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08/06/2023 | FRANCE | N°21/02624

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 08 juin 2023, 21/02624


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80J



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/02624 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UWTB



AFFAIRE :



[H] [V]



C/



S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F18/034

69



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Vincent MILLET



Me Cécile FOURCADE







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80J

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/02624 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UWTB

AFFAIRE :

[H] [V]

C/

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F18/03469

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Vincent MILLET

Me Cécile FOURCADE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [H] [V]

née le 08 Août 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Vincent MILLET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')

N° SIRET : 552 083 297

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Cécile FOURCADE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815 ; substitué à l'audience par Me Abdelhakim EL ATFI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée « d'adaptation à un emploi » du 11 janvier 1999, Madame [H] [V] a été engagée par la Sas Monoprix Exploitation en qualité de stagiaire cadre de vente. Au dernier état de la relation contractuelle, elle occupait le poste de chef de secteur alimentation à temps plein. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des grands magasins populaires.

Par courrier du 9 novembre 2016, la salariée a reçu un avertissement.

Par courrier remis en main propre le 9 janvier 2017, elle a été convoquée à un entretien préalable, avec mise à pied conservatoire, qui s'est tenu le 17 janvier 2017, puis elle a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception du 24 janvier 2017, l'employeur lui reprochant le refus de sa nouvelle affectation, du magasin « Les Passages » situé à [Localité 5], au magasin « Soldat Laboureur » situé à [Localité 8].

Par requête reçue au greffe le 31 décembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la nullité de son licenciement en lien avec un harcèlement moral et le versement de diverses sommes.

Par jugement du 1er juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :    

- accueilli la 'n de non-recevoir « qui est fondée, y fait droit »,

- dit et jugé que l'action introduite par Madame [V] était prescrite,

- déclaré irrecevable l'instance engagée par Madame [V],

- déclaré le conseil de prud'hommes dessaisi,

- laissé à chacune des parties le soin de supporter le montant de frais irrépétibles visés par les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Madame [V] aux entiers dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 16 août 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

« à défaut de conciliation totale entre les parties, il est demandé au cour d'appel de Versailles » :

infirmant le jugement entrepris,

- de juger que ses demandes ne sont pas prescrites ;

- de juger qu'elle a été victime de harcèlement moral, en conséquence de quoi :

- de dire et juger que son licenciement est nul ;

- de condamner la société Monoprix Exploitation à lui payer les sommes de :

8 863,71 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

886,37 euros au titre des congés payés y afférents,

1 518,72 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

151,87 euros au titre des congés payés y afférents,

15 600,87 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

lesdites sommes majorées des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation,

15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

70 000 euros au titre du caractère illicite du licenciement,

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,

2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

lesdites sommes majorées des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir ;

- d'ordonner à la société Monoprix Exploitation de lui délivrer une attestation destinée à Pôle Emploi conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 120 euros par document et par jour de retard, à compter de la date de notification dudit jugement ;

- de condamner, enfin, la société Monoprix Exploitation aux entiers dépens,

- de dire que les intérêts des capitaux échus pour une année entière, produiront eux-mêmes intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Monoprix Exploitation demande à la cour de :

à titre principal,

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 1er juillet 2021, en qu'il a jugé l'action de Madame [V] prescrite ;

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 1er juillet 2021, en ce qu'il a déclaré irrecevable l'instance engagée par Madame [V] ;

en conséquence,

- déclarer irrecevables les demandes suivantes :

dire et juger que son licenciement est nul

condamner la société Monoprix Exploitation à payer à Madame [H] [V] les sommes de :

8.863,71 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

886,37 € au titre des congés payés y afférents

1.518,72 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

151,87 € au titre des congés payés y afférents

15.600,87 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Lesdites sommes majorées des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la défenderesse de la convocation en bureau de conciliation et d'orientation

15.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral

70.000 € au titre du caractère illicite du licenciement

Ladite somme majorée des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement à intervenir

confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 1er juillet 2021, en ce qu'il a condamné Madame [V] aux dépens ;

infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 1er juillet 2021, en ce qu'il a débouté la société de sa demande de paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Madame [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

à titre subsidiaire,

si par extraordinaire, la cour infirmait le jugement en qu'il a jugé l'action de Madame [V] prescrite et en ce qu'il a déclaré irrecevable l'instance engagée par Madame [V] :

« Il est demandé à la cour de » :

- juger que le licenciement pour faute grave de Madame [V] est bien fondé et justifié ;

- juger que Madame [V] ne démontre pas l'existence de faits laissant présumer un harcèlement moral à son encontre ;

