux droits de la société SEQUALUM PARTICIPATION, venant elle-même aux droits de la société SEQUALUM

RCS Meaux n° 400 461 950

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Pierre-Olivier CHARTIER et Me Enzo VENDITTI du cabinet CARRERAS, BARSIKIAN, ROBERTSON & ASSOCIES, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : R139

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

Le 13 mars 2008, à la suite d'un appel d'offres public, un groupement d'entreprises composé des sociétés Numéricâble, LD Collectivités et Eiffage, auquel a succédé la société Sequalum, a conclu avec le département des Hauts-de-Seine une convention de délégation de service public pour une durée de vingt-cinq ans concernant la construction et l'exploitation d'un réseau départemental de télécommunications à très haut débit par fibre optique pour l'ensemble des communes du département.

Dans le cadre de l'appel d'offres, le groupement s'est prévalu auprès du département du droit détenu par la société Numéricâble d'accéder librement et d'occuper le réseau d'infrastructures de génie civil, constitué d'ouvrages souterrains et aériens occupant le domaine public, appartenant à la société France Telecom, devenue la société Orange, au titre de trois conventions conclues avec cette dernière ayant pour objet la cession des réseaux câblés de la société France Télécom au sein des communes des Hauts-de-Seine :

- la convention 1G du 6 mai 1999 concernant les communes de [Localité 9], [Localité 10] et  [Localité 8] ;

- la convention Rapp 16 du 18 mai 2001 s'agissant des communes de [Localité 5], [Localité 7] et [Localité 6] ;

- la convention NCN du 21 décembre 2004 concernant 21 autres communes des Hauts-de-Seine.

En exécution de la convention de délégation de service public précitée (DSP 92), la société Sequalum a, dès 2010, commencé à déployer dans ces infrastructures, un réseau de fibres optiques réparti sur l'ensemble du département des Hauts-de-Seine, considérant qu'elle disposait d'un droit d'usage à long terme sur ces installations transmis par la société Numéricâble, représentant du groupement auquel elle s'était substituée.

Par courrier du 16 avril 2008, la société Orange a signalé à la société Numéricâble qu'elle considérait que les droits que cette dernière détenait au titre des conventions précitées ne lui permettaient pas de déployer dans ses ouvrages de génie civil un nouveau réseau de fibres optiques.

A la suite d'un échange de courriers entre la société Numéricâble et la société Orange, cette dernière, par courrier du 5 décembre 2013, a mis en demeure la société Sequalum de lui communiquer le calendrier et les plans des déploiements effectués dans ce génie civil, et de régulariser la situation, en vain.

Par acte du 8 octobre 2014, la société Orange a fait assigner la société Sequalum devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'indemnisation de son préjudice financier résultant de l'occupation jugée sans droit ni titre de ses infrastructures de génie civil.

Par jugement du 2 mars 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Dit que la société Sequalum occupe sans droit ni titre le génie civil de la société Orange dans les installations de génie civil dont la société Orange est propriétaire et définies par les conventions conclues en 1999, 2001 et 2004 et leurs avenants du 12 décembre 2011 ;

- Condamné la société Sequalum à payer à la société Orange la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts;

- Débouté la société Orange de sa demande subsidiaire d'ordonner une expertise judiciaire ;

- Débouté la société Sequalum de sa demande reconventionnelle de condamner la société Orange à lui payer la somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire ;

- Condamné la société Sequalum aux dépens.

Le 22 avril 2016, la société Orange a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 18 juillet 2017, la cour d'appel de Versailles a :

- Infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Orange de sa demande subsidiaire d'expertise,

Statuant de nouveau du seul chef des dispositions réformées et y ajoutant :

- Débouté la société Orange de l'ensemble de ses demandes,

- Condamné la société Orange aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- Condamné la société Orange à verser à la société Sequalum une indemnité de 25.000 euros à titre de frais irrépétibles,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le 15 novembre 2017, la société Orange a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 7 mai 2019, la Cour de cassation a cassé l'arrêt du 18 juillet 2017, sur le fondement des articles 4 et 455 du code de procédure civile, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

La Cour de cassation a notamment reproché à la cour d'appel de Versailles de s'être déterminée sans préciser en quoi les documents qu'elle citait étaient pertinents, et sans dire à quel titre la société Sequalum était venue aux droits de la société Numéricâble, ce qui était contesté. Elle a également fait grief à la cour d'avoir méconnu les termes du litige en retenant que la société Sequalum n'admettait pas avoir déployé ex nihilo des fibres optiques dans le réseau civil cédé par la société Orange, alors que les parties étaient au contraires d'accord sur ce fait.

Par déclaration de saisine du 3 juillet 2019, la société Orange a saisi la cour d'appel de Versailles.

