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08/06/2023 | FRANCE | N°21/00809

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 08 juin 2023, 21/00809


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/00809 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL2R



AFFAIRE :



[F] [N]



C/



Société CHIMIREC CDS anciennement dénommée

S.A.S.U. CONSULTANT DECHETS SPECIAUX SERVICES



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES
>N° Section : C

N° RG : F 20/00033





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU



Me Mélina PEDROLETTI



le :



Copie numérique délivrée à :



Pôle emploi



le :





RÉP...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/00809 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UL2R

AFFAIRE :

[F] [N]

C/

Société CHIMIREC CDS anciennement dénommée

S.A.S.U. CONSULTANT DECHETS SPECIAUX SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : C

N° RG : F 20/00033

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU

Me Mélina PEDROLETTI

le :

Copie numérique délivrée à :

Pôle emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [F] [N]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002

APPELANT

****************

Société CHIMIREC CDS anciennement dénommée S.A.S.U. CONSULTANT DECHETS SPECIAUX SERVICES « CDS SERVICES »

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 et Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle CHABAL, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

La société CDS Services, dont le siège social est situé [Adresse 1] à [Localité 4], dans le département de l'Eure et Loir, est spécialisée dans le secteur d'activité du déchet. Elle emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective des activités du déchet du 16 avril 2019.

Le 23 février 2021, la société CDS Services a changé de dénomination sociale, devenant la société Chimirec CDS.

M. [F] [N], né le 20 février 1973, a été engagé par la société CDS Services, selon contrat de travail à durée indéterminée du 26 février 2015 à effet du 7 avril 2015, en qualité de chauffeur poids lourd, niveau 3 position 1 coefficient 114, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 937,95 euros.

Le 10 octobre 2019, M. [N] a été victime d'une chute sur le parking de l'entreprise alors qu'il allait récupérer son véhicule. Il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 25 octobre 2019 puis son arrêt de travail a été prolongé à plusieurs reprises, jusqu'au 31 août 2020.

Par courrier recommandé envoyé le 11 octobre 2019, la société CDS Services a convoqué M. [N] à un entretien préalable prévu le 21 octobre 2019, auquel M. [N] ne s'est pas présenté.

Par courrier en date du 25 octobre 2019, la société CDS Services a notifié à M. [N] son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :

'Vous ne vous êtes pas présenté à l'entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué le 21 octobre 2019.

Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :

Le 7 octobre le responsable de centre s'aperçoit que 3 boîtes de présentoir d'une grande marque de cosmétique sont cachées sur une benne. Le 9 octobre, avant 8 h du matin ces boîtes avaient disparu. Nous avons demandé à chaque chauffeur d'ouvrir de manière volontaire leur véhicule en présence de deux témoins. Nous avons constaté que ces boîtes étaient dans votre voiture.

Ces faits sont constitutifs d'un manquement grave à vos obligations. En effet, aucune sortie de déchets n'est tolérée, puisque c'est simplement du vol à l'encontre de l'entreprise dans laquelle vous travaillez et surtout du vol à l'encontre de notre client.

Un tel vol nuit gravement à la réputation de l'entreprise. Nos clients nous confient des déchets et CDS services est le garant de leur destruction dans le respect de la réglementation en vigueur.

Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l'entreprise.

Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture et vous cessez donc de faire partie des effectifs de notre société à compter du 25 octobre 2019.'

Par requête du 7 février 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins de voir déclarer nul son licenciement et de voir condamner la société CDS Services à lui verser les sommes à caractère indemnitaire et/ou salarial suivantes :

. 2 946,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 4 962,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 496,29 euros au titre des congés payés afférents,

. 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité 'de résultat',

. 2 063,97 euros à titre de rappel d'indemnité de salissure,

. 206,39 euros au titre des congés payés afférents,

. 285 euros à titre de rappel d'indemnité de transport,

. 28,50 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 486,01 euros à titre de rappel de prime de panier,

. 185,40 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2019,

. 18,54 euros au titre des congés payés afférents,

. 718,20 euros à titre de remboursement d'indemnités journalières de novembre 2019,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de déclaration à l'organisme de prévoyance,

. 3 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la remise sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, des bulletins de salaire afférents au rappel de salaire et au préavis ainsi que des documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés (certificat de travail, attestation

Pôle emploi), le conseil se réservant expressément le droit de liquider l'astreinte,

- dire que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel eu égard au caractère parfaitement incontestable des demandes formulées par M. [N],

- condamner la Société CDS Services aux entiers dépens.

