COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 28A
2e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 MAI 2023
N° RG 22/03997 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VIGP
AFFAIRE :
[I], [J] [O]
C/
[Y], [X] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 19 Mai 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° Chambre :
N° Cabinet :
N° RG : 21/03277
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le : 25.05.23
à :
Me Franck LAFON, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES
TJ NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [I], [J] [O]
née le 29 Septembre 1950 à [Localité 11] (NEW YORK -ETAT-UNIS)
de nationalité Américaine
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentant : Me Franck LAFON,Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 - N° du dossier 20220206
Me Françis PIERREPONT Plaidant avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
Monsieur [Y], [X] [P]
né le 01 Mars 1960 à [Localité 9] (92)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentant : Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005331
Me Marion CRÉQUAT-KATZ Plaidant avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Février 2023 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre,
Monsieur François NIVET, Conseiller,
Madame Anne THIVELLIER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Berdiss ASETTATI,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [Y] [P], de nationalité française, et Mme [I] [O], de nationalité américaine se sont mariés le 23 août 1987 à Pittsburg (Etats-Unis), sans avoir fait précéder leur union d'un contrat de mariage.
Il n'est pas contesté qu'ils sont soumis au régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts.
Trois enfants aujourd'hui majeurs sont issus de cette union :
-[R], né le 30 mai 1988,
-[U], né le 13 mai 1991,
-[S], né le 2 juin 1992.
Par ordonnance de non-conciliation du 14 décembre 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a notamment attribué à Mme [O] pendant six mois et au titre du devoir de secours, la jouissance gratuite du domicile conjugal, sauf comptes entre les parties en ce qui concerne les charges de copropriété dites 'non récupérables' et dit que passé ce délai la jouissance dudit logement est à titre onéreux.
Par arrêt du 10 janvier 2013, la cour d'appel de Versailles a notamment :
-partiellement réformé l'ordonnance,
Statuant à nouveau :
-condamné M. [P] à verser à Mme [O] une pension au titre du devoir de secours de
1 000 euros par mois,
-dit que le règlement par M. [P] des impôts sur le revenu 2011, des crédits contractés auprès de la BNP pour le domicile ou de la caisse d'épargne pour la maison de [Localité 8] ne le sont qu'en application de l'article 255-6 du Code civil et ouvrent droit à récompense,
-dit que les charges du domicile conjugal ne sont pas supportées par M. [P].
Le divorce des époux a été prononcé par jugement du 23 janvier 2018.
Par acte en date du 24 novembre 2021, M. [P] a assigné Mme [O] devant le président du tribunal judiciaire de Nanterre, statuant selon la procédure accélérée au fond, aux fins de se voir autorisé à vendre seuls les biens immobiliers indivis et d'obtenir une provision au titre de l'indemnité d'occupation due par son ex-épouse sur le fondement de l'article 815-[Cadastre 2] du code civil.
Par acte en date du 7 décembre 2021, M. [P] a assigné Mme [O] en ouverture des opérations de comptes, liquidation partage devant le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre.
Par jugement du 19 mai 2022, le magistrat délégué par le président du tribunal judiciaire de Nanterre a :
-rejeté la demande de M. [P] tendant à voir écarter des débats les pièces et conclusions communiquées par Mme [O] la veille et le jour de l'audience,
-autorisé M. [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis suivant :
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (Hauts-de-Seine) [Localité 9] [Adresse 3], cadastré section Y n°[Cadastre 2], lieu dit '[Adresse 14]' n°[Adresse 4]
n°l, 3, 5, 7, 9, [Cadastre 2], 13, 15, 17, 19 et [Adresse 13] pour une contenance de
34 ares 88 centiares, les lots de copropriété suivants :
*Dans le volume un :
-lot numéro cent soixante-douze (172) (appartement en duplex aux 4ème et 5ème étages), dans le corps de bâtiment D ou Betelgeuse, aux quatrième et cinquième étages, accessible au quatrième étage, porte au fond à gauche à la sortie de l'escalier D, un appartement en duplex, de six pièces principales, comprenant, sur deux niveaux reliés par un escalier intérieur :
-au niveau inférieur : entrée, salon, deux chambres, cuisine, salle de bains, water-closet, placards, dégagement, deux terrasses,
-au niveau supérieur : palier, trois chambres, salle de bains, water-closet, placards, deux terrasses et les mille huit cent soixante-neuf /cent douze mille soixante-septièmes (1869 /112067èmes) des parties communes générales,
-lot numéro deux cent soixante-trois (263) Dans le corps de bâtiment D ou Betelgeuse, escalier P3 au sous-sol, niveau -1, une cave numéro 14 d et les vingt /cent douze mille soixante-septièmes (20 /112067èmes) des parties communes générales,
*Dans le volume quatre :
-lot numéro trois cent quatre-vingt-treize (393) dans le bâtiment P, au premier sous-sol, un emplacement numéro 94 pour voiture automobile et les quarante-quatre /cent douze mille soixante-septièmes (44 /112067èmes) des parties communes générales,
-lot numéro trois cent quatre-vingt-quatorze (394) dans le bâtiment "P" au premier sous-sol, un emplacement numéro 95 pour voiture automobile et les quarante-quatre /cent douze mille soixante-septièmes (44/112067èmes) des parties communes générales,
Au prix minimum de 1 650 000 net vendeurs,
