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08/06/2023 | FRANCE | N°21/05745

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 08 juin 2023, 21/05745


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 56B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/05745 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UXUO







AFFAIRE :



S.A.S. [X] MEDIA



C/



S.A.S. KEY PERFORMANCE GROUP









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre : 6

N° RG : 2018F01020


>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Oriane DONTOT



Me Isabelle PORTET



TC NANTERRE















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/05745 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UXUO

AFFAIRE :

S.A.S. [X] MEDIA

C/

S.A.S. KEY PERFORMANCE GROUP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de Nanterre

N° Chambre : 6

N° RG : 2018F01020

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Isabelle PORTET

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. [X] MEDIA

RCS Nanterre n° 750 657 140

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Aude DE ALEXANDRIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2174

APPELANTE

****************

S.A.S. KEY PERFORMANCE GROUP venant aux droits de la SAS EDATIS

RCS Paris n° 479 638 991

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle PORTET, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 484 et Me Johanna BRAILLON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0062

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,

EXPOSE DU LITIGE

La société [X] Media, ci-après dénommée la société [X], exerce son activité dans le domaine du marketing en ligne. Elle réalise pour le compte d'annonceurs, des campagnes publicitaires par l'envoi ciblé de courriels promotionnels aux internautes.

La société Edatis développe son activité dans le même domaine et propose à cet égard des outils et programmes de gestion pour des campagnes d'acquisition, de fidélisation et de relances automatiques d'e-mailing. Elle met à la disposition de ses clients une plate-forme de routage.

Le 7 novembre 2016, la société Edatis et la société [X] ont conclu un contrat de prestation de services à durée indéterminée, en exécution duquel la première devait assurer l'envoi d'emails publicitaires pour le compte de la seconde. La résiliation de ce contrat était soumise à un préavis de deux mois.

La convention prévoyait une rémunération variable en fonction du nombre d'e-mails routés, selon un tarif unitaire dégressif, avec une facturation mensuelle minimum de 2.000 € HT par mois.

Invoquant différents dysfonctionnements, la société [X], par courriel du 20 avril 2017, a enjoint la société Edatis de solutionner rapidement et durablement les problèmes en lui précisant, qu'à défaut, elle cesserait toute collaboration et envois à compter du 30 avril 2017.

Par courrier recommandé du 29 mai 2017, la société [X] a notifié à la société Edatis la résiliation du contrat et a précisé considérer ne pas être redevable du préavis contractuel de deux mois, au regard de l'incapacité avérée et réitérée de la société Edatis à remplir ses obligations.

Par courrier recommandé du 19 septembre 2017, la société Edatis a mis la société [X] en demeure de régler sept factures portant sur la période courant du mois d'avril au mois d'août 2017 pour un montant total de 19.783,93 €.

La société [X] s'y est refusée.

Par acte d'huissier en date du 1er juin 2018, la société Edatis a fait assigner la société [X] devant le tribunal de commerce de Nanterre.

La société Edatis a été dissoute le 6 décembre 2018, puis radiée le 6 février 2019, à la suite de la transmission universelle de son patrimoine à la société Key Performance Group, ci-après dénommée la société Key Performance.

Par jugement du 16 juin 2021, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Condamné la société [X] Media à payer à la société Key Performance, venant aux droits de la société Edatis, la somme de 16.831,33 € augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de dix points de pourcentage à compter des dates d'exigibilité de chaque facture ;

- Débouté la société [X] Media de sa demande de dommage et intérêts ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dès qu'elles seront réunies ;

- Condamné la société [X] Media à payer à la société Key Performance, venant aux droits de la société Edatis, la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement nonobstant appel et sans constitution de  garantie ;

- Condamné la société [X] Media aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 17 septembre 2021, la société [X] a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2021, la société [X] demande à la cour de :

- Déclarer la société [X] Media recevable et bien fondée dans son appel ;

- Dire et juger que la société Edatis a gravement manqué à ses obligations contractuelles au titre de l'ensemble des dysfonctionnements et blocage ayant empêché la délivrabilité des envois de la société [X] Media pendant toute la durée de la relation contractuelle ;