La société CDS Services demandait, quant à elle, de :

- dire et juger que le licenciement de M. [N] n'est entaché d'aucune nullité,

En tout état de cause,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [N] est parfaitement justifié,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [N] au paiement des sommes de 3 500 euros à titre de dommages et intérêts et 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire rendu le 17 février 2021, la section commerce du conseil de prud'hommes de Chartres a :

- reçu M. [N] en ses demandes,

- reçu la société CDS Services en ses demandes reconventionnelles,

Au fond,

- confirmé le licenciement pour faute grave de M. [N] par la société CDS Services,

- condamné la société CDS Services à verser à M. [N] les sommes suivantes :

. 285 euros au titre du rappel de l'indemnité de transport,

. 28,50 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 486,01 euros au titre du rappel de prime de panier,

. 185,40 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2019,

. 18,54 euros au titre des congés payés y afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

. 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

- ordonné à la société CDS Services de remettre à M. [N] ses bulletins de salaires afférents au rappel de salaire, ainsi qu'une attestation Pôle emploi rectifiée, le tout sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter du 30e jour suivant la notification de la décision,

- dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- débouté M. [N] du surplus de ses demandes,

- débouté la société CDS Services de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société CDS Services aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels.

M. [N] a interjeté appel de la décision par déclaration du 10 mars 2021.

Les dernières conclusions au fond (n°2) de M. [N] ont été notifiées par voie électronique le 6 février 2023.

Les dernières conclusions au fond de la société Chimirec CDS venant aux droits de la société CDS Services ont été notifiées par voie électronique le 30 août 2021.

Par ordonnance rendue le 8 février 2023, le magistrat de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 31 mars 2023.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2023, M. [F] [N] a demandé à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé M. [N] en sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 8 février 2023 conformément aux dispositions de l'article 803 alinéa 1er du code de procédure civile,

- statuer sur les dépens.

Le 21 mars 2023, M. [N] a notifié par voie électronique des conclusions au fond n°3.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 mars 2023, la société Chimirec CDS a déclaré ne pas s'opposer à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et a maintenu ses demandes au fond en produisant deux nouvelles pièces.

Aux termes de ses dernières conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 30 mars 2023, M. [F] [N] demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien-fondé M. [N] en son appel,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres du 17 février 2021 en ce qu'il a condamné la société CDS Services à verser à M. [N] les sommes de :

. 285 euros à titre de rappel d'indemnité de transport,

. 28,50 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 486,01 euros à titre de rappel de prime de panier,

. 185,40 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2019,

. 18,54 euros au titre des congés payés afférents,

. 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement entrepris et déclarer nul le licenciement en date du 25 octobre 2019,

- En conséquence, condamner la société Chimirec CDS à verser à M. [N] les sommes de :

. 2 946,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 4 962,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 496,29 euros au titre des congés payés afférents,

. 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité 'de résultat',

. 2 063,97 euros à titre de rappel d'indemnité de salissure,

. 206,39 euros au titre des congés payés afférents,

. 718,20 euros à titre de remboursement d'indemnités journalières de novembre 2019,

. 3 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- ordonner la remise, sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, des bulletins de salaire afférents au rappel de salaire et au préavis ainsi que des documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés (certificat de travail, attestation destinée à Pôle emploi), la cour se réservant expressément le droit de liquider l'astreinte,

- dire que l'intégralité des sommes sus énoncées sera augmentée des intérêts au taux légal et ce, à compter du jour de l'introduction de la demande en application des articles 1146 et 1153 du code civil,

- débouter la société Chimirec CDS de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Chimirec CDS aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions n°3 adressées par voie électronique le 30 mars 2023, la société Chimirec CDS venant aux droits de la société CDS Services demande à la cour de :

- à titre liminaire, constater que la société Chimirec CDS ne s'oppose pas à la demande de révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 8 février 2023, demande formée par M. [N],

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- jugé que le licenciement pour faute grave de M. [N] est parfaitement justifié,

- débouté M. [N] de ses demandes suivantes :

. 2 946,76 euros à titre d'indemnité de licenciement,

. 4 962,98 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 496,29 euros au titre des congés payés afférents,

. 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

. 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité 'de résultat',

. 2 063,97 euros à titre de rappel d'indemnité de salissure,

. 206,39 euros au titre des congés payés afférents,

. 718,20 euros à titre de remboursement d'indemnités journalières de novembre 2019,

. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de déclaration à l'organisme de prévoyance,

. 3 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, - infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CDS Services aux sommes suivantes : . 285 euros au titre du rappel de l'indemnité de transport,

. 28,50 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1 486,01 euros au titre du rappel de prime de panier,

. 185,40 euros au titre du rappel de salaire d'octobre 2019,

. 18,54 euros au titre des congés payés y afférents,

. 1 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- déclarer que le licenciement de M. [N] n'est entaché d'aucune nullité,

- en tout état de cause, déclarer que le licenciement pour faute grave de M. [N] est parfaitement justifié,

- débouter M. [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [N] au paiement des sommes [sic] de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 798 du code de procédure civile auquel renvoie l'article 907 du même code, dispose que 'L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout.