-dans l'hypothèse ou le bien ne trouverait pas acquéreur dans les six mois de sa mise en vente, a autorisé M. [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis an prix minimum de 1 600 000 euros,
-autorisé M. [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis suivant :
Dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété et situé à [Localité 8] (Yvelines) [Localité 8] - [Adresse 7], figurant au cadastre : Section lieudit surface BO
[Adresse 10] 00ha19a56ca, les lots de copropriété suivants :
-lot numéro cent soixante-trois (163) un appartement comprenant une entrée, un dégagement, une salle d'eau W.C., une chambre avec placard, un séjour, une cuisine et une terrasse et les mille dix-huitième / cent millièmes (1 018/100 000èmes) des parties communes générales,
-lot numéro soixante (60) une cave et les quinze / centmillièmes ( 15/ 100 000èmes) des parties communes générales,
-lot numéro quatre-vingt neuf (89), un emplacement de parking et les quinze / cent millièmes (15/100 000èmes) des parties communes générales,
Au prix minimum de 220 000 euros (deux cent vingt mille euros) net vendeur,
-dans l'hypothèse où le bien ne trouverait pas acquéreur dans les deux mois de sa mise en vente,
a autorisé M. [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférents au bien immobilier indivis au prix minimum de 210 000 euros,
-autorisé M. [P] à régulariser au nom et pour le compte de l'indivision tous les actes nécessaires à la vente du bien immobilier,
-fixé provisoirement le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Mme [O] à l'indivision à la somme de 3 420 euros par mois à compter du 14 juin 2012 pour la jouissance privative du bien immobilier sis à [Localité 9],
-dit que Mme [O] est redevable envers l'indivision de la somme provisoire de 383 040 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021,
-condamné à titre provisionnel Mme [O] à payer à M. [P] la somme de 191 520 euros, au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
-rejeté la demande de M. [P] tendant à voir condamner à titre provisoire Mme [O] à lui payer la somme de 1 710 euros par mois au titre de sa quote part de l'indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 1er décembre 2021 et ce jusqu'à la fin des opérations de liquidation partage ou la libération effective des lieux,
-rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Mme [O] aux dépens,
-rappelé que le jugement est exécutoire de droit à titre provisoire.
Le 16 juin 2022, Mme [O] a interjeté appel de ce jugement sur :
-l'autorisation donnée à M. [P] de signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique sur les biens indivis,
-l'indemnité d'occupation,
-la dette de Mme [O] envers l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation entre le 14 juin 2012 et le 14 octobre 2021,
-l'article 700 du code de procédure civile,
-les dépens.
L'affaire a fait l'objet d'une fixation à bref délai en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, selon avis du 1er septembre 2022.
Dans ses dernières conclusions d'appelante du 23 janvier 2023, Mme [O] demande à la cour de :
«-DECLARER recevable et fondé l'appel de Madame [I] [O]
-INFIRMER le jugement en ce qu'il a autorisé Monsieur [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente, et actes authentiques afférents au bien immobilier dépendant de l'actif du régime matrimonial situé à [Localité 9] [Adresse 1] au prix minimum de 1.650.000 € net vendeur avec faculté de baisse au prix minimum de 1.600.000 €
-INFIRMER le jugement en de qu'il a autorisé Monsieur [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente, et actes authentiques afférents au bien immobilier dépendant de l'actif du régime matrimonial situé à [Localité 8] [Adresse 6] au prix minimum de 220.000 € net vendeur avec faculté de baisse au prix minimum de 210.000 €
-INFIRMER le jugement en ce qu'il a autorisé Monsieur [Y] [P] à régulariser au nom et pour le compte de l'indivision successorale (sic.) tous les actes nécessaires à la vente des biens immobiliers
-RECEVOIR Madame [I] [O] en sa demande de rectification d'erreur matérielle portée dans le jugement entrepris suite à une décision prise ultra petita
-JUGER que c'est à tort que le premier juge, statuant ultra petita, a fixé provisoirement le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par [I] [O] à l'indivision à la somme de 3.420 € par mois à compter du 14 juin 2012 pour la jouissance privative du bien immobilier sis à [Localité 9]
En conséquence,
-INFIRMER le jugement de ce chef
En tout état de cause,
-INFIRMER le jugement en ce qu'il a dit que Madame [I] [O] était redevable envers l'indivision de la somme provisoire de 383.040 € au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021 ;
-INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné à titre provisionnel Madame [I] [O] à payer à Monsieur [Y] [P] la somme de 191.520 € au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter de l'indivision ;
Statuant à nouveau,
-DEBOUTER Monsieur [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire
-AUTORISER Monsieur [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente, et actes authentiques afférents au bien immobilier dépendant de l'actif du régime matrimonial situé à [Localité 9] [Adresse 1] au prix minimum de 1.860.000 € net vendeur avec faculté de baisse au prix minimum de 1.700.000€ ;
En tout état de cause,
-DECLARER non fondé l'appel incident de Monsieur [P]
En conséquence,
-DEBOUTER Monsieur [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions
-CONDAMNER Monsieur [P] à régler à Madame [O] la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-CONDAMNER Monsieur [Y] [P] aux dépens dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE.»
