La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2023 | FRANCE | N°22/00207

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 31 mai 2023, 22/00207


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80O



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 31 MAI 2023



N° RG 22/00207



N° Portalis DBV3-V-B7G-U6SR



AFFAIRE :



Association AGS CGEA DE [Localité 4]





C/

[D] [Y] veuve [G]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre : <

br>
N° Section : C

N° RG : f 15/03483



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP HADENGUE & ASSOCIES



Me Sarah ANNE



SELARL POLDER AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 31 MAI 2023

N° RG 22/00207

N° Portalis DBV3-V-B7G-U6SR

AFFAIRE :

Association AGS CGEA DE [Localité 4]

C/

[D] [Y] veuve [G]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : f 15/03483

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP HADENGUE & ASSOCIES

Me Sarah ANNE

SELARL POLDER AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Association AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 2200026 substitué par Me Isabelle TOLEDANO avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Madame [D] [Y] veuve [G]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sarah ANNE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 33

Maître SELARLU [C] représentée par Me [I] [C] ès qualité de Mandataire liquidateur de la SAS MILLESIA

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Aurélien BARRIE de la SELARL POLDER AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 855

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle MONTAGNE, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle MONTAGNE, Président,,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dévi POUNIANDY,

EXPOSE DU LITIGE

[D] [Y] veuve [G] (Mme [G]) a été engagée par la société 5 Sens, devenue Millesia, suivant un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 janvier 2015 en qualité de responsable commerciale.

A compter du 12 octobre 2015, la salariée a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie.

Par lettre datée du 3 décembre 2015, l'employeur a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 décembre suivant puis reporté au 22 décembre, puis par lettre datée du 28 décembre 2015, lui a notifié son licenciement.

Par requête du 14 décembre 2015, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin de faire juger qu'elle exerçait les fonctions de directrice commerciale depuis son embauche et d'obtenir la condamnation de la société Millesia au paiement de rappels de salaire, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de diverses indemnités au titre de la rupture du contrat de travail.

Par jugement du 1er mars 2016, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Millesia.

Par jugement du 2 août 2016, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Millesia et maître [K] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur de la dite société, puis par jugement du 19 décembre 2019, le même tribunal a désigné maître [C] en lieu et place de maître [K], par transfert de mandats.

Par jugement de départage prononcé le 13 janvier 2022, auquel il est renvoyé pour exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a :

- dit qu'il est incompétent pour juger les fautes commises par le mandataire liquidateur dans l'exercice de ses fonctions,

- dit que Mme [G] a exercé les fonctions de responsable commerciale, statut agent de maîtrise, niveau VI, échelon 1 au sein de la société Millesia,

- fixé la moyenne brute des salaires à 2 957,55 euros,

- fixé le montant des créances de Mme [G] au passif de la société Millesia aux sommes suivantes :

* 1 000 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

* 100 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur le complément de préavis,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2016 jusqu'au 1er mars 2016,

* 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné la remise du bulletin de paie et de l'attestation pour Pôle emploi, rectifiés dans le mois de la notification du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit que le jugement est opposable à l'Unédic, Délégation Ags Cgea de [Localité 4] dans la limite du plafond légal,

- dit que les dépens seront inscrits au passif de la société Millesia.

Le 18 janvier 2022, l'Unédic, Délégation Ags Cgea de [Localité 4] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Réseau Privé Virtuel des Avocats (Rpva) le 12 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'Unédic, Délégation Ags Cgea de [Localité 4] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a fixé les créances de Mme [G] au passif de la liquidation de la société Millesia aux sommes de 18 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et a dit que le jugement lui est opposable dans la limite du plafond légal, et de :

- juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et que Mme [G] ne peut prétendre à un rappel de salaire correspondant au statut cadre, poste de directrice commerciale et débouter celle-ci de ses demandes, lui ordonner le remboursement entre les mains de la société Millesia, représentée par maître [C], ès qualité de mandataire liquidateur, qui devra les lui reverser des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement,

- à titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail à 8 000 euros,

- en tout état de cause, la mettre hors de cause s'agissant des frais irrépétibles de la procédure, juger que la demande tendant à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code du commerce et qu'elle ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux et sur justificatif d'absence de fonds disponibles.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 8 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, Mme [G] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a reconnu la faute de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de reconnaissance de son statut de cadre niveau 3 et de ses fonctions de directrice commerciale et l'a déboutée de ses demandes de fixation de sa rémunération moyenne à hauteur de 4 000 euros nets et de rappel de salaire afférents, de réformer le jugement sur le montant du rappel d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, des dommages et intérêts au titre de la rupture abusive du contrat de travail, des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail, et statuant à nouveau, de :