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.'

M. [N] a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture aux fins de produire une nouvelle pièce consistant en un témoignage d'un employé qui peut être de nature à modifier l'issue du litige. La société Chimirec CDS ne s'est pas opposée à la demande.

La pièce en cause est une attestation de M. [P] [W], établie le 5 mars 2023, postérieurement à l'ordonnance de clôture, qui est relative aux conditions d'éclairage du parking de la société, question en lien avec l'accident subi par M. [N], qui oppose les parties.

La production de cette pièce constitue une cause grave révélée postérieurement à l'ordonnance de clôture, qui motive la révocation de cette dernière, à la date des plaidoiries.

Les conclusions des parties et nouvelles pièces produites qui ont été notifiées, pour M. [N]

les 10, 21 et 30 mars 2023 et pour la société Chimirec CDS les 27 et 30 mars 2023 seront admises au débat.

La clôture sera prononcée à la date des plaidoiries, le 31 mars 2023.

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

Sur la violation de l'obligation de sécurité

M. [N] fait valoir qu'il a été victime d'une violente chute sur le parking de la société en allant récupérer son camion lors de sa prise de poste le 10 octobre 2019 au matin, alors qu'il faisait nuit. Il expose qu'il a heurté le pont bascule qui ne fait l'objet d'aucune signalétique particulière ni d'aucun éclairage, tout comme le parking. Il soutient que son véhicule n'était pas mal garé et que le chemin piéton était invisible, son respect ou non étant indifférent. Il trouve inadmissibles les insinuations de la société sur le caractère prémédité de l'accident, alors qu'il a été gravement blessé, évacué vers le centre hospitalier de [Localité 5] par les pompiers et placé en arrêt de travail jusqu'au 31 août 2020. Il estime que la société a manqué à son obligation de sécurité et lui a causé un très lourd préjudice, dont il demande l'indemnisation par une somme de 25 000 euros.

La société répond qu'il n'existe aucune violation de l'obligation de sécurité de sa part puisque le parking est parfaitement éclairé, ce qui a d'ailleurs entraîné des remarques des riverains ; qu'en réalité, M. [N] n'a pas suivi le cheminement piéton éclairé qu'il aurait dû respecter, se plaçant lui-même en danger ; qu'en outre il n'a pas respecté l'emplacement pour se garer, se plaçant dans une zone non délimitée par le passage piéton, non protégée et donc dangereuse.

Elle soutient que M. [N] avait manifestement prémédité l'ensemble de la procédure et a sollicité une attestation auprès des pompiers. Elle souligne que M. [W], qui atteste, est un ancien chauffeur de la société qui a été licencié pour faute grave le 4 août 2020, qui se venge.

L'obligation de sécurité qui résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. L'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par ces dispositions ne manque pas à son obligation de sécurité.

En l'espèce, le 10 octobre 2019, M. [N] a été placé en arrêt de travail pour accident du travail par le centre hospitalier du [Localité 6] (Eure et Loir) pour une contusion du rachis cervico-dorso-lombaire et du coude gauche causées par une chute sur le côté droit (pièce 5 de l'appelant).

La chute est survenue sur le parking de la société CDS Services, employeur de M. [N], au niveau du pont-bascule se trouvant dans la cour.

La société CDS Services a émis des réserves lors de la transmission de la déclaration d'accident du travail à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) le 10 octobre 2019, en faisant valoir qu'aucun témoin susceptible de corroborer la version du salarié n'était présent lors de l'accident, que les circonstances de ce dernier ne sont pas connues, que le salarié a téléphoné aux pompiers avec son portable et a été emmené à l'hôpital pour y faire des examens, mais qu'il n'a pas téléphoné à sa direction. Elle soulignait que l'accident est survenu le lendemain du jour où le salarié a été pris en flagrant délit de vol de marchandises (pièce 10 de l'appelant).

M. [N] explique que c'est compte-tenu de la contestation de son employeur qu'il a contacté le Service Départemental d'Incendie et de Secours (SDIS) d'Eure et Loir, qui a certifié le 5 novembre 2019 que 'les sapeurs-pompiers sont intervenus le 10/10/2019 à 4h55 pour une personne blessée suite à chute sur son lieu de travail, dans la cour de l'entreprise CDS Services, [Adresse 1], commune de [Localité 4]. Lorsque les sapeurs-pompiers sont intervenus et ont pris en charge la victime les lieux ne disposaient d'aucun éclairage.' (pièce 16 de l'appelant).