Dans ses dernières conclusions d'intimé du 27 janvier 2023, M. [P] demande à la cour de :
«-Dire et juger que la loi applicable au régime matrimonial, et partant, à la liquidation dudit régime matrimonial des ex époux [P] [O] est la loi française, les époux s'étant mariés le 23 août 1987, soit antérieurement au 1 er septembre 1992, date d'entrée en vigueur de la Convention de la Haye du 14 mars 1978, la loi applicable étant, selon la jurisprudence française, celle du premier domicile matrimonial des époux, s'agissant de la loi française.
-Dire et juger que le Tribunal français est compétent. En effet, au visa des articles 42 du Code de Procédure Civile français, et de l'article 14 du Code Civil, Monsieur [Y] [P], de nationalité française est recevable et fondé à assigner Madame [I] [O], de nationalité américaine demeurant à [Localité 9], [Adresse 3] (France),
En conséquence, le Tribunal français et partant, la Cour d'Appel de Versailles se déclarera compétente.
Vu les articles 815-6, 815-9 et 815-[Cadastre 2] du Code Civil,
Vu l'article 1380 du Code de Procédure Civile,
Statuant sur l'appel du jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Nanterre, procédure accélérée au fond, du 19 mai 2022 ,
-Débouter Madame [I] [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-Déclarer recevable et fondé Monsieur [Y] [P] en toutes ses demandes, fins et conclusions en ce ses demandes confirmatives, d'une part et d'appel incident, d'autre part,
En conséquence,
-Faire droit aux demandes de Monsieur [Y] [P],
-Confirmer le jugement de première instance, dont appel, rendu le 19 mai 2022 par le Tribunal Judiciaire de Nanterre, en ce qu'il a autorisé Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent aux biens immobiliers indivis appartenant aux ex époux [P] [O] :
Dans un ensemble immobilier situé à [Localité 9] (Hauts de Seine) [Localité 9] ' [Adresse 3], cadastré Section Y n°[Cadastre 2], lieudit « [Adresse 14], [Adresse 12] et [Adresse 13] pour une contenance de 34 ares 88 centiares, les lots de copropriété suivants :
Dans le volume un :
lot numéro cent soixante-douze (172) (appartement en duplex aux 4ème et 5ème étages), dans le corps de bâtiment D ou Betelgeuse, aux quatrième et cinquième étages, accessible au quatrième étage, porte au fond à gauche à la sortie de l'escalier D, un appartement en duplex, de six pièces principales, comprenant, sur deux niveaux reliés par un escalier intérieur :
-Au niveau inférieur : entrée, salon, deux chambres, cuisine, salle de bains, water-closet, placards, dégagement, deux terrasses,
-Au niveau supérieur : palier, trois chambres, salle de bains, water-closet, placards, deux terrasses et les mille huit cent soixante-neuf/cent douze mille soixante-septièmes (1869/112067èmes) des parties communes générales,
Lot numéro deux cent soixante-trois (263). Dans le corps de bâtiment D ou Betelgeuse, escalier P3 au sous-sol, niveau -1, une cave numéro 14 d et les vingt/cent douze mille soixante-septièmes (20/112067èmes) des parties communes générales,
Dans le volume quatre :
Lot numéro trois cent quatre vingt treize (393) dans le bâtiment « P » au premier sous-sol, un emplacement numéro 94 pour voiture automobile et les quarante-quatre/cent douze mille soixante-septièmes (44/112067èmes) des parties communes générales,
Lot numéro trois cent quatre vingt quatorze (394) dans le bâtiment « P » au premier sous-sol, un emplacement numéro 95 pour voiture automobile et les quarante-quatre/cent douze mille soixante-septièmes (44/112067èmes) des parties communes générales,
Au prix minimum de 1.650.000 € nets vendeurs ;
-Mais au visa de l'article 462 du Code de Procédure Civile, rectifier l'erreur matérielle commise dans le « Par ces Motifs » dudit jugement et dire et juger que dans l'hypothèse où le bien ne trouverait pas acquéreur, non pas dans les six mois mais dans les deux mois de sa mise en vente, autoriser Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis au prix minimum de 1.600.000 euros,
-Subsidiairement, faire droit à ladite demande de rectification au titre de l'appel incident formé par Monsieur [Y] [P] aux mêmes fins et en conséquence, réformer le jugement entrepris en disant que si le bien ne trouverait pas acquéreur, non pas dans les six mois de sa mise en vente, mais dans les deux mois de sa mise en vente, autoriser Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis au prix minimum de 1.600.000 euros,