- Dire et juger que les manquements réitérés de la société Edatis à ses obligations contractuelles ont causé un grave préjudice tant matériel que moral à la société [X] Media;

En conséquence,

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre rendu le 16 juin 2021, en ce qu'il a :

- Condamné la société [X] à payer à la société Key Performance, venant aux droits de la société Edatis la somme de 16.831,33 € augmenté des intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage à compter des dates d'exigibilité de chaque facture;

- Débouté la société [X] Media de sa demande de dommages et intérêts ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil dès qu'elles seront réunies ;

- Condamné la société [X] Media à payer à la société Key Performance, venant aux droits de la société Edatis, la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sans constitution de garantie ;

- Condamné la société [X] Media au dépens de l'instance.

- Reconnaître le caractère bien-fondé de l'exception d'inexécution invoquée par la société [X] Media ;

- Débouter la société Key Performance venant aux droits de la société Edatis de toutes ses demandes ;

- Condamner la société Key Performance venant aux droits de la société Edatis au paiement de la somme de 5.000 € en réparation des dommages matériels et moraux de la société [X] Media ;

- Condamner la société Key Performance venant aux droits de la société Edatis à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Dontot, JRF & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2022, la société Key Performance venant aux droits de la société Edatis demande à la cour de :

- Confirmer le jugement rendu le 16 juin 2021 par le tribunal de commerce de Nanterre en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau sur les chefs incriminés,

- Condamner la société [X] Media à verser à la société Key Performance Group la somme de 16.831,33 € augmentée des intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter de l'exigibilité de la facture en application de l'article L.441-6 alinéa 6 du code de commerce ;

- Ordonner la capitalisation desdits intérêts ;

- Débouter la société [X] Media de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner la société [X] Media à verser à la société Key Performance Group la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société [X] Media aux entiers dépens de la procédure.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société [X] se prévaut de l'exception d'inexécution pour s'opposer au paiement des factures revendiqué par la société Key Performance. Elle explique que le routeur est tenu à l'égard de son client d'une obligation de résultat pour la mise à disposition de moyens techniques adaptés, s'agissant d'une plateforme disposant de capacités techniques d'envoi suffisantes, d'adresse IP fonctionnelles et d'une activité respectueuses des règles de l'emailing afin d'éviter tout blocage systématique des fournisseurs d'accès à internet (FAI). La société [X] précise qu'en revanche, le routeur n'est tenu que d'une obligation de moyens pour le règlement des dysfonctionnements techniques, la recherche des causes de blocage et la gestion des blocages auprès des FAI. L'appelante expose que la société Edatis, aux droits de laquelle vient la société Key Perfomance n'a pas été en capacité d'atteindre le nombre d'envois facturés, ce qu'elle a reconnu en lui offrant l'envoi gratuit de 8 millions de mails, dont elle souligne n'avoir pu profiter en raison de la survenance d'autres problèmes techniques, notamment un blocage général des envois par les FAI du fait d'une action d'un autre client de la société Edatis, à la suite duquel cette dernière a contraint ses partenaires à cesser toute campagne sur les adresses de courriels du fournisseur Free, ainsi qu'une diminution par trois des campagnes quotidiennes, pour les autres FAI. Elle conteste toute réduction de facturation de la part de la société Edatis du fait de ces dysfonctionnements. Elle ajoute qu'à compter du 14 avril 2017, la société Edatis a volontairement bloqué tous ses envois, en invoquant des plaintes d'internautes contenant des injures raciales, dont les contacts avaient 'le même domaine d'adresse' que le sien, sans toutefois lui communiquer, malgré ses demandes l'adresse IP ou les adresses responsables des plaintes qu'elle seule pouvait détenir, ne lui permettant ainsi pas de les extraire de sa base de données. Elle précise que la société Edatis a confondu l'adresse IP des ou de la personne ayant rédigé les injures avec le lien mis à disposition par [X] pour faire état de réclamations, témoignant ainsi de son incompétence technique. La société [X] soutient que la société Edatis avait une infrastructure inadaptée aux envois de campagnes de ses clients et que la qualité de certaines adresses IP mises à disposition par Edatis était entachée des mauvaises pratiques de ses anciens clients, de sorte qu'elles étaient automatiquement "blacklistées" par les FAI, caractérisant son manque de rigueur dans le choix de ses clients et le maintien de relations contractuelles avec des personnes ne respectant pas les règles de l'art de l'emailing. L'appelante estime que la société Edatis a manqué de professionnalisme et de réactivité face aux difficultés, engageant sa responsabilité et justifiant le défaut de paiement de ses factures au titre de l'exception d'inexécution. Elle conteste toute faute dans les dysfonctionnements survenus et se prévaut d'attestations d'autres clients mécontents.