Le caractère professionnel de l'accident a été reconnu par la CPAM le 16 décembre 2019.

Pour prouver que le parking de la société était dépourvu d'éclairage, ce qui a causé sa chute, M. [N] produit l'attestation du SDIS susvisée et une attestation de M. [P] [W], chauffeur dans la société CDS Services durant deux ans à compter de juillet 2018, qui certifie que 'il n'y a jamais eu d'éclairage dans la cour de CDS à 5 heures du matin quand je commençais à ces heures-là. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir demandé à plusieurs reprises à la direction de nous faire fonctionner la lumière mais en vain.'

Le fait que M. [W] ait été licencié pour faute grave le 4 août 2020 ne rend pas son témoignage inopérant.

Pour justifier que le parking était éclairé, la société Chimirec CDS produit quant à elle :

- des photographies de l'entreprise qui montrent que les bâtiments sont pourvus de deux spots éclairant la cour, que devant les places de stationnement proches du pont bascule, un passage piéton est matérialisé, qui rejoint un cheminement piéton destiné à traverser la cour (pièce 3),

- le devis et la facture de travaux de réfection de l'installation électrique de l'entreprise, comprenant 12 projecteurs d'éclairage extérieur, datant du 6 avril 2012 (pièce 15) et une facture de réfection de la signalisation extérieure, notamment du cheminement piéton, datant du 31 octobre 2018 (pièce 16),

- une photographie de la cour de la société, prise à une heure indéterminée mais alors qu'il faisait presque nuit, qui montre des bâtiments éclairés par des spots (pièce 26). Ce sont cependant les bâtiments de la société voisine, située à 150 mètres environ (selon le cadastre pièce 27), aucun éclairage direct de la cour de la société CDS Services et notamment des chemins piétonniers n'étant visible sur cette photographie,

- une attestation de Mme [U] [X], membre du conseil municipal de [Localité 4] et également responsable administrative et commerciale de la société Chimirec CDS, qui indique 'avoir remonté des remarques et constatations de riverains de l'entreprise concernant l'éclairage nocturne des bâtiments et parkings. Celui-ci fonctionnant toute la nuit, cela engendre selon ces riverains des nuisances.' (pièce 35). La photographie aérienne produite en pièce 27 montre cependant que les habitations les plus proches sont séparées de la société Chimirec CDS par un champ.

Ces pièces sont insuffisantes à contredire les éléments produits par M. [N] démontrant l'insuffisance d'éclairage du parking et des cheminements piétons, la photographie produite en pièce 26 par la société confirmant au contraire l'absence de luminosité suffisante de nuit pour matérialiser les passages piétons destinés à traverser la cour en évitant la zone du pont-bascule.

La société soutient que M. [N] ne respectait pas l'emplacement pour se garer. Elle produit une photographie aérienne non datée issue de Google, qui montre un long véhicule blanc garé parallèlement au pont bascule, le long d'une haie, en dehors des emplacements de parking matérialisés par des marques blanches au sol (pièce 28). Elle produit également des attestations de salariés de la société qui indiquent que M. [N] venait régulièrement au travail avec une camionnette blanche ou un camping-car et avait l'habitude de se stationner entre le pont bascule et la haie, ainsi qu'il peut être vu sur la photographie en cause. Certains y reconnaissent le véhicule de M. [N] (pièces 30 à 32).

Ces documents sont néanmoins insuffisants à démontrer que M. [N] était garé avec ce véhicule à cet emplacement le jour de l'accident, plutôt que sur la place de parking la plus proche du pont-bascule et perpendiculaire à ce dernier, comme le soutient le salarié.

En tout état de cause, quel que soit l'endroit où le salarié était garé, l'éclairage était insuffisant pour qu'il puisse traverser le parking en toute sécurité, de sorte que doit être retenu un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

M. [N] ayant subi un préjudice du fait d'une chute sur le parking au petit matin, une indemnisation de 2 000 euros lui sera allouée, par infirmation de la décision entreprise.

Sur le rappel d'indemnité de salissure et les congés payés afférents

M. [N] soutient qu'il doit se voir allouer l'indemnité mensuelle de salissure prévue par la convention collective, qui lui a été versée d'avril à juin 2015 puis lui a été retirée en juillet 2015, l'employeur ayant prétendu l'avoir versée à tort. Il soutient que devant fixer une bâche pour transporter les déchets, il est en contact avec ces derniers et qu'il assurait à sa propre charge le nettoyage de ses vêtements.

