La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°22/02857

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 08 juin 2023, 22/02857


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53I



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 22/02857 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VE5M



AFFAIRE :



[S] [O]



C/



S.A. SOCIETE GENERALE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versailles

N° RG : 21/02613



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies>
délivrées le : 08.06.2023

à :



Me Katell FERCHAUX-

LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE F...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53I

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 22/02857 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VE5M

AFFAIRE :

[S] [O]

C/

S.A. SOCIETE GENERALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Mars 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versailles

N° RG : 21/02613

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 08.06.2023

à :

Me Katell FERCHAUX-

LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Pascale REGRETTIER-

GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 6] (Maroc)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629 - Représentant : Me Véronique JEAURAT, Plaidant, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 251, substituée par Me Tania DUBRET, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. SOCIETE GENERALE

N° Siret : 552 120 222 (RCS Paris)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 2100032, substituée par Me Marie-Pierre MEQUINION, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller entendu en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

La SARL VP COM, a ouvert le 14 octobre 2011 un compte courant professionnel dans les livres de la Société Générale, et souscrit auprès de cet établissement plusieurs prêts entre le 23 août 2012 et le 28 mai 2014.

La banque a obtenu la garantie globale des encours de la société par un cautionnement solidaire du gérant, M [S] [O], par acte sous seing privé du 26 juillet 2012, couvrant un montant de 60 000 euros en principal, intérêts, frais accessoires et pénalités sur une durée de 10 ans. 

Par ailleurs, le prêt n°214163011308 (prêt n°6), en date du 28 mai 2014, d'un montant en principal de 50 000 euros (finalement libéré à hauteur de 45 425 euros) au taux de 3,50% l'an a été spécifiquement garanti par un cautionnement solidaire consenti par M [O] le même jour, dans la limite de 65 000 euros incluant principal, intérêts, frais, accessoires et pénalités, et ce pour une durée de 9 ans.

La SARL VP COM a fait l'objet à compter du 29 octobre 2014, d'une procédure de redressement judiciaire convertie par jugement du 18 janvier 2017 en liquidation judiciaire après résolution du plan de continuation, au cours de laquelle par ordonnance du 5 mars 2018, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Nanterre a admis les créances chirographaires de la Société Générale, telles qu'elle les avait déclarées le 8 mars 2017, excepté les majorations de 4%. Le tribunal de commerce de Nanterre a finalement prononcé la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL VP COM pour insuffisance d'actif par jugement du 5 juin 2019.

La banque ayant notifié à la caution la mise en 'uvre de ses garanties, par courrier recommandé des 7 et 11 février 2019, M. [O], y a répondu par un courriel du 11 février 2019, en proposant de régler la somme de 35 000 euros à titre de solde de tous comptes de ses engagements, ce que la banque a refusé compte tenu du montant de la dette.

Après vaine mise en demeure réitérée le 1er août 2019, la Société Générale a assigné M. [O] en paiement, par acte du 30 avril 2021.

Par jugement réputé contradictoire du 10 mars 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a :

condamné M. [O] en sa qualité de caution solidaire des engagements de la SARL VP COM, à verser à la société anonyme Société Générale :

au titre de l'engagement de caution du 26 juillet 2012, la somme de 60 000 euros,

au titre de l'engagement de caution du 28 mai 2014, la somme de 49 912,06 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019 dans la limite de 65 000 euros,

condamné M. [O] aux dépens de l'instance ;

condamné M. [O] à payer à la société anonyme Société Générale la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

rappelé que l'exécution provisoire de la décision est de droit ;

débouté la Société Générale du surplus de ses demandes. 

Le jugement ayant été signifié le 6 avril 2022, M [O] en a interjeté appel par déclaration du 25 avril 2022

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe le 16 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'appelant demande à la cour de :

dire son appel recevable et bien fondé ;

En conséquence, infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau :

A titre principal, 

déclarer l'appel incident de la Société Générale irrecevable et en tout cas mal fondé ;  

débouter la Société Générale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; 

déclarer nuls l'acte sous seing privé du 26 juillet 2012, ainsi que celui du 28 mai 2014 tendant à garantir les engagements de la société VP COM à l'égard de la Société Générale par M. [O], en qualité de caution ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel ne déclare pas nuls les actes de cautionnement des 26 juillet 2012 et 28 mai 2014, 

déclarer disproportionnés l'acte de cautionnement du 26 juillet 2012, ainsi que l'acte de cautionnement du 28 mai 2014, de sorte que M [O] en qualité de caution sera purement et simplement déchargé de ses obligations envers la Société Générale au titre des dits actes ;

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel considère les engagements de M. [O], au titre des deux actes de cautionnement, valables et/ou proportionnés, 

 déclarer les intérêts déchus, faute de communication de l'information obligatoire annuelle par la Société Générale ;

dire que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital ;

En tout état de cause : 

condamner la Société Générale à verser à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 

condamner la Société Générale aux entiers dépens.

