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08/06/2023 | FRANCE | N°21/01823

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 08 juin 2023, 21/01823


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/01823 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-USA3



AFFAIRE :



[L] [F] [M] épouse [E]



C/



S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

RG : 18/02911



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS



Me Cécile FOURCADE



Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/01823 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-USA3

AFFAIRE :

[L] [F] [M] épouse [E]

C/

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 18/02911

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS

Me Cécile FOURCADE

Expédition numérique délivrée à : POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [L] [F] [M] épouse [E]

née le 13 Octobre 1977 à HAITI

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Ghislain DADI de la SELAS DADI AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0257

APPELANTE

****************

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION ('MPX')

N° SIRET : 552 083 297

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Cécile FOURCADE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815 ; substitué à l'audience par Me Guillaume MANGAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1815

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Madame Régine CAPRA, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Madame [L] [F] [M] épouse [E] a été engagée à compter du 6 août 2007 par la société Distribution Casino France en qualité d'employée commerciale à temps plein par contrat de travail à durée indéterminée du 4 août 2007 transféré à compter du 1er octobre 2014 à la Sas Monoprix Exploitation et devenu à temps partiel à compter du 1er janvier 2016. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des grands magasins et des magasins populaires.

Le 30 mars 2016, la salariée a été victime d'un accident du travail.

Le 19 septembre 2016, la salariée a reçu notification d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, de prise en charge de sa maladie « syndrome du canal carpien droit » inscrite au tableau n° 57 « affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail », en tant que maladie professionnelle.

Par décision du 24 novembre 2016, la salariée a été reconnue travailleur handicapé pour la période du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2019.

Le 16 février 2017, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude « avec restriction », puis la salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie ordinaire à compter de cette date jusqu'au 2 mai 2017 avant que dans le cadre d'une visite médicale de reprise du 3 mai 2017, le médecin du travail ne la déclare inapte à son poste d'hôtesse de caisse, celui-ci ajoutant : « peut travailler dans les rayons à des postes doux (sans port de charges) ».

Par courrier du 9 mai 2017, dans le cadre de la reprise du travail, l'employeur a soumis au médecin du travail deux propositions de postes, de 6h à 12h05 du lundi au samedi, d'employée au rayon charcuterie-traiteur ou au rayon boulangerie, ce à quoi ce dernier a répondu par courrier du 11 mai suivant, que la salariée était apte à travailler au rayon boulangerie mais inapte à un travail au rayon charcuterie.

Par requête du 18 mai 2017, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de St Germain en Laye a'n de contester l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail. Par ordonnance de référé du 29 décembre 2017, le conseil de prud'hommes a pris acte de l'avis de l'expert médical qui, dans son rapport d'expertise en date du 13 octobre 2017, conclut à l'inaptitude de la salariée au poste de caissière, ainsi qu'au travail au rayon boulangerie, avec un reclassement possible, dans l'entreprise, sur un poste administratif ou d'accueil, sans manutention et sans exposition au froid.

A la suite du refus de la salariée des deux postes de reclassement aux rayons charcuterie ou boulangerie par lettre du 30 mai 2017, l'employeur lui a adressé un courrier du 3 mai 2018 afin de l'informer de l'impossibilité d'un reclassement en l'absence de poste compatible avec les restrictions médicales, puis elle a été convoquée, par lettre du 7 juin 2018 - qu'elle déclare ne pas avoir reçue - à un entretien préalable devant se tenir le 19 juin 2018 avant d'être licenciée pour inaptitude, faute de possibilité de reclassement, par lettre recommandée avec avis de réception du 26 juin 2018.

Par requête reçue au greffe le 5 novembre 2018, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la nullité de son licenciement et le versement de diverses sommes.

