La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/06/2023 | FRANCE | N°21/06796

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 01 juin 2023, 21/06796


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 JUIN 2023



N° RG 21/06796 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U2Z2







AFFAIRE :



[H] [T] [E] [I]



C/



S.A.S. JACQUET BROSSARD DISTRIBUTION









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 03

N° RG : 2019F00919




Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





Me Oriane DONTOT



Me Isabelle TOUSSAINT



TC PONTOISE











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 JUIN 2023

N° RG 21/06796 - N° Portalis DBV3-V-B7F-U2Z2

AFFAIRE :

[H] [T] [E] [I]

C/

S.A.S. JACQUET BROSSARD DISTRIBUTION

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Octobre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE

N° Chambre : 03

N° RG : 2019F00919

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Oriane DONTOT

Me Isabelle TOUSSAINT

TC PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [H] [T] [E] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 et Me Florian DESSAULT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. JACQUET BROSSARD DISTRIBUTION

RCS Paris n° 318 947 132

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Isabelle TOUSSAINT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249 et Me Sophie OETTGEN substituant à l'audience Me Philippe JEAN PIMOR de la SELARL JEAN-PIMOR, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0017

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Kala FOULON,

EXPOSE DU LITIGE

La société DLT Distribution, créée en 1995, avait pour activité avant sa dissolution en 2018, le négoce et la distribution de produits alimentaires. Dans ce cadre, elle a assuré la distribution des produits de la société Jacquet Brossard Distribution.

Au cours de l'année 2018, les relations contractuelles des parties ont été formalisées par une convention récapitulative détaillant les conditions de vente des produits de la société Jacquet Brossard Distribution et notamment les prix des produits, ainsi que les réductions et les ristournes accordées à la société DLT Distribution.

Par plusieurs courriels et mises en demeure adressés entre les mois de mai 2018 et janvier 2019, la société Jacquet Brossard Distribution a réclamé à la société DLT Distribution le règlement de 48 factures d'un montant total de 27.723,09 €.

Le 31 août 2018, la société DLT Distribution a fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable menée par son gérant, M. [H] [I]. A la suite de la clôture des opérations de liquidation, la société DLT Distribution a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 12 octobre 2018.

Considérant que le liquidateur a engagé sa responsabilité en clôturant les opérations de liquidation de la société DLT Distribution sans s'assurer de l'apurement des dettes de la personne morale, la société Jacquet Brossard Distribution, par acte d'huissier en date du 13 novembre 2019, a fait assigner M. [I] devant le tribunal de commerce de Pontoise.

Par jugement du 6 octobre 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a :

- Condamné M. [I], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société DLT Distribution, à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 27.723,09 €, avec intérêts de droit calculés au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage, à compter de la date d'échéance de chaque facture, et jusqu'au complet paiement ;

- Condamné M. [I], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société DLT Distribution, à payer la somme de 1.920 € à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en application de l'article L.441-10 du code de commerce ;

- Déclaré la société Jacquet Brossard Distribution mal fondée en sa demande en paiement de dommages et intérêts, l'en a déboutée ;

- Condamné M. [I] à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Déclaré M. [I] mal fondé en sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'en a débouté ;

- Condamné M. [I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 € TTC ;

- Ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 15 novembre 2021, M. [I] a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 15 février 2022, M. [I] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 6 octobre 2021 en ce qu'il a :

- Condamné M.[I], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société DLT Distribution, à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 27.723,09 €, avec intérêts de droit calculés au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de dix points de pourcentage, à compter de la date d'échéance de chaque facture, et jusqu'au complet paiement ;

- Condamné M.[I], pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société DLT Distribution, à payer la somme de 1.920 € à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en application de l'article L.441-10 du code de commerce ;

- Condamné M.[I] à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté M.[I] de sa demande en paiement sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M.[I] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 € TTC ; et

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Statuant de nouveau :

A titre principal :

- Débouter la société Jacquet Brossard Distribution de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- Limiter la condamnation de M. [I] à la chance réellement perdue par la société Jacquet Brossard Distribution d'avoir pu être payée de sa créance dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire ;

- Limiter en tout état de cause la condamnation de M. [I] à la somme maximale de  22.993,08 € ;

- Débouter la société Jacquet Brossard Distribution de sa demande tendant à voir condamner M. [I] au paiement des pénalités de retard convenues dans la convention récapitulative 2018 ;

- Débouter la société Jacquet Brossard Distribution de sa demande tendant à voir condamner M. [I] au paiement de l'indemnité de recouvrement convenue dans la convention récapitulative 2018 ;

- Débouter la société Jacquet Brossard Distribution de toutes ses autres demandes ;

En tout état de cause :