Par un arrêt du 24 septembre 2020, la cour d'appel de Versailles :

- Infirmé le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 2 mars 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Sequalum et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance,

Et statuant à nouveau,

- Dit que la société Sequalum occupe sans droit ni titre les installations de génie civil dont la société Orange est propriétaire et définies par la seule convention conclue le 6 mai 1999, s'agissant des seules communes de [Localité 9], [Localité 10] et [Localité 8],

- Condamné la société Sequalum à payer à la société Orange la somme de 200.882 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,

- Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

- Rejeté toutes les autres demandes,

- Condamné la société Sequalum à payer à la société Orange la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la société Sequalum à payer aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le 24 novembre 2020, la société Orange a formé un pourvoi à l'encontre de cet arrêt.

Par un arrêt du 16 mars 2022, la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, mais seulement en ce que, infirmant partiellement le jugement, il a rejeté les demandes formées par la société Orange au titre de la convention dite NCN du 21 décembre 2004, condamné la société Sequalum à payer à la société Orange la somme de 200.882 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice résultant de l'occupation sans droit ni titre des installations de génie civil définies par la convention du 6 mai 1999 s'agissant des communes de Sèvres, Suresnes et Saint-Cloud, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts, et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 24 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

- Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

- Condamné la société Sequalum aux dépens ;

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Sequalum à payer à la société Orange la somme de 3.000 €;

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé.

La Cour de cassation a retenu que la Cour d'appel :

- a interverti deux conventions, et ainsi dénaturé le contrat, lorsqu'elle s'est prononcée sur la convention NCN ;

- aurait dû tenir compte, afin de quantifier le préjudice subi par la société Orange au titre de la convention 1G, d'une occupation sans droit ni titre par Sequalum jusqu'au 30 juin 2015, date de la résiliation de la délégation de service public et non pas cantonner l'évaluation du préjudice à la période allant du mois de janvier 2011 au mois de janvier 2012.

Par déclaration de saisine du 29 juillet 2022, la société Orange a saisi la cour d'appel de Versailles.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 28 mars 2023, la société Orange demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 2 mars 2016 en ce qu'il a jugé que la société Sequalum a engagé sa responsabilité en occupant, de 2010 à 2015, sans aucun droit ni titre et sans bourse délier, les infrastructures de génie civil appartenant à la société Orange au sein des communes concernées par les conventions 1G du 6 mai 1999 et NCN du 21 décembre 2004.

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 2 mars 2016 en ce qu'il a :

- Limité la condamnation de la société SFR Fibre à la somme de 1 € ;

- Débouté la société Orange de sa demande, à titre subsidiaire, d'expertise ;

- Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau de ces chefs :

A titre principal,

- Condamner la société SFR Fibre à payer à la société Orange la somme de 3.202.672 €, sauf à parfaire en cours d'instance, en réparation du préjudice financier subi par la société Orange à raison de cette occupation illicite au sein des communes objet de la convention 1G et de la convention NCN,

- Assortir cette condamnation d'un intérêt de retard au taux légal, courant à compter de l'assignation aux fins de la présente instance en date du 8 octobre 2014, avec capitalisation des intérêts chaque année à la date anniversaire de l'arrêt à intervenir,

A titre subsidiaire,

- Condamner la société SFR Fibre à payer à la société Orange la somme de 1.120.042 €, sauf à parfaire en cours d'instance, en réparation du préjudice financier subi par la société Orange à raison de cette occupation illicite au sein des communes objet de la convention 1G,

- Assortir cette condamnation d'un intérêt de retard au taux légal, courant à compter de l'assignation aux fins de la présente instance en date du 8 octobre 2014, avec capitalisation des intérêts chaque année à la date anniversaire de l'arrêt à intervenir,

A titre très subsidiaire,

- Désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

- Convoquer et entendre les parties et tout en sachant qu'il pourrait estimer utile à l'accomplissement de sa mission, dans un délai d'un mois suivant le prononcé de la décision à intervenir,

- Se faire remettre par les parties tous les documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission,

- Evaluer l'emprise de l'occupation du réseau déployé par la société Sequalum dans le génie civil de la société Orange au sein des communes objet de la convention 1G et de la convention NCN,

- Reconstituer le calendrier des interventions auxquelles la société Sequalum a procédé dans le génie civil de la société Orange au sein des communes objet de la convention 1G et de la convention NCN, et notamment les dates précises de déploiement du réseau objet de la convention de délégation de service public pour l'établissement et l'exploitation d'un réseau départemental de communication électronique à très haut débit conclue le 13 mars 2008 au sein des communes objet de la convention 1G et de la convention NCN,

- Evaluer le préjudice subi par la société Orange du fait de l'occupation sans droit ni titre des infrastructures de génie civil appartenant à la société Orange au sein des communes objet de la convention 1G et de la convention NCN,

- Du tout, dresser rapport qui devra être communiqué aux parties et déposé au greffe au plus tard dans les trois mois de la décision à intervenir,

- Dire que les frais de l'expertise seront supportés par la société Sequalum, et notamment la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée au greffe de (sic) dans un délai maximum de 30 jours à compter de l'arrêt à intervenir,

- Dire qu'en cas de difficulté, il en sera référé au conseiller chargé du contrôle des expertises,

- Ordonner ensuite la réouverture des débats en vue d'une audience qu'il plaira à la cour de fixer, afin qu'il soit statué sur la réparation du préjudice subi par la société Orange,

En tout état de cause,

- Condamner la société SFR Fibre, à payer à la société Orange la somme de 60.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société SFR Fibre, aux dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles.