La société Key Performance répond que la société Edatis ne s'est jamais engagée contractuellement au routage d'un volume minimum d'emails, ni à un taux précis de délivrabilité, ni à un taux d'ouverture de mail ou de clics. Elle fait valoir qu'aux termes de l'article 2 des conditions générales du contrat, la société Edatis n'était tenue que d'une obligation de moyens, qui est rappelée à l'article 2.4 concernant la délivrabilité des emails. Elle explique que la réception des courriels peut être empêchée par des éléments qui lui sont extérieurs, tels que la non-conformité des mails aux architectures techniques des FAI, le contenu du mail ou sa fréquence d'envoi, la qualité de la base de données adressées par le client, la mauvaise réputation de l'adresse IP expéditrice ou encore par l'internaute lui-même en décidant de les placer directement en boîte spam. L'intimée souligne que l'article 7.2 des conditions générales de vente informe les clients des aléas liés aux contingences internet. Elle relève qu'aux termes de son courrier de résiliation, la société [X] lui a reproché une délivrabilité insuffisante des mails et non un nombre d'envois de mails inférieur à ce qu'elle attendait. La société Key Performance considère que la société [X] ne démontre pas ne pas avoir eu la possibilité de router le nombre de mails souhaité. Elle soutient que la société Edatis a accompli toutes diligences afin de résoudre le blocage survenu en mars 2017. Elle ajoute que les difficultés rencontrées en avril et mai 2017 sont imputables à la société [X]. Elle conteste la sincérité des attestations produites par l'appelante. Elle relève que la société [X] n'a jamais contesté les factures comme le lui permettait l'article 4 des conditions générales de vente. Enfin, la société Key Performance s'oppose à la demande de dommages et intérêts relevant que la société [X] ne rapporte pas la preuve du principe et du quantum du préjudice allégué.

*****

Sur l'exception d'inexécution et la demande en paiement des factures

L'article 1219 du code civil dispose qu'"une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave".

En l'espèce, contrairement à ce que prétend la société [X], il ne ressort pas du contrat de prestation de services conclu par les parties le 7 novembre 2016 que la société Edatis, aux droits de laquelle vient la société Key Performance, se soit engagée à un volume minimum d'envois, ni à un volume minimum d'emails délivrés.

Le montant de la facturation mensuelle minimum, soit 2.000 € HT, ne fait pas référence à un volume de courriels envoyés ou délivrés, s'agissant d'un forfait pour la mise à disposition de «'la solution'».

Comme le souligne l'intimée,'l'article 2 des conditions générales du contrat précise que «'Eu égard à la nature des prestations et des services fournis, il est expressément spécifié que la société Edatis est tenue à une obligation de moyens » (souligné par la cour).

C'est donc au travers du prisme cette obligation de moyens qu'il convient d'apprécier les manquements imputés à la société Edatis.

Il doit également être rappelé qu'aux termes de l'article 7.2 des conditions générales de vente, la société Edatis a informé sa cliente des aléas liés aux contingences du réseau internet :

« Le client reconnaît (') que les services fournis par la société Edatis sont soumis aux contingences du réseau internet (fiabilité, saturation) et à la qualité du service fourni par le FAI, dont les conséquences dommageables, eu égard aux compétences et qualifications du personnel d'Edatis sont imprévisibles. La responsabilité d'Edatis est ainsi limitée aux matériels et logiciels installés sur ses serveurs.

Qu'il connaît le réseau internet, ses caractéristiques, ses limites, il accepte de supporter l'éventualité de l'existence d'imperfection ou d'indisponibilité de serveurs et réseaux ».