- Condamner la société Jacquet Brossard Distribution à verser entre les mains de M. [I] 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Jacquet Brossard Distribution aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 15 mars 2022, la société Jacquet Brossard Distribution demande à la cour de :

- Dire M.[I] irrecevable et en tous les cas mal fondé en son appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Pontoise du 6 octobre 2021,

En conséquence :

- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner M. [I] à payer à la société Jacquet Brossard Distribution les sommes de :

- 27.723,09 € en principal, avec intérêts de retard au taux de la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente, majorée de dix points à compter de la date d'échéance de chaque facture,

- 1 920 € (40 € x 48) à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en application de l'article L.441-6 du code de commerce,

- 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la première instance,

- Condamner le même à payer la somme de 7.000 € à la société Jacquet Brossard Distribution en application de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de l'instance d'appel,

- Condamner M. [I] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Toussaint, Avocat aux offres de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 février 2023.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

M. [I] explique que le chiffre d'affaires de la société DLT Distribution a baissé à partir de 2008 pour être divisé par 4 en l'espace de 10 ans et qu'il a connu de graves problèmes de santé en 2018, l'ayant contraint à être hospitalisé pendant plusieurs mois. Il fait valoir qu'il ne peut lui être reproché d'avoir clôturé les opérations de liquidation sans désintéressement préalable de la société Jacquet Brossard puisqu'en toute hypothèse, la société DLT Distribution ne disposait pas des moyens suffisants pour honorer le paiement de cette créance. Il ajoute qu'en cas de faute du liquidateur amiable, le préjudice subi par le créancier ne peut correspondre qu'à la perte de chance qu'il aurait eue d'être éventuellement désintéressé de sa créance dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Il précise qu'en l'occurrence, la situation financière de la société DLT Distribution ne lui permettait pas d'honorer le paiement de cette créance, dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de régler ses créances sociales et salariales. Il conteste l'affirmation des premiers juges suivant laquelle l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire aurait éventuellement pu permettre l'encaissement de comptes clients, dans la mesure où les impayés enregistrés en charges exceptionnelles par la société DLT Distribution dans ses comptes de clôture 2018 correspondent à des créances contractées auprès de petits commerçants au cours des exercices précédents, qu'elle avait perdu tout espoir de recouvrer.

Par ailleurs, M. [I] conteste le montant de la créance revendiquée par la société Jacquet Brossard, qui selon lui, ne tient pas compte de la ristourne de 5 %, ni de la réduction de 10 % au titre de la coopération commerciale prévue dans la convention récapitulative de 2018, qui ont toujours été appliquées à la société DLT Distribution. Il souligne que la ristourne prévue à l'article 3.3 des conditions générales de vente se distingue des ristournes précitées et qu'elles n'étaient nullement conditionnées au paiement des factures. Il soutient par conséquent que la créance se limite à la somme de 22.993,08 € TTC.

Enfin, l'appelant soutient que l'application par les premiers juges des pénalités contractuelles est infondée car d'une part, M. [I] n'est pas personnellement partie à la convention récapitulative de 2018 et d'autre part, les pénalités auraient cessé de courir en cas d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

La société Jacquet Brossard Distribution répond que la dissolution de la société DLT Distribution est intervenue au mépris de ses intérêts et en violation des dispositions de l'article L.237-12 du code de commerce, selon lesquelles la liquidation amiable implique et impose l'apurement intégral du passif social. L'intimée soutient que les premiers juges ont à juste titre considéré que M. [I] aurait dû procéder à une déclaration de cessation des paiements, dès lors que la situation financière de la société DLT Distribution était fortement dégradée et qu'une procédure de redressement judiciaire aurait pu permettre de trouver des financements, afin notamment de régler sa créance. Elle ajoute que les comptes de la société DLT Distribution étaient particulièrement opaques et qu'une procédure de liquidation judiciaire aurait pu permettre l'encaissement des comptes clients et le désintéressement des créanciers. Elle considère que son préjudice ne peut s'analyser en une perte de chance, au regard au regard de l'analyse pertinente des comptes de la société DLT Distribution à laquelle se sont livrés les premiers juges, de sorte que son préjudice doit être indemnisé dans son entièreté.

L'intimée conteste l'application des ristournes revendiquées par l'appelant, du fait du non-paiement par la société DLT Distribution des factures de fourniture de marchandises. Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a assorti la condamnation des intérêts conventionnels de retard et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. Elle soutient que le fondement de cette condamnation peut tout au moins être indemnitaire à défaut d'être contractuel.

*****

Sur la demande indemnitaire

Il résulte de l'extrait K Bis de la société DLT Distribution, actualisé au 27 août 2019, que cette personne morale a fait l'objet d'une dissolution le 31 août 2018, selon procès-verbal d'assemblée générale en date du même jour et qu'elle a fait l'objet le 12 octobre 2018 d'une radiation à la suite de la clôture des opérations de liquidation amiable le 31 août 2018.

