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08/06/2023 | FRANCE | N°21/00492

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 08 juin 2023, 21/00492


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/00492 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKIG



AFFAIRE :



[O] [E]



C/



S.A. BUFFALO GRILL



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : E

N° RG : F20/00181








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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Emilie GATTONE



Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/00492 -

N° Portalis DBV3-V-B7F-UKIG

AFFAIRE :

[O] [E]

C/

S.A. BUFFALO GRILL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : E

N° RG : F20/00181

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emilie GATTONE

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, devant initialement être rendu le 25 mai 2023 et prorogé au 08 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [O] [E]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentant : Me Emilie GATTONE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 693 et Me Sandra RENDA, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018

APPELANT

****************

S.A. BUFFALO GRILL

N° SIRET : 318 906 443

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 629

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHABAL, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Domitille GOSSELIN,

Vu le jugement rendu le 12 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Chartres,

Vu la déclaration d'appel de M. [O] [E] du 17 février 2021,

Vu les conclusions de M. [O] [E] du 9 mars 2021,

Vu les conclusions de la société Buffalo Grill du 19 mai 2021,

Vu l'ordonnance de clôture du 15 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE

La société Buffalo Grill, dont le siège social est [Adresse 2] à [Localité 6], est spécialisée dans la restauration. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997.

M. [O] [E], né le 6 juillet 1971, a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée du 2 décembre 2009, par la société Buffalo Grill, en qualité d'assistant responsable, niveau 4, échelon I.

En dernier lieu, M. [E] était directeur de restaurant niveau 5 échelon II.

Le 1er janvier 2015, les parties ont signé un avenant modifiant les clauses relatives au temps de travail et à la rémunération.

A compter du 16 septembre 2016, M. [E] a été en arrêt de travail.

Le 7 juin 2018, le médecin du travail a déclaré M. [E] inapte à son poste de directeur après une étude de poste effectuée le 14 mai 2018.

Par courrier du 23 juillet 2018, M. [E] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 juillet 2018.

Par lettre en date du 3 août 2018, la société Buffalo Grill a notifié à M. [E] son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle dans les termes suivants :

'Par courrier recommandé en date du 23 juillet 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement, entretien s'étant déroulé le 31 juillet 2018, auquel vous vous êtes présenté seul.

Nous vous informons par la présente que nous sommes contraints de prononcer à votre encontre un licenciement pour le motif suivant : impossibilité de reclassement dans le cadre d'une inaptitude physique non consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle.

En effet, en date du 7 juin 2018, le Médecin du travail vous a déclaré inapte à votre emploi de directeur de restaurant, conformément à l'article R.4624-42 du code du travail. Le médecin du travail apporte les précisions suivantes : 'Inapte au poste actuel et à tous postes dans l'entreprise. Une deuxième visite médicale n'est pas nécessaire. Il pourrait suivre une formation à visée d'un métier dans une autre entreprise'.

Nous avons donc procédé à la recherche d'emplois disponibles et conformes aux préconisations médicales.

Par courrier en date du 13 juillet 2018, nous vous avons proposé tous les postes disponibles dans la Bourse à l'emploi étant entendu que les postes situés en franchise étaient exclus de ladite proposition, ainsi que les postes de directeur de restaurant puisque le médecin du travail vous a déclaré inapte à ce poste. Les postes vous ont été proposés en contrat à durée indéterminée à temps complet (35 heures hebdomadaires) ou, au choix à temps partiel avec proposition d'un planning (25 heures hebdomadaires).

Parallèlement le médecin du travail a été informé de ces propositions à la même date.

Vous avez refusé ladite proposition, par courrier en date du 16 juillet 2018.

Par courrier recommandé en date du 20 juillet 2018, nous vous avons fait part du fait que, n'ayant plus d'emploi disponible et compatible avec les restrictions médicales émises, nous étions donc dans l'impossibilité de vous reclasser.

