COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUIN 2023
N° RG 22/00734
N° Portalis DBV3-V-B7G-VBSI
AFFAIRE :
S.A.S. GLOBAL MULTITECHNIQUES
C/
[C] [V]
LE PROCUREUR GENERAL
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 13 Novembre 2019 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° Section :
N° RG : 18/00721
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES
Me Guillaume NORMAND
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S. GLOBAL MULTITECHNIQUES
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Valérie MEIMOUN HAYAT de la SELARL HMS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P303
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617
APPELANTE
****************
Monsieur [C] [V]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Guillaume NORMAND, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0156 - N° du dossier moussaou
INTIME
****************
LE PROCUREUR GENERAL
COUR D'APPEL DE VERSAILLES
[Adresse 3]
[Localité 4]
non comparant,
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Avril 2023, Madame Laure TOUTENU, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [V] a été embauché suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 5 août 2013, avec une reprise d'ancienneté au 16 avril 2013, en qualité de technicien de maintenance par la société Global Multitechniques.
Par lettre du 31 mars 2016, la société Global Multitechniques a convoqué M. [V] à un entretien préalable à un éventuel licenciement, avec mise à pied conservatoire.
Par lettre du 20 avril 2016, l'employeur a notifié à M. [V] son licenciement pour faute grave.
Contestant son licenciement, le 18 mai 2016 M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins d'obtenir la condamnation de la société Global Multitechniques à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et diverses sommes liées à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.
Par un jugement du 18 décembre 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, cette juridiction a :
- dit le licenciement fondé sur une faute grave,
- débouté M. [V] de ses demandes,
- débouté la société Global Multitechniques de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] aux dépens.
Le 23 janvier 2018, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 13 novembre 2019, la 19ème chambre sociale de la cour d'appel de Versailles a :
- infirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il statue sur la demande de dommages-intérêts pour circonstances vexatoires entourant le licenciement,
- statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
- dit que le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société Global Multitechniques à payer à M. [V] les sommes suivantes :
* 7 200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 720 euros au titre des congés payés afférents,
* 1 049,29 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et 104,92 euros au titre des congés payés afférents,
* 720 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 14 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société Global Multitechniques aux dépens de première instance et d'appel.
Par assignation du 4 mars 2022, la société Global Multitechniques a intenté un recours en révision devant la cour d'appel de Versailles et, par conclusions du 10 janvier 2023, a demandé à la cour de :
- déclarer recevable le recours dirigé contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles qui a été dénoncé au ministère public conformément à l'article 600 du code de procédure civile,
- rétracter ledit arrêt et statuant à nouveau,
- dire que le licenciement pour faute grave de M. [V] est justifié et confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Versailles,
- y ajoutant, condamner M. [V] à la restitution des sommes reçues du fait de la décision obtenue par fraude pour un montant de 26 189 euros,
- condamner M. [V] au paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi du fait de la décision obtenue par fraude,
- condamner M. [V] au paiement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant de la présente instance que de celle ayant conduit à la décision révisée, pouvant être recouvrés directement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 13 janvier 2023, M. [V] demande à la cour de débouter la société Global Multitechniques de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 10 000 euros pour procédure abusive, outre un montant de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le recours en révision a a été communiqué au ministère public le 18 mai 2022. Dans son avis du 28 septembre 2022, le ministère public a conclu à la recevabilité du recours en révision.
L'ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 mars 2023.
MOTIVATION
Sur la recevabilité du recours en révision
L'employeur indique que le licenciement du salarié a été estimé sans cause réelle et sérieuse par la cour au motif que le harcèlement sexuel reproché au salarié reposait sur les seules accusations de Mme [I], rétractées au sein d'une main courante et d'attestations, alors que les attestations produites par le salarié aux termes desquelles Mme [I] a rétracté ses accusations ont été déclarées fausses par jugement du tribunal correctionnel sur l'aveu de Mme [I] elle-même à la barre. Il précise avoir eu connaissance de la fausseté des attestations le 7 janvier 2022, que le rôle causal des fausses attestations a été majeur dans la décision de la cour d'appel confrontée à des affirmations successives contradictoires. Il note que le ministère public a émis un avis concluant à la recevabilité du recours en révision.
Le salarié fait valoir que Mme [I] a changé de version à trois reprises et que le juge pénal n'a pu retenir que sa dernière version, ce qui ne signifie pas que celle-ci est le reflet de la réalité. Il soutient que le tribunal correctionnel n'a pas consacré l'existence d'un harcèlement, ne jugeant pas le contentieux prud'hommal et la condamnation du chef de faux n'ayant pas pour conséquence la démonstration du harcèlement. Il relève que la circonstance exonératoire de responsabilité soulevée par Mme [I] n'a pas été retenue et qu'il a été entièrement relaxé. Il retient que les pièces déclarées fausses n'ont pas eu un caractère décisif dans la décision.
Aux termes de l'article 595 du code de procédure civile, le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement ;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.
La fausse pièce doit avoir été décisive.
En l'espèce, dans son jugement du 7 janvier 2022, le tribunal correctionnel de Paris a notamment déclaré Mme [I] coupable des faits d'établissement de deux attestations inexactes en date des 5 septembre 2016 et 7 septembre 2017.
Or, la cour d'appel a considéré que le licenciement de M. [V] n'était fondé ni sur une faute grave au vu des pièces produites par l'employeur, notamment un courriel de dénonciation du 25 mars 2016, une attestation de la supérieure hiérarchique de Mme [I], une déclaration de main courante du 30 mars 2016 de Mme [I], une lettre du gestionnaire du site, ni sur une cause réelle et sérieuse, au vu des pièces produites par chacune des parties, comprenant également une déclaration de main courante du 3 novembre 2016 de Mme [I] ainsi que trois attestations de cette dernière.
Ainsi, les deux attestations jugées inexactes n'ont pas été décisives, la décision étant basée sur un ensemble d'autres éléments, la cour ayant précisé que le harcèlement sexuel reproché à M. [V] reposait sur les seules accusations fragiles de Mme [I], non corroborées par des éléments objectifs et qui ont même été rétractées par cette dernière, cette analyse n'étant pas contredite par les deux attestations jugées inexactes.
Par conséquent, le recours en révision formé par la société Global Multitechniques doit être déclaré irrecevable.
Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive
Quoique irrecevable, le présent recours n'est pas abusif. M. [V] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts sur ce fondement.
Sur les autres demandes
La société Global Multitechnique succombant à la présente instance, elle sera condamnée aux dépens. Elle devra également régler une somme de 3 000 euros à M. [V] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare le recours en révision intenté par la société Global Multitechniques irrecevable,
Déboute M. [C] [V] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne la société Global Multitechniques aux dépens,
Condamne la société Global Multitechniques à payer à M. [C] [V] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,