La société répond que M. [N] ne peut se voir verser cette indemnité dès lors qu'étant chauffeur, il n'est pas en contact avec les déchets et que le nettoyage de ses vêtements est pris en charge par la société.

L'article 3-8 de la convention collective applicable prévoit que 'une indemnité mensuelle de salissure de 36,21 € est allouée aux personnels des niveaux I à IV qui effectuent un travail à caractère salissant en raison du contact direct avec les déchets. Elle indemnise les salariés de leurs frais supplémentaires d'entretien.'

M. [N] étant chauffeur poids-lourd, il n'effectuait pas un travail à caractère salissant en raison du contact direct avec les déchets, le seul fait qu'il doive le cas échéant poser une bâche sur les déchets qu'il transportait ne le rendant pas éligible au versement de cette prime.

La prime de salissure versée à tort par l'employeur d'avril à juin 2015 a d'ailleurs été déduite du salaire de M. [N] du mois de juillet 2015 (pièce 11 du salarié) et ne lui a plus été versée par la suite. La société assure en outre le nettoyage des vêtements de travail ainsi qu'en attestent les factures qu'elle verse au débat.

Sa demande sera rejetée, par confirmation de la décision entreprise.

Sur le rappel d'indemnité de transport et des congés payés afférents

M. [N] réclame paiement de la prime de transport prévue par l'article 3-11 de la convention collective.

La société répond que le salarié ne démontre pas qu'il remplit les conditions pour bénéficier de cette prime et que le conseil de prud'hommes a oublié la deuxième condition tenant au seuil de population.

L'article 3-11 de la convention collective applicable prévoit que :

'L'ensemble des salariés bénéficie, le cas échéant, d'une indemnité de transport, telle que définie ci-dessous :

' soit une indemnité mensuelle, telle que prévue par l'article 5 de la loi du 4 août 1982, pour le personnel utilisant les transports en commun dans les limites géographiques définies par cette loi ;

' soit une indemnité mensuelle de transport de 5 €, pour le personnel qui n'utilise pas les transports en commun, dans les limites géographiques définies par l'arrêté du 28 septembre 1948 modifié ;

' soit une indemnité mensuelle de transport de 5 €, lorsque le domicile du salarié est distant de plus de 3 km du lieu de prise de service et que ce service dessert un ensemble de communes dont la population globale dépasse 50 000 habitants.'

La prime était auparavant fixée à 3,51 euros.

Il est établi que M. [N] n'utilisait pas les transports en commun puisque l'employeur fait lui-même valoir qu'il venait au travail en camionnette.

Le contrat de travail précise que M. [N] habitait à [Adresse 8] dans l'Eure et Loir. Son domicile était distant de 12 kilomètres de son lieu de prise de service situé à [Localité 4] (Eure et Loir). Ainsi que retenu par le conseil de prud'hommes, la commune de rattachement de la société CDS Services fait partie de l'agglomération de [Localité 5], dont la population globale dépasse 50 000 habitants. Le fait que la société ne procède pas à la collecte des ordures ménagères, comme elle le soutient, est indifférent.

M. [N] remplissant les conditions d'attribution de l'indemnité de transport, il convient de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle lui a alloué une somme de 285 euros à ce titre, outre 28,50 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le rappel de prime de panier

M. [N] réclame paiement de primes de panier dues en application de l'article 3-9 de la convention collective qui ne lui ont pas été versées en leur intégralité.

La société répond que M. [N] a été rempli de ses droits et qu'il ne démontre pas qu'il ne peut pas prendre ses repas aux horaires habituels et qu'il les prend dans des conditions précaires.

L'article 3-9 de la convention collective applicable prévoit que 'Une indemnité journalière, dite de casse-croûte, est allouée aux personnels des niveaux I à IV effectuant au moins 5 heures de travail quotidien en une seule séance.

Le montant de cette indemnité équivaut à 31 % de la valeur mensuelle du point.'

M. [N] produit des tableaux comparatifs des jours travaillés et des primes panier reçues et réclame les paniers manquants au nombre de 124 pour l'année 2016, 140 pour l'année 2017, 21 pour l'année 2018 et 35 pour l'année 2019, représentant un total de 320 primes pour lesquelles il réclame paiement de la somme de 1 486,01 euros, soit 4,6438 euros brut par prime panier selon la somme qui était versée en 2018.

Une comparaison avec les bulletins de paye, qui ne sont pas tous produits par les parties, montre qu'il ne prend pas en compte tous les jours de maladie, d'absence et de congés durant lesquels il n'a pas travaillé.

Au regard des pièces produites, le nombre de jours de paniers repas impayés dont il est justifié sera fixé à 202, représentant la somme de 938,05 euros brut.