Par dernières conclusions notifiées le 29 mars 2023, la société SFR Fibre venant aux droits de la société Sequalum demande à la cour de :

- Déclarer la société Orange irrecevable en son action, celle-ci étant prescrite,

En tout état de cause,

- Déclarer la société Orange mal fondée en sa déclaration de saisine,

- Déclarer la société SFR Fibre venant aux droits de la société Sequalum recevable et bien fondée en son appel incident,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 2 mars 2016 en ce qu'il a:

- Dit que la société Sequalum (aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre) occupe sans droit ni titre le génie civil de la société Orange dans les installations de génie civil dont la société Orange est propriétaire et définies par la convention conclue entre France Télécom et NC Numéricâble le 21 décembre 2004 ;

- Condamné la société Sequalum (aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre) à payer à la société Orange la somme de 1 € à titre de dommages et intérêts ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civil ;

- Condamné la société Sequalum (aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre) aux dépens.

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 2 mars 2016 en ce qu'il a débouté la société Orange de sa demande d'expertise judiciaire ;

Statuant à nouveau :

- Débouter la société Orange de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

En toutes hypothèses :

- Débouter la société Orange de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

- Condamner la société Orange à verser à la société SFR Fibre la somme de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Orange aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Me Pedroletti avocat conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Orange

La société SFR Fibre, ci-après dénommée la société SFR, soulève la prescription de l'action de la société Orange, considérant que le point de départ de la prescription quinquennale doit être fixé au 16 avril 2008 ou au 13 novembre 2008, dates auxquelles la société Orange a adressé un courrier à la société Numéricâble afin de contester son droit à utilisation de ses ouvrages de génie civil. L'intimée souligne que le préjudice futur est réparable lorsqu'il est la prolongation certaine et directe d'un état de choses actuel. Elle estime donc que la prescription débute à compter du jour où la réalisation du préjudice est suffisamment certaine pour en solliciter la réparation.

La société Orange répond que la prescription quinquennale a commencé à courir à la date de réalisation de son dommage, soit à la date de déploiement effectif par la société Sequalum de ses installations au sein du génie civil de la société Orange, et donc pas avant l'année 2010.

*****

L'article L. 110-4 I du code de commerce dispose que : " Les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes ".

Par ailleurs, l'article 2224 du code civil énonce que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

Il ressort des écritures de la société Orange que l'action de cette dernière ne tend pas à empêcher la société SFR de déployer son nouveau réseau de fibres, mais à obtenir l'indemnisation du préjudice consécutif à l'occupation, prétendue sans droit ni titre, par la société Sequalum de ses ouvrages de génie civil. Le préjudice futur, pour être caractérisé, doit être la prolongation certaine et directe d'un état de choses actuel et être susceptible d'estimation immédiate. Tant que le déploiement n'était pas effectivement réalisé, le préjudice de la société Orange ne pouvait être considéré comme certain, ce d'autant qu'il se déduisait du courrier de contestation qu'elle a adressé à la société Numéricâble le 16 avril 2008 qu'elle entendait que cette dernière justifie de ses droits ou à défaut, renonce aux travaux. En outre, le préjudice d'Orange n'était pas susceptible d'évaluation immédiate. La prescription n'a donc pas pu commencer à courir avant le déploiement effectif par la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR, de son nouveau réseau.

Il ressort de la capture d'écran du site de la société Sequalum, produite en pièce n°17 par la société Orange, que ce déploiement a débuté en 2010 : " le déploiement du réseau THD [très haut débit] Seine s'effectue sur 6 ans de 2010 à 2015 pour un total de 830 000 prises sur l'ensemble des communes des Hauts-de-Seine. Le réseau THD Seine est ouvert depuis le 6 février 2012 à la commercialisation des opérateurs télécoms sur 12 communes [']. Au 7 juin 2013, 5 autres communes sont déclarées ouvertes à la commercialisation [']. Au 30/06/2013, 4 autres communes viendront se rajouter aux 17 communes déjà ouvertes à la commercialisation ".

Il est ainsi établi que le dommage dont la société Orange poursuit la réparation s'est réalisé à compter de l'année 2010.