- juger que le licenciement de Madame [V] n'est pas nul et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

- débouter Madame [V] de ses demandes au titre d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 8863,71 euros et des congés payés afférents à hauteur de 886,37 euros,

- débouter Madame [V] de ses demandes au titre d'un rappel de salaire sur la mise à pied à hauteur de 1.518,72 euros et des congés payés afférents à hauteur de 151,87 euros,

- débouter Madame [V] de sa demande au titre d'une indemnité conventionnelle de

licenciement à hauteur de 15 600,87 euros,

- débouter Madame [V] de sa demande au titre des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral à hauteur de 15 000 euros,

- débouter Madame [V] de sa demande au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul à hauteur de 70 000 euros,

- débouter Madame [V] de sa demande de condamnation sous astreinte de 120 euros par jours de retard pour la délivrance des documents de fin de contrat rectifiés ;

- débouter Madame [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;

en tout état de cause,

- condamner Madame [V] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

- condamner Madame [V] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'irrecevabilité des demandes

Le premier juge a considéré que l'action était prescrite et a déclaré « irrecevable l'instance » engagée par la salariée aux motifs, d'une part, que l'action, relative à la rupture, a été introduite après le 23 septembre 2018 en méconnaissance des dispositions transitoires de l'article L.1471-1 du code du travail, d'autre part, que les demandes formées au titre d'un harcèlement moral portant sur l'exécution du contrat de travail et non pas sur sa rupture, celles-ci ne sont pas recevables pour ne pas présenter un lien suffisant avec l'acte introductif d'instance, le conseil ajoutant qu'admettre un délai de prescription de cinq ans reviendrait à rendre possible une contestation relative à la rupture du contrat de travail, sur le motif du harcèlement, pendant cinq ans, ce qui est contraire aux dispositions de l'article L.1471-1.

Au visa de l'article L.1471-1 du code du travail modifié par l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et en application des dispositions transitoires prévues par ce texte, l'employeur soulève la prescription annale en ce que le licenciement étant intervenu le 24 janvier 2017, la salariée avait jusqu'au 23 septembre 2018 pour contester son licenciement. Il fait valoir que l'action relative à la rupture est irrecevable comme prescrite dès lors que la demande en nullité du jugement est en lien avec l'existence d'un harcèlement moral manifestement non fondé et constitue un détournement des dispositions du code du travail.

La salariée objecte que ses demandes relatives à la nullité de la rupture et à l'indemnisation de son préjudice moral ayant été formulées dès la requête introductive d'instance, celles-ci sont recevables. Elle ajoute que sa demande en nullité du licenciement en raison de faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis de novembre 2016 à janvier 2017, n'est pas prescrite en application de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil.

Selon l'article L.1471-1 alinéa 2 du code du travail dans sa version applicable jusqu'au 23 septembre 2017, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le premier alinéa n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L.1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L.1233-67, L.1234-20, L.1235-7 et L.1237-14, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L.1134-5.

Dans sa version applicable du 24 septembre 2017 au 22 décembre 2017, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Le deuxième alinéa relatif à la rupture n'est toutefois pas applicable aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-10, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.

Dans sa version applicable du 22 décembre 2017 au 1er avril 2018, l'exception prévue par le troisième alinéa est étendue au premier alinéa du texte.

Dans sa version applicable depuis le 1er avril 2018, l'article L. 1237-19-10 est remplacé par l'article L.1237-19-8.

Conformément aux dispositions transitoires prévues par ce texte, le délai abrégé de prescription s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de l'ordonnance précitée, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, seules les actions introduites avant la publication de la présente ordonnance continuant d'être poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne.

Il s'en déduit que l'action introduite par la salariée le 31 décembre 2018 ne répondant pas aux conditions de maintien en vigueur des anciennes dispositions, le délai dont elle disposait pour agir en contestation du caractère réel et sérieux de son licenciement était d'un an à compter de la date

de publication de l'ordonnance précitée, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit le 23 décembre 2018.

Toutefois, les demandes relatives à la nullité du licenciement fondée sur les articles L. 1152-1 et suivants du code du travail, formées dès la requête introductive d'instance, comme l'ont été les autres demandes indemnitaires, n'est pas prescrite en application de l'article 2224 du code civil, dès lors que la salariée invoque le licenciement en tant que dernier fait de harcèlement moral, étant rappelé qu'en application de ce même article, en matière de responsabilité civile, le point de départ du délai de prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En conséquence, en application de la prescription quinquennale, les demandes de la salariée au titre d'un licenciement nul et en réparation d'un préjudice moral résultant du harcèlement moral invoqué, ne sont pas prescrites.