La société [X] reproche à la société Edatis de ne pas avoir atteint le montant d'envois facturés en novembre et décembre 2016. Cependant, comme indiqué précédemment, la société Edatis ne s'est pas engagée à un volume minimum d'envois, le montant minimum de la facturation mensuelle correspondant à un forfait payé en contrepartie de la mise à disposition du service.

Il ne saurait être considéré que l'offre faite, le 10 février 2017, par la société Edatis de 8 millions d'envois de mails gratuits à la société [X] constitue une reconnaissance de responsabilité, dès lors que M. [C], de la société Edatis, explique clairement dans son message à M. [H] de la société [X], que la facturation ne peut correspondre à la consommation lorsque le volume d'envois est inférieur à la volumétrie souhaitée par le client':

« Concernant le minimum de facturation, il s'agit de notre accord de base et le minimum c'était une des variables pour pouvoir accéder aux prix que vous avez aujourd'hui.

D'une façon générale, on ne peut pas vous facturer à la consommation surtout pour la période dont avez effectué un envoi inférieur à la volumétrie souhaitée ne dépendait pas de nous mais surtout de la qualité de vos envois et des plaintes qu'on reçoit. Je pense que pendant cette période vous avez pu constater l'effort et le temps que nos équipes ont mis pour que vos indicateurs atteignent les performances que vous avez aujourd'hui.

Pour débloquer la situation, je vous propose la démarche suivante : payer les factures échues et contrepartie je peux vous accorder 5 millions de mails à envoyer gratuitement (hors minimum de facturation) ».

M. [C] a ensuite, par un second courriel du même jour, porté son offre à 8 millions d'envois de mails gratuits.

Il apparaît ainsi que l'offre précitée n'a été faite qu'à titre commercial par la société Edatis et non à la suite d'une reconnaissance de responsabilité.

L'appelante invoque par ailleurs des blocages, début mars 2017, l'ayant empêchée de procéder aux envois de campagnes. Elle communique ainsi des mails des 3, 10, 13, 14 et 15 mars 2017 par lesquels elle a signalé à la société Edatis des dysfonctionnements concernant l'envoi et la délivrance de mails.

La société [X] écrit ainsi le 3 mars 2017': «'Nous avons un blocage VadeRetro sur ces comptes qui nous empêche d'envoyer et la raison de ce blocage est liée à une société qui s'appelle « ASummer ». Je compte sur toi pour faire le nécessaire afin de reprendre nos envois au plus vite'».

Ce message n'est toutefois pas demeuré sans réponse puisque le jour même, vendredi 3 mars 2017, la société Edatis a répondu': « nous sommes au courant du blocage puisqu'on est en train de suivre toutes les campagnes envoyées.

J'ai contacté [Y] [P] pour l'informer, notre service technique va faire les interventions nécessaires et on va lancer un test sur la campagne « Crédit Prox RAC / Swarmiz / Mars 17 OFP-7 » qui sera envoyé aujourd'hui à 16 :30 après avoir eu l'accord de [P] [Y] pour lancer le test sur cette campagne.

Je reviens vers vous lundi pour vous donner les résultats des tests ».

Le lundi 6 mars 2017, dès l'issue du week-end, la société Edatis est revenue vers la société [X] pour lui expliquer ceci': « Je reviens vers vous concernant les 4 nouveaux comptes.

Comme parler, le service technique a lancé les tests nécessaires sur la campagne (') et on a trouvé que le nom de domaine a été marqué comme Spam chez les FAIS [fournisseurs d'accès à internet] ce qui prouve le taux de bounces élevé.

Donc pour résoudre le blocage avec les FAIS, merci de nous communiquer des nouveaux sous domaines afin qu'on puisse les intégrer ».

Cette réponse n'a donné lieu à aucune critique ou remarque de la part de la société [X], qui n'a formulé aucun reproche quant à son caractère tardif.

Après réception des sous-domaines demandés le 7 mars 2017, la société Edatis a précisé à la société Lisky le 9 mars suivant que le nécessaire avait été fait': « les sous domaines sont bien créés.