Dès lors que la société Orange a fait délivrer son assignation à la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR, le 8 octobre 2014, soit dans le délai imparti de 5 ans, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Orange doit être rejetée.

Sur l'occupation sans droit ni titre des ouvrages de génie civil de la société Orange

- au titre de la convention NCN

La société Orange fait valoir que la société Numéricâble bénéficiait, aux termes des conventions en cause et notamment de la convention NCN, d'un droit d'accès aux ouvrages de génie civil ayant appartenu à la société France Telecom au titre des contrats de cession de ses anciens réseaux câblés, uniquement pour les entretenir et éventuellement les rénover, mais en aucun cas pour déployer un tout nouveau réseau de fibres optiques.

La société Orange explique que si la société Sequalum a signé, dans le respect de l'offre régulée, la convention GC Fttx le 16 janvier 2009 puis la convention GC BLO le 4 février 2014, elle a passé peu de commandes d'accès, au titre de ces conventions, afin d'être autorisée à déployer un réseau FttH dans ses ouvrages de génie civil. L'appelante soutient que les droits d'accès marginaux acquis par la société Sequalum ne permettaient pas de couvrir l'occupation réelle de ses ouvrages de génie civil par le réseau THD 92 (très haut débit dans le département des Hauts de Seine). La société Orange indique que la société Numéricâble n'a pu céder aucun droit à ce titre à la société Sequalum, dès lors que les droits d'accès qu'elle détient sont strictement limités quant à leur objet. Elle rappelle l'erreur d'analyse des termes de la convention NCN commise par la cour d'appel dans son arrêt du 24 septembre 2020 et explique que cette convention n'octroie à la société Numéricâble qu'un droit d'usage ayant pour seul objet de permettre à cette dernière de maintenir les réseaux cédés dans les ouvrages de génie civil. Elle souligne que si la convention a accordé à la société Numéricâble un droit d'accès aux ouvrages de génie civil pour assurer le développement des réseaux cédés, ces stipulations n'autorisent pas la création d'un nouveau réseau. L'appelante ajoute qu'en tout état de cause, les droits d'accès à ses ouvrages de génie civil consentis à la société Numéricâble sont strictement limités quant à la personne de leur bénéficiaire, alors qu'il n'est justifié d'aucune cession de droit au bénéfice de la société Sequalum.

La société SFR répond que l'objet des conventions de cession 1G, Rapp 16 et NCN était de transférer la propriété des câbles coaxiaux et fibres optiques déployés par l'Etat dans le cadre du " plan câble ", d'octroyer aux cessionnaires des droits d'accès et d'occupation des ouvrages de génie civil et de définir des modalités opérationnelles régissant l'accès aux ouvrages de génie civil, ainsi que diverses modalités et prestations accessoires. L'intimée explique qu'à cette occasion, un prix extrêmement élevé de 920 millions d'€ a été payé. La société SFR soutient avoir conclu avec la société Sequalum un contrat aux termes duquel elle lui a concédé les droits d'accès et d'occupation qu'elle détenait dans le département des Hauts de Seine au titre des 3 conventions. S'agissant plus spécifiquement de la convention NCN, la société SFR explique que l'objet même de la convention était de consentir le droit d'usage du génie civil de la société France Telecom afférent aux réseaux. Elle estime que la société Orange dénature le contrat en prétendant que le droit se limite à la maintenance. Elle précise que ces droits d'accès et d'occupation ont fait l'objet d'une valorisation distincte (124 millions d'€) de celles des réseaux cédés (18 millions d'€) et que le prix payé est incompatible avec l'octroi d'un droit d'usage limité à la seule maintenance des réseaux. La société SFR considère donc que les droits irrévocables d'accès et d'occupation ne sont pas " accessoires " aux réseaux cédés mais constituent le c'ur de la convention NCN.

La société SFR se prévaut par ailleurs des stipulations de la section II de la convention NCN, ainsi que des articles 3.1, 3.6 et 3.8.2 du cahier des charges annexé à ladite convention qui selon elle, lui permettaient d'installer de nouveaux câbles dans les tuyaux occupés par les câbles du réseau cédé. Elle soutient que dans son arrêt du 24 septembre 2020, la cour d'appel de Versailles a retenu, sans être censurée sur ce point par la Cour de cassation que la société Sequalum occupait régulièrement le génie civil de la société Orange dans les communes du département objet de la convention Rapp16 en se fondant sur les stipulations de l'article 3.6 du cahier des charges annexé à la convention qui sont quasiment identiques à celles de l'article 3.6 du cahier des charges de la convention NCN. Elle ajoute que le raisonnement suivi par la cour dans son arrêt du 24 septembre 2020 concernant la convention FTC est transposable à la convention NCN dont les dispositions sont similaires.

L'intimée soutient que les droits détenus par la société Numéricâble ont été cédés à la société Sequalum.