Nous vous avons ensuite convoqué à un entretien préalable, s'étant tenu le 31 juillet 2018.

A ce jour, aucun autre emploi de reclassement compatible avec les conclusions du médecin du travail n'est à pourvoir au sein du groupe Buffalo Grill.

En conséquence, nous prononçons à votre encontre un licenciement pour impossibilité de reclassement dans le cadre d'une inaptitude d'origine non professionnelle.

Votre licenciement prendra effet à la date d'envoi de ce courrier.

Votre salaire a été maintenu à compter du 7 juillet 2018, jusqu'à la notification de votre licenciement soit le 3 août 2018.

Du fait de votre inaptitude, vous vous trouvez dans l'incapacité d'exécuter votre préavis. Aussi, celui-ci vous ne vous sera pas rémunéré.

Vous percevrez l'indemnité légale de licenciement sous réserve de répondre aux conditions légales.'

Par requête reçue le 17 août 2018, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres pour voir dire et juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et condamner la société Buffalo Grill à lui payer diverses sommes à caractère indemnitaire.

La société Buffalo Grill avait, quant à elle, demandé le débouté des demandes de M. [E] et sa condamnation au paiement de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 12 février 2021, la section encadrement du conseil de prud'hommes de Chartres a :
- reçu M. [O] [E] en ses demandes,

- reçu la société Buffalo Grill en sa demande 'reconventionnelle',

Au fond :

- confirmé le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement de M. [O] [E] par la société Buffalo Grill,

En conséquence,

- débouté M. [O] [E] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné M. [O] [E] à verser à la société Buffalo Grill la somme de 250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [O] [E] aux entiers dépens.

Par déclaration du 17 février 2021, M. [O] [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions en date du 9 mars 2021, M. [O] [E] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 12 février 2021,

- juger que le licenciement de M. [E] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
En conséquence,

- condamner la société Buffalo Grill à payer à M. [E] la somme de 80 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Buffalo Grill à payer à M. [E] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité et non-respect du forfait heures,

- condamner la société Buffalo Grill à payer à M. [E] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- juger que l'intégralité des sommes sus-énoncées sera assortie des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, soit le 17 août 2018,

- condamner la société Buffalo Grill à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels comprendront les frais et honoraires d'exécution de la présente décision.

Aux termes de ses conclusions en date du 19 mai 2021, la société Buffalo Grill demande à la cour de :

- recevoir la société Buffalo Grill en ses écritures, fins et conclusions,

Et y faisant droit,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

- débouter M. [O] [E] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- condamner M. [O] [E] à verser à la société Buffalo Grill la somme globale de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] [E] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- sur le licenciement pour inaptitude

L'appelant soutient que l'employeur ne démontre pas avoir procédé à une recherche de reclassement effective, sérieuse et loyale au sein du groupe dont il fait partie, que les délégués du personnel n'ont pas été consultés.

L'intimée fait valoir qu'elle a consulté les délégués du personnel, qu'elle a pris en compte l'avis et les indications du médecin du travail lequel avait fait une étude de poste, qu'elle a effectué une recherche de reclassement au sein du groupe, lequel est composé uniquement de la société Buffalo Grill et de BG appro et proposé tous les postes disponibles tant à temps complet qu'à temps partiel.

Il sera observé préalablement que l'inaptitude de M. [E] d'origine non professionnelle n'a jamais été remise en cause par les parties.

Aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail 'lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'

L'article L. 1226-2-1 dudit code dispose que 'lorsqu'il est impossible à l'employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent à son reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.[...]'

En l'espèce, l'étude de poste et des conditions de travail effectuée par le médecin du travail le 14 mai 2018 indique : 'l'entreprise possède également un centre de distribution de viande BG Appro dont le siège se situe également à [Localité 6]. Au total : M. [E] est inapte à son poste actuel de directeur de restaurant. Son poste ne peut pas être aménagé ni adapté. Il est également inapte à tous les postes de l'entreprise. Il pourrait suivre une formation à visée d'un métier dans une autre entreprise' (pièce n°3 intimée).