Au soutien de ses demandes, M. [O] fait valoir : 

que les actes de cautionnement sont nuls dès lors qu'à défaut de production des originaux la conformité des mentions prescrites par les articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation (dans leurs versions antérieures à l'ordonnance du 14 mars 2016), ne peut être vérifiée ; 

à titre subsidiaire, que le créancier ne peut pas se prévaloir des cautionnements des 26 juillet 2012 et 28 mai 2014, en application l'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, eu égard à la disproportion manifeste de ces engagements successifs au regard de sa situation au moment où il les a souscrits, en observant qu'au moment où il a été appelé par le créancier, il était tout autant dans l'incapacité totale de faire face à son obligation de 125 000 euros ; il insiste sur le fait que la banque connaissait son régime matrimonial de séparation de biens qui faisait peser une présomption d'indivision par moitié sur les biens immobiliers déclarés ;

qu'à titre infiniment subsidiaire, la Société Générale n'a pas respecté son obligation d'information annuelle telle que déterminée par l'article L313-22 du code monétaire et financier aucun courrier d'information ne lui ayant été adressé durant les dix dernières années.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 7 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Société Générale, intimée, demande à la cour de :

la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;  

En conséquence :

confirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'il a :

condamné M. [O] à payer à la Société Générale la somme de 60 000 euros au titre de son engagement de caution globale du 26 juillet 2012,  

condamné M. [O] à payer à la Société Générale une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 

condamné M. [O] aux dépens de l'instance

infirmer le jugement rendu le 10 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'il a :

condamné M. [O] à payer à la Société Générale la somme de 49 912,06 euros au titre de son engagement de caution du 28 mai 2014 assortie des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019,  

Et statuant à nouveau :  

condamner M. [O] à payer à la Société Générale la somme de 60 647,82 euros au titre de son engagement de caution du 28 mai 2014, majorée des intérêts au taux contractuel à compter du 21 janvier 2021 jusqu'à parfait paiement,  

En tout état de cause, 

condamner M. [O] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros au titre de l'appel sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;  

condamner le même aux entiers dépens de l'instance. 

Au soutien de ses demandes, la Société Générale fait valoir : 

que les mentions manuscrites apposées sur les actes de cautionnement des 26 juillet 2012 et 28 mai 2014, parfaitement lisibles, ne sont pas critiquables ; 

que sur l'application de l'article L341-4 du code de la consommation l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, dont le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude ( Com 14 décembre 2014, n°09-69.807); qu'au regard du patrimoine immobilier déclaré par M [O] d'une valeur nette de 723 000 euros en 2012 et de 560 000 euros en 2014, sans indication de leur caractère indivis, outre ses revenus, la demande de décharge de ses engagements de caution sur ce fondement apparaît formulée avec mauvaise foi ; 

que, s'agissant de l'acte de cautionnement du 26 juillet 2012, le solde débiteur du compte courant s'élevant en principal à 105 201,68 euros, une éventuelle déchéance du droit aux intérêts de la banque serait sans aucun effet sur les sommes dues par M. [O], limitées à 60 000 euros ; que, par ailleurs, s'agissant de l'acte de cautionnement du 28 mai 2014, la Société Générale a bien respecté les formalités résultant de l'article L313-22-1 du code monétaire et financier ; 

qu'enfin, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal judiciaire, l'indemnité forfaitaire appliquée sur le contrat de prêt d'investissement à taux fixe n°214163011308 du 28 mai 2014, d'un montant en principal de 45 425 euros, d'un montant égal à 6 mois d'intérêts sur le capital restant dû à la date de déchéance du terme est bien contractuellement prévue à l'article 13.3 du contrat.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 18 avril 2023.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 10 mai 2023 et le prononcé de l'arrêt au 8 juin 2023 par mise à disposition au greffe de la cour, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, pour autant qu'elles sont soutenues par des moyens développés dans la discussion et ne répond aux moyens que pour autant qu'ils donnent lieu à une prétention correspondante figurant au dispositif des conclusions.

Sur la validité des actes de cautionnement

M [O] soutient que sur la copie de l'acte de cautionnement du 26 juillet 2012 tel que produite par la banque, le montant du cautionnement, sa durée, le nom du créancier et la signature de la caution sont illisibles.