*****

Il ressort de la convention NCN conclue entre la société France Telecom et la société NC Numéricâble le 21 décembre 2004 que la première a notamment cédé à la seconde :

- la pleine propriété des actifs mobiliers constitués des équipements techniques composant les réseaux, notamment les câbles coaxiaux et les fibres optiques,

- un droit d'usage du génie civil afférant aux réseaux.

Le litige porte sur la consistance du droit d'usage. La société Orange prétend qu'il se limitait à un droit d'accès au génie civil afin d'assurer la seule maintenance des réseaux existants, tandis que la société SFR soutient que ce droit permettait à la société Sequalum de développer au sein du génie civil un nouveau réseau.

La section II de la convention NCN relative à la " jouissance des droits accessoires à la cession des réseaux "(souligné par la cour) traite du droit d'usage du génie civil appartenant à la société France Telecom.

La société SFR ne peut donc sérieusement soutenir que ce droit n'est pas l'accessoire des réseaux cédés, ce qui est d'ailleurs confirmé par l'article II.1.2 : " Le droit d'usage ci-dessus mentionné est octroyé à titre purement accessoire à la cession des actifs mobiliers faisant l'objet du présent contrat "(souligné par la cour).

Les stipulations préliminaires à cette section prévoient qu' "afin d'assurer l'exploitation et le développement des Réseaux, FT [France Telecom] octroie à NCN le droit de maintenir les Actifs Mobiliers ['] (ii) dans les installations de génie civil de FT".

Si, comme le fait valoir la société SFR, la notion de " développement " peut évoquer l'idée d'une création, il est toutefois précisé que la société France Telecom n'accorde qu'un droit de maintenir des actifs mobiliers cédés dans ses installations de génie civil puis, à la suite de ces stipulations, que " Les droits et prestations octroyées par FT sont régis par les stipulations ci-après arrêtées ainsi que par les dispositions du cahier des charges figurant en annexe II.1.1 au présent contrat ".

L'article II.1 de la convention NCN consacré au " Droit d'occupation dans les installations de génie civil de FT " le définit comme suit :

" II.1.1. En contrepartie du paiement du prix de droit d'usage du génie civil, FT consent à NCN, pour une période de 20 ans ('), le droit de maintenir dans les installations de génie civil de FT les actifs mobiliers (fibres optiques et câbles), et ce dans les conditions prévues au cahier des charges figurant en annexe II.1.1.

Ce droit d'usage est consenti pour l'ensemble des actifs mobiliers (fibres et câbles) occupant les installations de génie civil de FT à la date de réalisation.

Toutes les autres demandes d'usage du génie civil de FT par NCN seront traitées et facturées selon les dispositions en vigueur pour toute demande d'implantation de câbles et fibres optiques par tout opérateur de réseau.

II.1.2. Le droit d'usage ci-dessus mentionné est octroyé à titre purement accessoire à la cession des actifs mobiliers faisant l'objet du présent contrat.

Ce droit d'usage s'entend ainsi du seul hébergement dans le génie civil de FT des actifs mobiliers décrits en annexe I.1.1.2 qui sont des fibres optiques ou des câbles, selon leur emprise dans ce génie civil " (souligné par la cour).

Il résulte de ces stipulations que la société NCN a acquis, à titre accessoire, un droit d'usage des ouvrages de génie civil de la société France Telecom lui permettant d'y maintenir les actifs mobiliers (fibres et câbles) cédés et donc existants et que dans le cadre du développement et donc de " l'implantation de câbles et fibres optiques ", le droit d'usage du génie civil de la société France Telecom est traité et facturé " selon les dispositions en vigueur pour toute demande d'implantation de câbles et fibres optiques par tout opérateur de réseau ".

L'article 3.1 du cahier des charges figurant en annexe II.1.1 de la convention NCN stipule que " conformément à l'article II.1 du contrat, un droit d'occupation du génie civil de FT est consenti à NCN ". Conformément aux stipulations précitées, ce droit d'occupation se rapporte donc exclusivement aux actifs mobiliers cédés.

L'article 3.6 du même cahier des charges relatif à la "modification ou création d'infrastructures dans les installations de génie civil de FT " indique que : "NCN disposera, dans la Zone Cerclée des sites Plan Câble, du droit de procéder à toute modification dans les tuyaux mis à sa disposition à la date de réalisation ainsi que ceux mis à sa disposition pour libérer les fibres optiques non cédées. Ce droit inclut la possibilité pour NCN de poser plusieurs câbles dans un même tuyau. Ce droit est inclus dans le prix de droit d'usage du génie civil, sous réserve de la restitution dans les 10 ans de 670.000 ML de tuyaux par tranche annuelle moyenne de 67.000 ML prévue à l'article 3.1du présent cahier des charges (').