Lors de la visite médicale de reprise du 7 juin 2018, le médecin du travail a conclu : 'inapte au poste actuel et à tous postes dans l'entreprise. Une deuxième visite médicale n'est pas nécessaire. Il pourrait suivre une formation à visée d'un métier dans une autre entreprise' (pièce n°21 appelant).

Conformément aux textes susvisés et à l'avis du médecin du travail, la société Buffalo Grill n'avait pas à rechercher un autre poste au sein de l'entreprise, le salarié étant déclaré inapte à tous postes dans l'entreprise même adaptés ou aménagés, de sorte que l'absence de communication du livre d'entrées et de sorties de celle-ci est sans conséquence.

Elle devait en revanche rechercher, au sein du groupe auquel elle appartient le cas échéant, un poste conforme aux prescriptions médicales et consulter les délégués du personnel, le médecin du travail n'ayant pas coché la rubrique 'cas de dispense de l'obligation de reclassement'.

En outre, l'avis médical concernant 'une formation à visée d'un métier dans une autre entreprise', ne concerne pas l'employeur et ne peut s'entendre comme une obligation de cette 'autre entreprise' d'assurer une formation de base différente de celle du salarié pour occuper un nouveau poste relevant d'un autre métier.

Il résulte de la fiche de voeux de M. [E] du 9 juin 2018, que titulaire d'un baccalauréat, évoluant dans le domaine de la restauration, il n'envisageait, même avec possibilité d'aménagement, aucun des postes dans ce domaine d'activité (agent de restauration, chef grillardin, grillardin, directeur ou directeur adjoint, responsable de salle, serveur) et ne mentionnait aucun poste à la rubrique 'autres (à préciser)'. En outre, il n'acceptait qu'une mobilité départementale, qu'un temps complet avec refus de travail le week-end, le soir et sans coupures.

Enfin, à la rubrique 'observations (éventuelles)' il indiquait 'je suis inapte au poste de directeur et également inapte à tous les postes de l'entreprise.'

S'agissant du groupe dans lequel la recherche de reclassement devait s'effectuer, ce qui suppose que les conditions visées aux articles L. 233-1, L. 233-3 I et II et L. 233-16 du code de commerce soient réunies, les éléments produits par les parties établissent qu'à tout le moins le groupe était constitué de la société Buffalo Grill et de la société BG Appro gérant l'approvisionnement en viande des restaurants, laquelle, interrogée le 8 juin 2018, a indiqué trois jours plus tard 'nous n'avons pas de poste à pourvoir sur BG Appro' le 11 juin 2018.

Le salarié affirme aux termes de ses écritures que la société 'dispose d'activités aussi à l'étranger, que le groupe compte 362 établissements dont 102 en franchise'.

Or, à supposer que ces établissements appartiennent à un groupe, ils sont également des entreprises de restauration au même titre que l'employeur, en conséquence avec le même type de postes pour lesquels le salarié a été déclaré inapte.

Le refus du salarié de tout poste dans la restauration, en dehors du département, à temps complet sans travail le soir, le week-end et sans coupures réduit d'autant le champ des possibilités au sein d'autres entreprises de restauration.

En outre, et malgré ces restrictions et dans ce contexte particulier, l'employeur en transmettant au salarié l'ensemble des postes à pourvoir en mobilité sur toutes les régions de France, par régions et par fonctions, avec la mention de temps plein ou partiel, a rempli son obligation de reclassement (pièce n°5), étant observé que des postes hors restauration sont également mentionnés tels gestionnaire de paie, chef de projets, acheteur travaux, coordinateur opérationnel. Le salarié verse également une partie des offres d'emploi (pièce n°29) faisant état de près de 500 postes sur toute la France.