-Faire droit à l'appel incident de Monsieur [Y] [P] et ajoutant au jugement entrepris, dire et juger que dans l'hypothèse où le bien immobilier du [Adresse 3] à [Localité 9] ne trouvait pas acquéreur dans les six mois de sa mise en vente, effectuée le 10 juin 2022 par signature d'un mandat de vente à Consultants Immobilier, autoriser Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis au prix minimum de 1.500.000 euros,
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a autorisé Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis suivant :
Dans un ensemble immobilier soumis au statut de la copropriété et situé à [Localité 8] (Yvelines) [Localité 8] - [Adresse 7]. Figurant au cadastre : Section lieudit surface BO [Adresse 10] 00ha19a56ca, les lots de copropriété suivants :
Lot numéro cent soixante trois (163) un appartement comprenant une entrée, un dégagement, une salle d'eau WC, une chambre avec placard, un séjour, une cuisine et une terrasse et les mille dix-huitième/cent millièmes (1.018/100.000èmes) des parties communes générales,
Lot numéro soixante (60) une cave et les quinze/cent millièmes (15/100.000èmes) des
parties communes générales,
Lot numéro soixante (89) un emplacement de parking et les quinze/cent millièmes (15/100.000èmes) des parties communes générales,
Au prix minimum de 220.000 euros (deux cent vingt mille euros) net vendeur.
-Dans l'hypothèse où le bien ne trouverait pas acquéreur dans les deux mois de sa mise en vente, autorise Monsieur [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférents au bien immobilier indivis au prix minimum de 210.000 euros.
-Autoriser Monsieur [Y] [P] à régulariser seul au nom et pour le compte de l'indivision successorale tous les actes nécessaires à la vente du bien immobilier.
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due par Madame [I] [O] à l'indivision à la somme de 3.420 € par mois à compter du 14 juin 2012 pour la jouissance privative du bien immobilier situé à [Localité 9], [Adresse 3],
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Madame [I] [O] est redevable envers l'indivision de la somme provisoire de 383.040 € au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021,
-Faire droit à l'appel incident de Monsieur [Y] [P] et dire et juger que Madame [I] [O] est redevable envers l'indivision de la somme provisoire de 427.500 € au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 1er novembre 2022,
-Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné à titre provisionnel Madame [I] [O] à payer à Monsieur [Y] [P] la somme de 191.520 € au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021 avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
-Faire droit à l'appel incident de Monsieur [Y] [P] et y ajoutant, dire et juger que pour la période ayant commencé le 14 juin 2012 jusqu'à janvier 2023, la condamnation provisionnelle de Madame [I] [O] à payer Monsieur [Y] [P] au titre des indemnités d'occupation dues est augmentée à la somme de 217.170 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2022, date de la décision de première instance,
-Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [Y] [P] de voir condamner, à titre provisoire, Madame [I] [O] à lui payer 1.710 € par mois au titre de sa quote part d'indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 1er février 2023 et jusqu'à la fin des opérations de liquidation,
-Dire et juger recevable et fondée la demande de Monsieur [Y] [P] sur ce point, et condamner Madame [I] [O] à payer Monsieur [Y] [P] la somme de 1.710 € par mois à titre de provision à valoir sur indemnité d'occupation à compter du 1er février, jusqu'à la fin des opérations de liquidation partage ou libération effective des lieux, s'ajoutant à la condamnation provisionnelle de 217.170 € due pour la période de juin 2012 à janvier 2023, -Faire droit à la demande de Monsieur [Y] [P] de voir condamner Madame [I] [O] à payer à Monsieur [Y] [P] une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de la procédure de première instance, faisant droit ainsi à l'appel incident de Monsieur [Y] [P], et y ajoutant condamner Madame [I] [O] à payer 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile à Monsieur [Y] [P] pour la procédure d'appel,
-Condamner Madame [I] [O] aux entiers dépens dont distraction au profit du Cabinet AVOCALYS, Maître Monique TARDY. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 janvier 2023.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la compétence et la loi applicable en matière de régime matrimonial
La compétence des juridictions françaises et l'application de la loi française à l'action engagée par M. [P] ne sont contestées par aucune des parties.