Par jugement du 7 mai 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que le licenciement de Madame [L] [F] [M] épouse [E] était bien fondé,

- dit qu'il convenait d'exclure du calcul de l'indemnité de licenciement la période de temps partiel thérapeutique de Madame [L] [F] [M] épouse [E],

en conséquence,

- condamné la Sas Monoprix Exploitation à régler à Madame [L] [F] [M] épouse [E] la somme de 453,49 euros au titre d'un reliquat de l'indemnité de licenciement,

- ordonné la remise des documents de 'n de contrat conformes à la présente décision sans qu'il n'apparaisse nécessaire d'assortir cette remise de l'astreinte sollicitée,

- condamné la Sas Monoprix Exploitation à verser à Madame [L] [F] [M] épouse [E] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire sous réserve des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail selon lequel la condamnation de l'employeur au paiement des sommes visées par l'article R. 1454-14 2° du code du travail est exécutoire de plein droit dans la limite de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, qui est de 1 543,84 euros,

- débouté Madame [L] [F] [M] épouse [E] du surplus de ses demandes,

- débouté la Sas Monoprix Exploitation de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Sas Monoprix Exploitation aux éventuels dépens de l'instance.

Par déclaration au greffe du 10 juin 2021, la salariée a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 10 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la salariée demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris, statuant à nouveau,

- fixer son salaire moyen brut à la somme de 1 543,84 euros,

A titre principal :

- juger que son licenciement est nul,

en conséquence,

- condamner la société Monoprix à lui verser la somme de 30 876,80 euros au titre des indemnités pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

- juger L. 1235-3 du code du travail inconventionnel car violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne directement applicable en droit interne,

- juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Monoprix à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 23 157,60 euros,

en tout état de cause :

- condamner la société Monoprix à lui payer les sommes suivantes :

* indemnité légale de licenciement (reliquat) : 453,49 euros,

* dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat : 4 631,52 euros,

* dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement : 4 631,52 euros,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat (attestation pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et dans la limite de 190 jours,

- condamner la société Monoprix à régler la somme de 2 500 en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- juger que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, devant l'article 1343-2,

- ordonner à la société Monoprix de permettre à l'ensemble de ses clients la lecture de l'intégralité du jugement à intervenir par le moyen d'un lien hypertexte dans une bannière exclusivement dédiée devant figurer sur la page d'accueil de son site internet, ainsi que sur celle de ses applications sur tablettes et téléphones, pendant une durée de 3 mois,

- ordonner que les dispositifs d'accès et de lecture susmentionnés soient créés dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard, à l'expiration de ce délai, et vous réserver le pouvoir de liquider,

- condamner la société Monoprix aux dépens d'instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Sas Monoprix Exploitation demande à la cour de :

- déclarer mal fondée Madame [E] en son appel et ses demandes ;

- faire droit à son appel incident ;

statuant à nouveau,

confirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit que le licenciement est bien fondé,

Débouté Madame [E] du surplus de ses demandes,

infirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit qu'il convenait d'exclure du calcul de l'indemnité de licenciement la période de temps partiel thérapeutique ;

Condamné la Société à verser à Madame [E] la somme de 453,49 € au titre d'un reliquat de l'indemnité de licenciement ;

Ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;

Condamné la Société à verser à la Madame [E] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

en conséquence,

- débouter Madame [E] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- débouter Madame [E] de ses demandes suivantes :

« Fixer le salaire moyen brut de Mme [E] à la somme de 1.543,84 € brut,

A titre principal :

Dire et juger que le licenciement de Madame [E] est nul

En conséquence,

Condamner la société Monoprix à verser à Madame [E] la somme de 30.876,80 € au titre des indemnités pour licenciement nul,

A titre subsidiaire :

Constater que la société n'avait pas respecté son obligation de reclassement et subsidiairement, que l'inaptitude de Mme [E] était d'origine professionnelle,

Dire et juger le licenciement de Mme [L] [F] [M] épouse [E] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la société Monoprix à payer à Mme [L] [F] [M] épouse [E] les sommes suivantes :

Indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse 23.157,60 €

En tout état de cause : Condamner la société Monoprix à payer à Mme [L] [F] [M] épouse [E] les sommes suivantes :

Indemnité légale de licenciement (reliquat) 453,49 €

Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat 4.631,52 €

Dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement 4.631,52 €

Ordonner la remise des documents de fin de contrat (Attestation Pôle Emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 150,00 € par jour de retard et par document à compter de la notification de la décision et dans la limite de 190 jours,

Condamner la société Monoprix à régler la somme de 2.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dire que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux

dispositions de l'article 1154 du code civil, devant l'article 1343-2,

Ordonner à la société Monoprix de permettre à l'ensemble de ses clients la lecture de l'intégralité du jugement à intervenir par le moyen d'un lien hypertexte dans une bannière exclusivement dédiée devant figurer sur la page d'accueil de son site internet, ainsi que sur celle de ses applications sur tablettes et téléphones, pendant une durée de 3 mois,

Ordonner que les dispositifs d'accès et de lecture susmentionnés soient créés dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte provisoire de 1000 euros par jour de retard, à l'expiration de ce délai, et vous réserver le pouvoir de liquider,

Condamner la société Monoprix aux dépens d'instance. »

- à titre reconventionnel,

condamner Madame [E] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Madame [E] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de formation, de reclassement, d'affectation, en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article L. 1133-3 de ce code, les différences de traitement fondées sur l'inaptitude constatée par le médecin du travail en raison de l'état de santé ou du handicap ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectives, nécessaires et appropriées.

Si le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement a pour conséquence de priver de cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé pour inaptitude et impossibilité de reclassement, l'article L. 5213-6 du code du travail dispose qu'afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée, que ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en oeuvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peut compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur, et que le refus de prendre ces mesures peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3.

L'article L.1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1132-1, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

A l'appui de la discrimination qu'elle estime avoir subie en raison de son handicap, la salariée présente les éléments de faits suivants : l'employeur, qui avait connaissance de sa situation de travailleur handicapé depuis sa lettre du 30 mai 2017 par laquelle elle l'informait de ce que son handicap était « reconnu par la MDPH » et de ce qu'elle était « reconnue comme travailleuse handicapée (maladie professionnelle) » , n'a donné aucune suite à cette information et n'a mis en 'uvre aucune mesure s'imposant en présence d'un travailleur handicapé ; ce dernier n'a pas même consulté le Service d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (Sameth) ; il ne justifie pas non plus de la consultation des instances représentatives du personnel dans le cadre de la procédure de reclassement ; les postes proposés n'étaient pas conformes aux restriction médicales ; elle était accessible à une formation pour occuper un poste administratif conformément à ces restrictions.

Ces éléments de fait, pris ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination en raison du handicap de la salariée.

Afin de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, l'employeur, qui ne justifie pas de la consultation des délégués du personnel qu'il indique avoir réalisée le 3 mai 2018 dans la lettre de licenciement « Conformément aux dispositions du Code du travail », soutient que : - la salariée n'a pas justifié de son statut de travailleur handicapé évoqué pour la première fois dans son courrier du 30 mai 2017 ; toutefois, l'employeur n'a donné aucune suite à cette information qu'il n'a jamais estimé devoir être plus amplement précisée ni justifiée alors qu'il n'en ignorait ni la nature ni la portée au regard du reclassement, l'expertise médicale contradictoire du 13 octobre 2017 faisant elle-même référence à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé accordée le 1er octobre 2016 ;