M. [H] [I] apparait en qualité de liquidateur.

Conformément à l'article L.237-12 du code de commerce, le liquidateur est responsable à l'égard tant de la société que des tiers, des conséquences dommageables, des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions.

En application de ces dispositions, la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif et en l'absence d'actif social suffisant, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective à l'égard de la société.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que M. [I] a procédé à la liquidation amiable de la société DLT Distribution, alors que 48 factures de la société Jacquet Brossard Distribution demeuraient impayées pour un montant total de 27.723,09 €.

En effet, la société Jacquet Brossard Distribution produit en pièce n°6 un ensemble de bons de livraison, de factures et d'avoirs émis sur la période courant du 7 décembre 2017 au 27 juillet 2018 dont il ressort un solde impayé non contesté de 27.723,09 €.

La société Jacquet Brossard Distribution communique également des courriels et courriers recommandés des 16 mai, 20 juin, 17 octobre 2018 et 14 janvier 2019 par lesquels elle a vainement relancé et mis en demeure la société DLT Distribution.

Il résulte du compte de clôture de cette dernière arrêté au 31 août 2018 que le liquidateur amiable n'a constitué aucune provision pour s'acquitter de la somme due à la société Jacquet Brossard Distribution, cette dette ne figurant d'ailleurs pas dans le compte de passif " dettes fournisseurs et comptes rattachés ". En outre, il est constant que M. [I] n'a procédé à aucune déclaration d'état de cessation des paiements. M. [I] soutient avoir procédé à la liquidation amiable de la société sur les conseils de son expert-comptable. Toutefois, il n'en justifie pas. Par ailleurs, s'il démontre avoir rencontré des problèmes de santé l'ayant contraint à être hospitalisé à plusieurs reprises, cette circonstance n'est pas exonératoire de responsabilité.

En outre, comme l'ont pertinemment relevé les premiers juges, le compte de clôture arrêté au 31 août 2018 présente plusieurs anomalies inexpliquées. Ainsi, les comptes d'actifs " marchandises " et " clients et comptes rattachés " sont nuls alors qu'au 31 décembre 2017, ils s'élevaient respectivement à la somme de 11.079 € et à celle de 170.042 € sans que la raison de cette évolution ne soit précisée. Par ailleurs, tel que relevé supra, le compte de passif " dettes fournisseurs et comptes rattachés " est également à zéro, ne faisant pas apparaître la créance de la société Jacquet Brossard Distribution. Il est encore souligné que figurent au compte de résultat pour l'année 2018 des " charges exceptionnelles sur opérations de gestion " pour un montant de 143.224 €, grevant singulièrement la situation de la société DLT Distribution, sans élément justificatif de la part de M. [I].

Au regard de ces éléments, les premiers juges ont retenu à juste titre que le compte de clôture n'apparaît pas sincère, étant observé qu'il n'a étonnamment pas été établi par l'expert-comptable évoqué par l'appelant.

La faute de M. [I], en sa qualité de liquidateur amiable de la société DLT Distribution, est par conséquent caractérisée.

L'appelant conteste le quantum de la demande de la société jacquet Brossard Distribution soutenant que l'indemnisation, d'une part, doit être réduite des remises et des ristournes et d'autre part, ne peut porter que sur une perte de chance.

L'article 3.3.des conditions générales de vente de Jacquet Brossard pour l'année 2018, prévoyait l'application d'une remise de 10 % sur la facturation et le paiement par la société Jacquet Brossard Distribution d'une ristourne de 5 % au titre de la coopération commerciale. La convention récapitulative de 2018 ne comporte pas d'autres stipulations concernant les remises et ristournes.

La cour constate que l'application de la remise n'était soumise à aucune condition. En revanche, les stipulations susvisées précisaient que : " Le paiement des ristournes est subordonné en toute hypothèse au règlement intégral et à bonne date par le Client de l'ensemble des factures de vente de produits émises par la société et venues à échéance avant la date de règlement des ristournes".

Dès lors que le paiement des ristournes était conditionné au paiement des factures "à bonne date " par la société DLT Distribution, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence pour les 48 factures dont la société Jacquet Brossard Distribution réclame le règlement, il ne sera tenu compte que de la remise de 10 %. Dans la mesure où une des factures précitées a été émise en 2017 à concurrence de 400 €, alors qu'il n'est pas démontré que la remise de 10 % était applicable, le montant total des remises sera fixé à la somme de 2.732,31 €.

En outre, dans la mesure où le liquidateur a clôturé les opérations de liquidation sans tenir compte de la créance de la société Jacquet Brossard Distribution, cette dernière ne peut prétendre qu'au versement de dommages et intérêts représentant la perte de chance d'obtenir le paiement de sa créance.