Sur l'autorisation de vendre les biens immobiliers indivis
Aux termes de l'article 815-6 du code civil, le président du tribunal judiciaire peut prescrire ou autoriser toutes les mesures urgentes que requiert l'intérêt commun. Il peut notamment, sur le fondement de ce texte, autoriser un indivisaire à conclure seul un acte de vente d'un bien indivis pourvu qu'une telle mesure soit justifiée par l'urgence et l'intérêt commun.
En l'espèce, le premier juge a autorisé M. [P] à vendre seul les biens indivis dont les parties sont propriétaires à savoir:
- un appartement sis [Adresse 3] à [Localité 9], ayant constitué leur domicile conjugal et occupé par Mme [O],
- un appartement sis [Adresse 7] à [Localité 8].
Ce bien a été vendu en exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire, le 16 janvier 2023, au prix de 254 500 euros nets vendeur. Le solde du prix de vente de 241 585,23 euros a été séquestré auprès de l'office notarial en charge des opérations de liquidation et de partage.
Mme [O] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a autorisé M. [P] à procéder seul à leur vente. Elle conteste à la fois l'urgence et l'intérêt commun d'avoir à faire procéder à ces ventes par son ex-époux dont le but est de faire pression sur elle par le biais de cette procédure, alors même qu'il a engagé parallèlement la procédure de partage judiciaire, afin de la contraindre, à 72 ans, à quitter les lieux.
Elle reproche au premier juge de s'être fondé, pour caractériser l'urgence, sur le fait qu'elle ne réglerait pas les charges de copropriété alors que, depuis le prononcé du divorce, ces charges constituent une dette indivise dont M. [P] est également tenu mais dont il ne s'acquitte pas bien qu'il en ait les moyens puisqu'il a recueilli une importante succession à la mort de sa mère, ce dont le premier juge n'a pas tenu compte.
Elle indique par ailleurs avoir réglé elle-même des charges pour près de 40 000 euros depuis 2013 et avoir réglé seule en 2016 l'appel de charges afférent au ravalement de la façade de l'immeuble pour un montant de plus de 9 000 euros.
Elle ajoute que l'urgence invoquée par M. [P] est d'autant plus malvenue qu'il a refusé en 2017 de vendre le bien de [Localité 8] ainsi qu'elle le proposait pour faire face aux charges de copropriété du bien qu'elle occupe à [Localité 9].
Elle indique qu'elle continue de régler les charges de copropriété.
Elle conteste également l'argument selon lequel l'indemnité d'occupation continue à courir et à accroître sa dette envers l'indivision, alors qu'il paraît logique que le montant de cette indemnité soit fixée dans le cadre des opérations de liquidation et de partage et non dans le cadre d'une procédure d'urgence. Elle ajoute qu'elle pourrait d'ailleurs n'être tenue d'aucune soulte envers M. [P], compte tenu d'éventuelles compensations, et qu'en tout état de cause, le montant de l'indemnité d'occupation est loin de dépasser le montant de ses droits dans la liquidation.
Elle soutient également que l'indivision ne subit aucun préjudice économique puisqu'elle réglera l'indemnité d'occupation.
Elle fait valoir qu'elle ne pourra pas se reloger dans les mêmes conditions financières avantageuses et qu'en tout état de cause, même si le bien qu'elle occupe est vendu, elle ne pourra pas le quitter, ne disposant d'aucune liquidité pour racheter un autre bien ou se reloger dans le parc locatif à [Localité 9] où se trouvent ses centres d'intérêt, et compte tenu de la durée prévisible du contentieux liquidatif.
Elle indique que si elle consent aujourd'hui à la vente du domicile conjugal, c'est uniquement parce que M. [P] a été autorisé à le mettre en vente à un prix inférieur à celui du marché.
Elle ajoute enfin que le moment est mal choisi pour procéder à la vente car la terrasse présente un défaut d'étanchéité qui a provoqué un dégât des eaux chez leurs voisins, que des travaux doivent être réalisés avant la mise en vente, de manière à pouvoir être vendu dans les meilleures conditions et ne pas détourner les acheteurs, et que les travaux sont susceptibles d'être à la charge de la copropriété s'agissant d'une partie commune à usage privatif, de sorte qu'ils ne subiront aucune perte.
Subsidiairement, si l'autorisation de vendre était confirmée, elle demande que le prix soit fixé à 1 860 000 euros nets vendeur avec faculté de baisse de prix minimum de 1 700 000 euros.
Concernant le bien de [Localité 8], elle indique avoir fait connaître à M. [P] son accord pour vendre ce bien à usage locatif dès 2014, ce qu'il a refusé alors qu'il assurait seul la gestion de cet appartement qu'il n'a plus remis en location depuis cette date, de sorte qu'il ne justifie d'aucune urgence pour vendre ce bien, ce qu'elle demande à la cour de constater.