Au regard de ces éléments, l'employeur justifie avoir rempli loyalement son obligation de reclassement.

Il est également établi qu'il a informé les délégués du personnel des encadrants le 27 juin 2018, a convoqué ces derniers à une réunion exceptionnelle le 29 juin 2018, et en raison de l'indisponibilité de certains d'entre eux, a procédé à une consultation par mail (pièces n°2 intimée), aucun formalisme n'étant exigé pour leur consultation.

Cette consultation reprend tous les éléments du dossier, l'avis médical sur l'inaptitude à tous postes dans l'entreprise, la réponse négative de BG Appro, les postes disponibles sur la bourse à l'emploi joints au mail, précisant en outre qu'en cas de temps partiel (25 heures par semaine), un planning est proposé.

Le fait que ne soient pas produites les réponses éventuelles des délégués est insuffisant pour prétendre à une irrégularité, puisque les délégués du personnel ont bien été consultés et qu'une information suffisante leur a été fournie.

En conséquence, il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement pour inaptitude est conforme aux dispositions de l'article L. 1226-2 précité.

Le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud'hommes a débouté M. [E] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2- sur la validité de la convention de forfait

L'appelant soutient que l'employeur n'a pas respecté la réglementation relative au temps de travail afin de garantir que la charge de travail et son amplitude sont raisonnables, que l'article 13.2 de l'avenant n°1 du 13 juillet 2004 à la convention collective applicable et les stipulations de l'accord d'entreprise du 26 janvier 2000 ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et qu'en conséquence les stipulations du contrat de travail relatives au forfait sont nulles.

L'intimé fait valoir que M. [E] opère une confusion entre le forfait jours qui ne lui est pas applicable et le forfait heures auquel il est soumis, que la convention individuelle de forfait annuel en heures suppose uniquement deux formalités lesquelles ont été respectées.

Il sera observé que l'accord d'entreprise du 26 janvier 2000 n'est pas produit à le supposer encore en vigueur à la date de l'embauche de M. [E] et que l'article 13 de l'avenant n°1 étendu du 13 juillet 2004 relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance, de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, stipulait que les dispositions plus favorables des accords d'entreprise antérieurs restaient applicables, mentionnait le forfait annuel jours applicables à certains cadres et non le forfait annuel heures. Cet avenant n°1 été remplacé par l'avenant n°22 du 16 décembre 2014 et par l'avenant 22 bis du 7 octobre 2016, relatif aux cadres autonomes, mais ne règle que le forfait annuel jours et non le forfait annuel heures.

L'avenant au contrat de travail du 1er janvier 2015 (pièce n°13 appelant ; n°7 intimée) signé par les parties, fait expressément référence à l'accord catégoriel du 30 septembre 2014 (pièce n°8 intimée).

Ledit accord met en place un forfait annuel en heures - et non un forfait en jours comme le relève l'employeur - uniquement pour les cadres directeurs de restaurant 'qui travaillent au sein d'une collectivité de travail sans pouvoir être soumis au même horaire que les autres salariés dont ils gèrent l'activité'. Il précise que 'venant modifier la durée du travail ainsi que la rémunération du personnel visé, des avenants aux contrats de travail seront donc soumis à l'accord individuel'.

Il prévoit à son article 3 'mise en place du mécanisme du forfait annuel en heures', la conclusion de conventions individuelles de 1932 heures maximum après déduction des 6 semaines de congés annuels, avec une durée de travail ne pouvant dépasser les durées maximales légales du travail. Il expose également qu'afin 'de contrôler le respect de ces dispositions légales, le salarié tiendra à jour le document de contrôle mis à sa disposition par la société pour assurer le suivi déclaratif de ses jours travaillés et ses jours de repos'.