La décision de première instance sera infirmée en ce qu'elle a alloué la somme de 1 486,01 euros à ce titre et, statuant à nouveau, la cour allouera la somme susvisée.

Sur le rappel au titre du salaire d'octobre 2019

M. [N] fait valoir qu'une retenue de deux jours a été faite sur sa paye d'octobre 2019 en attente de la décision de la CPAM concernant l'accident du travail ; que ce dernier ayant été reconnu, les deux jours lui sont dus, soit la somme de 185,40 euros outre les congés payés afférents.

L'employeur répond que M. [N] a été rempli de ses droits au titre du mois d'octobre 2019.

Une retenue de 185,40 euros a été opérée sur le bulletin de salaire du mois d'octobre 2019 de M. [N] au titre d'une 'absence accident travail du 10 au 11 en attente'.

La CPAM a reconnu l'accident du travail survenu le 10 octobre 2019 ayant donné lieu à l'arrêt de travail en cause.

La société Chimirec CDS ne justifie pas qu'elle a réglé la retenue de 185,40 euros à M. [N], le virement de la somme de 718,20 euros opéré au titre du salaire du mois d'octobre 2019 (pièce 19 de la société) concernant des indemnités journalières qui excluent les 10 et 11 octobre 2019 considérés comme des jours de carence.

Il convient en conséquence de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné la société à payer à M. [N] les sommes de 185,40 euros à titre de rappel de salaire d'octobre 2019 et 18,54 euros au titre des congés payés afférents.

Sur le remboursement des indemnités journalières de novembre 2019

M. [N] soutient que la société ne lui a pas reversé la somme de 718,20 euros qu'elle a perçue de la CPAM pour son compte au titre des indemnités journalières du mois de novembre 2019 et fait valoir qu'il n'a reçu ni le virement opéré par l'employeur ni le chèque envoyé par ce dernier.

La société réplique que la somme en cause a fait l'objet d'un virement le 5 novembre 2019 et d'un chèque.

La CPAM a versé le 4 novembre 2019 à la société CDS Services une somme de 718,20 euros correspondant aux indemnités journalières concernant l'arrêt de maladie de M. [N] pour la période du 13 au 31 octobre 2019 (pièce 14 du salarié).

La société produit en pièce 19 un ordre de virement de la somme de 718,20 euros émis le 5 novembre 2019 au profit du compte Crédit Mutuel de M. [N]. Elle ne produit pas le justificatif de l'encaissement de la somme par M. [N] et ce dernier verse au débat la liste des mouvements de son compte du 4 novembre 2019 au 3 décembre 2019, sur laquelle aucun encaissement de la somme n'apparaît.

La société produit en pièce 25 la copie d'un chèque de 718,20 euros émis le 5 novembre 2019 à l'ordre de M. [N] et justifie par la production de son relevé bancaire que ce chèque a été débité en date du 12 novembre 2019.

M. [N] ayant été rempli de ses droits, il sera débouté de sa demande, par confirmation de la décision entreprise.

Sur la nullité du licenciement

M. [N] fait valoir que le licenciement, intervenu pendant une période de suspension du contrat de travail pour maladie de sorte qu'il ne peut être fondé que sur une cause grave, est nul car d'une part la fouille de son véhicule était illicite et d'autre part qu'il n'a commis aucune faute grave.

La société Chimirec CDS soutient que le licenciement n'est pas nul.

L'article L. 1226-7 du code du travail prévoit notamment que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle, est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

L'article L. 1226-9 du code du travail dispose que 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou la maladie.'

Est nul le licenciement survenu au cours d'une suspension du contrat de travail suite à un accident du travail pour un motif autre que ceux prévus à l'article L. 1226-9.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En l'espèce, M. [N] a subi un accident de travail le 10 octobre 2019 et a été placé en arrêt de travail à compter de cette date, avec prolongation jusqu'au 31 août 2020.

Le licenciement est intervenu le 25 octobre 2019, pendant la suspension du contrat de travail pour accident du travail, de sorte que les dispositions de l'article L. 1226-9 susvisé s'appliquent.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement.

En l'espèce, la lettre de licenciement invoque une faute grave consistant dans le vol de trois boîtes de présentoir d'une grande marque de cosmétiques, destinées à la destruction et retrouvées dans le véhicule de M. [N].

Sur le caractère illicite de la fouille du véhicule

M. [N] soutient, au visa de l'article L. 1121-1 du code du travail, que la fouille de son véhicule est illicite car il n'a pas été avisé qu'il pouvait s'opposer à l'ouverture de son véhicule ou exiger la présence d'un témoin.

La société réplique qu'il n'y a eu aucune fouille car le salarié a accepté volontairement d'ouvrir lui-même son véhicule.