M. [P] conclut à la confirmation du jugement, en indiquant que Mme [O] entend se maintenir le plus longtemps possible dans l'appartement dont elle lui impose le paiement des charges qu'elle ne règle pas; qu'elle a refusé depuis leur divorce toute proposition de vendre le bien qu'elle occupe; qu'ils font à nouveau l'objet de poursuites de la part du syndicat des copropriétaires les exposant à la vente forcée du bien, et que l'indemnité d'occupation continue à courir, de sorte que l'urgence et l'intérêt commun de vendre sont caractérisés, d'autant plus que le marché immobilier, spécialement pour des biens de surface importante, a fortement chuté depuis 2022 en raison du contexte international et du resserrement des conditions d'octroi des prêts immobiliers. Il ajoute que Mme [O] qui poursuit l'infirmation du jugement a néanmoins confié un mandat de vente à une agence immobilière qu'elle refuse de communiquer malgré sommations, et qu'elle entend mettre en vente au prix faramineux de 1 850 000 euros totalement déconnecté de la réalité du marché immobilier actuel.
C'est par des motifs exacts que la cour adopte que le premier juge a retenu que l'urgence de vendre les biens immobiliers indivis est démontrée dès lors que les ex-époux sont tenus au paiement de charges de copropriété très importantes générant des arriérés récurrents.
M. [P] indique ainsi avoir réglé pour le compte de son épouse la somme de 44 021,74 euros pour la période de jouissance privative pendant laquelle les charges de copropriété ont été mises à sa seule charge, sans qu'elle le contredise sur ce point.
Il a par ailleurs été souligné à plusieurs reprises dans les décisions rendues entre les parties que l'occupation du domicile conjugal constitué par un appartement de près de 160 m² ne se justifiait pas dans le contexte du divorce, constat qui est d'autant plus pertinent à ce jour que Mme [O] occupe dorénavant seule les lieux depuis le départ de son fils [U], qu'elle a relogé en 2021.
Il ressort encore de la procédure que les parties ont été condamnées solidairement, par jugement du 14 janvier 2019, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 23 809,52 euros correspondant aux charges impayées entre le 1er juillet 2012 et le 1er juillet 2018, et que M.[P] s'est acquitté seul du paiement des causes du jugement en procédant à deux versements de
24 509,52 euros et de 721,52 euros, les 30 janvier 2019 et le 25 mars 2019.
Ainsi que l'a retenu le premier juge, il apparaît que les impayés de charges ont persisté après ce jugement puisque M. [P] a effectué les paiements suivants qui ne sont pas contestés:
- le 26 avril 2019 : 2 770,60 euros,
- le 4 octobre 2019 : 9 253,06 euros,
- le 15 juin 2020: 4 861,03 euros.
Le 8 février 2022, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure les ex-conjoints d'avoir à payer un arriéré de [Cadastre 2] 557, 64 euros.
Il résulte du décompte de charges établi le 19 janvier 2023 que M. [P] a réglé entre le 23 février 2022 et le 7 décembre 2022 la somme de 6 500 euros et que le solde débiteur au 17 janvier 2023 était encore de 13 507,47 euros tandis que Mme [O] justifie seulement de deux paiements de 500 euros et de 450 euros, les 12 et 17 janvier 2023.
Contrairement à ce que soutient Mme [O], son ex-époux ne peut se voir imposer d'assumer seul une telle dépense pour lui permettre de se maintenir dans les lieux alors que le devoir de secours a pris fin depuis que le jugement de divorce est devenu définitif le 27 mars 2018. Il est donc indifférent de savoir si M. [P] est en capacité ou non de faire face à ces charges.
C'est par ailleurs à juste titre que le premier juge a retenu que le maintien de Mme [O] dans les lieux l'expose à l'augmentation de l'indemnité d'occupation à laquelle elle est tenue, alors qu'elle a été déboutée de sa demande d'attribution préférentielle et qu'elle ne dispose manifestement pas des fonds lui permettant de racheter la part de M. [P], et que dans ces conditions, l'intérêt commun commande de procéder à la vente des biens immobiliers pour permettre de mener le partage à son terme.
Le fait qu'elle ait proposé de vendre le bien de [Localité 8] dès 2014, sans recueillir l'accord de M. [P], n'établit pas l'absence d'urgence de vendre, dès lors que pendant la phase amiable, les parties avaient envisagé de conserver chacune un des biens, et que ce n'est qu'en constatant en juin 2021 l'échec des pourparlers engagés dès le 12 juin 2018 pour le partage amiable que M. [P] s'est résolu à solliciter la vente des biens concomitamment à la procédure de partage judiciaire.