Il est de même indiqué à l'accord que ce document 'permettra aussi à l'employeur d'assurer un suivi régulier de son nombre d'heures de travail effectif et de sa charge de travail, avec en cas de surcharge, l'adaptation du contour de la mission au volume du forfait'. Dans l'hypothèse d'une 'surcharge reposant sur des éléments objectifs, matériellement vérifiables et se prolongeant pendant plus de 12 semaines, le salarié peut après s'en être entretenu avec son supérieur hiérarchique demander un entretien avec la direction des ressources humaines'.

Enfin, l'accord prévoit 'un bilan individuel [...] effectué avec chaque salarié concerné tous les ans pour vérifier l'adéquation de sa charge de travail au respect de ses repos journaliers et hebdomadaires et au nombre de jours travaillés ainsi que l'organisation de son travail dans l'entreprise, l'articulation entre ses activités professionnelles et sa vie personnelle.'

En l'espèce, l'avenant au contrat de travail prévoit effectivement un forfait de 1932 heures correspondant à une année complète de travail effectif pour une rémunération brut annuelle minimum de 38 400 euros versée en 12 mensualités. Il est stipulé également une prime sur objectif et, s'agissant des heures supplémentaires effectuées dans le cadre du forfait annuel en heures, il est indiqué que la rémunération forfaitaire tient compte des majorations attachées aux heures supplémentaires comprises dans cet horaire forfaitaire conformément à l'article L. 3121-41 du code du travail. Les heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait seront rémunérées en plus du salaire forfaitaire au titre de ses heures supplémentaires avec majoration.

L'accord catégoriel relatif au statut, à la rémunération et à la forfaitisation annuelle en heures des directeurs de restaurant est intervenu sous l'empire de la loi 2000-37 du 19 janvier 2000 modifiée par la loi 2008-789 du 20 août 2008, et par conséquent antérieurement à la loi 2016-1088 du 8 août 2016.

Cependant, cette dernière a validé les accords conclus précédemment, les deux mentions obligatoires à l'accord collectif ajoutées par la loi de 2016 - la période de référence du forfait et les conditions de prise en compte, pour la rémunération des salariés, des absences ainsi que des arrivées et départs en cours de période - ne prévalant pas sur les conventions ou accords de branche ou accords d'entreprise ou d'établissement conclus avant la publication de la loi (soit avant le 9 août 2016) selon l'article 12 I de ladite loi.

En conséquence, les dispositions de l'article L. 3121-55 du code du travail issu de la loi de 2016 qui dispose que 'la forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit' sont respectées par la convention de forfait de M. [E] acceptée par celui-ci et établie sur la base de l'accord de 2014.

Il en est de même des dispositions de l'article L. 3121-63 qui indique que ' les forfaits annuels en heures ou en jours sur l'année sont mis en place par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.'

L'article L. 3121-56 du code du travail dispose que 'tout salarié peut conclure une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.

Peuvent conclure une convention individuelle de forfait en heures sur l'année, dans la limite du nombre d'heures fixé en application du 3° du I de l'article L. 3121-64 :

1° Les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2° Les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.'

L'accord catégoriel est conforme à cette disposition issue de la loi du 8 août 2016, puisqu'il s'applique à certains cadres -les directeurs de restaurant- disposant d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.

Aucun élément du dossier ne permet d'établir que les dispositions de l'accord catégoriel n'ont pas été respectées par l'employeur, notamment un dépassement des heures effectuées qu'aurait signalé le salarié ou une surcharge de travail dont il aurait alerté sa hiérarchie ou les ressources humaines.

Si les messages (pièces n°17 appelant) émanant de la directrice d'exploitation régionale ouest suggèrent des méthodes managériales vigoureuses, certains - la plupart - ne sont pas adressés à M. [E] directement, d'autres sont des notes d'information régionale destinées 'aux responsables de restaurants de la région ouest', M. [E] n'étant pas personnellement visé. Tous les messages produits datent de 2015 seulement.