Il y aura donc lieu de déclarer recevables les demandes de la salariée, le jugement étant infirmé.

Sur les demandes au titre d'un harcèlement moral et d'un licenciement nul

Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments de fait présentés par le salarié laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, la salariée invoque :

- le caractère malveillant de l'avertissement du 9 novembre 2016 en raison de son caractère injustifié, à tout le moins extrêmement sévère, eu égard notamment à l'absence du moindre rappel à ses obligations en dix-sept années de carrière, et le fait que cette procédure disciplinaire a été engagée en l'absence de toute communication verbale ou électronique préalable ;

- le caractère malveillant et injustifié du licenciement en ce que la mutation refusée, qui s'analysait en une sanction disciplinaire déguisée tel que dénoncé dans ses courriels, demeurés sans réponse,

envoyés les 11 et 31 décembre 2016, impliquait une diminution considérable de ses responsabilités au sein du nouveau magasin dont le chiffre d'affaires du secteur alimentation qu'elle devait diriger était inférieur de 50% à celui du magasin qu'elle devait quitter, ne comportait en outre qu'un service/rayon, de boulangerie, quand celui qu'elle devait quitter en comptait huit, soit : boulangerie/pâtisserie, boucherie, charcuterie, rôtisserie, fromage, poissonnerie, traiteur grec, sushi, passait de huit à un, celui de la boulangerie ;

- le traitement différencié, discriminatoire, qui lui a été réservé par l'employeur, lequel, contrairement à l'usage dans l'entreprise, ne lui a pas proposé une seconde mutation suite à son refus de la première malgré la clause de mobilité, quand trois autres salariés, Madame [P] [B], sous-directrice du magasin « Les passages », Monsieur [W] [R], sous-directeur du magasin « Saint Antoine » à [Localité 7], et Madame [Y] [M], chef alimentaire au magasin « Dragon » de [Localité 7], se sont vus proposer une seconde mutation.

A l'exclusion de tout élément relatif à la différence de traitement qu'elle allègue, elle présente :

- le compte-rendu de l'entretien annuel mentionnant la réalisation des objectifs 2015 en moyenne au niveau des attentes et, notamment, le choix d'une zone de mobilité limitée au « Quart Nord-Ouest » ;

- un tableau comparatif, au 1er janvier 2016 par rapport au 1er janvier 2015, de chiffres d'affaire de magasins montrant un chiffre d'affaires du magasin auquel elle devait être affectée inférieur d'environ 30% à celui où elle occupait son emploi, la différence étant d'environ 50% pour l'alimentaire ;

- une lettre du 9 novembre 2016 par laquelle l'employeur lui notifie un avertissement pour des faits du 26 septembre 2016 qu'il indique avoir été reconnus, soit l'absence d'installation à cette date, avant ouverture, tel que constaté lors du passage du directeur commercial régional, d'aucune offre promotionnelle du plan de relance malgré des demandes en ce sens par mails des 23 et 24 septembre 2016 ;

- sa lettre datée du 9 décembre 2016, jour de l'entretien au cours duquel l'employeur l'a informée de sa mutation en application de la clause de mobilité, par laquelle elle conteste l'avertissement qu'elle estime « particulièrement sévère » eu égard aux faits reprochés en ce que la non application du plan de relance n'a pas de risque légal contrairement au dépliant qu'elle a priorisé, ajoutant qu'elle reconnaît ses torts mais n'avoir jamais fait l'objet d'aucune sanction en 23 ans, d'aucun rappel d'obligations ;

- un mail du 11 décembre 2016 par lequel elle indique à son employeur : « Par ce mail je vous

confirme par écrit à votre demande, notre échange de samedi concernant ma mutation. Je refuse cette mutation qui est à mon sens une mutation sanction. » ;

- son mail du 31 décembre 2016 au sein duquel elle réitère son refus d'une mutation qu'elle qualifie de « sanction » et qui selon elle fait suite à l'avertissement précité ;

- la lettre du 9 janvier 2017 remise en main propre qui la convoque à un entretien préalable devant se tenir le 17 janvier 2017 au bureau de la direction concernant une mesure de licenciement envisagée, l'informant de ses possibilités d'assistance au cours de cet entretien et de sa mise à pied à titre conservatoire ;

- la lettre de licenciement du 24 janvier 2017 ainsi rédigée :

Madame,

Faisant suite à notre entretien en date du 17 janvier 2017 au cours duquel vous étiez assistée de Monsieur [A] [U], délégué du personnel Cfe-Cgc, et en présence de Madame [E] [O] [T], responsable administrative, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

Lors de notre entretien en date du 9 décembre 2016, je vous ai informée de cotre mutation sur le magasin Monoprix de Soldat Laboureur à compter du 9 janvier 2017 en application de la clause de mobilité prévue dans votre contrat de travail.