En l'espèce, M. [I] soutient que la société Jacquet Brossard Distribution n'avait quasiment aucune chance de bénéficier du paiement de sa créance au regard de la situation financière très dégradée de la société DLT Distribution. Cependant, l'appelant ne communique que le compte de clôture arrêté au 31 août 2018 qui, pour les motifs précités, présente plusieurs anomalies, dont il résulte qu'il n'apparaît pas sincère. Il ne produit aucun autre bilan certifié par son comptable. Il affirme que la société DLT Distribution a dû enregistrer en 2018 une somme de 143.223,69 € de charges exceptionnelles au titre de créances impayées qu'elle n'avait plus d'espoir de recouvrer. Toutefois, la cour constate que M. [I] procède par voie d'affirmation, aucun élément de preuve ne permettant de corroborer ces dires, tant s'agissant de l'existence et du montant des factures alléguées, qu'en ce qui concerne l'absence de perspective de recouvrement. S'il se prévaut encore d'une attestation de M. [F] [I], ancien salarié de la société DLT Distribution ayant été licencié pour motif économique au mois d'août 2018, certifiant que l'employeur, en raison de difficultés financières, ne lui a réglé que 8.000 € sur les 16.953,82 € qui lui étaient dus au titre de son solde de tout compte, ce témoignage ne peut être retenu dès lors qu'il émane du frère de M. [H] [I].

En considération de l'ensemble de ces éléments, la perte de chance de la société Jacquet Brossard de bénéficier du paiement de sa créance doit être estimée à 70 %, de sorte que M. [I], par infirmation du jugement, sera condamné au paiement de la somme de 17.493,55 €.

Enfin, M. [I] s'oppose à l'application des stipulations contractuelles relatives aux intérêts et frais de recouvrement contractuels.

L'article 7 des conditions générales de vente relatif aux " Conditions de règlement " prévoit que : " Toute somme non payée à l'échéance figurant sur la facture, entrainera l'application des pénalités fixées au taux BCE, à son opération de refinancement la plus récente, majorée de 10 points de pourcentage, sans qu'une mise en demeure soit nécessaire.

Au surplus en cas de retard de règlement, le client sera redevable de plein droit à l'égard de la Société d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement s'élevant à 40 euros.

En outre, le défaut de paiement à l'échéance fixée entrainera l'exigibilité de toutes les sommes, restant dues, quel que soit le mode de règlement prévu et la suspension de toutes les commandes en cours. Aucun escompte ne sera accordé pour paiement anticipé ".

Comme le soutient M. [I], ces stipulations revêtent un caractère contractuel, alors que le gérant, liquidateur amiable, est tiers aux conditions générales de vente ayant régi les relations commerciales entre la société Jacquet Brossard Distribution et la société DLT Distribution. En outre, si l'intimée demande à la cour de lui octroyer ces intérêts et frais à titre indemnitaire, il doit être relevé qu'elle ne formule aucune demande chiffrée au titre des intérêts. En conséquence, par infirmation du jugement, la société Jacquet Brossard Distribution sera déboutée de sa demande au titre des intérêts.

Néanmoins, il est indéniable que l'intimée, par l'effet de la liquidation puis de la radiation de la société DLT Distribution, a perdu la chance de percevoir les frais de recouvrement prévus par l'article L.441-10 du code de commerce. Si ce texte écarte effectivement l'application de ces frais en cas de procédure collective, il doit être rappelé que M. [I] ne démontre pas que la société DLT Distribution était en cessation des paiements à la date de sa liquidation amiable. Pour les motifs précités, la perte de chance de la société Jacquet Brossard Distribution de percevoir les frais de recouvrement doit être fixée à 70 %, de sorte que M. [I], par infirmation du jugement, sera condamné au paiement de la somme de 1.344 € (70 % x 1.920 € (40 € x 28 €)).

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution du litige, le jugement entrepris sera confirmé des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, si M. [I] voit sa dette réduite, il n'en demeure pas moins qu'il succombe à l'instance de sorte qu'il sera condamné aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Toussaint. En revanche, pour ces motifs et au regard de la situation économique des parties, la société Jacquet Brossard Distribution sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne M. [H] [I] à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 17.493,55 € de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier du paiement de ses factures ;

Condamne M. [H] [I] à payer à la société Jacquet Brossard Distribution la somme de 1.344 € de dommages et intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier du paiement des frais de recouvrement ;

Déboute la société Jacquet Brossard Distribution de sa demande au titre des intérêts de retard;

Condamne M. [H] [I] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Toussaint;

Déboute la société Jacquet Brossard Distribution de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur Hugo BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 21/06796
Date de la décision : 01/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-01;21.06796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award