- lui reconnaître le statut de cadre, niveau 3 et les fonctions de directrice commerciale depuis son embauche à compter du 12 janvier 2015,

- fixer sa rémunération à 4 000 euros nets par mois à compter du 12 janvier 2015, subsidiairement à 3 873 euros bruts,

- fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Millesia les sommes suivantes :

* 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

* 4 889 euros nets à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis,

* 488,90 euros au titre des congés payés afférents,

* 24 782,02 euros, subsidiairement 18 064,67 euros, à titre de rappel de salaire,

* 2 478,20 euros au titre des congés payés afférents,

- condamner la société Millesia, représentée par maître [C], ès qualités de mandataire liquidateur, à lui payer la somme de 2 500 euros nets sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance, outre 3 000 euros nets pour la procédure d'appel,

- ordonner la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme à l'arrêt à intervenir,

- prononcer l'intérêt légal à compter du 14 décembre 2015, date de la requête introductive d'instance,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner l'appelante aux dépens de première instance et d'appel et à défaut les fixer au passif de la liquidation judiciaire de la la société Millesia.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 20 avril 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens, la Selarlu [C] représentée par maître [I] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Millesia demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour juger de la responsabilité de maître [K], ès qualités, a débouté Mme [G] de ses demandes de repositionnement sur un poste de directrice commerciale, de rappel de salaire, de rappel de congés payés afférents et de préavis, le réformer pour le surplus, statuant à nouveau, de :

- fixer la rémunération moyenne à 2 579,27 euros,

- débouter Mme [G] de ses demandes relatives aux commissions restant dues, de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, limiter sa demande au titre du rappel de salaire du préavis à 372,74 euros, outre 37,27 euros de congés payés afférents, la débouter du surplus des demandes,

- à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions l'indemnisation allouée au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la débouter du surplus des demandes,

- la condamner aux entiers dépens.

Une ordonnance de clôture de la procédure est intervenue le 28 mars 2023.

MOTIVATION

Sur le statut cadre de niveau III et les fonctions de directrice commerciale

La salariée demande au titre de son appel incident l'infirmation du jugement en son débouté de sa demande de reconnaissance du statut cadre niveau III et de ses fonctions de directrice commerciale en faisant valoir qu'elle a exercé dès son embauche des fonctions de directrice commerciale et sollicite un rappel de salaire sur la base d'une rémunération mensuelle de 4 000 euros nets prévue au contrat de travail ou sur la base de la rémunération conventionnellement prévue pour un directeur commercial.

Le liquidateur de la société conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de ce chef en faisant valoir que celle-ci ne décrit pas les fonctions précisément exercées et ne verse aucun élément sur ses tâches, qu'elle a été rémunérée conformément aux dispositions contractuelles, que son évolution vers des fonctions de directrice commerciale était soumise à des conditions, que les pièces produites démontrent qu'elle exerçait des fonctions de responsable commerciale.

L'Ags conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes de repositionnement et de rappel de salaire.

En cas de différend sur la catégorie professionnelle qui doit être attribuée à un salarié, ce dernier doit établir la nature de l'emploi effectivement occupé et la qualification qu'il requiert.

Force est de constater en premier lieu que le contrat de travail stipule l'embauche de Mme [G] en qualité de responsable commerciale, statut agent de maîtrise, niveau VI, échelon I et détaille en son article 3 ses missions de responsable commerciale, moyennant une rémunération fixe brute mensuelle de 1 457,52 euros à laquelle s'ajoutera une partie variable de rémunération fixée en annexe 1, le préambule du contrat évoquant seulement la possibilité d'une évolution de la salariée vers un statut de cadre niveau III avec une rémunération mensuelle nette fixe de 4 000 euros après une période initiale d'intégration au terme de laquelle la salariée aura démontré sa capacité à atteindre les objectifs fixés en annexe 1.