En réponse aux questions posées pour la réunion des délégués du personnel encadrant du 27 avril 2015 (pièce n°16 appelant), il est indiqué par le DER [directeur d'exploitation régional], s'agissant d'équipes d'encadrement en sous-effectif engendrant des heures supplémentaires, que des recrutements sont en cours pour les 8/9 établissements en difficulté sur les équipes d'encadrement.

M. [E] a été reçu en entretien le 23 mars 2015 et le 1er mars 2016 (pièces n°7 et 8 appelant), pour la fixation de ses objectifs lesquels ont été acceptés par le salarié.

En outre, le 1er mars 2016, le salarié a eu également son entretien annuel d'appréciation pour l'année 2015/2016 (pièce n°6 appelant). Il y est mentionné par M. [E] qu'il a repris à compter du 1er janvier 2015 le restaurant de [Localité 4], que l'année 2015 a été éprouvante mais qu'il dispose d'une équipe stable. Il est fait état de résultats 2015 en difficulté mais en nette progression sur la fin d'année. L'évolution globale de l'année 2015 est qualifiée par le supérieur hiérarchique de 'bonne maîtrise'.

S'agissant de ce même entretien, à la question 'estimez-vous à ce jour que vous parvenez à un bon équilibre entre votre vie professionnelle et votre vie privée' ce qui renvoie aux conditions du forfait heures prévu par l'accord catégoriel, M. [E] répond 'non pour le moment mais l'équipe encadrante staffée va me permettre d'équilibrer mes deux vies'.

Il n'est pas établi que M. [E] ait demandé à ce que le contour de sa mission soit modifiée par rapport au volume du forfait, ni qu'il ait alerté suite à l'entretien annuel, dans les six mois suivants, sa hiérarchie ou les ressources humaines d'une surcharge de travail, le salarié ayant été en arrêt de travail à compter du 16 septembre 2016.

En conséquence, le conseil de prud'hommes a, à juste titre, considéré que les conditions de mise en oeuvre de la convention de forfait heures étaient régulières et a débouté M. [E] de sa demande d'indemnité au titre de la nullité et du non-respect de ce forfait.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

3- sur le préjudice moral

L'appelant soutient qu'il a été victime d'un épuisement professionnel qui a conduit à son inaptitude comme l'ont attesté la psychologue et le médecin psychiatre, qu'il a dû gérer seul l'établissement de [Localité 3] sans appui de la plate-forme et du groupe et a vu se dégrader son état de santé qui a mené à son inaptitude.

L'inaptitude a été prononcée par le médecin du travail pour maladie non professionnelle, l'avis d'inaptitude n'ayant pas fait l'objet d'un recours.

En conséquence, il convient de prendre en compte le seul avis du médecin du travail et non les déclarations du médecin psychiatre et de la psychologue faisant état d'un syndrome dépressif 'résultant d'un épuisement professionnel associé à des conditions managériales harcelantes' (pièce n°26 appelant) ou d'un 'syndrome anxio-dépressif déclenché suite à un traumatisme psychologique sur son lien de travail en juin 2016" (pièce n°27 appelant), les deux professionnels s'exprimant en fonction des dires du salarié et non en fonction de conditions de travail constatées par eux.

En outre, le salarié ne fournit aucune explication sur ce 'traumatisme psychologique sur son lieu de travail en juin 2016' et ne démontre pas, comme rappelé ci-dessus de conditions de travail ayant provoqué son inaptitude.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

4- sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

M. [E] sera condamné à payer à la société Buffalo Grill la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.

Il sera débouté de sa demande à ce titre et condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres le 12 février 2021,

Y ajoutant,

Condamne M. [O] [E] à payer à la société Buffalo Grill la somme de 300 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,

Déboute M. [O] [E] de sa demande à ce titre,

Condamne M. [O] [E] aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Catherine Bolteau-Serre, président, et par Mme Domitille Gosselin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00492
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.00492 ?
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