Ce moyen manque cependant en fait, la cour étant parfaitement en mesure de lire entièrement la mention manuscrite et de s'assurer qu'elle est en tous points conforme aux prescriptions des articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation (dans leurs versions antérieures à l'ordonnance du 14 mars 2016), tels qu'applicables en l'espèce, et complétée suivant les caractéristiques et limites de quantum et durée de la sûreté convenues entre les parties. Le nom du créancier est désigné suivant la formule générique « préteur » puis « créancier », M [O] ne pouvant prétendre ignorer qu'il garantit la Société Générale contre les défaillances de sa société VP COM bien désignée dans l'acte, et n'ayant enfin, pas dénié sa signature telle qu'apposée sous la mention manuscrite, laquelle au demeurant, même tracée dans un espace restreint, est parfaitement identifiable et conforme à tous les autres exemplaires de la signature de M [O] figurant sur d'autres documents non contestés. L'exception de nullité de l'acte du 26 juillet 2012 ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne l'acte du 28 mai 2014, M [O] se contente d'écrire dans ses conclusions qu'il convient que la société Générale communique l'original, sans développer de critique sur l'acte tel que communiqué par la banque au fondement de sa demande en paiement relative au prêt garanti. L'acte produit aux débats, parfaitement lisible n'encourt aucune critique en la forme.

M [O] termine sur ce moyen en insistant sur le fait que son épouse n'aurait pas consenti aux dits actes, sans toutefois en tirer aucune conséquence, en se fondant sur un texte précis susceptible d'être invoqué à l'appui d'une demande d'annulation des actes de cautionnement, étant observé au demeurant que M [O] se prévalant d'un régime matrimonial de séparation de biens, il n'ignorait pas qu'en contrepartie de son engagement professionnel, qu'il n'engageait que son patrimoine personnel pour répondre de sa dette, que son épouse ait consenti à l'acte ou pas.

Sur la proportionnalité des engagements

Selon l'article L341-4 du code de la consommation, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

C'est à la caution qui se targue d'un engagement disproportionné qu'il appartient de faire la preuve de sa situation financière et patrimoniale au moment où elle s'est engagée, sous réserve toutefois des déclarations qu'elle a faites à la banque dont elle ne peut invoquer la fausseté pour se défaire de son engagement, au mépris du principe de loyauté et de bonne foi devant présider à la formation du contrat. En présence d'une fiche de renseignements remplie par la caution dépourvue d'anomalie apparente, la banque n'a pas à faire de vérifications supplémentaires, et seule pourrait lui être reprochée sa mauvaise appréciation de la solvabilité de la caution au regard des informations communiquées.

Concernant le cautionnement du 26 juillet 2012, la banque a apprécié la solvabilité de la caution au regard d'une fiche de renseignements remplie et certifiée exacte le 10 octobre 2011. M [O] fait grief à la banque de ne pas lui avoir demandé d'actualiser sa situation 10 mois plus tard. Cependant, en admettant que ses revenus annuels aient pu diminuer de 78 000 euros outre 5 652 euros de revenus locatifs en octobre 2011 à 35 550 euros en juillet 2012 selon son avis d'imposition 2013 sur ses revenus 2012 (pièce 12), il n'a pas prétendu que son patrimoine immobilier déclaré en 2011 à raison de 700 000 euros (résidence principale à [Localité 4]), 200 000 euros (résidence secondaire à [Localité 7]) et 170000 euros (investissement locatif), aurait disparu ou diminué en juillet 2012. Les pièces versées aux débats démontrent au contraire que ces immeubles n'avaient pas été vendus et qu'après déduction du capital restant dû sur les emprunts immobiliers y afférent, le patrimoine immobilier représentait une valeur nette de 723 000 euros, en comparaison duquel un engagement de caution limité à 60 000 euros ne saurait être qualifié de manifestement disproportionné, et ce, même en admettant pour l'hypothèse que la caution n'en détienne qu'une moitié indivise, après avoir affirmé dans sa déclaration du 10 octobre 2011, dans la case expressément destinée à préciser s'il s'agissait d'indivision ou de propriété démembrée, qu'il s'agissait de ses biens propres. La circonstance que l'un de ces biens était soumis à un régime de défiscalisation empêchant temporairement sa cession ou qu'un autre abritait la résidence de la famille ne fait pas obstacle à leur prise en compte dans l'évaluation du patrimoine de la caution et l'appréciation de la proportionnalité de son engagement.

Concernant le cautionnement du 23 mai 2014, M [O] a rempli une fiche de renseignements, certifiant des revenus professionnels de 65 000 euros, et le même patrimoine immobilier que précédemment, également qualifié expressément de « biens propres », valorisé après déduction des encours bancaires à 560 000 euros. Ainsi, en admettant même que sa solvabilité doive s'apprécier sur sa seule quotepart indivise et en tenant compte de son précédent engagement de caution limité à 60 000 euros, aucune disproportion manifeste ne peut être sanctionnée au regard d'un engagement supplémentaire à hauteur de 65 000 euros.