Je viens d'ajouter les domaines de tracking ainsi que les adresses expéditrices dans les 4 comptes.

Vous trouverez en PJ les logins et mots de passe pour les adresses email créées (') ».

Ce message n'a pas davantage donné lieu à la moindre remarque concernant l'efficacité ou la tardiveté de l'intervention de la société Edatis.

Le 10 mars 2017, la société [X] a signalé à la société Edatis une nouvelle difficulté en ces termes': '(') j'ai arrêté tous les envois de tous mes comptes.

Il semble aussi que mes anciens comptes aient les mêmes blocages, j'ai même vu avec les sociétés R2J et Tinkel, que je connais bien, et il semble qu'on ait tous le même problème."

Il ne ressort pas du courriel qu'il s'agit de la persistance du même problème que celui signalé précédemment, comme le soutient la société [X]. Par ailleurs, si cette dernière prétend que la société Edatis a attendu le 13 mars 2017 pour lui répondre, la cour constate qu'elle produit la réponse que la société Edatis lui a adressée le jour même, vendredi 10 mars 2017, par lequel elle indique': «'(') J'ai remonté l'information vers le service technique pour vérifier. Je reviens vers vous lundi avec les détails (')'».

Dès le week-end passé, le lundi 13 mars 2017, la société Edatis a informé la société Lisky des diligences en cours': «'Notre équipe technique est en train de lancer les tests nécessaires pour vérifier si on a toujours le même blocage'».

Le lendemain 14 mars, la société Edatis a adressé un nouveau message à la société [X]': «'je vous envoie ce mail pour vous informer que nous sommes en train de vérifier le FAI Free pour résoudre le problème de blocage causé par une campagne envoyée avec un virus. Je vous tiendrai au courant [de] l'avancement de notre service délivrabilité par rapport à ce point. Entre-temps, vous pouvez faire vos envois sur vos bases en écartant les adresses Free.fr par des requêtes repoussoirs ».

Contrairement à ce que prétend l'appelante, rien ne démontre que le virus est imputable à la société Asummer, ni à la société Edatis au demeurant.

Le 14 mars 2017, la société [X] a fait état d'une nouvelle difficulté': «' (') je viens de faire un test sur SFR et [V] et ça arrive en Spam.

D'après ce que j'ai vu, le blocage vient de VadeRetro. Si tu veux mon avis, essaye de dire à ta technique de modifier le format de l'URL de redirection, le problème vient très certainement de là'».

Le jour même, la société Edatis a répondu à son client': «'(') pour le passage des tests en Spams avec SFR et la Poste, et s'il s'agit d'un envoi test, je vous informe que les ips utilisés sont des ips tests et ça ne reflète pas les envois réels.

Concernant le blocage avec Free, on sait très bien que le blocage vient de Vaderetro (VadeSecure), qui est dû à un blocage causé par un virus Trojan (virus), et notre équipe est en train de faire le nécessaire.

Pour les liens de traking, et si vous souhaitez le supprimer, vous allez perdre tout ce qui est remontée d'informations (taux d'ouverture, taux de cliks)'».

Le 15 mars 2017, la société [X] a écrit à la société Edatis': «' je viens aux nouvelles concernant le blocage général. Je n'ai pas relancé mes envois car le blocage est toujours d'actualité et comme je te l'ai dit, [V] et SFR passent en spam, et malheureusement, même lors de l'envoi ça ne changera rien. Par ailleurs, cela me demande beaucoup de temps pour programmer les envois et si la déliv n'est pas bonne, ce n'est pas rentable pour moi. Peux-tu me donner un délai concernant la résolution du problème ''».

Il n'est justifié par l'intimée d'aucune réponse à ce message. Toutefois, la cour constate, à la lecture de la pièce n°10 produite par la société Key Performance que les 16 et 17 mars 2017, la société [X] a pu envoyer 56 séries de mails d'un volume total de plus de 3 millions de courriels. En outre, l'appelante ne justifie d'aucune relance de son message du 15 mars 2017, de sorte qu'il apparaît que le 'blocage général' était manifestement levé.