NCN disposera dans la Zone Cerclée des sites du Plan Câble, du droit de procéder à toute extension de ses infrastructures implantées dans les installations de génie civil de FT, sur des parcours éventuellement différents de ceux empruntés précédemment par les infrastructures de NCN, dans les conditions techniques et tarifaires prévues à cet effet pour tout opérateur de réseau de communications électroniques" (souligné par la cour).

Il résulte de ces stipulations que deux cas sont envisagés :

- en premier lieu, celui d'une "modification" des réseaux, opérée par la société Numéricâble, dans les tuyaux mis à sa disposition ; une modification suppose, par définition, le changement d'une situation existante et ne peut donc concerner la création d'un nouveau réseau ;

- en second lieu, une "extension" des infrastructures de la société Numéricâble qui, en revanche, se rapporte à la création d'un nouveau réseau ; toutefois, dans ce cas, il est expressément prévu que cette extension d'infrastructures est soumise aux conditions tarifaires prévues à cet effet pour tout opérateur de réseau de communications électroniques ; il ne peut donc être soutenu par la société SFR que le déploiement d'un nouveau réseau était compris dans le prix payé par la société Numéricâble au titre du droit d'usage des installations de génie civil de la société France Telecom.

Cette analyse est confirmée par l'article 3.8.2. du cahier des charges précité relatif aux "modification et extension des infrastructures existantes sur les sites du plan câble", qui prévoit notamment que :

"NCN bénéficiera du droit d'occuper les installations de FT pour ses nouvelles Infrastructures mises en place dans le cadre de modifications d'Infrastructures existantes à la Date de Réalisation et transférées par FT, ce cas recouvre notamment :

i) la pose d'un nouveau câble dans un tuyau en lieu et place d'un câble de l'Infrastructure de NCN préexistant,

ii) sur un tronçon donné, éventuellement constitué de plusieurs sections, la pose d'un nouveau câble dans un tuyau, accompagné de la libération et la restitution à FT du tuyau occupé par le ou les câbles de NCN préexistants sur le même tronçon, le ou les nouveaux câbles empruntant éventuellement un itinéraire différent entre les deux extrémités du tronçon,

iii) la pose d'un nouveau câble dans un tuyau déjà occupé par un câble de l'infrastructure de NCN préexistant et maintenu.

Dans chacun de ces cas, l'occupation par NCN des installations de FT est comprise dans le Prix de Droit d'Usage du Génie Civil.

Dans les autres cas et pour les extensions de réseau que voudra réaliser NCN, FT traitera chaque demande d'utilisation de ses installations de génie civil par NCN dans les conditions accordées aux autres opérateurs ('). Pour les sites du Plan Câble, il sera appliqué le tarif C figurant dans l'annexe 3 pendant la période transitoire et le tarif D au-delà de la période transitoire (') " (souligné par la cour).

Ces stipulations distinguent à nouveau deux cas :

- en premier lieu, le cas des nouvelles infrastructures issues de la modification des actifs mobiliers cédés ; le droit d'occupation du génie civil de la société France Telecom est, dans cette hypothèse, compris dans le droit d'usage cédé à la société Numéricâble;

- en second lieu, le cas des extensions et donc création de réseau réalisées par la société Numéricâble, qui elles, sont soumises à la tarification précisée.

A nouveau, ces stipulations contredisent l'affirmation de la société SFR selon laquelle le déploiement d'un nouveau réseau était compris dans le prix payé par la société Numéricâble au titre du droit d'usage des installations de génie civil de la société France Telecom.

Si l'intimée se prévaut des décisions rendues à propos des conventions Rapp16 et FTC, la cour rappelle qu'elle n'est saisie que de la convention NCN et qu'en tout état de cause, la lecture des conventions invoquées révèle qu'elles ne sont pas strictement identiques à la convention NCN.

La société SFR ne communiquant aucune autorisation délivrée par la société Orange à la société Sequalum pour occuper ses installations de génie civil dans les communes objet de la convention NCN du 21 décembre 2004, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a considéré que la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR, occupe de manière irrégulière les ouvrages de génie civil de la société Orange dans les communes objet de la convention NCN.

- au titre de la convention 1G

La société Orange demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Sequalum occupe sans droit ni titre ses ouvrages de génie civil sein des communes objet de la convention 1G.

Cependant, la cour constate que cette demande est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, dès lors que par arrêt du 24 septembre 2020, la cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement déféré sur ce point et que ce chef de dispositif, n'ayant pas été frappé de pourvoi, est désormais définitif.

Sur l'indemnisation du préjudice subi par la société Orange

- au titre de la convention 1G

La société Orange rappelle que la Cour de cassation a censuré l'arrêt de la cour d'appel qui a limité son préjudice à la période courant du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2012, alors qu'il convenait de prolonger la période d'indemnisation jusqu'au 30 juin 2015, date de la résiliation de la convention de délégation de service public (DSP 92).