Il est par ailleurs établi qu'en dépit du jugement dont elle fait appel, Mme [O] a donné un mandat de vente pour l'appartement qu'elle occupe à [Localité 9], non communiqué malgré deux sommations, et qu'elle souhaite fixer la mise à prix à 1 850 000 euros sur la base de deux estimations du bien réalisées en juin 2022 par la société Saint Ferdinand fixant le prix de vente de 1800 000 à
1 900 000 euros nets vendeur et par l'agence Impact Immo pour un prix de
1 800 000 euros nets vendeur.
M. [P] justifie avoir donné un premier mandat de vente à l'[...] le 10 juin 2022 au prix de 1 890 000 euros, puis un mandat non exclusif au prix de 1 820 000 euros le 10 septembre 2022. Il justifie n'avoir reçu depuis le jugement qu'une seule offre d'achat en novembre 2022 au prix de 1 500 000 euros.
Au mois d'octobre 2022, l'[...] signalait déjà une baisse importante du nombre de visites en lien avec le ralentissement du marché immobilier (augmentation des intérêts d'emprunt, resserrement des conditions d'octroi des prêts aux ménages, conjoncture internationale). Elle recommandait par ailleurs, compte tenu de l'état d'usage du bien et de l'importance des travaux de rénovation à réaliser, une baisse importante de prix qui était alors de 1 650 000 euros, conformément au jugement.
Force est de constater qu'en dépit des deux évaluations qu'elle produit, Mme [O] ne justifie à ce jour d'aucune offre d'achat à ce prix.
Il en résulte que non seulement la vente est le préalable nécessaire aux opérations de liquidation partage mais encore que les parties ne s'entendront pas sur une mise à prix permettant de réaliser la vente, alors que cet appartement que Mme [O] occupe seule n'est plus adapté à ses besoins, et représente une charge financière très importante.
Mme [O] ne démontre pas qu'elle serait dans l'incapacité financière de se reloger, étant relevé qu'elle ne fait pas état de ses ressources personnelles dans le cadre de la procédure et qu'elle a perçu une prestation compensatoire de 200 000 euros.
Il y a lieu dans ces conditions, de confirmer le jugement en ce qu'il a autorisé M. [P] à vendre seul les deux biens indivis.
Compte tenu des observations qui précèdent, il convient de faire droit à la demande incidente de M. [P] l'autorisant à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis [Adresse 3] à [Localité 9] au prix minimum de 1.500.000 euros.
Sur la fixation de l'indemnité d'occupation et la condamnation de Mme [O] au paiement d'une provision au titre de l'indemnité d'occupation
L'article 815-9 du code civil dispose: ' Chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal.
L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.'
Selon l'article 1380 du code de procédure civile, les demandes formées en application de l'article 815-11 du code civil sont portées devant le président du tribunal judiciaire qui statue selon la procédure accélérée au fond.
L'article 815-11 du code civil énonce que tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
A défaut d'autre titre, l'étendue des droits de chacun dans l'indivision résulte de l'acte de notoriété ou de l'intitulé d'inventaire établi par le notaire.
En cas de contestation, le président du tribunal judiciaire peut ordonner une répartition provisionnelle des bénéfices sous réserve d'un compte à établir lors de la liquidation définitive.
A concurrence des fonds disponibles, il peut semblablement ordonner une avance en capital sur les droits de l'indivisaire dans le partage à intervenir.
Mme [O] sollicite l'infirmation du jugement qui a fixé l'indemnité d'occupation au motif que le premier juge n'était saisi d'aucune demande à ce titre et a statué ultra petita. Elle soutient par ailleurs qu'il n'y a pas lieu à condamnation provisionnelle dès lors que le bénéfice de l'indivision n'est pas déterminé et qu'en tout état de cause, cette condamnation porte atteinte à ses droits de manière démesurée dans la mesure où il ressort du projet liquidatif qu'elle est susceptible de ne devoir aucune soulte à M. [P] à l'issue des opérations de liquidation.
Il résulte des énonciations du jugement reprenant les demandes formulées par M. [P] dans ses conclusions écrites et soutenues oralement que celui-ci demandait la condamnation de Mme [O] à lui payer :
- la somme de 191 520 euros à titre provisionnel au titre des indemnités d'occupation pour la période du 14 juin 2012 au 14 novembre 2021 de l'appartement du [Adresse 3] à [Localité 9] ,
- chaque mois, à compter du 14 décembre 2021 la somme de 1 710 euros par mois à titre provisionnel au titre des indemnités d'occupation pour l'occupation de l'appartement du [Adresse 3] à [Localité 9], jusqu'à libération complète des lieux par Mme [O] (...).
Le premier juge a fait droit à la demande provisionnelle de 191 520 euros de M. [P], en retenant une indemnité mensuelle de 3 420 euros due pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021, soit 112 mois ( 3 420 x 112 / 2) et l'a débouté de sa demande de versement périodique d'une indemnité de 1 710 euros correspondant à la moitié du montant de l'indemnité retenue.