Il n'est ainsi pas établi que la société Edatis a manqué à son obligation de moyens dans le cadre de la résolution des dysfonctionnements signalés en mars 2017.

L'appelante évoque par ailleurs des blocages survenus au cours du mois d'avril 2017, à la suite desquels elle a décidé de cesser ses relations contractuelles avec la société Edatis le 30 avril 2017.

Au soutien de ses dires, elle communique un courriel adressé à la société Edatis le 20 avril 2017 par lequel elle lui indique ceci': «' (') 2) A la suite de ces blocages FAI, vous nous avez demandé de baisser les volumes d'envois. Nous étions sur 5/6 shoots par compte par jour avant ces blocages alors qu'aujourd'hui nous sommes tout juste à 2 shoots par compte par jour. De plus nous continuons à recevoir des factures avec des minimums de facturation inchangés alors que nous ne shootons plus ces volumes sur nos comptes à cause de vos blocages'».

Elle se prévaut également d'un mail du 16 mai 2017 par lequel elle écrit': «' Malgré tout ça nous resterons toujours ouverts à retravailler ensemble par la suite si vos problèmes de délivrabilité causés par d'autres clients s'arrangent'».

La cour constate qu'il ne ressort nullement des pièces n°7 et 8 invoquées par la société [X] que la société Edatis a imposé une diminution par trois des campagnes quotidiennes pour les envois par l'ensemble des fournisseurs d'accès à internet autres que Free, étant rappelé que les mails précités établissent que ce fournisseur a dû être écarté le temps de solutionner le dysfonctionnement rencontré.

Par ailleurs, par courriel du 14 avril 2017, la société Edatis a alerté la société [X] à propos de plaintes reçues de la part de contacts ayant le même domaine d'adresse que celui utilisé par l'appelante pour ses envois à partir du compte [X] 1. Si l'appelante soutient avoir demandé en vain l'adresse IP ou les adresses responsables des plaintes, il ressort du courriel précité que la société Edatis a joint à son message les mails à caractère raciste, comportant les adresses en question. La société Edatis a confirmé à la société [X], par mail du 2 mai 2017, lui avoir transmis l'adresse de la personne en cause. L'appelante prétend que la société Edatis a confondu l'adresse IP des ou de la personne ayant rédigé les injures avec le lien mis à disposition par [X] pour faire état de réclamations. Toutefois, aucun élément probant ne permet de corroborer ces dires.

En outre, le courriel que la société Edatis a envoyé à la société [X] le 20 avril 2017 établit que le blocage du compte [X] 2 provient des mails envoyés par cette dernière': «'(') Ce mail pour vous informer que l'équipe Délivrabilité vient de bloquer les envois du compte [X] 2 et NAO2. Cette décision vient suite à l'envoi de la campagne Senkys / Erotic fever / Avr17 OG19 et Senkys / Erotic fever / Avr17 considérée comme envois à caractères pornographique par plusieurs FAI [fournisseurs d'accès à internet]. Ces deux campagnes ont ciblé 75.717 contacts et ont généré plusieurs désinscrits jusqu'à cette après-midi. Plusieurs plaintes ont été envoyées directement à notre service délivrabilité. Je tiens à vous rappeler que nous n'acceptons pas ce type d'envoi qui met en risque la réputation de nos chaines d'envoi et qui peut engendrer des poursuites judiciaires contre la société. Le compte restera bloqué jusqu'à ce qu'on mesure l'impact enregistré sur les différents FAI'».

A la suite de ce message, la société Edatis a adressé un courrier de mise en demeure à la société [X] le 25 avril 2017 afin qu'elle cesse toute campagne à caractère pornographique par l'intermédiaire de ses serveurs au regard des stipulations de l'article 7 des conditions générales de vente.

La société Edatis faisait à nouveau état de cette difficulté par mail du 2 mai 2017.