C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a retenu que la salariée exerçait les fonctions de responsable commerciale, en relevant au surplus que le représentant de l'employeur produit de nombreux échanges professionnels en pièces 9 à 18, entre notamment la salariée et [H] [F], président de la société Millesia, dont il ressort que la salariée rapportait au président qui dirigeait le pôle commercial, et lui faisait part des actions commerciales entreprises et des choix stratégiques pour validation et qu'elle exerçait dans les faits des fonctions de responsable commerciale.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifié à la salariée est ainsi rédigée :

'Vous avez été engagée en qualité de responsable commerciale et êtes en charge, à ce titre, du développement commercial de notre entreprise tant sur la France qu'à l'international.

La réussite de la conclusion de partenariats commerciaux, la pérennité des relations commerciales existantes et la progression du chiffre d'affaires de la société impliquent une continuité de notre part dans les échanges commerciaux avec nos partenaires et prospect.

Ces contraintes sont manifestement incompatibles avec votre absence continue depuis le 12 octobre dernier laquelle engendre de graves perturbations dans le fonctionnement de notre entreprise.

Compte tenu de la nature de vos missions, dont l'accomplissement est de toute évidence nécessaire à la pérennité de l'entreprise, nous avons été contraints de procéder à votre remplacement définitif (...)'.

L'Ags conclut au titre de son appel principal à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et au débouté de toutes les demandes de la salariée de ce chef, subsidiairement de ramener les dommages et intérêts alloués à ce titre à de plus justes proportions eu égard à l'absence de justification d'un préjudice spécifique permettant à la salariée de prétendre à la somme de 18 000 euros retenue par le jugement.

Le liquidateur judiciaire de la société conclut au caractère réel et sérieux du licenciement et à l'infirmation du jugement sur ce point au motif que l'absence de la salariée a nécessairement constitué un frein au bon fonctionnement de la société et a entraîné de graves dysfonctionnements justifiant l'embauche d'un salarié pour la remplacer définitivement.

La salariée conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu le caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement au motif qu'elle se trouvait en arrêt de travail pour maladie depuis un mois et demi seulement au moment de la convocation à l'entretien préalable et que l'employeur ne rapporte pas la preuve des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise du fait de son absence.

Si l'article L. 1132-1 du code du travail fait interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé, ce texte ne s'oppose pas au licenciement motivé non par l'état de santé du salarié mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées de l'intéressé, celui-ci ne pouvant toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement total et définitif par l'engagement d'un autre salarié.

C'est par des motifs exacts que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a retenu que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, à défaut pour le liquidateur de la société de fournir des éléments justifiant des perturbations dans le fonctionnement de l'entreprise causées par l'absence de la salariée nécessitant de procéder à son remplacement total et définitif, ni de l'embauche d'un salarié à son poste consécutivement à son licenciement.

La société Millesia employait habituellement moins de onze salariés et la salariée comptait une ancienneté inférieure à deux ans dans l'entreprise.

En application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, la salariée a droit à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la rupture abusive.

Eu égard à son âge au moment de la rupture (59 ans) de son ancienneté (environ un an), de son salaire de référence qu'il y a lieu de fixer, en intégrant la part variable de rémunération versée à la salariée, à 2 957,55 euros, à sa situation au regard de l'emploi postérieurement à la rupture (prise en charge par Pôle emploi, pas de justificatif de recherche d'emploi), le préjudice causé par la rupture abusive du contrat de travail sera réparé par l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 8 000 euros. Sa créance de ce chef sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société Millesia. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Il n'y a pas lieu à ordonner le remboursement de sommes versées à la salariée en exécution du jugement dans la mesure où le présent arrêt, infirmatif sur certaines dispositions du jugement, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement.

Sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis

Eu égard au salaire de référence de 2 957,55 euros et à l'indemnité compensatrice de préavis de 1 957,55 euros versée à la salariée qui ne la remplit pas de ses droits de ce chef, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il fixe la créance de la salariée à 1 000 euros au titre du rappel d'indemnité compensatrice de préavis et à 100 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Sur l'exécution fautive du contrat de travail (défaut de production des éléments permettant de calculer la rémunération variable)

L'Ags conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a accordé des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail au motif qu'il a statué ultra-petita, la salariée n'ayant pas formé de demande au titre de l'exécution fautive du contrat de travail.

Le liquidateur judiciaire de la société conclut à l'infirmation du jugement sur ce point et au débouté de la demande de la salariée au motif qu'est fourni un tableau des commissions en date du 29 avril 2016 permettant à la salariée de calculer sa demande.