Le juge n'a donc pas statué ultra petita en fixant le montant mensuel de l'indemnité d'occupation à la somme de 3 420 euros, même si cette demande n'a pas fait l'objet d'une prétention distincte des conclusions du demandeur.
Mme [O] conteste le quantum de l'indemnité qu'elle juge excessif. Elle soutient que le premier juge ne disposait pas des éléments nécessaires pour procéder à cette évaluation qui a été faite sur la base d'un rapport de la chambre des notaires de Paris datant de 2019, alors que le marché locatif a évolué depuis 2012; qu'il convient de calculer l'indemnité année par année, en fonction de l'indice de référence des loyers; que selon le projet liquidatif établi en 2016 par Maître [D], l'indemnité était alors évaluée à 3 500 euros. Elle produit en pièce 19 un calcul de la valeur locative annuelle du bien effectué par Maître [R], en fonction de la variation de l'indice de référence, de janvier 2011 à janvier 2022.
Elle estime que l'abattement de 10% pratiqué, inférieur aux 20% habituellement appliqué, est injustifié alors que les trois enfants du couple ont résidé avec elle, ensemble ou séparément jusqu'au mois de juin 2021, date à laquelle [U] qui présente des troubles psychologiques importants a déménagé.
M. [P] conclut à la confirmation du jugement. A titre incident, il demande que le montant de l'indemnité d'occupation dû par Mme [O] à l'indivision soit actualisé au mois de janvier 2023 pour la somme de 434 340 euros et sollicite sa condamnation à lui payer à titre provisionnel la somme de 217 570 euros.
Il résulte du jugement que Mme [O] n'a produit en première instance aucune estimation récente de la valeur locative du bien. Elle est donc mal-fondée à critiquer l'évaluation retenue sur la base des éléments fournis par M. [P], alors même qu'elle ne propose aucun autre chiffrage dans ses conclusions d'appel dans la mesure où elle conteste le principe même de la provision sollicitée par M. [P].
Mme [O] ayant conclu au débouté pur et simple de M. [P], alors même que le principe de l'indemnité d'occupation pour jouissance privative n'est pas contesté, et qu'elle ne propose dans ses conclusions aucun chiffrage en dépit des pièces qu'elle a produites, notamment le décompte des indemnités établi par Maître [R] qu'elle semble accepter (sa pièce 19), elle ne met pas la cour en mesure de procéder à une autre évaluation que celle sollicitée par l'intimé.
La demande n'étant pas fondée sur le dernier alinéa de l'article 815-11 du code civil, prévoyant la possibilité d'allouer à un indivisaire, dans la limite des fonds disponibles, une provision en capital sur ses droits à intervenir dans le partage, il n'y a pas lieu de répondre aux moyens de Mme [O] sur ce fondement.
Toutefois, il n'y pas lieu d'accorder à M. [P] une provision portant sur le montant brut de l'indemnité d'occupation alors que les dispositions légales exigent la détermination des bénéfices
de l'indivision à partir d'un compte de gestion annuel portant sur l'ensemble des biens de l'indivision qu'en l'espèce aucune des parties ne produit aux débats, de sorte qu'ainsi que l'indique Mme [O], sa condamnation est infondée et risque, même à titre provisonnel, de porter une atteinte excessive à ses droits.
Le jugement est par conséquent infirmé en ce qu'il condamne Mme [O] au paiement de la somme provisionnelle de 191 520 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, et M. [P] est débouté de sa demande de condamnation provisionnelle actualisée au mois de janvier 2023.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande de paiement mensuel de la moitié de l'indemnité d'occupation, celle-ci accroissant à l'indivision et n'étant pas susceptible d'un paiement périodique à un indivisaire.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Compte tenu de l'issue du litige, il y lieu de dire que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre partie.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :
INFIRME partiellement le jugement en ce qu'il condamne Mme [O] au paiement de la somme de 191 520 euros, au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
Statuant à nouveau de ce chef,
DEBOUTE M.[Y] [P] de sa demande de condamnation de Mme [O] au paiment de la somme de 191 520 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 au 14 octobre 2021 avec intérêts au taux légal à compter de la décision.
CONFIRME le jugement pour le surplus.
Y ajoutant
AUTORISE M. [Y] [P] à signer seul tout mandat de vente, promesse de vente et acte authentique afférent au bien immobilier indivis [Adresse 3] à [Localité 9] au prix minimum de 1.500.000 euros
DEBOUTE M. [Y] [P] de sa demande de condamnation de Mme [I] [O] de sa demande de provision d'un montant de 217 170 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période du 14 juin 2012 jusqu'au 14 octobre 2021, avec intérêts au taux légal à compter du 19 mai 2022.
REJETTE toute autre demande.
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jacqueline LESBROS, Présidente de chambre et par Madame ASETTATI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,