L'article L. 1121-1 du code du travail dispose que 'nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.'

Le licenciement est nul en cas d'atteinte à une liberté fondamentale.

En l'espèce, la société Chimirec CDS expose qu'elle a pour objet la collecte de déchets chez les clients puis leur destruction totale conformément aux contrats qui les lient ; que le 7 octobre 2019 M. [S], responsable du site s'est aperçu en inspectant les bennes avec Mme [B], responsable qualité, sécurité, environnement, qu'il existait des objets noirs placés sous une benne, consistant en trois produits publicitaires destinés à la destruction ; qu'après conseil auprès de la gendarmerie, il a été décidé de laisser les produits sous la benne, en vérifiant régulièrement leur présence ; que le 9 octobre 2019 au matin, avant l'arrivée de l'équipe d'exploitation, les produits avaient disparu, déduction étant faite que leur vol avait été réalisé par un des chauffeurs de l'entreprise commençant plus tôt leur journée de travail ; que lors du retour des tournées, il a été demandé aux chauffeurs d'ouvrir leurs véhicules et les produits volés ont été retrouvés dans le véhicule de M. [N], qui a avoué les avoir pris.

Elle produit l'attestation de Mme [B] qui relate les faits (pièce 5) et l'attestation de Mme [T] [Y], assistante planning (pièce 6), qui indique qu'avec une collègue, elle a assisté, à la demande de M. [V] [K], directeur, à l'ouverture des véhicules des trois chauffeurs revenus de tournée ; qu'il n'y avait rien dans les deux premiers véhicules mais que 'en revanche, les 3 étuis publicitaires étaient à la place passager de la voiture personnelle de [F] [N]. [F] [N] confirme avoir pris ces articles dans une benne déchets d'un client, destinés à la destruction. Il répond à [V] [K] 'vous n'avez qu'à me virer'.'

M. [K] atteste notamment 'j'ai donc demandé (en présence de Mme [Y] et Mme [B]) à chaque chauffeur d'ouvrir leur voiture de façon volontaire uniquement (après leur avoir expliqué la situation). Nous avons donc constaté que les boîtes étaient dans la voiture de M. [F] [N].' (pièce 7 de la société).

Mme [B] a précisé dans une seconde attestation (pièce 23 de la société) que 'Au retour de tournée de l'ensemble des chauffeurs, une réunion est réalisée afin de les informer de la situation, de la tentative de vol présumée. Le directeur demande au chauffeur qui serait fautif de ramener les produits présumés volés. Aucun des chauffeurs ne se dénonce. Il est alors proposé l'ouverture des véhicules personnels des chauffeurs pour vérifier la présence et donc le vol des produits publicitaires.' (pièce 23 de la société).

Il en ressort qu'il n'y a pas eu de fouille du véhicule de M. [K] mais que ce dernier a accepté d'ouvrir volontairement son véhicule à la demande de son employeur, en présence de témoins.

La cour relève en outre que dans ses propres écritures (pages 7 et 8) M. [N] fait valoir que les objets dérobés n'étaient pas dissimulés dans le coffre de son véhicule mais placés à la vue de tous, sur le siège passager et que 'ainsi que l'indique l'employeur dans ses écritures, M. [N] a spontanément accepté d'ouvrir son véhicule, lequel n'était pas fermé à clef et les présentoirs étant en tout état de cause visibles très clairement depuis l'extérieur'.

Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur la faute grave

M. [N] fait valoir qu'il n'a pris que des présentoirs publicitaires sur pied en toile avec un dérouleur, sans intérêt pour le marché parallèle, sans secret industriel, valeur commerciale ou confidentialité et qu'il n'a jamais eu l'intention de dissimuler une quelconque soustraction frauduleuse de ces objets. Il souligne qu'on lui a seulement demandé de porter les présentoirs à l'usine en vue de leur destruction et qu'aucune mise à pied ne lui a été notifiée ; qu'il a repris son travail dès le lendemain et que la lettre de convocation à un entretien préalable ne lui a été présentée que le 14 octobre 2019.

La société Chimirec CDS réplique qu'elle doit assurer la traçabilité du déchet confié par le client pour sa destruction sans ambiguïté, afin d'être certain qu'il n'existe aucun marché parallèle de ces produits ; qu'il existe une procédure assurant la garantie au client de la destruction des déchets, par un bordereau et des constats d'huissier. Elle fait valoir que les présentoirs volés par M. [N] pouvaient parfaitement être des prototypes pour une nouvelle campagne, assortis d'une extrême confidentialité ; que L'Oréal ne dépenserait pas pour la destruction de produits si elle pouvait elle-même procéder à leur mise en benne ; que les agissements de M. [N] engendrent un problème d'image pour l'entreprise, quel que soit le montant des produits volés ; que la société ne peut tolérer un tel vol. Elle souligne que M. [N] a dissimulé les produits sous une benne et n'a pas demandé l'autorisation de les prendre ou signalé qu'il les prenait. Elle fait valoir qu'elle n'a pas tardé à engager la procédure de licenciement.