Par un courriel daté du 11 décembre 2016, vous m'avez indiqué que vous refusiez cette nouvelle affectation au sein du magasin Monoprix de Soldat Laboureur.

Suite à cela, le 15 décembre 2016, vous avez été reçue, en ma présence, par Monsieur [Z] [L], directeur commercial régional [Localité 7]-Charente, afin d'apporter tout le sens nécessaire à cette mobilité et ainsi vous confirmer votre mutation sur le magasin Monoprix de Soldat Laboureur. A cette occasion, nous vous avons, une nouvelle fois, expliqué que le principe de clause contractuelle essentielle lors de la signature de celui-ci.

Nous vous avons, par ailleurs, rappelé que notre politique de mobilité des cadres de vente est garante du dynamisme commercial de nos magasins.

Malgré cela, vous avez, de nouveau, refusé oralement cette mutation.

Le 29 décembre 2016, je vous ai présenté par deux fois votre courrier de mutation sur le magasin Monoprix de Soldat Laboureur que vous avez refusé de signer.

Le 30 décembre 2016, je vous ai de nouveau présenté ce courrier de mutation que vous avez une nouvelle fois refusé de signer.

Je vous ai précisé que votre persistance éventuelle à refuser ce changement du lieu de travail et ainsi de respecter les dispositions de votre contrat de travail pourrait nous amener à engager à votre encontre une procédure en vue d'un éventuel licenciement et je vous ai demandé de reconsidérer votre position.

Par courrier recommandé en date du 30 décembre 2016, je vous ai confirmé votre changement de lieu de travail à compter du 9 janvier 2017 en vous rappelant le principe de mobilité géographique prévu dans votre contrat de travail.

Toutefois, vous n'avez pas changé votre position et vous avez réitéré votre refus de rejoindre votre nouvelle affectation par oral le 7 janvier 2017 lorsque vous avez refusé de me remettre, à la fin de votre journée de travail, les clefs du magasin ainsi que la carte de parking.

Une nouvelle fois, en présence de Monsieur [U], je vous ai rappelé que vous étiez soumise aux dispositions de votre contrat de travail relatives à la mobilité géographique et je vous ai invitée à réfléchir et à reconsidérer votre position.

Cependant, malgré ces mises en gardes du 30 décembre 2016 et du 7 janvier 2017 sur les conséquences que pourrait avoir votre refus persistant de respecter les dispositions de votre contrat de travail, à savoir un licenciement, vous n'avez pas rejoint le magasin Monoprix de Soldat Laboureur le 9 janvier 2017 et vous vous êtes présentée sur le magasin Monoprix de Boulogne Les Passages le lundi 9 janvier à 7h20.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il est dans l'intérêt de l'entreprise que les salariés respectent ce principe de mobilité indispensable à son bon fonctionnement et aux impératifs liés à notre activité commerciale. En effet, la mobilité des membres de l'encadrement s'inscrit dans la politique de gestion des carrières conciliant les besoins des magasins et les profils des collaborateurs.

Une telle attitude rend impossible la poursuite de votre contrat de travail.

En conséquence votre licenciement prend effet à la date d'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnités excepté l'indemnité compensatrice de congés payés.

Votre mise à pied conservatoire prononcée le 9 janvier 2017 à 7h40 ne vous sera pas rémunérée.

Votre solde de tout compte et vos diverses attestations seront à votre disposition dans les meilleurs délais après le retour de l'accusé de réception de ce courrier' » ;

- une ordonnance médicale du 6 février 2017 lui prescrivant des médicaments pour des problèmes cutanés et un anxiolytique.

Considérés ensemble, les éléments présentés par la salariée ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral, ni d'aucune discrimination en application des articles L.1132-1 et suivants du code du travail, celle-ci ne précisant pas non plus le critère de discrimination prohibé par la loi.

La salariée sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral ainsi que de sa demande en nullité du licenciement qu'elle relie à l'existence d'un harcèlement moral, et de ses demandes subséquentes tant salariales qu'indemnitaires, comme de sa demande de remise de documents conformes.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il convient de ne faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de l'employeur auquel la somme de 1500 euros est allouée au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

Les dépens seront supportés en totalité par la salariée, partie succombante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare recevables les demandes de Madame [H] [V] ;

La déboute de l'ensemble de ses demandes ;

La condamne à payer à la Sas Monoprix Exploitation la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02624
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.02624 ?
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