- aucune action de formation particulière n'a pu être identifiée, tant par lui-même que par le médecin du travail , et il justifie de nombreux échanges avec la médecine du travail qui n'ont pas permis d'identifier de postes de reclassement, d'aménagement d'emploi ou de formations, susceptibles d'être proposés à la salariée, après le refus initial de deux postes validés par la médecine du travail ; or, il n'a jamais fait état d'une recherche particulière de formation dont il ne justifie pas, n'ayant pas consulté le Sameth alors qu'une telle mesure vise à permettre au travailleur handicapé de conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l'exercer ou d'y progresser, notamment dans le cadre d'une formation adaptée à ses besoins ; de plus, si le médecin du travail a été interrogé sur la comptabilité de deux postes en rayons charcuterie et boulangerie,

celui-ci a indiqué, par courrier du 11 mai 2017, que la salariée pouvait travailler au rayon boulangerie mais qu'elle était inapte à travailler au rayon charcuterie, ce poste ayant tout de même été proposé à la salariée par courrier du 26 mai 2017 ; quant à la nature et l'étendue des échanges avec le médecin du travail, force est d'observer que le courriel du 20 avril 2018 dans lequel celui-ci indiquait : « Madame [F] [M] est ingérable quel que soit le poste qu'on lui propose, elle n'est pas d'accord. Je n'ai pas besoin de faire une étude de poste pour vendre du pain. Si elle n'est pas capable de faire ce travail, elle devient inapte à tout poste à Monoprix... » , est le seul élément relatif à de tels échanges qui n'en a suscité aucun autre malgré les conclusions de l'expert judiciaire du 13 octobre 2017 allant dans le sens d'un possible reclassement sur un poste administratif ou d'accueil, sans manutention et sans exposition au froid, à l'exclusion d'un travail au rayon boulangerie que l'expert précisait être contre-indiqué en ce qu'il impliquait de la manutention manuelle répétitive incompatible avec le syndrome du canal carpien droit dont souffrait la salariée, droitière ; et si de janvier à mars 2018, des mails ont été envoyés à des services des ressources humaines de nombreuses entités du groupe Monoprix aux fins de recherches de postes disponibles compatibles avec les restrictions définies par l'expert judiciaire, l'employeur, nonobstant la dimension très importante du groupe comptant de nombreux effectifs et métiers, ne fait état ni ne justifie d'aucune mesure appropriée, notamment d'une saisine du Sameth, ni de l'orientation d'aucune recherche sur un aménagement de poste le cas échéant avec une formation adaptée, tenant compte de la situation de travailleur handicapé de la salariée.

Il en résulte la nullité du licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de la salariée en ce que ce licenciement est constitutif d'une discrimination à raison du handicap.

Il y aura donc lieu de dire que le licenciement est nul, le jugement étant infirmé de ce chef.

Sur les conséquences indemnitaires du licenciement nul

La salariée sollicite vingt mois de salaire à titre d'indemnisation du préjudice résultant de la nullité du licenciement au moins égale à six mois de salaire, en application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, quand l'employeur entend voir limiter cette indemnisation à six mois de salaire en arguant du fait que la salariée ne justifie que d'une attestation de paiement de trois mois d'allocations de novembre 2018 à janvier 2019 sans autre élément sur sa situation professionnelle et la recherche d'un emploi.

Au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, il y a lieu d'allouer à la salariée une somme de 18 526,08 euros nets (douze mois de salaire de référence) à titre d'indemnité pour licenciement nul eu égard notamment à son âge au moment de la rupture (40 ans), à son ancienneté dans l'entreprise et à ses capacités à retrouver un emploi.

Sur le reliquat d'indemnité spéciale de licenciement

La salariée sollicite le reliquat d'indemnité spéciale de licenciement prévue par l'article L. 1226-14 du code du travail allouée par le premier juge au visa de l'article L.1226-16 du code du travail pour une ancienneté de 10 ans et 10 mois, en ce que pour le calcul du salaire de référence, fixé à 1 543,84 euros, le temps partiel thérapeutique à compter de 2016 ne doit pas être pris en considération ; quand l'employeur fait valoir que la salariée ayant occupé successivement un temps complet puis, à compter du 1er janvier 2016, un temps partiel, soit 33,36 heures hebdomadaires, et 145,60 heures mensuelles, le montant de l'indemnité doit être calculé proportionnellement aux périodes d'emploi effectuées selon l'une et l'autre des modalités depuis l'entrée dans l'entreprise, en tenant compte, dès lors, d'un ratio de 91,36% du salaire moyen établi à 1543,84 euros, et d'une ancienneté de 10 ans et 10 mois.