La salariée fait valoir que la société n'a pas communiqué d'élément permettant le calcul de la rémunération variable, l'empêchant de calculer ses commissions et d'en demander le versement et demande la fixation de sa créance de dommages et intérêts à hauteur de 10 000 euros.

Il ressort de l'exposé des demandes de la salariée figurant dans le jugement que celle-ci a demandé : 'de voir ordonné la production forcée de l'ensemble des éléments permettant de calculer la rémunération variable dite 'commissions', notamment l'annexe 1 visée au contrat de travail, le chiffre d'affaire généré par les ventes directes et le chiffre d'affaire généré par les ventes indirectes, à défaut fixer au passif de la société des dommages et intérêts pour défaut de production des éléments permettant de calculer la rémunération variable à hauteur de 10 000 euros', et des motifs du jugement que le premier juge a indiqué : 'faute d'élément comptable pour en estimer le montant exact, il y a lieu d'allouer à la salariée des dommages et intérêts pour la mauvaise exécution du contrat de travail par l'employeur à ce titre' et a alloué une somme de 5 000 euros 'à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du défaut de communication des éléments permettant de calculer le montant exact des commissions restant dues après le mois d'octobre 2015", créance qu'il a dénommée dans le dispositif du jugement : 'dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail'. Il s'ensuit que le moyen opposé par l'Ags n'est pas fondé.

C'est par des motifs exacts que la cour adopte que le premier juge a retenu qu'un reliquat de commissions n'a pas été réglé à la salariée, que celle-ci, malgré ses demandes, n'a pas obtenu de l'employeur les éléments lui permettant de calculer le reliquat de commissions qui lui sont dues, et que cette rétention d'information touchant à des éléments permettant le calcul de la rémunération variable de la salariée a causé à celle-ci un préjudice dont la réparation a été fixée à 5 000 euros de dommages et intérêts. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les intérêts au taux légal

Il est rappelé que la date d'ouverture de la procédure collective de la société Millesia, le 1er mars 2016, a arrêté le cours des intérêts légaux en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code du travail. Le jugement sera infirmé en ce qu'il dit que les créances indemnitaires produisent des intérêts au taux légal à compter du jugement.

La capitalisation des intérêts pour les créances salariales sera ordonnée pour la période comprise entre la convocation de la société devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nanterre et le 1er mars 2016. Le jugement sera infirmé en ce qu'il déboute la salariée de sa demande de capitalisation des intérêts.

Sur la remise de documents

Eu égard à la solution du litige, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il statue sur la remise d'un bulletin de salaire et d'ordonner au liquidateur de la société de remettre à la salariée un bulletin de salaire récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt.

Sur la garantie de l'Ags

Il y a lieu de déclarer le présent arrêt opposable à l'Unedic, délégation Ags Cgea de [Localité 4] qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et de déclarer que l'obligation de l'Ags de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ce qu'il statue sur les dépens et infirmé en ce qu'il statue sur les frais irrépétibles.

Le liquidateur de la société sera condamné aux dépens d'appel et à payer à la salariée la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement en ce qu'il fixe la créance de [D] [Y] veuve [G] à la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive et en ce qu'il statue sur les intérêts des créances indemnitaires, la capitalisation des intérêts, la remise d'un bulletin de paie et sur les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

FIXE la créance de [D] [Y] veuve [G] au passif de la liquidation judiciaire de la société Millesia à la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,

DIT que les créances indemnitaires ne produisent pas d'intérêts au taux légal,

ORDONNE la capitalisation des intérêts s'agissant des créances salariales pour la période comprise entre la date de réception de la convocation de la société Millesia devant le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Nanterre et le 1er mars 2016, date d'ouverture de la procédure collective de la société Millesia,

ORDONNE à la Selarlu [C] représentée par maître [I] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Millesia, la remise à [D] [Y] veuve [G] la remise d'un bulletin de paie récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt,

RAPPELLE que le présent arrêt est opposable à l'Unedic, délégation Ags Cgea De [Localité 4] qui ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17 et L. 3253-19 à 21 du code du travail et RAPPELLE que l'obligation de l'Ags de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

CONDAMNE la Selarlu [C] représentée par maître [I] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Millesia aux dépens d'appel,

CONDAMNE la Selarlu [C] représentée par maître [I] [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Millesia à payer à [D] [Y] veuve [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties des autres demandes,

CONFIRME le jugement pour le surplus des dispositions,

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 22/00207
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;22.00207 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award