La société Orange soutient que l'occupation sans droit ni titre par la société Sequalum de ses ouvrages de génie civil, constitutive d'une atteinte à son droit de propriété, lui a nécessairement causé un préjudice, puisqu'elle n'a pu percevoir de rémunération en contrepartie de l'occupation. Afin d'évaluer son préjudice, la société Orange se réfère au tarif appliqué à l'ensemble des autres opérateurs souhaitant déployer un réseau de fibres optiques dans ses ouvrages de génie civil, c'est-à-dire le tarif fixé dans la convention GC Fttx et la convention GC BLO, sous le contrôle de l'Arcep. Elle souligne que le défaut d'application de ce tarif confèrerait à la société Sequalum un avantage concurrentiel par rapport aux autres opérateurs. Sur la base d'un calendrier de déploiement de la fibre par la société Sequalum, de longueurs de fibre mises en 'uvre, de types de câbles utilisés, d'accès aux chambres et des tarifs applicables, la société Orange réclame une somme de 713.830,60 € de dommages et intérêts pour les années 2011 à 2013 et celle de 406.211,40 € pour l'année 2014 et le 1er semestre 2015, soit au total la somme de 1.120.042 € .

Subsidiairement, la société Orange sollicite une mesure d'expertise.

La société SFR considère que la société Orange ne rapporte pas la preuve de son préjudice, dans la mesure où elle ne démontre pas l'existence d'une saturation de ses installations de génie civil entraînant l'impossibilité pour elle de l'utiliser pour ses besoins ou ceux d'autres opérateurs. L'intimée estime que l'inertie dont la société Orange a fait preuve pour la faire assigner conforte l'absence de préjudice. Elle relève que la société Orange est dans l'incapacité de décrire l'emprise et le parcours emprunté par les câbles du réseau installé par la société Sequalum, qui est invisible pour elle. La société SFR fait par ailleurs valoir que la société Orange ne rapporte pas la preuve du quantum de son préjudice, ses calculs reposant sur de simples hypothèses puisqu'elle admet ne pas connaître l'ampleur des déploiements réalisés par la société Sequalum, ni leur date. Elle souligne que la société Orange se prévaut de 2.600 km de câbles déployés sur les 25 communes du département objet des 3 conventions 1G, Rapp 16 et NCN, alors que dans sa pièce n°18, le département évoque 36 communes. Elle rappelle que la longueur du réseau déployé par la société Sequalum doit être distinguée de celle du réseau cédé.

L'intimée conclut au rejet de la demande d'expertise, considérant qu'une telle mesure d'investigation ne peut être ordonnée pour palier la carence probatoire de la société Orange.

Elle ajoute qu'elle serait en tout état de cause inutile, dès lors qu'au regard de l'évolution du réseau, il serait impossible d'identifier le réseau déployé par la société Sequalum.

*****

Il ressort des éléments de la procédure que l'occupation des installations de génie civil de la

société Orange est soumise au paiement d'une redevance dont les tarifs sont fixés dans la convention GC Fttx et la convention GC BLO, sous le contrôle de l'Arcep. Dans ces conditions, le préjudice de la société Orange résulte du défaut de paiement par la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR, de cette contribution, sans qu'il soit nécessaire qu'elle démontre la saturation de ses ouvrages de génie civil.

Il résulte d'informations extraites d'une vidéo publiée le 13 février 2012 par la société Sequalum sur Youtube que dans le cadre du déploiement de la fibre à très haut débit dans le département des Hauts de Seine, ce sont 2.600 km de câbles optiques qui devaient être déployés.

La convention 1G établit qu'elle concerne 649 km de câbles et la copie d'écran du site de la société Sequalum produite en pièce n°17 par la société Orange démontre qu'au 6 février 2012, le réseau THD était ouvert au sein des 3 communes objet de la convention, soit [Localité 9], [Localité 10] et [Localité 8]. La société SFR critique ces éléments qu'elle estime non justifiés, sans toutefois produire le moindre élément probant permettant de les remettre sérieusement en cause, alors que la société Sequalum dispose de toutes les informations relatives aux modalités de déploiement de la fibre à très haut débit qu'elle a assuré dans le cadre de la convention 1G.

Comme l'a relevé la cour d'appel dans son arrêt du 24 septembre 2020, la société Orange se prévaut, au soutien du calcul de son préjudice, de différents éléments (types de câbles utilisés, distance moyenne entre chaque chambre, nombre de câbles par chambre, emprise du génie civil de la société Orange telle qu'elle ressort de l'appel d'offres de la délégation de service public ') qui ne sont pas davantage utilement discutés par l'intimée qui dispose pourtant des informations pertinentes. La cour relève que par lettres officielles des 27 octobre 2015 et 1er septembre 2016, le conseil de la société Orange a vainement fait sommation au conseil de la société SFR de communiquer les plans et le calendrier de déploiement des fibres optiques en cause. Aussi, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, ces éléments seront pris en compte dans l'évaluation du dommage de l'appelante.