Aux termes de l'article 331-1 du code pénal, le vol constitue la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui.

La société Chimirec CDS a pour mission la destruction de déchets confiés par les clients et doit assurer la traçabilité des opérations qu'elle accomplit. Elle produit en ce sens un constat d'huissier de justice opéré le 30 juillet 2020 pour la destruction de cosmétiques et un bordereau de suivi de déchets (pièces 12 et 13).

Le détournement par un salarié, à des fins personnelles, d'objets remis par un client à son employeur en vue de leur destruction, constitue un vol, quelle que soit la valeur de l'objet, dont le salarié ne peut en tout état de cause se faire juge.

En l'espèce, les présentoirs publicitaires retrouvés dans le véhicule de M. [N], qui reconnaît les avoir pris sans autorisation, ont été enlevés d'une benne à déchets et dissimulés sous une benne en vue de leur enlèvement ultérieur.

M. [N] ne pouvait ignorer qu'il s'agissait d'objets confiés à l'entreprise pour destruction par un client et il a réalisé des actes préparatoires à leur soustraction. Il a ainsi commis un vol, l'usage qu'il comptait faire de ces objets étant indifférent.

Un tel fait porte atteinte à la mission confiée par le client à la société et à l'image de cette dernière. Il constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie son départ immédiat, aucun texte n'exigeant qu'une mise à pied immédiate soit infligée au salarié.

Les faits ont été découverts le 9 octobre 2019 et la société CDS Services a réagi immédiatement, en postant la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement le 11 octobre 2019.

Le licenciement pour faute grave étant justifié, il y a lieu de débouter M. [N] de sa demande tendant à voir déclarer nul le licenciement et de ses demandes en paiement d'une indemnité de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et d'une indemnité pour licenciement nul, par confirmation de la décision entreprise.

Sur les intérêts moratoires

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M. [N] demande que la remise des bulletins de salaire afférents au rappel de salaire et au préavis ainsi que les documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés ait lieu sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, le conseil de prud'hommes ayant fixé l'astreinte à 30 euros.

La société Chimirec CDS sollicite le débouté de toutes les demandes de M. [N].

La cour ordonnera la remise par l'employeur des documents afférents à la rupture du contrat de travail rectifiés conformément aux dispositions de l'arrêt, sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte, aucun élément ne laissant à penser que la société Chimirec CDS ne va pas se conformer à la décision.

La décision de première instance sera infirmée en ce que le conseil de prud'hommes a assorti la remise de ces documents d'une astreinte et qu'il s'est réservé le droit de liquider l'astreinte.

Sur les demandes accessoires

La décision de première instance sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société Chimirec CDS étant condamnée au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité, elle supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer une somme de 500 euros à M. [N] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande formée du même chef étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Révoque l'ordonnance de clôture rendue le 8 février 2023,

Admet au débat les conclusions et pièces notifiées par voie électronique par M. [F] [N] les 10, 21 et 30 mars 2023,

Admet au débat les conclusions et pièces notifiées par voie électronique par la société Chimirec CDS les 27 et 30 mars 2023,

Ordonne la clôture à la date des plaidoiries le 31 mars 2023,

Confirme le jugement rendu le 17 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Chartres sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [F] [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- condamné la société CDS Services à payer à M. [F] [N] une somme de 1 486,01 euros au titre du rappel de la prime de panier,

- assorti d'une astreinte la remise par la société CDS Services à M. [F] [N] des bulletins de salaire afférents au rappel de salaire et d'une attestation Pôle emploi rectifiée et dit que le bureau se réserve le droit de liquider l'astreinte,

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Chimirec CDS venant aux droits de la société CDS Services à payer à M. [F] [N] les sommes de :

- 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 938,05 euros au titre du rappel de la prime de panier,

Dit que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires à compter de la présente décision,

Dit n'y avoir lieu d'assortir d'une astreinte l'obligation de remise par la société Chimirec CDS venant aux droits de la société CDS Services à M. [F] [N] de ses bulletins de salaire afférents au rappel de salaire et d'une attestation Pôle emploi rectifiée,

Condamne la société Chimirec CDS aux dépens d'appel,

Condamne la société Chimirec CDS à payer à M. [F] [N] une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société Chimirec CDS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, présidente, et par Mme Domitille Gosselin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00809
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.00809 ?
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