Si l'intimée ne justifie effectivement pas des plaintes consécutives à cette campagne, ni du blocage consécutif par la société VadeRetro, la cour constate que la société [X] reconnait dans ses conclusions avoir adressé une campagne publicitaire relative à de «'la lingerie sexy et des sextoys'» et qu'elle a admis, par mail du 20 avril 2017, avoir commis une erreur'à ce titre: «'' Nous avons envoyé par erreur des campagnes Senkys sur votre routeur. (') nous avons toujours fait attention à ne pas shooter ce type de message. Je suis en déplacement et mes équipes ont fait une erreur en programmant cette campagne sur votre routeur ''».

Enfin, quand bien même il devrait être considéré que le blocage du compte [X] 2 était injustifié, la cour constate que le blocage du compte [X] 1 était fondé et que la pièce n°10 communiquée par l'intimée démontre que la société [X] a néanmoins envoyé près de 23 millions de mails au cours du mois d'avril 2017.

Il résulte de ces éléments que le manquement de la société Edatis à son obligation de moyens n'est pas démontré dans le cadre des difficultés rencontrées par la société [X] au cours du mois d'avril 2017.

Si l'appelante invoque, de manière générale, l'incompétence de la société Edatis, le manque de rigueur dans le choix de ses clients, le maintien de relations contractuelles avec des personnes ne respectant pas les règles de l'art de l'emailing, son manque de professionnalisme, de réactivité, sa méconnaissance des pratiques de l'emailing, force est de constater qu'elle procède par voie d'affirmations, ne produisant au soutien de ses dires aucun élément probant permettant de les corroborer.

En effet, les attestations du dirigeant de la société DSD Digital et de MM. [W], [S] et [M] n'apportent aucun élément utile au litige, dès lors qu'ils n'évoquent que leur expérience personnelle, ne fournissant aucune information concernant les manquements de la société Edatis à l'égard de la société [X]. La société Key Performance établit de surcroît qu'il existe un contentieux entre la société Edatis et la société DSD Digital, puisque cette dernière a été condamnée à payer à la première une somme de 10.586,58 € aux termes d'une ordonnance portant injonction de payer du 12 décembre 2018. Au surplus, il n'est justifié d'aucune réclamation de la part de MM. [W], [S] et [M] concernant les problèmes de délivrabilité qu'ils prétendent avoir rencontrés à partir du mois de mars 2017, étant observé que les pièces d'identité de M.M. [S] et [M] ne sont pas jointes à leurs témoignages ; ces pièces ne peuvent ainsi pas être retenues.

Enfin, la cour rappelle que la société Edatis ne s'est pas engagée à un volume minimum d'envois d'emails, ni à un volume minimum d'emails délivrés ou encore ouverts par les destinataires, étant précisé que l'intimée communique en pièce n°10 les éléments chiffrés concernant les campagnes publicitaires qui ont pu être diffusées par la société [X] au cours de l'exécution du contrat, qu'aucun élément probant ne permet de remettre en cause.

En l'absence de tout manquement de gravité suffisante imputable à la société Edatis, l'exception d'inexécution invoquée par la société [X] doit être écartée.

Les conditions particulières du contrat liant la société [X] et la société Edatis prévoyaient un préavis de 2 mois en cas de résiliation.

Il ressort des factures produites par la société Key Performance que le solde impayé des factures émises à l'égard de la société [X], en ce compris le préavis contractuel, s'élève à la somme de 16.831,33 €, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné cette dernière au paiement de ladite somme.

Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a assorti cette condamnation des intérêts au taux appliqué par la BCE à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter des dates d'exigibilité de chaque facture en application de l'article L.441-6 alinéa 6 du code de commerce et ordonné la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la demande de dommages et intérêts

La société [X] réclame la somme de 5.000 € de dommages et intérêts en réparation des préjudices matériel et moral subis, expliquant que la défaillance pendant plus de trois mois, de la délivrabilité des campagnes d'emailing l'a privée de toute rémunération à ce titre et a entaché sa réputation auprès des annonceurs pour le compte desquels elle travaille.

En l'absence de manquement contractuel établi de la société Edatis et par confirmation du jugement, la société [X] doit être déboutée de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile. Par ailleurs, la société [X] qui succombe, supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer à la société Key Performance la somme de 2.500 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la société [X] Media aux dépens d'appel';

Condamne la société [X] Media à payer à la société Key Performance Group la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/05745
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.05745 ?
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