L'état de son patrimoine à la date à laquelle il a été appelé par la banque, importe peu dans ces conditions.

M [O] ne peut donc pas être déchargé de ses engagements.

Sur l'information annuelle de la caution

M [O] affirme qu'il n'a été destinataire d'aucune lettre l'information de la caution par la banque. Il se prévaut de l'article L313-22 du code monétaire et financier (dans sa version antérieure à l'ordonnance du 15 septembre 2021), selon lequel « les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement ».

Cette disposition est sanctionnée dans les rapports entre l'établissement financier et la caution par la déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.  

Contrairement aux affirmations de M [O], la banque fournit toutes les lettres d'information qui ont été adressées à ce dernier depuis le cautionnement du 28 mai 2014, à ses adresses successives, la lettre comprenant toutes les mentions prescrites par la disposition précitée, et ce, jusqu'au 15 mars 2023 au titre de l'encours au 31 décembre 2022.

Concernant le cautionnement du 26 juillet 2012, la banque n'offre pas de justifier de l'envoi des lettres d'information, mais fait valoir avec raison que le montant de la dette garantie au titre du découvert bancaire étant de 105 201,68 euros en principal, une éventuelle déchéance des intérêts laisse persister un montant de créance supérieur à l'assiette du cautionnement limitée à 60 000 euros.

M [O] doit donc être débouté de sa demande de déchéance des intérêts sur ce fondement sur l'un comme sur l'autre de ses engagements.

Sur le montant des sommes dues par la caution

La banque ne fait porter son appel incident que sur le chef du jugement ayant limité la condamnation de M [O] au titre de son engagement du 23 mai 2014, portant sur le prêt n°214163011308.

M [O] demande aux termes du dispositif de ses conclusions que l'appel incident soit déclaré « irrecevable et en tout cas mal fondé ». En méconnaissance des prescriptions de l'article 954 du code de procédure civile rappelées en préambule, il ne soutient cependant aucun moyen dans la discussion à l'appui de ces prétentions.

L'appel incident a été formé dès les conclusions de l'intimée du 20 octobre 2022 soit dans le délai prescrit par l'article 909 du code de procédure civile à compter des premières conclusions de l'appelant. Il est donc recevable.

Sur le fond, il est limité à l'exclusion de l'assiette de la créance par le tribunal, de la somme de 2238,10 euros réclamée à titre d'indemnité forfaitaire, au motif selon le jugement qu'elle n'était pas prévue par les stipulations contractuelles. La Société Générale fonde ce chef d'indemnisation sur l'article 13.3 du contrat de prêt prévoyant une indemnité forfaitaire égale à 6 mois d'intérêts sur le capital restant dû à la date de la déchéance du terme. La cour peut en effet s'assurer, comme l'indique la banque au soutien de son moyen, que les stipulations contractuelles ont prévu cette indemnité au profit de la banque en cas  d'exigibilité anticipée pour l'une des causes prévues, parmi lesquelles figure le non-paiement à son échéance d'une somme quelconque devenue exigible au titre du contrat. A défaut de demande en ce sens et de cause de modération de cette clause pénale il convient d'y condamner M [O].

Toutefois, la société Générale actualise sa créance au 21 janvier 2021 en y intégrant le montant de l'indemnité forfaitaire, à une somme de 60 647,82 euros dont elle demande qu'elle produise intérêts au taux contractuel à compter de cette date jusqu'à parfait paiement.

Or, l'indemnité forfaitaire ne peut produire intérêts qu'au taux légal, et la banque n'a pas argumenté dans la discussion de son appel incident, sur le chef de condamnation prononcé par le tribunal, qui a assorti la somme de 49 912,06 euros restant due en remboursement du prêt du 28 mai 2014, des intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019.

Par conséquent, le jugement sera seulement réformé en ce sens que M [O] en exécution de son engagement de caution du 28 mai 2014, sera condamné à payer à la Société Générale la somme de (49 912,06 + 2238,10) 52 150,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019, dans la limite de 65 000 euros, et confirmé en toutes ses autres dispositions.

M [O] supportera les dépens d'appel et l'équité commande d'allouer à partie intimée la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise sauf en ce qu'elle a, au titre de l'engagement de caution du 28 mai 2014, condamné M [O] à payer à la Société Générale la somme principale de 49 912,06 euros ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne M [S] [O] à payer à la Société Générale la somme de 52 150,16 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019, dans la limite de 65 000 euros ;

Condamne M [S] [O] à payer à la société Générale la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M [S] [O] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 22/02857
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;22.02857 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award