Il résulte de l'article L.1226-16 du code du travail que les indemnités accordées, en application des articles L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, sont calculées sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle.

Pour le calcul de ce salaire de référence, le mi-temps thérapeutique est analysé comme un temps partiel, de sorte que l'indemnité de licenciement est calculée proportionnellement aux périodes d'emploi effectuées à temps partiel thérapeutique et à temps complet.

Il s'ensuit que c'est à tort que la salariée tient compte d'un salaire mensuel de référence correspondant à un temps plein pour toute la durée d'ancienneté.

Or, il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour, dont les éléments de calcul, qu'en calculant le salaire de référence proportionnellement aux périodes d'emploi effectuées à temps partiel thérapeutique et à temps complet, la salariée a été remplie de ses droits quant à l'indemnité de licenciement.

La salariée sera donc déboutée de sa demande formée de ce chef et le jugement sera infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière

C'est à juste titre que pour s'opposer à la demande de la salariée en paiement d'une indemnité pour procédure de licenciement irrégulière faute de convocation à un entretien préalable, l'employeur invoque le fait que la salariée a été effectivement avisée le 8 juin 2018 à son adresse, selon les mentions non utilement remises en cause portées sur l'avis postal, du courrier recommandé du 7 juin 2018 la convoquant à un entretien préalable à licenciement fixé au 19 juin 2018.

La salariée sera donc déboutée de sa demande formée de ce chef, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

La salariée soutient, au visa de l'article L.1222-1 du code du travail, que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi en raison de son refus d'aménager son poste de travail après son premier arrêt de travail, et en ce qu'il n'a pas tenté d'effectuer des recherches de reclassement loyales et sérieuses.

L'employeur réplique que la demande de la salariée n'est pas fondée et que celle-ci ne justifie pas d'un préjudice distinct non indemnisé au titre du licenciement nul.

Il apparaît en effet que la salariée ne justifie pas d'une exécution défectueuse du contrat de travail entraînant un préjudice distinct de celui découlant de sa rupture. Faute de preuve de ce préjudice distinct, la demande en paiement de dommages et intérêts formée de ce chef sera en voie de rejet, le jugement entrepris étant également confirmé sur ce point.

Sur la remise de documents

Vu les développements qui précèdent, il n'y a pas lieu à remise de documents dont la rectification ne découle pas du présent arrêt.

Les intérêts au taux légal

La créance indemnitaire est productive d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code du travail.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d'indemnités.

Une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Sur la publication du « jugement » sur le site de Monoprix

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de publication de la décision, mesure disproportionnée que ne justifient ni la matière ni l'espèce.

Sur les frais irrépétibles

En équité, il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit de la salariée à laquelle est allouée la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Sur les dépens

L'employeur, partiellement succombant, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il déboute Madame [L] [F] [M] épouse [E] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour procédure de licenciement irrégulière et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

Dit nul car discriminatoire, le licenciement de Madame [L] [F] [M] épouse [E] ;

Condamne la société Monoprix Exploitation à payer à Madame [L] [F] [M] épouse [E] la somme de 18 526,08 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

Dit que les intérêts courent sur cette somme à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code du travail ;

Dit n'y avoir lieu à remise de documents rectifiés conformément à l'arrêt ;

Déboute Madame [L] [F] [M] épouse [E] de sa demande de reliquat d'indemnité de licenciement ;

Dit qu'il y a lieu à remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de six mois d'indemnités ;

Dit qu'une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi ;

Rejette la demande de publication du présent arrêt formulée par Madame [L] [F] [M] épouse [E] ;

Condamne la société Monoprix Exploitation à payer à Madame [L] [F] [M] épouse [E] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Monoprix Exploitation aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01823
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.01823 ?
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