Au regard du déploiement progressif du nouveau réseau à compter de 2011, du linéaire de câble en cause au regard notamment de l'emprise du génie civil de la société Orange concernée telle qu'elle ressort de l'appel d'offres de la délégation de service public (DSP 92), des tarifs des différentes redevances dues au titre des abonnements pour les différents câbles et des accès aux chambres tels qu'ils résultent des conventions de tarification applicables et de la résiliation de la DSP 92 au 30 juin 2015, il doit être alloué à la société Orange une indemnité de 754.000 € au titre de l'occupation irrégulière de ses ouvrages de génie civil. Par infirmation du jugement, la société SFR sera condamnée au paiement de cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter, non pas de l'assignation, mais du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil. Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

- au titre de la convention NCN

Sur les mêmes bases de calculs et de tarifs précités, la société Orange réclame une somme de 1.327.298,50 € pour les années 2011 à 2013 et de 755.331,60 € pour l'année 2014 et le 1er semestre 2015, soit au total une somme de 2.082.630 €.

Subsidiairement, la société Orange sollicite une mesure d'expertise.

La société SFR s'oppose à la demande en reprenant l'argumentation susvisée. Elle souligne s'agissant de la convention NCN que le linéaire retenu par la société Orange est inexact dès lors que l'appelante soutient que 1.206,60 km de réseau auraient été déployés exclusivement dans les 21 communes objet de la convention NCN, alors que seules 14 d'entre elles étaient ouvertes à la commercialisation.

L'intimée conclut au rejet de la demande d'expertise, pour les motifs précités.

*****

La convention NCN porte sur 21 communes du département des Hauts de Seine.

La société Orange soutient que les 2.600 km correspondent aux 649 km de la convention 1G qui concerne 3 communes et aux 24 communes visées par les conventions Rapp 16 et NCN.

Elle en déduit que la longueur de câbles déployés dans les 21 communes de la convention NCN représentent 1.206,60 kms par application d'une règle proportionnelle tenant compte des 649 km de la convention 1G et des 3 communes objet de la convention Rapp 16.

Cependant, il ressort de la pièce n°18 communiquée par la société Orange que les 2.600 km de fibres optiques concernent 36 communes et non 27.

Pour les motifs précités, les critiques formulées par la société SFR concernant les éléments d'évaluation du préjudice invoqués par la société Orange ne peuvent être retenus, étant néanmoins constaté que la date de mise en service du réseau à très haut débit apparaît plus incertaine pour les 21 communes, les pièces produites par l'appelante s'avérant insuffisamment précises à cet égard.

Aussi, et compte tenu du déploiement progressif du nouveau réseau à compter de 2011, du linéaire de câble concerné au regard notamment de l'emprise du génie civil de la société Orange concerné telle qu'elle ressort de l'appel d'offres de la délégation de service public (DSP 92), des tarifs des différentes redevances dues au titre des abonnements pour les différents câbles et des accès aux chambres tels qu'ils ressortent des conventions de tarification applicables, ainsi que de la résiliation de la DSP 92 au 30 juin 2015, il doit être alloué à la société Orange une indemnité de 1.110.000 €. Par infirmation du jugement, la société SFR sera condamnée au paiement de cette somme qui produira intérêts au taux légal à compter, non pas de l'assignation, mais du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil. Ces intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement déféré sera confirmé du chef des dépens et infirmé du chef des frais irrépétibles.

La société SFR qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles, ainsi qu'au paiement d'une somme de 10.000 € à la société Orange au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant dans la limite du renvoi après cassation partielle de l'arrêt du 24 septembre 2020 ;

Déclare irrecevable la demande de la société Orange tendant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre, occupe sans droit ni titre ses installations de génie civil au sein des communes objet de la convention 1G du 6 mai 1999 ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Orange ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a considéré que la société Sequalum, aux droits de laquelle vient la société SFR Fibre, occupe sans droit ni titre les ouvrages de génie civil de la société Orange dans les communes objet de la convention NCN du 21 décembre 2004, dit n'y avoir lieu à expertise et mis les dépens à la charge de la société SFR Fibre ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés ;

Condamne la société SFR Fibre à payer à la société Orange les sommes suivantes :

- 754.000 € de dommages et intérêts au titre de l'occupation sans droit ni titre des installations de génie civil de la société Orange au sein des communes objet de la convention 1G du 6 mai 1999 ;

- 1.110.000 € de dommages et intérêts au titre de l'occupation sans droit ni titre des installations de génie civil de la société Orange au sein des communes objet de la convention NCN du 24 décembre 2004 ;

Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;

Condamne la société SFR Fibre aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexavoué Paris-Versailles ;

Condamne la société SFR Fibre à payer à la société Orange la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 22/05076
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.05076 ?
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